Chapitre 7.

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— En vous souhaitant une bonne journée, terminais-je avec un sourire fatigué.

Le réveil avait été rude. Il fallait dire aussi que je n’avais pas beaucoup fermé l’œil de la nuit. Trop occupée à ruminer les évènements de la journée d’hier. Et même encore maintenant, alors que j’étais au boulot, je repensais à cette journée que je ne saurais qualifier.

Ce matin, j’étais avec Avery – la blonde qui avait pris mon numéro la première fois que j’étais venue. Elle était très gentille, mais pas très bavarde ce qui m’arrangeait bien.

Heureusement, il ne restait plus que quelques minutes avant que l’on nous relève.

J’étais en train de gribouiller sur une feuille de papier pour tenter de canaliser mon esprit sur autre chose quand une voix, dorénavant familière, m’interpella.

— Arrête de faire souffrir cette pauvre feuille.

Un petit sourire étira mes lèvres.

— Je m’imagine que c’est ta tête.

Je relevai la tête et admirai son air faussement outré.

— Je suis profondément choqué, joua-t-il en posant une main sur son cœur.

Je secouai la tête en riant.

— Tu devrais être plus gentil avec moi.

J’arquai un sourcil.

— Hé oui ! En plus, je suis tellement parfait que je t’ai ramené à manger.

Il souleva son bras de manière à dévoiler un sac en papier marron. Je me mordis la lèvre ce qui le fit sourire. Mon estomac choisit ce même moment pour gargouiller un bon coup.

— J’ai bien fait, sinon tu m’aurais dévoré. gloussa-t-il.

— Gné, dis-je en grimaçant.

Je me levai de ma chaise pour laisser place à notre relève. En me retournant, je vis Cameron approcher. Nous nous regardâmes dans le blanc des yeux quelques secondes avant que je ne détourne les yeux. Je n’étais pas encore prête à l’affronter lui ou les autres. Mais lui s’arrêta à ma hauteur, visiblement il voulait discuter.

— Alyna, par rapport à hier, je…

Je n’étais vraiment pas prête à en entendre davantage. Je passai à côté de lui du plus vite que je pouvais sans dire un mot, pris mon sac et sortis pour rejoindre Noé devant le guichet.

Je m’étais encore enfuie. Cependant, mon geste était compréhensif. Non ?

— J’espère que tu m’as pris des bonnes choses.

Je tirai légèrement sur le bord du sac en papier pour jeter un petit coup d’œil à l’intérieur. L’odeur qui s’en empêcha me donna l’eau à la bouche.

— Bas les pattes !

Il accompagna le geste à la parole en me tapant les doigts et en retirant le sac de ma portée.

— Tu es encore plus impatiente qu’une enfant.

— C’est même pas vrai d’abord, contrai-je avec une moue boudeuse.

Son visage se fendit d’un nouveau sourire et il secoua la tête. Bon, il n’avait peut-être pas tout à faire tort. Parfois, ma patience était assez limitée surtout en ce qui concernait la nourriture. J’étais un vrai ventre sur pattes.

Après être monté chacun sur nos planches respectives, Noé m’avait conduite dans un petit coin sympa d’un parc pour que nous puissions déjeuner tranquille. Nous étions installés contre un arbre et nous avions vue sur le petit lac.

Je fixai les canards qui se laissaient aller sur l’eau tout en mangeant mon tacos. Je tentai de focaliser mon esprit sur autre chose que les événements de la veille mais c’était compliqué. J’avais bien conscience que mon cousin n’avait pas complètement mérité que je lui vole autant dans les plumes. Je n’avais pas su gérer mon trop plein d’émotion, je ne pouvais le nier. D’un côté, je m’en voulais d’avoir explosé. J’aurais dû faire preuve de self-control. Je regrettais également que mon oncle et ma tante ait découvert la vérité de cette manière. Il n’y avait pas de bonne façon de le leur avouer mais celle-ci était de loin de la pire – du moins pas du tout celle que j’avais imaginé. Je n’avais pas non plus planifié d’avouer ces années de maltraitance à ses amis. Ils devaient déjà me prendre pour une fille bizarre ou froide, je n’avais pas besoin que leur pitié se rajoute au lot. Je ne voulais pas que les gens me regardent différemment ou me traitent différemment. Lorsque j’étais à Manhattan International High School, les élèves faisaient déjà circuler des rumeurs étranges sur moi à cause de mes fréquentations ou, devrais-je plutôt dire, d’une certaine fréquentation. Il était donc hors de question que je leur donne une raison de plus de parler sur moi. Et je n’avais pas envie que cela recommence ici même si les choses étaient différentes. Je savais quelles erreurs je ne devais pas reproduire. C’était notamment la raison pour laquelle je ne souhaitais pas particulièrement étendre mon cercle d’ami à la base qui était déjà devenu inexistant depuis quelques temps. Mais ça, c’était avant de rencontrer Noé.

J’étais parfaitement consciente que je ne l’avais rencontré que la veille et pourtant j’avais l’étrange sensation de le connaître depuis toujours. Je n’avais connu ce sentiment qu’une seule lorsque j’avais fait la connaissance de deux personnes extraordinaires. Cette familiarité me terrifiait autant qu’elle m’apaisait. Je ne voulais surtout pas revivre ce que j’avais vécu par le passé. Je ne le supporterais pas cette fois-ci.

— À quoi tu penses ?

J’inclinais la tête sur la droite pour l’apercevoir. Il me fixait de ses yeux d’un vert froid donnant l’impression de sonder mon âme.

Je fis la moue, ne sachant pas trop quoi lui répondre.

— Tu repenses encore à ce qui s’est passé hier ?

— Possible.

Il avala la dernière bouchée de son repas avant de mettre en boule l’emballage en papier.

— Tu n’as pas à t’en vouloir.

Lorsque nous étions rentrés chez lui la veille au soir, nous n’avions pas discuté de ce qui s’était passé. Je n’en avais pas la moindre envie et il l’avait sûrement senti car il n’a pas essayé de mettre le sujet une seule fois sur le tapis. Il avait respecté mon silence.

Je ne connaissais pas son opinion mais je ne m’attendais pas à un tel positionnement de sa part. Surprise, je fronçais les sourcils.

— Arrête de faire ça, me chambra-t-il en désignant mon visage, tu vas finir avec des rides.

Je me forçai à défroncer mon visage mais j’étais trop perplexe pour y arriver. Je dûs faire une grimace plutôt bizarre qui déclencha le rire de Noé. Il avait un rire toujours aussi léger et joyeux qui vous donnait l’envie de rire avec lui, même si ne vous étiez pas d’humeur ou que vous ne connaissiez pas l’objet de son amusement.

— Bon, au lieu de rire comme une otarie à l’agonie, tu veux bien éclaircir ta pensée. le rembarrais-je d’un coup de coude.

Il se stoppa net et me dévisagea. Il fallait que je me pince la cuisse pour me retenir d’éclater de rire à mon tour face à son air offusqué.

— D’un, j’ai le plus beau rire qui existe sur cette terre. Tu en es juste jalouse, commença-t-il en faisant le décompte avec ses doigts. De deux, tu n’as pas le droit de dire du mal des otaries qui sont des êtres vivants fort sympathiques. (Je feins le désespoir en secouant la tête.) De trois, je réitère ce que j’ai dit : tu n’as pas à t’en vouloir.

Il recoiffa ses cheveux châtains en arrière.

— Je ne connais pas ton cousin, et il ne méritait sans doute pas de se prendre l’ouragan Alyna en pleine face. (La boule de culpabilité qui avait pris naissance dans mon ventre se contracta davantage.) Pour autant, c’est lui qui a insisté alors que je l’avais mis en garde. Et je n’arrive pas à saisir comment il a pu ne pas se rendre compte que cette discussion aurait dû être remis à plus tard. Je te connaissais depuis moins d’une journée et j’ai su m’en apercevoir.

Je n’avais pas les mots. Au fond, même si j’avais eu tendance à me blâmer pour ce qui c’était passé hier, une partie de moi pensait la même chose. Certes, Jaeden ne connaissait pas l’intégralité de l’histoire. Pour autant, il était celui qui me connaissait le mieux. Il aurait dû s’en rendre compte. Il était clair que le moment était mal choisi.

— Il aurait dû voir que ce n’était pas le bon moment, surtout que vous n’étiez pas seuls et il le savait. (Il souffla bruyamment.) Pour moi, les torts lui reviennent.

Les mots me manquèrent. La boule jusque-là dans mon ventre vînt se loger dans ma gorge m’empêchant de déglutir correctement.

Son regard dériva vers le lac. La colère déforma les traits si détendus de son visage et teinta sa voix si douce.

— S’il avait été capable de patienter, tu n’aurais pas été forcée d’éclater en plein vol. Tu n’aurais pas été obligée de lui avouer tes plus sombres secrets d’une façon si difficile. (Il attrapa un caillou sur sa droite et le jeta rageusement dans le lac.) Ta famille n’aurait pas eu à découvrir de cette façon le monstre qui se cachait derrière celui qu’ils croyaient connaître et qu’ils aimaient. (Son regard perçant se reconcentra à nouveau sur moi. Il dégageait une si grande intensité qu’il fit naître une vague de frisson.) J’imagine qu’il a agi sous le coup de la colère, je suis assez bien placée pour le savoir, mais il a été égoïste.

Mes yeux s’étaient embués de larmes. Je détournai la tête et m’essuyai le visage. La façon dont il avait exposé les choses, l’intonation de sa voix, tout en fait me touchèrent au plus haut point. Cela faisait longtemps que quelqu’un n’avait pas pris ma défense de la sorte. Et j’étais incapable de lui répondre. Les mots s’échappaient les uns après les autres.

— Je pensais tout ce que j’ai dit, ajouta-t-il d’une voix adoucie. Et si un jour, tu éprouves le besoin de t’échapper pour quelque raison que ce soit, ma porte sera toujours ouverte. Sache que tu pourras toujours compter sur moi, quoi qu’il arrive.

L’émotion me serra tellement le cœur que, pour la deuxième fois en moins de vingt-quatre heures, je l’encerclais de mes bras. Il sembla pris au dépourvu avant d’encercler à son tour ma taille.

— Merci, finis-je par dire qu’une voix rauque.

Pour réponse, il resserra son étreinte avant que l’on ne s’éloigne l’un de l’autre.

Les deux heures qui suivirent passèrent à une vitesse ahurissante. Nous avions chahuté comme des enfants au début et il m’avait ensuite raconté des pans de sa vie. J’en avais appris plus à son sujet.

Noé n’avait pas connu son père car il s’était enfuit en apprenant la grossesse et il était mort quelques années plus tard. Il était assez flou sur la cause de son décès. Je n’avais pas insisté sur la question car il n’avait pas l’air de vouloir en parler. Il le ferait quand il se sentirait prêt ou qu’il en ressentirait le besoin.

Il avait uniquement grandi avec sa mère, et la famille de son paternel. Malgré son air détendu et le petit rictus qui déformait ses lèvres par moment quand il me racontait des moments de bonheur partageait avec sa mère, je percevais cette lueur dans son regard. Même s’il essayait de le cacher, cela se voyait qu’il avait souffert de cette absence de figure paternelle dans sa vie. Ce n’était déjà pas évident de vivre avec l’absence d’un parent, mais cela était d’autant plus vrai pour un petit garçon qui grandit sans père.

Et j’étais plutôt bien placée pour le comprendre. J’avais également grandi sans mère puisqu’elle est partie l’année de mes quatre ans.

J’imaginais très bien quel genre de petit garçon il avait dû être. Une tête-brûlée qui avait dû tenter les quatre cents coups et qui avaient dû causer énormément de soucis à sa pauvre maman.

Après cette conversation sur son enfance, je percevais une nouvelle facette de lui et j’avais appris à décrypter certaines de ses barrières et mimiques.

Un silence reposant venait de s’installer entre nous. Nous contemplions tous les deux le lac en sachant pertinemment qu’il allait devoir partir pour le travail.

— Qu’est-ce que tu comptes faire ?

— Je ne sais pas encore, mais je ne suis pas sûre d’avoir la force d’affronter qui que ce soit.

— Oh.

Déroutée par cette simple réponse, je tournai vivement les yeux dans sa direction. Je n’aimais pas du tout ça.

— Quoi ? (Il se mordit la lèvre supérieure.) Qu’est-ce que tu as fait ?

— Il se pourrait que quelqu’un ait envie de discuter avec toi, confia-t-il en m’indiquant du menton une personne derrière moi.

Je n’avais pas besoin de voir qui se trouvait derrière pour comprendre de qui il s’agissait. Mon corps se raidit instantanément alors que mon rythme cardiaque s’accéléra.

Noé se pencha dans ma direction pour que je sois la seule à l’entendre.

— Même si je pense qu’il a eu tort et qu’il a été égoïste, je sais qu’il tient énormément à toi et que cette distance entre vous te fait souffrir. C’est pour ça que je lui ai demandé de venir.

Je restai muette face à cette confidence et le regardai partir sans bouger. Je restai encore parfaitement immobile lorsque Jaeden se posta dans mon champ de vision.

Ma gorge était devenue sèche et je rencontrais des difficultés à déglutir.

Note à moi-même : penser à remercier Noé d’une pichenette derrière l’oreille.

Mon regard croisa ses prunelles d’un gris orage. La douleur que j’y vis me déchira le cœur et me força à détourner la tête. Cela réveilla ma culpabilité qui me serra le ventre. Mais ce n’était pas le seul sentiment. Sa réaction m’avait particulièrement blessée et je ne pouvais pas faire comme si cette souffrance n’existait pas, comme si ma souffrance ne comptait pas. Je m’étais attendue à ce qu’il me comprenne, à ce qu’il me soutienne et au lieu de ça, il m’avait enfoncé.

— C’est Noé qui m’a averti que vous seriez ici et qui m’a dit de venir au moment où il partirait pour le travail pour que l’on puisse discuter. (Je restai muette, le regard toujours porté sur le lac.) Il est venu me trouver à la maison ce matin et il m’a passé un savon. Je n’étais pas prêt à ce qui m’ait tombé dessus. Je ne sais pas d’où il sort mais ça se voit qu’il tient déjà à toi et qu’il ne laissera personne s’en prendre à toi. (Il marqua une pause.) Je l’aime bien.

Un sourire en coin se forma sur mon visage mais je le fis partir aussi vite.

— Al’, souffla-t-il, tu n’imagines pas à quel point je m’en veux. Je n’en ai pas fermé l’œil de la nuit. J’ai vraiment réagi comme un con et je suis désolé de m’en rendre compte qu’après coup.

Je sentais à l’intonation de sa voix qu’il était sincère. Mais est-ce que cela suffisait vraiment ? Je n’en savais rien.

— Mon rôle était de te protéger. Je m’en veux d’y avoir failli hier ainsi que ces dernières années. Je t’ai abandonnée à ton sort, c’était lâche de ma part de prétendre que je ne pouvais rien faire. Je…j’aurais dû en parler à quelqu’un même si tu me l’interdisais. J’aurais pu arrêter tout ça et j’auras .

Comment pouvait-il dire ça ? Ce n’était pas la vérité. S’il n’avait pas été à mes côtés pour me soutenir, je n’aurais jamais pu encaisser.

— Ne dis jamais ça, protestai-je en verrouillant mon regard au sien. Tu as été mon seul soutien dans cette famille, le seul à savoir ce qui se passait vraiment. Si tu n’avais pas été là, les choses auraient été bien plus difficiles. Tu ne mesures même pas à quel point ta présence et ton soutien ont été importants.

Je me penchai vers lui pour attraper sa main et la serrer dans les miennes.

— Il est clair que tu n’as pas su me comprendre sur certaines choses, notamment parce que tu ne connaissais pas toute la vérité, et pourtant je ne saurais jamais exprimer au combien je te suis reconnaissante de m’avoir tenu la main pendant toutes ces années.

Je ne mentais pas, car même s’il n’avait pas connaissance de son existence et des moments difficiles que j’avais passé ces derniers mois non pas à cause de mes géniteurs, Jaeden avait été là. Il avait été le dernier soutien qui me restait et s’il m’avait lâché, je n’y aurais pas survécu.

Une montée de larmes se manifesta pour la deuxième fois cet après-midi.

— Et je te suis énormément reconnaissante de ne l’avoir jamais lâché. Tu étais la dernière personne qui me restait.

Il ne sembla pas comprendre le sens de cette dernière phrase, et c’était tout à fait normal.

Ses iris de la même couleur qu’un orage d’été luisaient, signe qu’il était aussi affecté par cette conversation que je l’étais.

Il ne tarda pas à me prendre dans ses bras et, instinctivement, j’enfouis ma tête dans son étreinte. Cela me procurait un réconfort immense et des morceaux brisés de mon cœur se resoudèrent entre eux.

— Je suis tellement désolé pour hier. Mon inquiétude m’a aveuglé et j’en suis devenu égoïste. J’étais concentré sur mes propres sentiments et j’ai été incapable de voir ta détresse. (Il déglutit.) Pardonne-moi.

En guise de réponse, je resserrai mon étreinte.

Bien sûr que je le pardonnais. Je ne pouvais pas rester fâchée contre lui bien longtemps. Cela me faisait bien trop de mal.

Quand il se dégagea, il m’embrassa tendrement le front comme à son habitude. Cette marque d’affection venant de lui était régulière. Elle représentait une sorte de protection.

— Dorénavant, quoi qu’il arrive, je te promets de faire tout ce que je peux pour te protéger. (Une détermination que je ne lui connaissais pas teintait son visage.) Je ne veux plus que l’on te fasse du mal.

Je pinçai les lèvres.

Ces paroles auraient dû me toucher. Pourtant, je ressentis un pincement au cœur car je savais que malgré toute sa volonté, il ne pourrait pas empêcher des personnes mal intentionnées de s’en prendre à moi, il ne pourrait pas l’empêcher lui.

— J’aimerais que tu me promettes quelque chose.

Il replaça une mèche de cheveux, qui se balançait devant mes yeux, derrière mon oreille.

— Tout ce que tu veux.

— Promets-moi que tu ne me lâcheras jamais la main, que quoi qu’il arrive tu seras toujours à mes côtés.

Je ne saurais décrire la lueur qui brilla dans ses yeux à cet instant précis, mais elle était intense. S’il avait été surpris par ma demande, il n’en montra rien.

— Promis, certifia-t-il sans hésiter.

Il releva le petit doigt et je compris sa demande muette. Mon petit doigt vînt encercler le sien ce qui cella une promesse entre nous.

Cela rassura une partie de mon âme, car même si mon cœur s’obstinait à croire qu’il ne découvrirait jamais la vérité, une partie plus raisonnable – plus réaliste – savait que la vérité finirait par éclater tôt ou tard. Et par cette promesse, un espoir était né. Finalement, peut-être que tout le monde ne me tournerait pas le dos quand il apprendrait la vérité sur mes erreurs du passé – sur moi.

Le silence retomba entre nous quelques instants. Mon esprit s’était une nouvelle fois perdu dans la contemplation du lac, comme si ce dernier allait me donner les réponses à mes questions.

Jaeden me donna un léger coup de coude.

— Tu rentres avec moi ?

Comme tout à l’heure, quand mon corps avait compris que Jaeden se tenait derrière moi, mon corps se paralysa et les battements de mon cœur s’affolèrent. À la seule pensée de retrouver ses parents, j’étais totalement terrifiée.

Que pouvaient-ils bien penser ? Croire ? Me croyaient-ils moi ? Ou étaient-ils énervés car ils étaient persuadés que j’avais salis la réputation de leur famille défunte ?

Trop de questions pour lesquelles je n’avais pas de réponses.

— Ça va aller, m’apaisa-t-il, tout va bien se passer. Il faut que tu aies une discussion avec eux, vraiment. (Il se rapprocha de moi pour passer son bras sur mon épaule.) Puis, je serais là moi. Je ne te lâcherai pas de tout du long.

J’examinai son regard pour y déceler la moindre pointe de mensonge et je n’y vis que de la douceur et de l’amour. Cela me réconforta légèrement.

Incapable de parler à cause de la boule qui avait commencé à prendre forme dans ma trachée, j’opinai simplement du chef.

Sur le chemin du retour, il tenta de me changer les idées en me racontant des conneries qu’il avait pu faire avec Noah et Cameron ce qui me détendit un peu et me mortifia davantage. Cela ne faisait qu’amplifier la culpabilité que je ressentais à l’égard de ses amis et surtout de Cameron. Ils n’avaient vraiment pas mérité mon comportement.

Par moment, je l’observais pendant qu’il parlait. Je réalisais alors qu’il avait toujours été là, dans les bons comme dans les mauvais moments. Je me remémorais – en version accélérée – tout ce temps passé ensemble. Il était clair qu’il était bien plus qu’un simple cousin dans mon cœur, il était le frère que je n’avais jamais eu. Je ne lui avais jamais avoué – fallait dire que l’expression de mes sentiments n’était pas ma grande spécialité. Au fil des années, une barrière s’était érigée tout autour de moi et c’était d’autant plus solidifiée au cours des derniers mois. Je possédais un véritable blocage et m’ouvrir aux autres était devenue quelque chose d’exceptionnel. La raison pour laquelle je m’étais aussi facilement ouverte à Noé était un mystère, mais ce n’était pas nécessairement pour me déplaire. Cela faisait du bien de pouvoir à nouveau parler à quelqu’un d’autre.

Au bout de quelques minutes, nous finîmes par arriver sur le palier de la porte d’entrée. Mon angoisse s’intensifia. J’appréhendais énormément cette discussion. Je n’en connaissais pas l’issue, et j’espérais du plus profond de mes entrailles que celle-ci serait positive.

Et s’il me rejetait ?

Instinctivement, j’attrapai la main de mon cousin et il exerça aussitôt une pression sur mes doigts pour signifier sa présence. Il me lança un regard entendu et nous entrâmes dans la maison.

Une fois à hauteur du salon, mon cœur se comprima davantage dans ma cage thoracique. La scène qui se déroulait dans le salon me donnait envie de me gifler.

Ils étaient assis sur le sofa, ma tante blottie dans les bras de son époux. Elle avait les yeux rouges et bouffis en plus d’arborer une mine triste et vide.

Je ne devais pas y être pour rien.

Il était temps que cette discussion ait lieu. Je n’avais plus le droit de reculer, et je leur devais bien ça.

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