Chapitre 3 : celle qui dansait à en mourir [ Iris ]

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Je toque trois fois sur la porte en fer. Comme dans un de ces vieux films, la petite trappe du haut s’ouvre. Deux yeux verts brillants d’une lueur bienveillante sont alors révélés.

– Oh ma petite Iris ! s’exclame la voix grave de Gabriel. Entres donc !

Dans un grincement, elle s’ouvre sur un grand gaillard. Il a toujours été un gros nounours pour moi, le père que je rêve d’avoir.

Il m’accorde un grand sourire auquel je réponds avec plaisir. Je m’engouffre dans l’ancien entrepôt qui me sers de deuxième maison. Nous marchons côte à côte dans la grande salle vide. C’est derrière le rideau qui partage le lieu en deux que la fête se déroule. J’entends la musique d’ici.

– Tu as école demain, me fais remarquer mon tuteur.
– Je sais. Mais j’ai vraiment besoin de ce moment de liberté.
– Ne reste pas trop tard.

Mon regard croise le sien et je lance d’un air faussement innocent :

– Mais je ne rentre jamais tard !

Il rigole et réplique :

– Tu as un très bon jeu petite comédienne.

Mon sourire s’agrandit davantage.
Nous arrivons enfin au niveau de l’épais tissu bleu nuit. Je ne me fais pas prier pour attraper de nouveaux bracelets fluo dans la petite boîte installé devant. Nous traversons ensuite le rideau et atterrissons dans une « salle » plongée dans une semi obscurité. La scène est éclairé par des projecteurs bleu et vert tandis que la piste de danse scintille de mille et une couleurs. Les fêtards applaudissent et sifflent en direction du groupe. Trois garçons qui me sont inconnus et un guitariste que je connais assez bien. Pourtant il n’est pas censé jouer uniquement en solo ?
Gabriel me tapote l’épaule, ramenant mon attention sur lui.

– N’oublie pas : tu as école demain.
– Oui papa, rigolé-je.

Il m’accorde un dernier sourire et finit noyé dans la foule. Des notes de guitare résonnent dans l’air entraînant une ovation du publique. La voix mélodieuse du chanteur porte une ode à la liberté.
Je me laisse entraîner par le rythme, laissant mes pieds m’attirer dans une danse endiablée. Adieu les règles stupides, adieu cruauté, adieu ce rôle écrasant, adieu vie terne. À cet instant, il n’y a que moi et la musique.
Ma jupe vole au mouvement de mes cuisses, mes cheveux roux virevoltent, ma chorégraphie forme de magnifiques arabesques colorées et éphémères.
La dernière note me ramène dans cette réalité morose. Les cris de joie résonnent dans la salle. Mes yeux se dirigent vers la scène et croisent celui du chanteur. Durant une fraction de seconde, le temps s’arrête. Est-ce à cause de mon cœur qui semble battre au ralentit ?

– Un tonner d’applaudissement pour le groupe Dicary et Leon qui a bien voulu les accompagner !

Et le temps reprend soudain son cours. Le public ne se fait pas prier pour obéir au gérant alors que le chanteur semble lui aussi revenir sur Terre.

Note pour plus tard : remercier ce cher Gabriel d’avoir détruit cet échange magique.

Le groupe fait une révérence, telle une troupe d’acteur à la fin d’une pièce, et quitte la scène. Il ne reste plus que le responsable de l’Antre.

– Et maintenant Leon va vous interpréter « Fais-moi danser chérie » !

Les habitués du lieu pousse un cri de joie. Je passe une main dans mes cheveux alors que le guitariste solo revient. Il a cette fois-ci une guitare acoustique et s’installe sur un tabouret en face du micro.

– Allez, annonce Leon. Mesdames, messieurs les amoureux, cette musique vous ait accordé !

Vois le bon côté Iris, tu vas pouvoir t’installer à une des tables sur le côté et te reposer un peu.

– Hé.

Je me tourne vers celui qui m’a interpellé. Mon cœur s’arrête sur le coup.

C’est le chanteur !

Il est juste un peu plus grand que moi. Ces yeux noisettes brillent de milles étoiles. Son sourire est timide. Il se frotte la nuque.

– Tu m’accordes cette dans…
– Bien sûr !

Zut… J’ai répondu trop tôt…

Au début surprit, il finit par rigoler. Je le rejoins de bon cœur alors que les premières notes résonnent dans l’entrepôt.
Il me tends la main et je l’attrape avec une timidité que je ne me connais pas. Il me fait tourner sur moi-même et esquissons des pas avec une concordance tout à fait relative. La première se finit par des applaudissements.
Une deuxième mélodie prend ensuite le relais. Cette dernière est bien plus calme et s’apparente plus à une valse. Je me rapproche de lui et passe mes bras autour de son cou. Il hésite un instant et finis par poser ses mains sur mes hanches.

– Est-ce que je peux te poser une question ? chuchoté-je.
– Je m’appelle Adriel et toi ?

Je le fixe un moment.

Pourquoi est-ce que…

Ses joues se colorent légèrement.

– Tu es vraiment le premier des cons…, jure-t-il contre lui à voix basse.
– C’est rien tu sais, le rassuré-je.

Je lui offre un sourire qu’il finit par me renvoyer. Je me sens fondre un peu plus.

– Iris.

Il me regarde avec incompréhension alors je précise :

– Je m’appelle Iris.
– C’est magnifique.
– Merci.

Le silence se réinstalle. Nos pas sont portés par la douce musique qui, tel un sort, fait régner une atmosphère apaisante.

Je pose ma tête contre son épaule.

– Pourquoi venir vers moi ?

Il reste interdit un instant.

– J’ai eu l’impression que si la musique ne s’était pas arrêtée, tu aurais continuer à danser jusqu’à ce que la mort t’emportes. C’était splendide et triste à la fois.

Je tripote mes doigts.

– Certains se noient dans l’alcool pour oublier. Moi je danse.

Il me serre timidement contre lui.

– Tu n’as…
– Iris !

La voix étouffée de Nestor, un barman, emmène mon attention sur lui. Il semble complètement paniqué.

– Il faut que tu partes par la porte de derrière maintenant ! C’est un ordre du boss !

Pourquoi je devrais partir ? Pourquoi ce n’est pas Gabriel qui me le dit en personne ? Mais je n’ai pas le temps de poser ces questions qu’il rajoute :

– Il ne pourra pas le retenir longtemps !
– Qui ? demandons Adriel et moi à l’unisson.
– Un certain Jack Hector !

Jack Hector…

Je ne sens plus mon corps. Je ne suis plus qu’une âme.

– Et c’est qui ?

Mon esprit est happé dans mon enveloppe charnelle.

– Mon père.

Mon cerveau semble enfin réaliser ce qui m’attends s’il me trouve ici.

– C’est mon père !
– Quoi ? ! s’étrangle-t-il, visiblement choqué. Ton père ne sait pas que tu es ici ? Tu n’as pas le droit d’être ici ? !

Je m’éloigne de lui à grands pas.

Ils vont me tuer. Ils sont assez influent pour maquiller mon meurtre et ne jamais en être condamné.

Oh mon dieu… Je ne veux pas mourir ici ! Pas comme ça !

– Iris !

Son cri me sort de mes pensées noires. Ses yeux sont empreints d’incompréhension. Le pauvre ne doit rien comprendre. Je ne peux pas le laisser planter là, comme ça !

– C’est une longue histoire Adriel. Je….

Je pousse un soupir. Je ne peux pas tout lui expliquer, ça prendrait beaucoup trop de temps.

– … Viens mercredi après-midi à quinze heure, je t’expliquerais tout.

Et je me fonds dans le foule, le cœur battant.

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