Chapitre 1.

15 minutes de lecture

   — « Nous éprouvons parfois de la pitié pour des êtres qui ne connaissent ce sentiment ni pour eux-mêmes ni pour les autres »[1], lis-je à haute voix.

 J’émis un rire sans joie, tout en laissant retomber le livre sur mon lit.

 Emilie Brontë ne saisissait sûrement pas à quel point elle pouvait avoir raison. Cette phrase résumait plutôt bien ce que je pensais, même si elle omettait une partie. Cette pitié, que nous pouvons ressentir vis-à-vis de ces personnes, nous affaiblit. Pour certains, ça nous rendrait plus humain. Je n’étais pas particulièrement contre cette hypothèse, mais ce qui était sûr, c’était que cela nous rendait plus faible vis-à-vis d’eux. Et, il s’agissait-là d’un véritable fléau. Pour ma part, en tout cas.

 En parlant de fléau, des martèlements intempestifs sur ma porte de chambre engloutirent le fil de mes pensées ainsi que la musique qui accompagnait ma lecture au départ.

— Alyna ! Sors d’ici tout de suite ! Hurla un Karson plus qu’énervé derrière la porte.

 Il tenta d’ouvrir la porte mais étant fermée à clé, il ne pût arriver à grand-chose.

— Ouvre cette p…

 Sa phrase avait été avalée par la mélodie. Je savais que monter le son n’était pas une très bonne idée mais je m’en moquais. Au point où j’en étais, il ne pouvait plus me faire plus de mal qu’il en avait déjà fait. Et je refusais de le laisser faire sans protester de quelques façons que ce soient. Plus maintenant.

 De toute façon, je n’avais plus rien à perdre. Mon cœur était déjà en mille morceaux, et je doutais qu’il puisse arrêter de saigner un jour.

 Le bruit cessa enfin. Je diminuai le volume de la musique et me levai de mon matelas. Je me rapprochai de la porte pour tenter d’écouter ce qu’il se passait dans les autres pièces de la maison. Karson ne devait pas être content du tout et je savais très bien qu’il ne laisserait pas mon geste impuni.

 Je sentis qu’on essayait de forcer la serrure. J’eus à peine le temps de reculer avant qu’il n’ouvre la porte en grand avec une violence ahurissante. Il avait les yeux injectés de sang et empestait l’alcool à des kilomètres à la ronde.

Super ! Il était saoul.

 J’allais en prendre pour mon grade. Et plus que d’ordinaire. Quand il était bourré, il était d’autant plus agressif.

 La frénésie envahissait complètement sa trombine. Elle était creusée par la fatigue et des rides étaient clairement apparentes aux coins de ses yeux marron. Ses cheveux bruns étaient parsemés d’une ou deux mèches blanches.

 Il me fusillait du regard. S’il n’avait pas été humain, j’aurais sûrement perdu la vie rien qu’avec un regard. Il s’approcha dangereusement de moi et, inconsciemment, je reculais jusqu’à ce que mes lombaires percutent ma commode. Il m’attrapa l’arrière de la tête et me traîna par les cheveux jusqu’au salon. Des hoquets de douleur franchirent mes lèvres à plusieurs reprises. Mes gémissements renforçaient sa poigne autour de mes cheveux. Un feu ardent s’empara de l’arrière de mon crâne et j’avais beau me débattre pour qu’il me lâche, il n’en fit rien jusqu’à notre entrée dans le salon. Il me propulsa à travers la pièce me faisant manquer de peu la table basse. Je retombai sur les genoux à quelques centimètres du coin en bois. Il me balança un coup de pied dans l’abdomen me faisant tomber sur le flanc. Je me recroquevillai sur moi-même mais pas assez rapidement pour empêcher sa deuxième tentative d’atteindre son but. Un nouveau gémissement s’échappa de mes lèvres, et à travers mes paupières plissées, je pus apercevoir son rictus satisfait. Il fit deux pas pour me rejoindre et s’accroupit près de moi. Il empoigna pour la deuxième fois les cheveux postés à l’arrière de ma tête pour réduire la distance entre nos deux visages.

— Ne t’avise plus jamais de me provoquer, cracha-t-il comme du venin.

— Oui, papa. répondis-je en crachant à mon tour le dernier mot.

 Il me jeta un regard mauvais mais ne tenta rien. Il se releva – non sans chanceler – et me laissa étendue là sur le sol. Je ne me demandais même plus pourquoi il agissait de la sorte. Je m’étais résignée à l’idée que la cruauté habitait son cœur et qu’il n’était plus possible de faire quoi que ce soit pour changer ça.

 Je me réveillais en sursaut, pleine de sueur. Mon cœur battait à tout rompre dans ma cage thoracique. J’examinai mon environnement à une vitesse folle pour tenter de me resituer. Murs blancs, odeur aseptisée. J’étais à l’hôpital.

 La mémoire me revînt alors en pleine face.

— Hé ! ma puce. (Mon attention se reporta sur ma tante assise dans le fauteuil à côté de mon lit.) Tu es en sécurité, continua-t-elle en se penchant vers moi et en me caressant le bras. C’était seulement un cauchemar.

 Mon corps se détendit légèrement, mais pas complètement.

Si elle savait à quel point elle avait tort…

 Toutefois, ce n’était pas le bon moment pour avoir cette discussion. Peut-être n’arriverait-il jamais, pour autant leur annoncer ça dans le contexte actuel n’était clairement pas une bonne idée.

— Rendors-toi. Demain va être une longue journée.

 Je me rallongeais un peu plus confortablement et, après lui avoir offert un petit sourire qui se voulait réconfortant, je fermais à nouveau les yeux. En espérant faire une nuit sans rêve, ni cauchemars.

 Le lendemain allait être une longue journée, c’était vrai. Les prochains jours allaient tous l’être.

 À mon réveil, ma tante dormait dans une position très inconfortable. Ses traits étaient plus détendus grâce au sommeil, mais pas complètement. Je percevais assez facilement qu’elle était inquiète, même dans son sommeil. Tout comme mon oncle, elle se faisait du souci pour moi. J’aimerais tellement pouvoir lui dire que tout va bien et qu’elle n’a pas besoin de s’en faire autant pour moi, mais j’en étais incapable. Premièrement parce que ça serait lui mentir. J’avais plutôt envie d’hurler tellement mon cœur me faisait mal, même si ce n’était pas pour la raison que tout le monde imaginait. Et deuxièmement, bien que je n’aime pas qu’elle soit aussi préoccupée à mon égard, cela me donnait la sensation d’être la fille de quelqu’un. Pas seulement un problème qu’il faut gérer.

 Je me fis basculer sur le dos en me faisant attention à ne pas faire le moindre bruit pour la laisser encore dormir un peu.

 Je fixai le plafond pendant plusieurs minutes. Mon esprit commença à prendre une pente glissante, mais mon oncle rentra dans la chambre à ce moment-là, me sauvant d’une tourmente que je n’avais pas la force d’affronter à cet instant.

 En me voyant réveillée, il me sourit. Il s’approcha dans ma direction et me déposa un baiser sur le front.

— J’ai apporté le petit-déjeuner, chuchota-t-il en me montrant le sac en papier qu’il avait dans la main.

 Dans l’autre, il tenait un support en carton sur lequel était disposé deux cafés et un jus d’orange. Il s’approcha du plateau au pied de mon lit pour y vider le contenu du sac et mettre les boissons. Il sortit deux petites boîtes en carton desquelles se dégageaient une odeur délicieuse. Mon ventre gargouilla, faisant rire mon oncle.

— Je crois que j’ai bien fait, rit-il.

 Je secouai frénétiquement la tête en signe d’approbation.

— Je meurs de faim.

— Moi aussi.

 Je tournai la tête en direction de ma tante qui venait de se réveiller.

— Et ça sent super bon, continua-t-elle en s’avançant dans son siège.

 Malgré son sourire qui égayait son visage, la fatigue se lisait sous ses yeux.

Elle se leva finalement de son siège, puis porta sa main à mes cheveux pour me les recoiffer en arrière.

— Comment tu te sens ce matin ?

— Ça va, répondis-je d’un ton neutre. Je me sens juste courbaturée. (Le silence retomba emportant au passage ma bonne humeur, ce que je ne voulais pas.) Bon, j’espère que ce tu m’as apporté est aussi bon que me le laisse penser cette odeur.

 Mon oncle me regarda d’un air de défi avant d’ouvrir l’une des boîtes. J’en salivais d’avance, et en même temps, une sensation étrange me saisit le cœur. Il m’avait apporté des gaufres au Nutella. L’une de mes pâtisseries préférées.

— Tu t’en ai souvenu ? demandai-je d’une petite voix, le regard fixé sur les gaufres.

— Bien sûr ! (La bouche légèrement ouverte, je levai les yeux dans sa direction.) Comment aurais-je pu oublier ta capacité à engloutir de telles…pâtisseries ?

 Je gloussai.

— Arrête, je sais aussi que tu adores ça.

— Peut-être un peu, mais faut pas le dire à ta tante.

 Ma tante lui donna une tape sur l’épaule, ce qui nous fit rire tous les trois.

 Nous déjeunâmes dans la bonne humeur. Je n’étais pas dupe. Je savais à quel point ils étaient affectés par ce qu’il venait de se passer, mais ils tenaient le coup. Pour moi.

 Environ une heure plus tard, nous eûmes la visite de deux agents de police pour qu’ils me posent quelques questions au sujet de l’accident. Mon témoignage devait seulement confirmer ce que tout le monde savait déjà.

 Ils s’étaient postés devant mon lit d’hôpital et nous faisaient face. Ma tante était assise dans ce même fauteuil à ma gauche alors que mon oncle était droit comme un piquet de l’autre côté. Il donnait l’impression de faire rempart entre le monde et moi. Il voulait sans doute me protéger après les événements récents, comme si j’étais une petite chose fragile susceptible d’exploser en plein vol. Il n’imaginait pas une seconde que c’était tout le contraire. Je n’avais jamais espéré de jour plus beau que celui-ci.

 La tension présente dans cette pièce était oppressante. Les non-dits volaient au-dessus de nos têtes, et ç’en était insupportable.

— Nous aimerions poser quelques questions à votre nièce concernant l’accident, commença le plus jeune des deux officiers. Puisqu’elle est mineure, l’un de ses parents doit être présent. Sa mère est en route ?

Il pouvait l’attendre longtemps. Je doutais fortement que, de l’endroit où elle se trouvait, elle puisse avoir connaissance de ce qui m’était arrivée ou même qu’elle s’en souciait.

 Mon oncle jeta un coup d’œil dans ma direction pour appréhender ma réaction, qui ne vînt jamais, et se retourna ensuite vers les agents en carrant les épaules.

— Ma femme et moi sommes ses tuteurs légaux.

 Une façon subtile de dire que j’étais orpheline. Et c’était la meilleure chose qui pouvait m’arriver dans la vie.

 L’homme aux cheveux poivre et sel, qui semblait être le plus gradé des deux, acquiesça d’un mouvement de tête avant de se tourner vers moi.

— Te souviens-tu de ce qui s’est passé hier après-midi ?

 J’opinai du chef.

— Nous étions sur le chemin de la maison après avoir rendu visite à mes grands-parents et nous nous disputions.

— Vous vous disputiez à quel sujet ?

 En voulant aidé ma grand-mère a attrapé une boîte de conserve dans le meuble du haut, mon t-shirt s’était un peu trop soulevé dévoilant ainsi le début d’une ecchymose. Comme à mon habitude, j’avais noyé le poisson mais cela n’avait pas été suffisant pour que Karson lâche l’affaire. Il était dans une colère noire.

« — Je suis que tu l’as fait exprès, m’avait-il hurlé. Tu n’es qu’une petite conne. »

 Ce à quoi j’avais répondu :

« — De la bouche d’un salopard alcoolique, je le prends comme un compliment. »

Ce n’était pas très joli, mais quelle importance ? C’était la vérité.

Bien entendu, je n’allais pas leur raconter ça.

— Il n’était pas très content de mon comportement, mentis-je. Il s’agissait d’une dispute père/fille des plus banales.

 Je marquai une pause pour faire croire à mon émoi.

 Ma tante me serra un peu plus la main, comme pour me donner du courage.

— Que s’est-il passé ensuite ?

 Il a voulu me cogner alors même qu’il conduisait ce qui lui a fait perdre le contrôle de la voiture. Nous avions dévié sur l’autre voie au moment où une voiture arrivait dans le sens opposé. Karson a voulu l’éviter en donnant un coup de volant, mais c’était trop tard. Nous avions été percutés et, par miracle, le point d’impact était du côté de ce connard.

 Je m’en étais sortie avec une légère commotion cérébrale d’où ma nuit en observation, et quelques entailles causées par le verre. On ne pouvait pas en dire la même chose pour lui.

 Encore une fois, je ne pouvais pas raconter l’histoire de cette façon.

— Le ton est monté et il a fini par perdre le contrôle. Nous avons… (Je secouai la tête.) Vous connaissez la suite, soufflai-je.

 L’agent arbora une tête compatissante, signe qu’encore une fois j’avais bien rempli mon rôle. En espérant que ce serait la dernière.

— Oui, conclut-il en griffonnant une dernière chose dans son calepin. Nous n’avons pas d’autres questions. (Il referma son calepin et rangea son stylo dans la petite poche présente sur son torse.) En raison des éléments ainsi que de votre témoignage, l’accident sera classé accidentel.

 Les deux officiers échangèrent un regard entendu avant de commencer à se diriger vers la sortie.

— Encore toutes nos condoléances pour la mort de votre père, ajouta-t-il à mon attention.

 Le silence retomba, de façon assez gênante, et ils quittèrent la pèce sans rien ajouter de plus.

 Sa mort était loin d’être une tragédie. Elle était une bénédiction.

 Plusieurs jours s’étaient écoulés depuis l’accident. Le médecin avait autorisé ma sortie quelques heures après la venue des officiers de police.

 Au fil des jours, je reprenais petit à petit du poil de la bête. Disons que la vie m’avait appris à rebondir. Mes traumatismes majoritairement superficiels avaient pour ainsi dire presque tous disparu. Ne restait plus que mes énormes ecchymoses, qui elles prendraient plus de temps à s’effacer. Heureusement, tous ceux qui les avaient vu avaient pensé qu’il s’agissait des conséquences causées par le choc de l’accident. Pourtant, ce n’était pas vraiment le cas. Toutes celles que j’avais – ou presque – dataient de bien avant l’accident.

 Pendant ces quelques jours, mon oncle et ma tante ne m’avaient quasiment pas quitté. Nous étions restés dans mon ancienne maison pour s’occuper des papiers administratifs, des cartons et de l’enterrement.

 Mon oncle vivait assez mal la perte de son frère, bien qu’il tentât de me le cacher. Pour lui, il était un frère modèle mais mon oncle ne connaissait pas la vérité. Karson n’avait de cesse de le critiquer. À la naissance de mon oncle Kristopher, mes grands-parents avaient accordé moins d’attention à Karson – du moins selon lui – et il était alors devenu extrêmement jaloux. Je ne comprenais toujours pas comment, avec toutes les crasses qu’il avait pu inventer, Karson avait pu se débrouiller pour paraître comme un frère modèle aux yeux de mon oncle. Tout ça pour dire qu’il avait été une véritable ordure avec son frère sans jamais que ce dernier ne s’en rende compte. Je pouvais au moins lui accorder ça : Karson avait été le meilleur manipulateur qui eût existé.

 Mes grands-parents paternels avaient également fait le déplacement. Avec mon oncle, ils s’étaient occupés de l’enterrement, la maison et de toute la paperasse qui allait avec. Ils refusaient que je les aide, pour me préserver, alors que c’est eux qui avaient le plus besoin d’être préservés.

 Ensemble, nous avions vidé la maison. Ils ne restaient plus que ma chambre et celle de mon géniteur à vider. En ce qui concernait la mienne, j’avais fait le choix de m’en occuper en dernier pour ne pas laisser ma famille s’occuper toute seule du reste. Toutefois, en ce qui concernait celle de Karson, personne n’avait eu le courage d’y mettre les pieds.

 Moi, parce que je craignais de succomber à la colère qui m’habitait. Je me transformerai en bulldozer et je détruirais tout sur mon passage.

 Pour eux, la raison était tout autre. Ils n’avaient simplement pas réussi à franchir le pas. Leur peine était bien réelle. Aussi réelle que celle que j’avais ressenti il y a moins de six mois et que je ressentais toujours.

 La journée la plus difficile avait été l’enterrement. Simuler ma tristesse avait été la tâche la plus dure qui m’avait jamais été donnée de faire. La deuxième avait été de ne pas vomir face à tant de peine pour un homme aussi misérable. Il n’en valait absolument pas la peine et cela me rendait malade. Mais maintenant, tout ça était terminé. J’allais pouvoir aller de l’avant et vivre une autre vie. Je ne savais pas encore si celle-ci serait meilleure, mais elle ne pouvait pas être pire. J’en étais convaincue.

 Jaeden – le fils de Mikaela et Kristopher – avait été présent. Et je savais au combien il avait également été difficile pour lui de cacher ses véritables sentiments. Une ou deux fois, il m’avait adressée un petit sourire discret. Il était le seul à avoir connaissance de mon lourd secret. Il ne m’avait jamais jugé, et m’avait toujours épaulé. Et ce jour-là encore, il avait fait preuve d’un grand soutien. Sans lui, je n’aurais peut-être jamais pu connaître cette liberté qui m’était offerte à présent. Je ne pourrais jamais lui exprimer au combien j’étais reconnaissante pour tout ce qu’il m’avait apportée. Malheureusement, il avait dû partir directement après l’enterrement. Je savais que cela lui avait coûté de me laisser en sachant que – pour lui – je déménageais chez mes grands-parents. Cette décision ne l’avait pas enchanté, car même si j’allais habiter pas très loin, cela aurait été plus facile pour moi de me reconstruire avec eux plutôt que chez mes grands-parents. Ce qu’il ne savait pas, c’était que ses parents avaient pris la décision de m’accueillir chez eux pour que je ne sois pas séparée de la famille et parce qu’ils pensaient également que ce serait plus simple pour moi d’aller au lycée avec mon cousin. Il était important pour eux que je puisse me reconstruire dans un cercle familial réconfortant et ils savaient également que nous étions très proches avec mon cousin. Puis, ils étaient ravis de m’accueillir chez eux. Ils voulaient m’offrir un cadre rassurant pour ne pas amplifier ma souffrance suite à ma perte. J’étais ravie qu’ils aient pris cette décision, mais pas pour les raisons qu’ils croyaient.

 Ils avaient décidé de ne rien dire à leur fils car ils tenaient à lui faire une surprise. Et j’imaginais très bien comment il avait dû en mettre plein les oreilles à ses parents. Il s’inquiétait énormément pour moi. Il n’avait pas pu être présent avant l’enterrement, même s’il l’aurait voulu. Il m’avait bien évidemment harcelé de messages et de coups de téléphone pour savoir comment j’allais. Je l’aimais énormément mais il pouvait se montrer très insistant et casse-bonbons quand il le voulait.

 J’imaginais déjà sa réaction quand il allait apprendre la nouvelle. Quant à moi, ceci avait été une joie immense. Savoir qu’ils tenaient autant à moi m’avait réchauffé le cœur. J’étais enchantée à l’idée d’établir ma nouvelle maison et ma nouvelle vie là-bas, avec eux.

 J’étais donc en train d’emballer mes cartons. J’avais quasiment tout empaqueté. Je me faisais une joie à l’idée de quitter ses lieux et de ne plus jamais y revenir. Je n’oublierais jamais toute la souffrance que j’avais dû encaisser ici. Ces quatre murs renfermaient des vérités bien plus inavouables que les gens qui nous connaissaient ne voudraient bien l’admettre. Jaeden en connaissait une partie. Mais une autre part de souffrance et de secrets était contenue par ces murs qui constituaient ma chambre et qui était bien différente de celle causait par mon géniteur.

 Je m’approchai du large cadre sur lequel j’avais épinglé plusieurs photos. On pouvait y retrouver ma famille et notamment Jaeden qui apparaissait sur quasiment toutes.

 Quelques-unes illustraient une autre part de ma vie. Des moments que j’avais adoré partager mais ternis à cause de lui. J’arrachai une photo avant de la déchirer en plusieurs morceaux et de la jeter dans la corbeille à côté du bureau. Je ne souhaitais pas emporter ces souvenirs, je ne souhaitais pas l’emporter lui.

 Je regardais ensuite la photo accrochée juste à côté. À la vision de cette image, je me remémorais automatiquement ce jour-là et les larmes montèrent aussi sec. Ces souvenirs étaient très précieux, pourtant ils éveillaient une souffrance à m’en comprimer le cœur. Je dégrafais soigneusement les photos les représentant pour les ranger dans une boîte que je n’ouvrais que dans les moments où ils me manquaient trop. Personne ne devait les voir. On me poserait trop de questions auxquelles je ne pourrais pas répondre, auxquelles je ne voudrais pas répondre. Ces secrets-là devaient rester les miens. Je n’étais pas prête à les partager. Et je n’étais pas sûre de l’être un jour.

— Alyna ?

 L’appel de ma tante me sortit de mes pensées. Je secouai la tête en reposant la dernière photo dans la boîte et remis le couvercle. Je mis la boîte dans un carton avant d’ouvrir la porte pour répondre.

— Tu as besoin d’aide pour finir de faire tes cartons ?

— Ça ira, merci. Il ne me reste qu’à les descendre. lui indiquais-je de ma chambre.

 Je me dirigeai vers le carton où se trouvait notamment la boîte et refermai le carton.

— C’est parti, soufflais-je pour moi-même en attrapant le carton.

 J’entrepris la derrière étape qui me conduirait vers ce renouveau tant attendu.

[1] Citation du livre « Les Hauts de Hurlevent » d’Emilie Brontë.

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