Chapitre 3.

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Mon dieu, mes poumons étaient en feu. Ce footing du matin avait été plus qu’intensif. J’étais parti tôt pour qu’il ne fasse pas encore trop chaud, malgré tout, la chaleur de ce mois de juin se faisait bien ressentir.

Je finis la rue à pied pour laisser à mon cœur le temps de ralentir un peu. Une fois rentrée, je me dirigeai directement vers la cuisine pour prendre une bouteille d’eau. Jae’ débarqua au moment où je me penchai dans le frigo pour attraper une bouteille.

— Qu’est-ce que tu fais ?

— J’ai chaud, ça ne se voit pas ? dis-je sarcastiquement.

— Ha ha, c’est hilarant. (Il sortit une bouteille de jus d’orange à son tour alors que je m’étais décalée pour boire de grandes goulées.) Tu finis à quelle heure ce soir ?

Le patron du parc gonflable m’avait téléphoné le lendemain pour fixer un entretien dans la journée. Comme il s’agissait d’une demande assez urgente, il n’avait pas hésité longtemps avant de m’engager. J’étais à l’essai pour une semaine, mais j’étais assez confiante. Il m’avait expliqué rapidement ce que je devrais faire et ce n’était rien de bien sorcier.

— 20h.

— Ok. (Il s’installa sur un tabouret rangé sous le plan de travail pour manger ses céréales.) Je pourrais venir te récupérer si tu veux.

Je fronçais les sourcils.

— Tu n’as pas déjà une soirée de prévu chez tes amis ?

— Si.

J’étais définitivement perdue.

Je m’appuyais contre l’îlot en face de lui.

— Tu ne vas pas annuler pour moi. Je peux me débrouiller toute seule.

— Qui a dit que j’allais annuler ? (Mon cerveau était en train de comprendre où il voulait en venir et ça ne me plaisait pas du tout.) Ne commence pas à faire cette tête-là !

— Quelle tête ?

Je fis mine de ne pas savoir de quoi il parlait.

— Al’, arrête. Je te connais par cœur.

Bon, la tournure de cette conversation ne me plaisait guère. Heureusement pour moi, il était grand temps que je prenne une douche.

Oui, oui j’allais fuir. J’étais très douée pour ça.

— Oh non, non. (Il se leva et me rattrapa par le bras.) Je sais ce que tu essais de faire et ça ne va pas marcher. Pas cette fois.

— Je ne vois…

— Ne commence pas à nier, me coupa-t-il. Bref, ce soir je viens te chercher à 20h quand tu auras fini et je t’amènerais avec moi chez Noah. J’ai déjà vu avec lui, c’est ok et tout le monde a hâte de te rencontrer.

Un guet-à-pan, voilà ce que c’était. Je détestais quand il faisait ça.

— Je n’ai pas le choix à ce que je vois.

— Nop.

À la vue de son petit air fier, je grognai avant de quitter la pièce.

— Moi aussi je t’aime, rit-il.

— Pas moi !

Je ne pouvais pas lui en vouloir. Je savais très bien qu’il faisait ça pour mon bien, mais il ne saisissait pas à quel point c’était dur pour moi.

Il était vrai qu’il n’était pas au courant de toute l’histoire. Pour lui, la vie était dure à la maison certes, mais je pouvais me reposer sur mes amis du lycée. C’était vrai, au début, mais quand les choses se sont envenimées, j’avais légèrement enjolivé la situation pour qu’il ne se fasse pas plus de souci qu’il ne s’en faisait déjà.

Au début, les gens du lycée se contentés de m’ignorer. Ce qui me convenait parfaitement. Mais quand les autres ont finis par avoir vent de mes fréquentations, les gens avaient commencé à parler. Certains me détestaient, d’autres me craignaient. Au début, je ne comprenais pas du tout pourquoi et ça avait eu tendance à m’énerver alors j’avais entretenu cette relation de méfiance au lieu de la démentir. La méchanceté des autres me faisait horreur, pourtant j’avais vite compris mon erreur quand j’avais découvert l’envers du décor. Finalement, ce n’était pas eux qui étaient méchants…

Heureusement, j’avais eu la chance de connaître des personnes extraordinaires. Les moments que j’avais pu passer avec eux avaient été magiques. Mais c’était le passé. Un passé aussi beau que douloureux que je ne pouvais pas partager avec mon cousin.

Je n’avais pas le courage de lui expliquer à quel point je me sentais seule et pourquoi c’était le cas. Non seulement je ne voulais pas qu’il me regarde différemment une fois qu’il connaîtrait toute la vérité, mais j’en avais également honte. Tout était ma faute, et la culpabilité me rongeait de l’intérieur.

Au fond, je savais qu’il éprouvait énormément de peine pour moi. Lui raconter toute l’histoire entraînerait plus de peine et, je ne voulais pas que l’on s’apitoye sur mon sort. Il ne me jugeait pas, pour autant il ressentait sûrement de la pitié quelque part au fond de lui, même s’il ne l’avait jamais dit. C’était déjà trop.

Le reste de la journée était passé en un éclair et l’heure d’aller au travail était arrivée très vite. J’inspirai un grand coup avant de rentrer à l’arrière des guichets qui est un endroit réservé au personnel. Le patron, Mr Dumas, me sortit le speech habituel sur les horaires, les possibles retards ou absences et sur les tenues vestimentaires. Il n’y avait pas de code spécifique mais nous devions avoir des tenues décentes. Il me donna ensuite mon planning qui serait le même tout l’été et m’expliqua que l’on tournait par « équipe » de deux à chaque fois.

— Tu as des questions ? (J’agitai la tête en signe de négation.) Très bien. Si tu en as à l’avenir, n’hésite pas à demander à tes collègues ou moi-même.

— Compris.

Il regarda sa montre, et puisqu’il était presque 17h, il m’intima à rejoindre ceux qui étaient au guichet pour prendre leur place.

Au moment où je sortis, je percutai quelqu’un qui était bien plus grand que moi. En même temps, ce n’était pas très difficile du haut de mes un mètre soixante deux.

— Pardon, dis-je en même temps que lui.

Je levai les yeux pour l’examiner. Putain, je n’avais vraiment pas de chance. Quelle était la probabilité pour que l’un de mes collègues de travail soit l’un des meilleurs amis de Jaeden ?

Peut-être qu’il – Cameron, si je ne me trompais pas – ne me reconnaîtrait pas.

— Hé ! Tu es la cousine de Jaejae’ !

Raté.

— Je ne savais pas que tu allais travailler là.

— Moi non plus, grommelai-je.

Il ne comprit pas ma réaction ce qui se vit à son expression. Il allait répondre quelque chose, mais l’une des filles du guichet – la jolie blonde qui avait pris mon numéro l’autre fois – nous interpella pour que l’on vienne les remplacer.

Je ne me fis pas prier pour emprunter cette porte de sortie et vins la rejoindre en une fraction de seconde. Elle me salua avant de me laisser sa place et de partir. Je m’installai sur la chaise et fis mine de m’attarder sur le bureau pour l’examiner. C’était une bonne excuse pour éviter cette conversation.

J’en profitais pour étudier le fonctionnement de la caisse et de la boîte à ticket. Rien de bien compliqué ou d’inédit mais tout était bon pour faire semblant d’être occupée. Surtout que je sentais son regard insistant sur moi.

Et pour mon plus grand bonheur, une foule monstrueuse nous avait distrait pendant plus d’une heure. Malheureusement, cela n’avait pas duré. Dorénavant, c’était le calme plat. J’avais donc sorti mon cellulaire pour faire un tour sur les réseaux.

— Tu comptes m’ignorer tout du long ? (Je lui jetai un regard en biais, sans pour autant répondre.) Waouh. Ça promet d’être long, confia-t-il en s’adossant complètement sur son siège.

— Tu n’es pas obligé de te donner cette peine.

Il tourna vivement la tête.

— Tu n’es pas obligé de feindre ton intérêt pour moi, simplement parce que je suis la cousine de ton meilleur pote.

Il tomba des nues, et il ne s’en cacha pas.

— On ne peut clairement pas te reprocher ton manque de franchise.

Au contraire.

Le silence retomba quelques minutes.

— Tu es vraiment très intrigante.

Je me retournai dans sa direction, surprise par sa remarque.

La question m’échappa malgré moi :

— Pourquoi ?

— Je t’ai vu l’autre jour avec Jae’ et tu n’étais pas du tout la même personne. (Il marqua une pause.) On dirait presque que j’ai à faire à quelqu’un d’autre.

Je déglutis difficilement.

Sa remarque m’avait touché, car au fond, il avait parfaitement raison et je le savais. Je m’étais renfermée comme une huître depuis plus de trois mois maintenant, et la seule personne avec qui j’étais restée moi-même était Jaeden. J’avais construit cette carapace pour faire obstacle aux autres. Je voulais me préserver de la douleur, sauf que cela avait forgé une forteresse laissant transparaître l’image d’une fille froide aux yeux des autres. Ils n’auraient clairement pas voulu ça, mais on ne pouvait pas revenir sur le passé.

— Pourquoi tu veux donner l’impression d’être une fille froide et distante ?

Bien évidemment, je ne laissai rien paraître.

— Ça, je crois que ce ne sont pas tes affaires.

Ma réponse ne le réjouit pas. Il devait sûrement s’attendre à ce qu’il ait réussi à me percer à jour et que je lui réponde franchement. Raté. Il en fallait bien plus pour arriver à briser cette coquille.

Par moment, j’en avais moi-même envie. Mais, comme tout le monde le savait, il était clairement difficile de se débarrasser de ses mauvaises habitudes.

Il me scruta sans dire un mot. Je lui avais cloué le bec. Il n’avait pas l’air méchant, mais il ne valait mieux pas qu’il perde son temps avec moi. Non seulement je n’avais pas besoin qu’il m’accorde de l’intérêt simplement parce que j’étais la cousine de Jaeden, mais j’étais également convaincue que je n’en valais pas la peine. Je ne semais que la souffrance autour de moi. Par ma faute, des gens avaient souffert et je ne souhaitais pas que cela se reproduise.

Puis comment je pouvais préserver mes secrets si je me rapprochais de d’autres personnes ? Je ne voyais pas l’intérêt de se compliquer la tâche, ni même de meilleure façon que de se préserver de la souffrance causée par la perte d’un être cher.

Il ne tenta plus aucune approche jusqu’à l’heure de fermeture, et c’était tant mieux. Il fit la routine de fermeture habituelle en m’indiquant ce que je devais faire. Une fois terminée, je pris mon sac à dos et ma planche avant de partir. Au moment où je vis Jaeden qui m’attendait dans sa voiture, je me rappelai aussitôt que j’allais passer la soirée avec ses amis et que, donc, Cameron serait sans doute de la partie. Merde. Cette soirée promettait.

Je montai à l’avant en déposant mes affaires à mes pieds. Jaeden démarra la voiture et partit.

— Alors ce premier soir ?

— Tu aurais pu me dire que j’allais bosser avec Cameron.

Il perdit son sourire quand il entendit le son de ma voix.

— Ça ne s’est pas bien passé ?

— Ce n’est pas la question, Jae’.

— Je ne vois pas où est le problème.

Je laissai éclater un rire sans joie.

— Ce n’est pas nouveau.

— Je ne comprends pas pourquoi tu dis ça.

Une fureur intense commença à prendre place dans mon estomac. Toutefois, les mots moururent les uns après les autres sur mes lèvres. Ce n’était pas du tout le moment pour avoir cette conversation.

Je me réfugiai alors dans le mutisme jusqu’à ce qu’il gare la voiture devant la maison de son ami.

— J’ai vraiment du mal à te suivre parfois, grommela-t-il.

— Je ne t’ai jamais demandé de le faire ou même de me dorloter, répondis-je vexée. Je suis une grande fille.

Il souffla bruyamment avant de se tourner vers moi. Il avait l’air plutôt en colère.

— Tu me gonfles. Par moment, j’ai vraiment envie de te secouer. (Je me renfrognais davantage sur mon siège.) Tu as des réactions bizarres et, parfois, disproportionnées pour des choses futiles. Pourquoi ne peux-tu pas agir comme une personne normale ?

Aïe. Ça faisait mal. En un crochet du droit, il m’avait mise K.O.

Je n’en revenais pas. Comment, lui, pouvait-il oser me dire ça ?

Contrariée et énervée, j’ouvris la portière et m’extirpai de la voiture à une vitesse folle. Il m’imita.

— C’était vraiment petit de ta part. (Je sortis mes affaires de la voiture.) Désolé Jaeden, le garçon parfait qui a une vie parfaite, d’avoir eu une vie compliquée et de ne pas être celle que tu imaginais. (Je claquai violemment la portière.) Tu devrais vraiment arrêter de t’inquiéter pour la méchante Alyna. Elle n’en vaut tellement pas la peine, finis-je sur un ton sec.

— Tu dis vraiment n’importe quoi ! s’exclama-t-il. Tu pars…

— Oh ! le coupa une voix masculine. (On se retourna comme un seul homme.) Vous êtes devenu fous ou quoi ?

Pourquoi fallait-il que ça tombe sur lui ?

— On ne t’a pas sonné toi, le rembarrai-je froidement.

— Mais pourquoi te sens-tu obligée de lui répondre comme ça ? s’étonna mon cousin. Cameron ne t’a rien fait bon sens !

Lui non, mais d’autres avant lui oui. Ce n’était pas très juste, j’en étais conscience, mais sur le moment je ne m’en préoccupais pas du tout. J’étais habitée par une colère qui ne cessait de grandir depuis des jours. Elle avait bien choisi son moment pour se montrer celle-là, grommelais-je en mon for intérieur.

J’en avais assez. Je ne pouvais pas rester ici. Pas après ça.

J’allais fuir, c’était devenu une habitude ces derniers temps.

Je fis basculer mon sac sur le dos avant de chevaucher mon skate et partir. J’entendis mon cousin m’appeler derrière moi, et en guise de réponse, je pris plus de vitesse pour déguerpir au plus vite.

Finalement, cette soirée aura été plus courte que prévue. C’était un fiasco total, et je n’étais même pas rentrée dans la maison. Je n’osais imaginer le jour où je rencontrais ses amis, car ce jour arriverait que je le veuille ou non. Il allait vraiment falloir que je me calme. Je devais apprendre à mettre de côté ce ton froid, sans pour autant être amicale, mais au moins être un minimum gentille.

Ce n’était pas gagné.

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