New York, juste un rêve

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Chapitre 20

Je suis mal barrée. Lana est complètement barge et je ne suis pas en position de me défendre. Je n'ai pas d'autre choix que de gagner du temps...

(Mais où suis-je ?)

Bon ! Si j'analyse la situation dans laquelle je suis, on peut facilement dire que je suis dans la merde. Je n'ai aucune idée d'où je suis, je suis incapable de me détacher, et même si j'y arrivais, trois personnes ne me lâcheraient pas la grappe. J'ai peur. Elle me hait et elle ne veut qu'une chose : me faire disparaître ! Mais pourquoi prend-elle autant de risques ? Tant qu'elle était planquée, elle bernait la police sur sa position vis-à-vis de son frère. Mais maintenant ? Je ne comprends pas quel est son but.

Miss Mystère :
"Pourquoi t'es revenue ? La police a des soupçons sur toi maintenant. Si t'étais restée planquée..."

Elle me fixe effrontément. Je dois absolument la faire parler. Je dois gagner du temps.

Miss Mystère :
"Tu es revenue pour faire payer les Ortega ?"

Elle tourne autour de la chaise en ricanant. J'ai l'impression d'être un repas alléchant offert à un fauve affamé.

Lana :
"Me venger de quoi ?"
Miss Mystère :
"D'avoir piégé ton frère ?"
Lana :
"Tu comprends vraiment rien."
Miss Mystère :
"Pour récupérer Mathilde ?"
Lana :
"Elle est à moi depuis toujours. J'ai pas besoin de la récupérer."

J'mets un rire sarcastique, même pas volontaire. Elle me fusille du regard, comme si je venais de l'offenser. Je m'en veux immédiatement. Si j'avais envie de passer l'arme à gauche tout de suite je ne m'y prendrais autrement. Heureusement pour moi elle est trop prise par son discours et elle ne s'arrête pas.

Lana :
"Je suis chez moi, ici. C'est mon gang et je devais reprendre le contrôle. J'ai pas peur de mon frère ni de la police."

Elle lève les yeux au plafond en jubilant.

Lana :
"Jusqu'à présent, la police a gobé tout ce que je lui ai dit. C'est moi qui les ai guidés vers mon frère. La jeune soeur innocente et fragile, embringuée malgré elle dans un gang... Un rôle si facile à tenir pour ces cons de poulets !"
Miss Mystère :
"Tu as trahi ton propre frère ?"

Elle fronce les sourcils.

Lana :
"J'ai fait ce qu'il fallait pour le gang. Cet idiot le menait droit à sa perte. Il avait pas les épaules pour le tenir. C'était lui ou moi !"

Elle est aussi égocentrique que je l'imaginais. Elle aime parler d'elle. Ça m'arrange, je dois continuer à la questionner pour gagner du temps.

Miss Mystère :
"Vous pouviez pas gérer le gang en famille ?"
Lana :
"Le padre voulais qu'on hérite tous les deux, mais César, faisait que des conneries. Il alignait erreur sur erreur. À cause de lui on devenait de plus en plus visibles."
Miss Mystère :
"Pourquoi t'as pas tenté de le raisonner ?"
Lana :
"J'ai essayé, mais ça se terminait toujours en conflit. On était jamais d'accord et ça, c'est pas bon pour les affaires."

J'approuve sa remarque en hochant la tête. Elle semble satisfaite de mon soutien.

(Comme si je m'y connaissais en matière de gang !)

Lana :
"Cette histoire de meurtre avec... Marco, c'était la goutte d'eau. Mon frère allait nous faire tous tomber."
Miss Mystère :
"T'as provoqué l'accident de moto ?"
Lana :
"Non, mais il tombait à pic ! J'en ai profité pour demander une protection à la police, en échange de tout ce que j'avais sur le gang."

Elle fait les cent pas devant moi et redresse les épaules, visiblement très fière d'elle.

Lana :
"Je leur ai dit ce que je voulais et j'ai fait porter le chapeau à mon frère. J'avais plus qu'à attendre qu'il se fasse coincer pour reprendre le contrôle de mon clan."

Je soupire, dépitée par mon propre aveuglement. Elle a joué parfaitement son rôle de tragédienne, mais rien ne tenait debout dans mon histoire ! J'aurais dû me méfier plus tôt !

Miss Mystère :
"Et ça a fonctionné."
Lana :
"Je dois avouer que ça s'est mieux déroulé que dans mes plans."
Miss Mystère :
"Mais... pourquoi tu as repris contact avec ton frère...? Je pige pas..."
Lana :
"Parce que cet idiot a de l'influence malgré tout... Je dois jouer la comédie pour lui."

Je n'en reviens pas. Qui elle n'a-t-elle pas manipulé dans cette histoire ?

Lana :
"La jeune soeur qui n'a pas le cran de prendre les rênes et qui préfère s'éloigner de la pression du padre."

Elle lève les yeux au ciel, en faisant tournoyer son arme, puis prend une voix nasillarde et implorante, surjouant son personnage.

Lana :
"César, j'avais besoin de prendre le large, de changer de vie, me faire oublier du père ! Mais maintenant que t'es en prison, le gang a besoin de moi... Je dois protéger le clan le temps que tu purges ta peine... Mais c'est toi le chef, c'est toi qui l'as toujours été."

Elle est tellement convaincante ! Même maintenant. C'est flippant ! Elle passe le flingue à son gars.

Lana :
"Ce débile a tout gobé. Il s'est senti plus fort. J'avais gagné son appui."
Miss Mystère :
"Et le père...?"
Lana :
"Il est trop vieux maintenant. Il est plus respecté comme avant..."

Elle se poste debout devant moi et penche le visage sur le côté en me regardant, comme si j'étais une pauvre chose sans défense.

(Ce qui est le cas en cet instant précis, malheureusement !)

Elle prend une voix toute douce, comme si elle parlait à une enfant qui ne comprend pas sa punition.

Lana :
"T'aurais jamais dû foutre ton nez dans mes affaires... Les flics sont sur mon cul, maintenant..."

Quelle imbécile, j'ai été ! Je regrette amèrement de l'avoir menacée, avec ce stupide texto !

(Mais qu'est-ce que j'avais dans le crâne, vraiment ?)

Son regard se durcit soudain. Elle lève la tête en direction de l'un de ses sbires.

Lana :
"Débarrasse-toi d'elle. Proprement."

Mon sang se glace. Je vais crevé... ici... Maintenant ! Le sbire hoche la tête et avance vers moi. Elle tourne les talons. Ma vue se brouille, entre panique et larmes, qui m'envahissent. Je ne peux pas croire que je vais mourir. Je ne peux pas mourir ! Je veux pas mourir ! Les hommes de main s'approchent. Je refuse de finir ma vie comme un chien ! J'avance en sautillant sur ma chaise. Je ne sais pas où je compte aller comme ça !

Miss Mystère :
"Lana ! je t'en prie. J'ai rien fait, tu peux pas me tuer !"

Elle ignore mes supplications.

Miss Mystère :
"Pitié ! T'entendras plus parler de moi. J'ai rien à voir avec ton gang, moi !"

Elle s'arrête. J'ai un regard d'espoir... de courte durée, elle ne se retourne même pas.

Lana :
"T'en sais beaucoup trop maintenant. Tu représentes une menace pour le gang, et les menaces... on les élimine."

De la bile remonte dans ma gorge, mon coeur est sur le point d'exploser, mon corps est parcouru de fourmillements. Il n'y a plus qu'une seule personne à laquelle je pense. Et dire que j'ai douté de mes sentiments... Le visage de Mathilde se dessine dans mon esprit. Tout un tas de souvenirs se bouscule. Mon coeur s'affole, il y a tant de choses encore que je veux vivre ! Un bruit explose à l'intérieur de mon crâne. Je crois, pendant quelques secondes, qu'on m'a tiré une balle dans la tête, mais je sens aucune douleur.

??? :
"Pose ton arme !"

Les points blancs sur ma rétine s'effacent et j'aperçois plusieurs silhouettes entrer dans l'entrepôt ! Ce sont des policiers ! Et ils pointent leurs armes sur les malfrats et sur Lana ! Elle sursaute lorsqu'ils répètent aux sbires de lâcher leurs armes ! Je n'ai pas le temps de réaliser ce qui se passe vraiment que des coups de feu retentissent ! Le bruit des détonations près de mes oreilles, explosent mes tympans ! Le plus costaud des sbires de Lana n'a apparemment pas le goût de l'obéissance. Il tire et la police riposte. J'ai voulu éviter les tirs et, à force de gigoter sur ma chaise, celle-ci a basculé ! Je me retrouve la tête de travers, sur le flanc, les mains liées et les genoux recroquevillés au sol. Je me tortille comme un ver dans sa boîte. Les balles fusent et je suis bloquée dans cette position ! J'aperçois l'autre homme de main de Lana s'enfuir à toutes blindes. Il évite de peu une balle. Je suis tétanisée. Elle part se planquer derrière des caisses. Au même moment, j'entends un gémissement de douleur qui me déchire les entrailles. Une projection de gouttelettes humides atterrit sur mon visage. Je tourne mon visage et j'aperçois le sbire de Lana s'écrouler sur le sol, le crâne explosé. Je n'ai aucune compassion pour l'homme allongé et inerte sur ma droite. C'est celui qui voulait faire de moi son quatre-heures. Je suis soulagée de savoir qu'il ne pourra plus jamais causer du mal, à moi ou à qui que ce soit d'autre. Les tirs cessent. Je me force à détacher mon regard du type refroidi. Lana s'enfuit en courant. Je hurle pour avertir la police ! Hors de question que cette criminelle s'échappe ! Le regard hypnotisé sur sa fuite, j'aperçois alors un policer la plaquer au sol. Elle se débat, hurle et frappe pour tenter de s'échapper, mais deux autres hommes la soulèvent et la maîtrisent.

(Une vraie furie !)

Lana :
"VOUS ALLEZ LE REGRETTER ! VOUS CRÈVEREZ TOUS !"

Quelqu'un arrive près de moi. Je sursaute avec appréhension jusqu'à ce quelqu'un m'aide à défaire mes liens.

Policier :
"Tout va bien, mademoiselle. C'est fini."

J'adresse un regard plein de reconnaissance à mon sauveur !

Miss Mystère :
"Mon dieu... J'ai eu tellement peur ! Merci ! Vous m'avez sauvé la vie !"

Le policier m'aide à me redresser. Je titube un peu. L'émotion a eu raison de mes dernières forces. Je croise le regard de Lana. Elle me fixe avec une haine si profonde qu'une série de frissons me glace l'échine... Je suis pourtant tirée d'affaire maintenant, mais il va me falloir un moment avant de pouvoir me sentir en sécurité. Un policier lui menotte les mains dans le dos. J'aurais aimé le faire moi-même. Mais je ne veux plus jamais m'approcher d'elle. Je ne veux plus jamais entendre sa voix.

Lana :
"Vous croyez vous en sortir comme ça ? On vous tuera tous !"

Elle dit "vous", mais elle ne regarde que moi. J'en ai froid dans le dos.

Lana :
"Tous !"

Elle est conduite vers la sortie. Je suis sur le point de m'effondrer au sol. Je n'en peux plus ! Le policier à mes côtés me parle, mais je ne comprends aucun de ses mots. Mon corps est là, au milieu de l'entrepôt, mais c'est comme si je n'y étais pas vraiment. Et j'entends alors mon nom, et cette voix que je craignais de ne plus jamais entendre.

Mathilde :
"Princesse !"

Elle est là ! Elle retire rapidement son casque et court dans ma direction. Daryl fait signe aux policiers que tout va bien. `

Miss Mystère :
"Mathilde !!!"

Je me précipite dans ses bras et mes pleurs explosent au contact de ses mains sur mes joues !

Mathilde :
"Putain ! Je suis désolée. Putain, je suis désolée."

J'ai du mal à parler, mes sanglots expriment mon soulagement. Oui, j'ai cru que j'allais y rester aujourd'hui.

Miss Mystère :
"J'ai cru que j'allais plus jamais te revoir !"

Elle m'embrasse férocement et le goût de mes larmes se mélange à notre baiser.

Mathilde :
"Je suis là, princesse ! Je laisserai plus jamais quelqu'un te faire du mal."

Je me recroqueville dans ses bras. C'est fini. Tout est fini. Je reste un moment dans les bras de ma petite amie, à sangloter. C'est la seule chose qui réussit à m'apaiser pour le moment...

Nous sortons de l'hôtel de police. Nous y étions depuis des heures. Ma déposition a été une épreuve difficile. Revivre mon enlèvement minute par minute m'a replongée dans l'horreur. La seule chose qui me donnait du courage, c'était de penser qu'elle était dans le couloir. Et aussi que cette garce de Lana était derrière les barreaux ...! Quelque part dans le même commissariat.

(Je suis moins apaisée tout à coup !)

Miss Mystère :
"Où est Daryl ?"
Mathilde :
"Il est avec son contact de la police."
Miss Mystère :
"Je voulais lui dire merci. C'est grâce à lui si vous avez pu retrouver ma trace, grâce à mon portable..."
Mathilde :
"Tu auras l'occasion de le faire, princesse."
Miss Mystère :
"Tu sais... J'ai vraiment cru que j'allais mourir aujourd'hui."

Elle s'arrête en bas des marches de l'escalier et pousse un profond soupir. Sans me laisser le temps de parler, elle m'enveloppe dans ses bras. Elle maintient son étreinte avec force colossale, comme si elle avait envie de m’avaler tout entier, de me maintenir profondément ancrée à elle. Et ça me va. Je respire enfin. Je suis apaisée dans ses bras. Son menton repose sur le dessus de mon crâne et je l'entends répéter quelques mots de soulagement.

Mathilde :
"T'es là... T'es là..."

Je lève les yeux sur son magnifique visage et je constate ses traits tirés par la fatigue et l'inquiétude.

Miss Mystère :
"Je suis là..."

Quand elle écrase ses lèvres sur les miennes, elle happe les dernières forces qu'il me reste. Des larmes glissent sur mes joues. Elle les efface avec son pouce. J'ai l'impression de revenir à la normale. Sauf que, tout d'un coup, l'image de Topaze gisant sur le sol me percute de plein fouet ! Elle fronce les sourcils, inquiète.


Miss Mystère :
"Topaze... Il était inanimé. Il était couché et il bougeait plus, mais il est peut-être juste blessé."
Mathilde :
"Je t'avoue que, quand j'ai vu la porte défoncée, j'ai traversé l'appart pour te trouver ! J'ai juste pensé à toi... Désolée... Je me souviens de Topaze..."
Miss Mystère :
"Je m'en remettrai pas s'il lui ont fait du mal !

Elle me serre fort dans ses bras puis se dégage et prend mes épaules entre ses mains.

Mathilde :
"Il faut qu'on rendre vite à l'appart !"

Elle m'entraîne par la main et presse le pas. Je m'immobilise.

Mathilde :
"Qu'est-ce qu'il y a ?"
Miss Mystère :
"J'ai peur de rentrer."

Elle prend mon visage en coupe entre ses mains. Son regard ténébreux m'emprisonne.

Mathilde :
"Je suis avec toi maintenant. Et je te lâche plus. Il t'arrivera plus rien. Viens, je suis sûr que Topaze t'attend."

Elle ne peut absolument pas en être sûre, mais ses mots me font du bien et je la suis avec empressement. Lorsque nous arrivons à l'appartement, la porte est entrouverte. Je me précipite pour entrer, mais elle me retient.

Mathilde :
"Laisse-moi entrer la première."

J'acquiesce, boule au ventre. Mes mains tremblent quand elle passe la porte. Un gémissement se fait alors entendre.

Miss Mystère :
"Topaze !!!"

Je la pousse sur le côté afin de voir d'où vient ce gémissement. Je n'arrive pas croire que c'est bien lui, qu'il est vivant ! Topaze clopine jusqu'à à moi en pleurant doucement. Il lèche ma main et s'écroule contre moi ! Des larmes de joie explosent alors. Je suis tellement soulagée !

Miss Mystère :
"Oh mon Dieu ! Topaze ! T'es là, mon gros !"

Je le prends dans mes bras, en faisant attention de ne pas appuyer sur la patte blessée qui le fait boiter.

Mathilde :
"Je l'emmène chez le véto."
Miss Mystère :
"On l'emmène !"
Mathilde :
"J'appelle mon frère. Il veillera sur toi. Tu devrais rester ici pour te reposer."
Miss Mystère :
"C'est hors de question ! Je le laisse pas tout seul."
Mathilde :
"Il sera pas seul, il sera avec moi."
Miss Mystère :
"C'est pas la même chose. Je suis sa maîtresse. Il a besoin de moi."

Elle m'adresse un sourire compatissant.

Miss Mystère :
"Et je... Je peux pas vous sentir loin de moi, tous les deux. J'ai besoin de venir avec vous..."

Quand je relève Topaze remue à peine la queue sous ma caresse.

Mathilde :
"Très bien. Allons-y."

Elle abdique, se penche et passe ses bras sous le flanc de mon chien pour le porter. Il couine, mais se laisse faire. Je sais qu'il a confiance en elle. Je pose une main sur son cou et le rassure tout au long du trajet.

Mathilde :
"Le véto a dit de pas s'inquiéter. Topaze reste à la clinique, c'est juste part précaution au cas où, pour le surveiller."
Miss Mystère :
"Et s'il lui arrivait un truc pendant la nuit ?"

Elle me sourit tendrement et prend ma main dans la sienne.

Mathilde :
"J'appellerai tout à l'heure si ça peut te rassurer."

(Non, pas du tout ! Mais je m'en contenterai !)

Nous avons décidé de rentrer à mon appartement. Je suis incapable de retourner chez elle pour l'instant. Elle a récupéré quelques affaires et elle a décidé de ne plus me lâcher d'une semelle. Honnêtement, ça me va très bien ! J'ai besoin de m'occuper l'esprit. Je commence à me baisser pour ouvrir son sac de voyage.

Mathilde :
"Laisse ça. Tu dois te reposer maintenant."

Mes yeux se ferment presque tout seuls, mais je me sens tellement stressée...

Miss Mystère :
"Je sais pas si je vais arriver à dormir."
Mathilde :
"Essaie au moins."

Elle n'a pas tort, je suis épuisée. Je vais peut-être tomber comme une masse. Je m'allonge sur mon lit en soupirant. Elle me déshabille avec soin. Je n'ai plus la force de bouger et me laisse faire en observant le plafond de ma chambre. Elle ôte mon jeans et je l'aide à retirer mon soutien-gorge sans enlever mon tee-shirt. Elle me borde et s'assoit sur le rebord du lit, à mes côtés.

Miss Mystère :
"T'es pas obligé de faire tout ça."
Mathilde :
"Je le fais parce que j'en ai envie, princesse."

Sa voix est chargée d'émotion. Je me retiens de fondre en larmes à nouveau.

Mathilde :
"Quand je suis arrivé, j'ai vu que la porte de l'appart était défoncée et que t'étais pas là, j'ai cru que tout mon monde s'écroulait."
Miss Mystère :
"Ton monde ?"

Elle baise les yeux un instant. Je la sens très émue. Je caresse son avant-bras pour lui manifester ma tendresse.

Mathilde :
"T'es tout ce que j'ai, princesse. S'il t'était arrivé quelque chose, je m'en serais jamais remise."

Je déglutis devant l'évocation, plus que réaliste, de ma mort, car oui, j'ai bien failli y passer, ce soir !

Miss Mystère :
"Tu oublies Daryl. Il est là pour toi, tu sais..."
Mathilde :
"Je sais... Je le remercierai jamais assez d'avoir été si rapide pour tracer ton téléphone avec l'aide de son contact chez les flics."

(Daryl a carrément assuré ! Sans lui je ne serais plus là...)

Mathilde :
"Si mon frère avait pas eu le réflexe de te faire garder ton téléphone, on aurait jamais pu te retrouver aussi vite. Et si on t'avait pas retrouvé à temps... Une minute plus tard et tu serais... Enfin on aurait pas cette conversation !"

Je l'attire dans mes bras en explosant en larmes. Elle glisse son visage dans mon cou. Je la sens respirer mon parfum avidement.

Mathilde :
"J'ai eu peur, putain."

Sa fragilité m'émeut au plus haut point. Ses barrières de personnes fortes s'effondrent devant moi. Elle me montre son vrai visage.

Miss Mystère :
"Moi aussi j'ai eu peur de ne plus jamais te revoir. Quand Lana déblatérait dans sa folie, je pensais qu'à une seule chose..."
Mathilde :
"Laquelle ?"
Miss Mystère :
"Qu'on avait pas eu assez de temps ensemble."
Mathilde :
"Comment ça ?"
Miss Mystère :
"J'arrêtais pas de me dire qu'on avait passé notre temps à nous disputer à cause d'elle, alors qu'il nous restait tellement de choses à vivre, toutes les deux..."

Elle m'embrasse tendrement et toute la peur encore présente au fond de moi semble se mettre en sourdine. Elle est là. Je suis en vie. Et plus rien ne peut nous séparer.

Le lendemain matin. Elle est réveillée avant moi. Et je sens cette bonne odeur... Y a-t-il meilleure odeur que celle du café le matin, au réveil ? Je m'étire doucement, en laissant mon visage enfoui sous la couette. Elle n'est pas la chambre et j'en profite pour vite me brosser les dents avant son retour. Je n'ai pas envie de partager mes relents buccaux. Elle pourrait fuir ! Une fois mon haleine fraîche retrouvée je retourne me coucher, car le lit continue de m'appeler. Mon corps est encore engourdi par ce qu'il a subi hier. Mes poignets me font mal et mes épaules sont endolories. Jerevois encore la haine et la folie de Lana quand je ferme les yeux. J'espère qu'un jour j'oublierai son visage.

Mathilde :
"Hey, princesse ! T'as bien dormi ?"

Elle est appuyée contre l'encadrement de la porte de ma chambre. En sous-vêtements, elle m'adresse un regard empli de tendresse et de compassion.

Miss Mystère :
"J'ai sans doute eu de meilleures nuits."

En vérité je n'ai aucun souvenir de ma nuit. À partir du moment où ma tête a touché l'oreiller je n'ai plus ouvert l'œil, jusqu'à maintenant. Une nuit sans rêves. Mon corps avait besoin de récupérer de la fatigue et du stress qu'il avait emmagasinés. Je me redresse et prends appui sur l'oreiller pour la contempler. J'essaie de graver son image au fond de moi. Les événements d'hier m'ont rappelé que la vie ne tient qu'à un fil. Il faut savoir être reconnaissant pour ce que l'on a.

Miss Mystère :
"T'es levée depuis longtemps ?"
Mathilde :
"Assez pour être allé chercher des croissants, avoir fini de ranger mes affaires et t'avoir entendue ronfler."

Je me cache sous l'oreiller pour camoufler le rouge qui me monte aux joues. Je ronfle rarement, mais quand cela m'arrive, je ne fais pas semblant ! Elle a sûrement cru dormir à côté de Shrek, cette nuit...

(Mais attendez...! Est-ce que j'ai bien entendu le mot "croissant" ?)

Je bondis, hors de ma grotte improvisée et regarde Mathilde qui pose un plateau sur le bord du lit. Je suis affamée. En y repensant, je n'ai rien avalé depuis hier soir. Mon estomac gargouille sans pudeur à la vue des croissants. J'imagine tout de suite la bouille de Topaze bavant devant un tel plateau. Si, d'habitude ça m'énerve, aujourd'hui ça me manque... Elle remarque instantanément le voile de tristesse qui passe sur mon visage. Je suis trop lisible pour elle. Elle pose une main sur la mienne.

Mathilde :
"J'ai appelé la clinique vétérinaire. Topaze va mieux."

Je lève la tête en sa direction et j'ai du mal à cacher mon émotion.

Miss Mystère :
"On peut le récupérer aujourd'hui ?!"
Mathilde :
"Non, il faudra les rappeler demain pour aller le chercher. Mais t'inquiète pas, il risque plus rien maintenant. Ils m'ont même dit qu'il avait de l'appétit !"
Miss Mystère :
"Oh Mathilde !"

Je l'amène à me prendre dans ses bras, en manquant de peu de renverser le café chaud sur le matelas. Elle dépose un baiser dans mon cou, tandis que sa main caresse mon dos.

Miss Mystère :
"Merci. T'es vraiment un ange. Tu penses à tout."
Mathilde :
"T'as besoin de passer à autre chose, et moi aussi. Bientôt toute cette histoire sera plus qu'un vieux souvenir."
Miss Mystère :
"Tu crois vraiment que je pourrai oublier ce qui s'est passé ?"

Elle dégage une mèche de cheveux devant mes yeux et la glisse derrière mon oreille.

Mathilde :
"Non, t'oublieras pas. Mais avec le temps, ça prendra moins de place."

J'ai envie de la croire. Quand je suis près d'elle, j'arrive à penser que tout est possible.

Mathilde :
"Et puis on est ensemble. On sera là pour se soutenir. Toi et moi. Le reste on s'en fout."
Miss Mystère :
"Toi et moi... et ce croissant chaud !"

Je porte la viennoiserie à ma bouche et toutes mes papilles effectuent une danse de la joie dans ma bouche.

Miss Mystère :
"C'est divin ! Je serais prête à te vendre pour croissant chaud..."
Mathilde :
"Au moins, je suis prévenu ! Fais-moi goûter pour voir."
Miss Mystère :
"Jamais de la vie !"

Elle tend la main pour me voler mon précieux butin, mais je m'empresse de l'engloutir tout entier. Les miettes s'éparpillent autour de ma bouche et sur les draps. Je m'arrête de manger pour lui sourire.

Miss Mystère :
"Désolée..."

Elle souligne ses lèvres avec coquinerie.

Mathilde :
"Sois pas désolé, j'aime bien, que copine soit une petite gourmande..."

Je fais mine d'ignorer l'ambiguïté de sa remarque et je trempe mes lèvres dans le café chaud. Sa main se pose délicatement sur la mienne et s'empare du plateau pour le déposer sur la table de nuit.

Miss Mystère :
"Hey ! J'ai pas fini, je te signale !"

Elle ne me répond pas. Son regard me fixe avec intensité. J'adore quand elle me regarde comme ça.

Mathilde :
"Il est temps que je prenne soin de toi, maintenant."
Miss Mystère :
"Tu comptes me donner un bain cochon ? Abuser de mon corps ?"

Je rigole toute seule à ma blague. Elle est très sérieuse, malgré la lueur d'amusement que je perçois dans ses yeux.

Mathilde :
"Je compte bien profiter de ta bouche gourmande plus tard..."

Elle plaisante sûrement comme elle en a l'habitude. Ou pas ? Je réalise à son regard de braise qu'elle est très sérieuse, et je ne peux m'empêcher de rire bêtement. Je suis un peu gênée par ses propos. Aurait-elle l'intention de...? Non, elle n'est pas comme ça ! Si...? Je sais pas si je peux assumer. Mathilde passe au-dessus de moi et encadre mes jambes avec ses genoux. Je suis clouée au lit par son emprise. Je déglutis devant son regard carnassier.

(Oui, "carnassier" parce que j'ai la nette impression que je vais lui servir de repas !)

Mathilde :
"Ma princesse a besoin de se détendre..."

Ses mains glissent le long de mes bras, puis du renflement de ma poitrine jusqu'à mes hanches, avec une lenteur déconcertante.

Miss Mystère :
"C'est vrai. Je très tendue..."

Elle se redresse brusquement pour que son visage se retrouve à hauteur du mien. Ses lèvres s'emparent de ma bouche et elle m'embrasse férocement. Le désir que j'ai pour elle se propage en moi comme une décharge électrique. Je partage la passion qu'elle me transmet par ce baiser, la tension et la délivrance. Je m'agrippe à elle et lui réponds avec autant de bestialité. Nos dents s'entrechoquent et j'en oublie de respirer. Lorsqu'elle arrête notre connexion, je suis à bout de forces. C'est comme si toute mon énergie vitale avait été aspirée par la fusion de nos désirs. Elle a encore les traces de notre baiser sur mes lèvres. Sa bouche humide alimente mon envie de prolonger notre étreinte. Elle s'avance à nouveau vers moi, mais, cette fois, elle prend tout son temps, et cela augmente la sensation de chaleur entre mes jambes...

Mathilde :
"Laisse-toi faire, princesse."

Je frissonne par anticipation quand elle retire le drap qui couvre mon corps. Un courant d'air frais provoque la chair de poule sur ma peau à découvert. Ses caresses sensuelles qu'elle me donne sont enivrantes et je le lui fais comprendre avec des gémissements à peine étouffés. Elle m'a dit de profiter, je ne vais pas me faire prier. Comme dans une douce séance de modelage je ressens du bien-être, au et à mesure qu'elle descend son chemin. Elle prend tout son temps et je me délecte des sensations qu'elle me procure. Son chemin est parsemé de tendresse et de sensualité. Elle s'arrête sur chaque grain de ma peau. Je ne sais pas où elle veut aller, mais je ne m'y opposerais pour rien au monde. Elle soulève doucement mon tee-shirt et embrasse mon ventre. La sensation de plaisir se diffuse dans tout mon corps. Je me redresse pour récupérer le drap et m'en recouvrir. Elle ne l'entend pas ainsi. D'une main ferme sur mon épaule, elle me force à me rallonger. Sans même décoller son visage de mon corps, elle continue sa mission : me détendre.

Mathilde :
"Teu, teu, teu... On ne bouge pas, jeune fille."

Je m'exécute quand son visage se retrouve entre mes cuisses. Il y a des situations qui forcent à l'obéissance... Je suis un peu gênée de la regarder droit dans les yeux. Je ferme les yeux pour me concentrer uniquement sur les sensations de sa bouche sur ma peau. Chaque couleur qu'elle me prodigue est inattendue et j'adore ça. Je me vide de toutes les préoccupations, craintes, la fatigue, les soucis. Elle n'y a plus que la douceur sensuelle de ses caresses. Plus que les sensations et l'émotion... Lorsque Daryl ouvre la porte de chez lui, une vague d'émotions déferle en moi. Je ne sais pas par quels mots commencer. Alors... Les larmes me montent aux yeux, mais je pense à elle à côté de moi. Je pense que je dois garder un peu de retenue et éviter de sauter dans les bras de son frère. Il m'observe un instant, sans dire un mot. C'est inutile, le regard suffit. Puis, après une hésitation, Mathilde nous étreint tous même son frère. La scène est poignante. Et s'ils ne pleurent pas, je suis prête à le faire pour eux ! J'aimerais tellement les voir aussi proches plus souvent. Leur complicité est saisissante. Leur amour de jumeaux, si évident là, devant moi, devrait s'exprimer plus souvent. Ils ont dû endurer tant de choses ensemble ! J'imagine que les épreuves de la vie ont créé entre eux, un lien que rien ne pourra détruire. Elle tapote virilement le dos de son frère.

Mathilde :
"C'est bon frangin, lâche-moi un peu ! Tu me fais passer pour une mauviette !"

Il cogne gentiment sa soeur à l'épaule.

Daryl :
"Je t'ai toujours dit que j'étais le plus sensible des deux !"

Je croise le regard Mathilde, lorsqu’elle se libère l'étreinte de son frère, et j'y lis beaucoup de tendresse. Elle veut jouer au dur, mais ses prunelles brillent comme deux bigarreaux sous le soleil. Elle tente de cachet ses faiblesses, mais, pour moi, elles sont une force. Elles font d’elle la femme sensible que j'aime par-dessus tout. Nous nous installons sur la terrasse, baignée par le soleil chaleureux de cet après-midi. Je ferme les yeux un instant et me concentre sur la chaleur sur ma peau. J'aimerais rester ainsi pendant des heures, me dorer la pilule comme si je n'avais que ça à faire et à penser.

(Si seulement...!)

Mathilde :
"Alors ? Quelles sont les nouvelles ?"

Je sors aussitôt de ma bulle. La réalité n'est pas plus reluisante au soleil...

Daryl :
"La police a perquisitionné l'appartement de Lana. Ils la questionnent. Elle va aller en prison et je pense qu'elle va y rester pendant un moment."
Mathilde :
"Tu crois qu'on n’a plus rien à craindre, maintenant ?"
Daryl :
"Les deux à la tête du gang se sont fait choper, donc le gang est fragilisé."
Mathilde :
"Ils ont retrouvé le type qui a fui, l'homme de main de Lana ?"

Daryl répond par la négative. Une boule d'angoisse se forme dans ma gorge. Ce type n'était pas le plus dangereux des deux sbires de Lana. Je me demande s'il pourrait encore nous nuire. Le fait qu'il sache où Mathilde habite ne me rassure pas du tout. Ce mec en liberté est une menace sur nos têtes.

Miss Mystère :
"Qu'est-ce qu'on peut faire alors ? Il faut absolument qu'on le retrouve."
Daryl :
"Les flics s'en occupent. Ils finiront par le boucler. Mais y a pas d'inquiétude à avoir, c'est un pantin."
Mathilde :
"Comment tu peux en être si sûr ?"
Daryl :
"Je le sais , c'est tout. Et puis, un jour ou l'autre, un des membres cherchera à reprendre le contrôle du gang."

Il baisse les yeux, mal à l'aise. Mathilde fronce les sourcils, visiblement soucieux.

Daryl :
"Je vais aider les flics à identifier tous les mecs influents du gang. En échange, ils tirent un trait sur mon passé."

J'aperçois Mathilde contrariée par cette nouvelle. Elle serre les dents jusqu'à ce que sa mâchoire se contracte. Je sais que Daryl n'a pas un passé très glorieux, mais je me demande ce qu'il a pu faire réellement, pour avoir besoin d'une immunité. Mathilde évite mon regard et Daryl soupire face à la réaction de sa soeur.

Daryl :
"Je sais que t'n’aimes pas en entendre parler, Mathilde, mais ce qui est fait est fait."
Miss Mystère :
"Vous pourriez être plus précis ? Qu'est-ce t'as fait au juste ?"

Il baisse la tête et elle répond immédiatement.

Mathilde :
"On va pas remuer la merde à la surface."

O...K... Vu la tête qu'ils font, je préfère ne pas insister.

Daryl :
"C'est ce qu'il y a de mieux à faire... pour nous tous."

Mathilde s'adosse contre sa chaise. Elle les cache sous la table, mais je vois ses poings se serrer sur ses cuisses.

Mathilde :
"Je suppose que tu changeras pas d'idée..."
Daryl :
"Non."

Elle dévie son regard vers le mien. Ses traits sont tirés, tout à coup. Je lui envoie un clin d’œil rassurant pour lui demander silencieusement de se calme. Son frère est comme il est. Elle ne le changera pas. Et peut-être que c'est une façon pour lui de tirer un trait sur son passé. Une façon de corriger le tir ou de se racheter. Mais je me demande très sincèrement si c'est possible. Daryl semble connecté à un monde obscur dont toutes les ficelles m'échappent. Je me contente de poser une main sur la cuisse de Mathilde. Je n'ai pas envie que ça dégénère avec elle. Pas encore. Pas aujourd'hui... Le temps passe et les deux jumeaux se dérident un peu. Je soupire en profitant du soleil. Ces deux-là sont décidément irrécupérables ! Mathilde doit donner son cours de boxe ce soir. Elle n'est pas très rassurée à l'idée de s'éloigner de moi. De mon côté je me sens encore trop faible pour l'accompagner. Et puis mon corps semble décidé à s'incruster dans ce transat !

Mathilde :
"J'en ai pour trois heures."
Miss Mystère :
"Ça va aller. T'inquiètes pas."
Mathilde :
"Si j'étais pas obligé d'y aller, je resterais avec toi."

Miss Mystère :
"Je sais. Ça me dérange pas, je t'assure."
Mathilde :
"T'es sûre que tu veux pas m'accompagner ?"
Miss Mystère :
"Vraiment sûre ! Je suis fatiguée, et puis ton frère reste avec moi, t'as pas à t'inquiètes."
Mathilde :
"Promets-moi de pas rester seule... à aucun moment !"
Miss Mystère :
"Je te le promets."

Elle m'embrasse fougueusement. Depuis mon enlèvement chacun de ses baisers est d'une intensité extrême. Comme si elle s'imaginait que ce baiser pouvait être le dernier. J'aimerais qu'elle reste lovée contre moi et qu'elle ne reparte jamais.

Miss Mystère :
"Et si tu restais, finalement ?"

Je regrette aussitôt d'avoir pensé à voix haute. Elle est prête à renoncer à son cours et je me montrerais extrêmement égoïste si c'était le cas.

Miss Mystère :
"Je plaisantais. Vas-y et reviens vite."
Mathilde :
"Fais gaffe."

Je l'observe passer la grille tout en se retournant une dernière fois pour me lancer un clin d'œil craquant. Je soupire comme une idiote. Je me sens amoureuse comme au premier jour... Si seulement je n'avais pas pris autant de risques en fourrant mon nez partout, je n'aurais pas angoissé tout le monde.

Daryl :
"Tout va bien ?"

Je me retourne sur Daryl. Il est debout derrière moi, deux verres d'eau fraîche à la main. Je fais un effort pour que mon regard ne s'attarde pas sur son torse musclé, sur le début de son tatouage ou sur les veines saillantes de ses avant-bras.

Miss Mystère :
"Elle s'inquiète pour moi."
Daryl :
"Je la comprends. Je ressens la même chose qu'elle."

J'ai beau aimer Mathilde comme une folle, quand Daryl me faire part de ses sentiments pour moi, je suis touchée. Je ne me voile pas la face, je ressens quelque chose pour lui, c'est inexplicable et indéfinissable. Souvent je me dis que mon attirance envers lui n'a été en fait qu'un caprice, une réaction de jalousie contre Mathilde.

Daryl :
"Ce qui vient de se passer nous a tous chamboulés. Je réalise quelles sont les choses qui comptent vraiment."

(Mince ! Il est sur le point de me faire une déclaration ?)

Je ne l'ai jamais vu dans cet état. Il est visiblement très ému. Les mots butent contre ses lèvres, sa voix est rauque et ses yeux sont brillants.

Miss Mystère :
"Écoute, je sais pas ce que t'es sur le point de me dire, mais tu devrais…"
Daryl :
"Laisse-moi parler pour une fois. Tu le sais, je m'en suis jamais caché, j'ai des sentiments pour toi."

Mon cœur rate un battement. Son côté cash me désarçonne toujours.

Miss Mystère :
"Je..."

Il lève la main pour me faire taire.

Daryl :
"J'ai eu peur quand tu m’as appelé, et encore plus quand j'ai vu la réaction de ma sœur. J'ai réalisé à quel point tout ça... pouvait me faire perdre les rares personnes qui comptent pour moi."

Est-ce qu'il essaie de me faire comprendre que je fais partie de sa famille, maintenant... ?

Daryl :
"J'ai une belle villa, une belle bagnole, mais je me rends compte que tout ce que j'ai, je l'ai pas obtenu de la meilleure des manières... Et qu'en gros, je paye le juste retour des choses."

Je ne sais pas exactement ce qu'il a fait pour récupérer autant d'argent, mais j'en ai une vague idée. La malhonnêteté se paye toujours, un jour ou l'autre. Le fait que je l'aime beaucoup ne change rien au fait qu'il a sans doute de nombreuses choses à se reprocher...

Daryl :
"C'est pour ça que, je veux faire table de mon passé, une bonne fois pour toutes."

Il a déjà eu ce type de prise conscience, mais cette fois je sens que le changement a vraiment commencé à s'opérer en lui.

Daryl :
"Je suis trop vieux pour ces conneries. Il est temps que je me pose."
Miss Mystère :
"Vraiment ?"
Daryl :
"Oui, vraiment."
Miss Mystère :
"Ce sont de belles paroles, tout ça..."
Daryl :
"Tu me crois pas ?"
Miss Mystère :
"Je sais pas. Tu es prêt à renoncer à ton train de vie ? À tout ça... ?"

Je balance d'un coup de tête sa propriété gigantesque et laisse mon regard s'attarder sur l'a Lamborghini.

Daryl :
"Je vais commencer par faire du ménage dans mon passé, mes amis..."

Je hoche la tête en souriant devant sa motivation.

Miss Mystère :
"Tu devrais en parler à ta sœur."

Il grogne et avale d'un trait son verre d'eau.

Daryl :
"Mathilde me pense pas incapable de changer."

Je me lève et pose une main sur son avant-bras. Je croise son regard.

Miss Mystère :
"Elle a plus besoin de toi que tu l'imagines. Parle-lui."

Il est trop fier pour baisser la garde, il se contente de me toiser de toute sa hauteur. Mais s'il y a une personne à qui il ne fait pas peur, c'est bien moi... Nous sommes interrompus par la sonnerie de mon téléphone. L'appel provient d'un inconnu. Il fronce les sourcils. Un peu fébrile, j'attrape mon téléphone...

??? :
"Allo... Mademoiselle Rivoli ? C'est la clinique vétérinaire. Nous appelons pour Topaze."

Mon cœur s'emballe ! Topaze !!! Je le rassure de suite sur la nature de l'appelant. Je vois ses traits se détendre tout de suite.

Clinique vétérinaire :
"Il risque de boiter pendant plusieurs jours. Il lui faudra un peu de repos. Mais vous pouvais venir le chercher."

Mon dieu ! Je suis tellement soulagée ! Je vais pouvoir retrouver mon toutou et le gâter comme il se doit ! Je quitte la maison de Daryl à la hâte, en lui promettant de ne pas commettre d'imprudence et de l'appeler au moindre problème. Je lui ai promis d'appeler Lola pour qu'elle reste avec moi. Je lui envoie un message un sms pour lui proposer de nous voir, après avoir récupéré Topaze. Elle est partante. En poussant la porte de la clinique vétérinaire, les mauvais souvenirs refont surface. Mais ils s'effacent aussitôt lorsque j'aperçois mon chien !

Miss Mystère :
"Topaze !!!!"

Il a un bandage à la patte et un autre qui lui entoure ses côtes, mais ça ne l'empêche pas de remuer la queue lorsqu'il réalise la présence. Lui aussi est soulagé de me voir, nous nous sommes mutuellement manqués. C'est incroyable les liens qu'on peut avoir avec un animal ! Je cours le serrer dans mes bras. Sa langue baveuse couvre mon visage.

Miss Mystère :
"Oh mon beau toutou ! Tu m'as manqué !"

Il gémit en se frottant contre moi. Je suis tellement contente qu'il soit en vie. Il aurait pu y rester. La chance que nous avons eue est inestimable, nous sommes vivants tous les deux. Le bonheur se déguste avec délectation, après avoir échappé à la mort ! Je signe quelques papiers et écoute les recommandations du vétérinaire avec attention. Il ne pourra pas courir ou sauter pendant quelque temps. Il faudra le ménager. Mais je ne vois pas comment je vais l'en empêcher. C'est comme si je devais m'abstenir d'engloutir un pot de glace ouvert ! Lorsque tout est en règle, et que nous sortons de la clinique, Topaze ne se fait pas prier pour me suivre. Il lève le museau en l'air, comme si l'odeur d'un poulet rôti flottait autour de nous. Le pauvre ! Rester enfermé n'a pas dû être facile pour lui. Topaze mérite un petit remontant. Je décide alors de l'emmener au parcpour qu'il oublie ces derniers jours désastreux. Et puis, surtout, je n'ai pas envie de rentrer seule chez moi. Je préfère m'attarder encore dehors, avant d'aller m'enfermer. J'appelle alors Lola pour qu'elle nous rejoigne. On pourrait prendre un café. Je n'ai pas eu le temps de parler de tout ce qui s'est passé avec mon amie. Je sais malgré tout qu'elle a pris des nouvelles par l'intermédiaire de Mathilde.

Lola :
"Allô, ma belle !"
Miss Mystère :
"Coucou. Dis-moi, on est au parc avec Topaze, ça te de dit de nous rejoindre ?"
Lola :
"Carrément ! je suis pas loin en plus..."
Miss Mystère :
"Je suis sur le banc, juste avant le petit pont habituel."
Lola :
"Ok ! J'arrive !"

Je suis trop contente qu'elle soit libre. Lola, c'est un peu mon phare au milieu de la pénombre. Ma petite lumière. Elle arrive dix minutes plus tard et se jette sur moi !

Lola :
"Oh putain !"

Je me laisse aller dans les bras de mon amie et je retiens un sanglot.

Lola :
"Je suis tellement soulagée de te voir !"

Nous n'avons pas eu encore le temps de vraiment parler de l'enlèvement. Elle se défait de mes bras. Elle adresse à Topaze un sourire bienveillant et sort un petit paquet de sa poche. Il renifle aussitôt une odeur alléchante et clopine jusqu'à mon amie.

Lola :
"Ça, c'est pour toi, mon gros !"

Elle me tend les friandises préférées de mon chien.

Miss Mystère :
"Oh t'es adorable ! C'est trop gentil d'avoir pensé à Topaze."
Lola :
"Il m'aurait pissé dessus si je l'avais pas fait !"
Miss Mystère :
"T'es conne, ma parole !"

Elle pense à tout, c'est pour ça aussi que je l'adore. Nous nous mettons à rire à gorge déployée et attirons le regard curieux des passants. Topaze termine sa récompense en quelques minutes à peine et retourne quémander la suite à Lola.

Lola :
"Ah non, j'ai plus rien, espèce de gros gourmand !"

Il lève les oreilles, en espérant nous amadouer avec son air implorant.

Miss Mystère :
"Y en a un qui perd pas le nord, en tout cas !"

Il en profite pour se faufiler entre mon amie et moi, afin de recevoir des caresses de toutes parts. Pendant un bref instant, j'ai comme l'impression que ma vie est redevenue normale...

Lola :
"Bon alors ? Comment tu te sens ? Tu veux m'en parler ?"

La dernière fois que je l'ai eu au téléphone, je lui ai parlé rapidement de mon agression et de la blessure de Topaze. Une boule à l'estomac m'empêche de respirer convenablement. Rien que d'y penser...

Lola :
"Hey ça va, ma belle... Je suis là..."

Je n'en ai parlé qu'à la police, jusqu'à présent. Devoir relater à nouveau cette épreuve m'angoisse terriblement. Pour raconter ce que s'est passé, je suis obligée de le revivre, minutes par minute, seconde par seconde. Alors je rapporte chaque détail, chaque sensation que j'ai éprouvée. Elle me regarde d'un air attristé. Je sais tout l'amour qu'elle me porte et je m'en veux du lui faire cette peine. Elle pose une main sur la mienne et reste muette. Il n'y a pas de mots, de toute façon...

Miss Mystère :
"Tu sais, j'ai vraiment cru que j'allais y rester…"

Les sanglots, bloqués au fond de ma gorge depuis le début de mon récit, explosent sans que je puisse les contrôler ! Elle a les larmes aux yeux en me voyant ainsi, mais elle me fait signe de continuer. Alors je me livre à elle. Ça fait du bien de pouvoir se décharger d'une telle angoisse. À qui d'autre pourrais-je raconter tout cela...?

Miss Mystère :
"Je sais pas si je vais réussir à surmonter ça... J'arrête pas d'y penser."
Lola :
"C'est normal, ma belle... Il faut te laisser du temps. Ne sois pas trop exigeante avec toi-même."

Les paroles, toujours pleines de sagesse, de mon amie me réconfortent. Elle sort un mouchoir de sa poche et me le tend pour que j'essuie mes larmes.

Miss Mystère :
"Si t'avais vu Lana, son regard..."

Elle m'observe avec gentillesse et caresse doucement mes cheveux.

Miss Mystère :
"Si j'avais su que c'était à ce point je serais jamais allée mettre mon nez dans ses affaires. Daryl m'avait prévenue, j'aurais dû l'écouter."

Elle lève les yeux au ciel.

Lola :
Mais c'est incroyable ! Arrête un peu de te flageller !"

Elle semble agacée devant ma capacité" hors norme à me culpabiliser.

Lola :
"Tout ça, ce n'est pas de ta faute, ok ?"
Miss Mystère :
"J'ai quand même envoyé ce texto..."

Elle soupire et son regard se perd un instant sur un jaugeur qui trottine devant nous.

Lola :
"Il doit avoir l'habitude, non ? C'est lui qui ramène toujours les emmerdes !"

Je suis surprise par son agressivité soudaine envers Daryl. Est-ce qu'elle réagit comme ça à cause de leur rupture...?

Miss Mystère :
"Il est pas le seul fautif dans l'histoire. Il fait tout pour se racheter..."
Lola :
"S'il avait arrêté de jouer les héros deux secondes, et nous avait laissés contacter la police quand on aurait dû, on en serait pas là ! Quant à se racheter... Je vois pas comment il pourrait y arriver ! Y a du boulot...!"

Elle n'a pas tort. C'est bien la police qui a tracé mon appel et qui est venue arrêter Lana. Ils ne sont pas si inefficaces que ça ! Tout à coup il me vient un doute affreux. Et si Daryl m'avait utilisé, à la demande des flics, pour piéger Lana...?

(Putain, arrête ! tu délires !)

Lola :
"Désolée de te paraître si amère... Mais crois-moi, les types comme Daryl ne changent pas. Il a foutu notre histoire en l'air pour ça... Il pourra jamais effacer son passé."
Miss Mystère :
"C'est certain. Et encore... je suis pas sûre qu'on en connaît la moitié..."
Lola :
"Ah ? Parce que tu penses qu'il traîne encore plus de casseroles qu'on le croit ?"
Miss Mystère :
"Je pense qu'il a traîné dans des trucs qui nous dépassent et j'ai besoin de m'en tenir loin..."
Lola :
"Tu m'étonnes... T'as besoin de repos et de calme ma chérie."

Nous soupirons à l'unisson. Topaze interrompt notre malaise, en aboyant et en se faufilant entre nos jambes pour quémander des caresses. Elle caresse doucement mon chien qui la regarde avec des yeux énamourés.

Lola :
"C'est bien pour lui s'il change, et tout ça... Mais toi, faut que tu te préserves. Et puis, vous avez le temps à rattraper avec Mathilde."
Miss Mystère :
"Oui... Je t'ai pas dit, on va emménager ensemble."

Elle me regarde, un peu outrée.

Lola :
"Bien sûr que si, tu me l'as dit !"
Miss Mystère :
"Non, mais pour de vrai. Pas de façon temporaire."
Lola :
"Oh !"
Miss Mystère :
"On va chercher un appartement dès qu'on sera remis."

Elle rigole doucement, un brin moqueuse.

Lola :
"Je le savais... Bientôt la demande en mariage..."

Je pouffe de rire et tape l'épaule de mon amie du poing.

Miss Mystère :
"Arrête tes conneries !"
Lola :
"J'espère que tu me choisiras comme demoiselle d'honneur !"
Miss Mystère :
"Lola..."

Mon amie éclate de rire. Mais je me garde bien de lui dire que, si je devais me marier, elle serait ma témoin. Je préfère éviter de le lui dire pour ne pas recommencer à pleurer comme une madeleine. Et surtout parce que Mathilde ne m'a pas fait une telle demande !!
Lorsque je rentre à l'appartement, je sens une douce odeur d'épice et de miel. Mon ventre manifeste son enthousiasme et Topaze se faufile rapidement jusqu'à la cuisine. Mathilde semble occupée, la tête penchée sur un livre de recettes. Elle est tellement chou comme ça que je pourrais l'observer pendant des heures durant. Quand elle m'aperçoit, elle me sourit et se précipite sur moi. Elle me soulève aisément du sol et me colle contre elle. Sa bouche chemine sur mes lèvres puis dans mon cou avec une sensualité renversante. Ses baisers ont la faculté de me rendre folle. Si elle continue de m'embrasser ainsi mon estomac devra attendre.

Mathilde :
"Tu m'as manqué, princesse."

(Elle aussi, mais je ne vais pas le lui dire. Je veux qu'elle me coure encore un peu après !)

Miss Mystère :
"On s'est à peine quitté quelques heures !"
Mathilde :
"Des heures où j'ai pas pu toucher et explorer ce corps divin."

Elle me repose sur le sol, en profitant de l'occasion pour frôler mes fesses au passage. Son sourire taquin me prouve qu'il n'y a pas que le repas qu'elle compte déguster ce soir !

Mathilde :
"Lola t'a accompagnée ? T'es pas rentrée seule, j'espère ?"
Miss Mystère :
"Ben en fait, non."

Elle m'adresse un regard effaré, comme si je venais de lui annoncer la fin du monde.

Mathilde :
"Tu plaisantes ? C'est trop risqué de rester seule."
Miss Mystère :
"C'est bon, je suis pas en sucre ! Tôt ou tard, je devrai être seule, tu sais."

Je fais la moue et lui offre un sourire désolé auquel elle ne pourra pas résister. Elle prend mon menton entre son pouce et son index pour me forcer à lever mon visage vers elle.

Mathilde :
"J'ai peur de te perdre…"
Miss Mystère :
"Je ferai attention, c'est promis. Mais là, t'as plus de chances de me perdre si tu me retiens encore, sans que je puisse manger ce qui sent si bon !"

Elle me pousse un grognement amusé et renonce à me contrarier davantage.

Miss Mystère :
"Et non, je parle pas de toi."

(Bien qu'elle soit absolument appétissante.)

Elle me laisse pas et je suis alors subjuguée par ma découverte.

Miss Mystère :
"C'est magnifique !"

Une table, ornée d'une nappe blanche, de deux bougies en forme d'étoiles, et une fleur orange, trône au milieu du salon.

Miss Mystère :
"C'est dommage, moi qui avais envie de manger une pizza, ce soir."

Je lui jette un regard en coin. Elle semble décontenancée par ma remarque.

Mathilde :
"Ah bon ? J'ai préparé autre chose, mais je peux te commander une pizza si tu veux."

Je me cale dans ses bras, pour qu'elle ne me voie pas mon sourire moqueur.

Miss Mystère :
"Ça fait des jours que j'ai envie de manger une pizza… On pourra toujours donner ton repas à Topaze pour pas gaspiller."
Mathilde :
"Hein ?!"
Miss Mystère :
"Je plaisante !"

Elle paraît aussitôt soulagée. Son petit air calculateur me dit qu'elle est déjà en train de se demander comment elle se vengera.

Mathilde :
"Tu me le paieras, princesse !"

Un bruit de papier froissé dans la cuisine nous sort de nos taquineries.

Miss Mystère :
"Topaze ! Viens ici !"

Il revient, la queue entre les pattes. Je lui caresse tout de suite le sommet du crâne pour ne pas qu'il pense que je suis fâchée.

Mathilde :
"Je crois savoir ce qui l'intéresse."

Elle se dirige dans la cuisine et en ressort avec un énorme os à mâcher.

Mathilde :
"Je pense qu'on a tous droit à un petit remontant."

Je repense à la remarque de Lola et ça me fait rire. Elle ne comprend pas pourquoi un sourire se dessine sur son visage, mais je préfère le garder pour moi. La soirée se prolonge comme dans un rêve. Elle me traite comme une reine. Elle s'est surpassée. De l'entrée au dessert, je n'en laisse pas une miette. Elle a préparé, sans aucune fausse note. Cette femme est une perle et elle est à moi ! À la fin du repas, nous nous asseyons sur le canapé, nos verres de vin à la main. La musique en fond sonore est apaisante et berce mes pensées. Elle passe un bras autour de mes épaules et je me love contre elle. Je me sens tellement bien dans ses bras ! On dirait qu'ils ont été faits juste pour moi.

Miss Mystère :
"Je pourrais rester comme ça toute ma vie."

Elle caresse mon épaule dénudée et repose un tendre baiser sur mon front.

Mathilde :
"Alors, reste contre moi."

(Je ne comptais pas m'en aller…)

Je ferme les yeux et m'endors au rythme de nos battements de son coeur. J'appréhende mon retour au travail. Cela fait trois jours que je ne m'y suis pas rendue. Je sais très bien que j'aurai droit aux questions embarrassantes de mes collègues et à leur pitié mal placée. La direction est au courant de ce qui m'est arrivé, au moins dans les grandes lignes. Mon histoire a dû faire rapidement le tour du bureau.

(Les commères ont dû se régaler, et je préfère ne pas penser à la réaction de Cassidy !)

Je vais devenir un phénomène de foire alors que j'aime passer inaperçue. En franchissant le hall de la Carter Corp, j'ai l'impression d'attirer tous les regards. On va sûrement me poser des questions. Certains seront désolés pour moi. Et je devrais leur dire que tout va bien, alors que c'est faux, et je devrai revivre ce qui s'est passé, encore et encore. Je déclare la journée "Longer les murs" officiellement ouverte ! Et si j'investissais dans une cape d'invisibilité ? Ryan Caret pourrait payer son service "Recherche et développement" pour ce projet ! Je passe devant l'accueil en bassinant la tête. J'ai peur de croiser quelqu'un qui me posera des questions. Je ne pourrai pas faire semblant de jouer l'autruche très longtemps, je le sais, mais pour l'instant je n'arrive pas à faire autrement. D'un côté, il y a tant de services dans cette tour que mon sort n'intéresse peut-être pas grand monde, au final… Mais une voix masculine que je connais bien m'interpelle au moment où je m'apprête à monter dans l'ascenseur.

Mark :
"Mademoiselle Rivoli ! Je suis contente de vous voir au travail. Comment allez-vous ?"

Je redoutais cette question. Elle paraît si anodine et sans signification quand on l'entend tous les jours. Mais après ce que j'ai vécu, elle prend une tout autre dimension. J'aimerais répondre que tout va bien, mais menton se met à trembler.

Miss Mystère :
"Pas super bien, mais je ferai avec."
Mark :
"Oh... Excusez-moi, ma question était déplacée."

Je ne sais pas quoi dire, la situation me met mal à l'aise. J'essaie de fuir son regard compatissant au moment où il pose sa main sur mon bras.

Mark :
"Je n'ose imaginer ce que vous devez ressentir. Mais sachez que vous avez tout mon soutien."

Je reste scotchée par ses paroles réconfortantes et son geste. Je m'attendais à "Je suis désolé" ou alors "Je comprends", ce qui n'aurait eu aucun sens pour moi. Au contraire il a su trouver les mots justes pour tenter de me mettre à l'aise. Des larmes me montent aux yeux, mais je fais l'effort de ne pas cligner des paupières.

Mark :
"Vous allez tenir le choc ? Vous avez des proches pour vous soutenir ?"
Miss Mystère :
"Oui. Merci."
Mark :
"Vous n'êtes pas obligée de venir déjà au travail. Si vous avez besoin de temps pour remettre, je comprendrai."

Être au travail m'aide à oublier plus vite, ça me change les idées. Et puis je n'ai pas envie de rester seule dans mon appartement toute la journée. Ce serait l'angoisse et la déprime assurées ! J'ai besoin de voir du monde, de retrouver ma vie !

Miss Mystère :
"Ne vous inquiétez pas, je vais bien."

C'est un énorme mensonge et la moue sceptique de Mark me prouve que je suis une piètre menteuse.

Mark :
"Vous devez prendre soin de vous."

Je souris davantage pour cacher mon mal-être.

Miss Mystère :
"Ma vie privée n'impactera pas mon professionnalisme, si c'est ce qui vous pose un souci. Je serai toujours efficace."
Mark :
"Je ne m'inquiète pas pour cela, mais pour vous."

Je suis touchée par son empathie et lui adresse, cette fois-ci, un sourire sincère.

Miss Mystère :
"Merci beaucoup, mais je pense que travailler me fera le plus grand bien. Et puis j'ai une tonne de boulot à rattraper."

Il capitule devant mon acharnement à me montrer plus forte que je ne le suis. Je savais que cet homme avait bon fond, mais je ne l'aurais jamais cru aussi préoccupé par mon état. C'est vraiment un type bien.

Mark :
"Entendu, mais ma proposition tient toujours. Si vous avez besoin de prendre quelques jours de congé, n'hésitez pas à venir me voir."
Miss Mystère :
"Je le ferai."

La réaction de la hiérarchie est bienveillante à mon égard. C'est un poids en moins non négligeable. Pourquoi il n'est pas directeur RH ? Avec lui les choses seraient tellement plus humaines qu'avec l'autre folle siliconée ! Je me dirige vers mon bureau, le cœur lourd, mais je me dis que j'ai toujours la possibilité de faire marche arrière, grâce à Mark et sa bienveillance. J'avais raison. Travailler à nouveau me change les idées. Je me concentre sur les dossiers qui se sont accumulés et je n'ai pas le temps de penser à mes péripéties. En plus Mathilde est à mes côtés et je me sens en sécurité près d'elle. Elle n'arrête pas de me lancer des regards en coin pour vérifier si je tiens le coup. Heureusement qu'elle est à mes côtés dans cette difficile épreuve. Elle est mon roc. Sans elle je ne vivrais pas ce retour aussi sereinement. Elle est trop mignonne avec moi, et j'en ai bien besoin. Je me lève pour lui montrer les dernières maquettes que j'ai réalisées.

Miss Mystère :
"Qu'est-ce que t'en penses ? Tu crois qu'on devrait orienter le format de cette façon ou..."

Tout à coup une détonation retentit à quelques mètres ! Mon dieu, ça recommence ! Mon cœur semble s'écraser sur sol au bruit du coup de feu. Je me jette sous son bureau et crache mon visage dans mes bras. Mes jambes sont parcourues de fourmillements, mes mains tremblent, j'ai la gorge asséchée. J'essaie d'être silencieuse, mais un gémissement angoissé s'échappe de mes lèvres. Des larmes me montent aux yeux. Ce cauchemar ne se terminera donc jamais ? Ils m'ont retrouvée ! Ils vont me tuer cette fois. Ils vont tuer Mathilde ! Mathilde ? Où est Mathilde ? Oh mon Dieu ! Ils l'ont eu ! Je sens mon corps tout entier se décomposer. Si j'avais perdu, ma vie n'a plus aucun sens. Je préfère qu'ils me tuent aussi. La détresse m'envahît à cette idée désastreuse, et, je me mets à hurler son nom.

Mathilde :
"Hey, princesse !"

Quand j'ouvre les yeux, elle est accroupie devant moi. Ses mains encadrent mon visage. Je me jette à son cou.

Miss Mystère :
"Tu n'as rien ?!"

Elle soupire et sa voix basse exprime son inquiétude.

Mathilde :
"Y a rien, princesse. C'est juste une caisse qui est tombée."

Je regarde derrière elle et je constate que le bureau n'a subi aucune attaque. Plusieurs collègues m'observent comme si j'avais perdu l'esprit.

Miss Mystère :
"Une... caisse... ?"

Elle hoche doucement la tête et m'aide à sortir de sous le bureau, mais mes jambes vacillent sous le poids du stress.

Mathilde :
"Bon, je te raccompagne chez toi."

J'entends tout ce qu'elle me dit, mais je n'arrive pas à sortir de ma torpeur. Je me laisse faire comme une marionnette désarticulée. Je suis complètement perturbée. Elle est inquiète. Je le sens bien au ton de sa voix et au regard qu'elle m'adresse. D'ailleurs, elle ne me lâche pas des yeux une seconde, comme si je pouvais me désintégrer à tout moment.

Mathilde :
"T'inquiète pas, je suis là princesses."

Je n'arrive pas à croire que j'ai perdu les pétales pour un simple bruit sec ! Je me coule dans les bras de ma belle brune et cache ma tête contre sa poitrine. Moi qui croyais être détachée des événements, j'avais tout faux. Je viens de passer pour une folle devant tout le monde... Une fois chez moi elle me serre une nouvelle fois dans ses bras.

Mathilde :
"Tu dois prendre plus de temps pour te remettre de tout ça. J'irais voir Mark pour lui expliquer."
Miss Mystère :
"Je sais pas ce qui m'a pris. J'ai eu peur, c'est tout. Ça va aller."

Je ne me sens vraiment pas bien et, à cet instant, je ne vois pas comment je pourrais sortir de ce tunnel sombre dans lequel je suis. Mais je ne dois pas m'apitoyer sur mon sort, au risque de m'enliser davantage et de l'inquiéter.

Mathilde :
"Écoute, c'est normal de réagir comme tu le fais. Tu devrais aller voir quelqu'un à qui tu pourrais tout raconter."
Miss Mystère :
"Un psy ?! J'ai pas besoin d'un psy ! Ça va, je t'assure !"

Elle prend mon visage en coupe et plonge un regard inquiet dans mes yeux.

Mathilde :
"Tu t'es fait enlever. T'as failli mourir ! C'est pas anodin, ce que tu as vécu."

Des sanglots se bousculent au fond de ma gorge. Je réalise qu'elle a raison et j'ai le droit de craquer.

Mathilde :
"Je sais que tu es forte. Mais tu as besoin d'aide."
Miss Mystère :
"Mais je t'ai, toi..."
Mathilde :
"Oui. Mais c'est différent. Je suis trop impliquée, et je sais que tu me diras pas tout ce que tu as sur le cœur pour pas m'inquiéter. Je te connais, ma princesse. Cette fois tu dois penser à toi."

Je hoche la tête, vaincue. Elle a raison... Je ne peux pas continuer à faire comme s'il ne s'était rien passer de grave. Je m'écroule en larme dans ses bras...

Daryl :
"T'es prête ?"

Debout devant l'entrée du commissariat j'ai les jambes en coton. Comme le premier jour d'école, le tout premier baiser l’entretient d'embauche... Mais en pire ! Si j'avais pu éviter de venir dans ce lieu je ne m'en serais pas approchée à moins d'un kilomètre ! La police m'a téléphoné ce matin et a exigé ma présence. Je dois porter plainte pour aider la police à faire en sorte que Lana reste définitivement derrière les barreaux. Relater mon histoire n'est pas une partie de plaisir, mais il le faut. Si je veux que Lana croupisse derrière les barreaux, je n'ai pas d'autre choix. Plus vite ce sera fait et plus vite je pourrai me reconstruire. Et Daryl est là, il va m'épauler et me donner la force nécessaire.

Miss Mystère :
"Merci, d'être là avec moi."

Mathilde est restée au travail. Elle essaie de compenser mon absence en fournissant deux fois plus d'efforts. J'aurais voulu qu'elle m'accompagne, mais je ne peux pas exiger sa présence auprès de moi tout le temps. Elle s'en voulait, elle a appelé son frère pour que je ne sois pas seule.

Daryl :
"À votre service !"
Miss Mystère :
"J'ai déjà parlé à la police. Qu'est-ce que tu crois qu'ils vont me demander ?"
Daryl :
"Donne tous les détails dont tu te souviens. Dis-leur la vérité, c'est tout. Ton témoignage vaut de l'or."

Je prends une profonde inspiration pour me donner du courage, avant d'entrer dans le commissariat. Si j'ai accepté de témoigner à nouveau c'est surtout pour que je puisse enfin tourner la page ! Je refuse que cette garce et ses sbires s'en sortent et ne paient pas pour le mal qu'ils m'ont causé. Cette salope n'aurait jamais dû s'en prendre à moi et aux gens que j'aime. Encore moins à Topaze ! Un policer nous conduit au bureau du chef d'équipe où l'on doit prendre mon témoignage. On nous fait patienter devant le bureau vide et mon cœur tressaille quand j'aperçois les cellules dans le fond, à travers la vitre. Je sens un regard oppressant se poser sur moi. C'est elle ! Je le sais immédiatement, c'est épidermique. À la façon dont les poils se hérissent sur ma peau, dont mon pouls accélère, ça ne fait aucun doute. Je lève les yeux et aperçois Lana derrière les barreaux d'une cellule. Ce n'est ni son sourire épanoui ni son regard amusé qui me choque le plus. Non, c'est la façon de quel a de se tenir debout dans cette cellule. Elle occupe l'espace restreint qui lui est fourni avec une assurance déconcertante. Elle garde la tête haute. La chef de gang me saute aux yeux ! Comment avons-nous pu être aussi aveugles, tout ce temps ! La voir ainsi me met hors de moi ! J'ai le sentiment désagréable qu'au final les situations sont inversées : je suis libre, et pourtant c'est moi qui me sens prisonnière. Elle risque l'enfermement pendant de longues années, et c'est moi qui ai peur sans arrêt.

Daryl :
"Ne la regarde pas !"

J'entends ses paroles, mais je n'arrive pas à détacher mes yeux de la femme qui a voulu me tuer.

Daryl :
"Miss Mystère !"

Comme si je venais de sortir de la tête de l'eau, l'appel de Daryl résonne dans mon esprit. J'arrête aussitôt de la regarder. Soudain, elle se met à rire. Elle s'esclaffe toute seule dans sa cellule. Je ne sais pas si je dois avoir peur ou pitié d'elle. Est-ce qu'elle est folle au point de se croire invincible, ou est-ce qu'elle est certaine de pouvoir s'en sortir ? Je ne vois pas comment elle pourrait s'en sortir. Si je reste objective, je ne vois vraiment pas comment... Le chef d'équipe entre alors dans son bureau. Il s'installe devant nous. Il a l'air totalement déconnecté. Mon regard est de nouveau attiré vers Lana, comme aimanté par cette sorcière. Son index et son majeur sont pointés vers moi. Elle mime le geste de tenir une arme à feu, comme font les enfants dans une cour de récréation. Sa bouche mime alors un "Boom! », muet. Je déglutis. La récréation est terminée... Lorsque le chef d'équipe déclare que ma déposition est enregistrée, un soulagement immense me submerge. J'ai failli craquer à plusieurs reprises en me remémorant mon enlèvement. Heureusement, ils ont éloigné la garce de ma vue. J'ai cru que j'allais rebrousser chemin. Je suis complètement vidée de toutes mes forces, psychologiquement et physiquement. J'aurais besoin d'une cure de sommeil associée à une vidange de mon cerveau. Je suis fatiguée et je veux juste retrouver Mathilde au plus vite.

Daryl :
"Est-ce que maintenant nous n'avons vraiment plus rien à craindre ?"

Je le remercie silencieusement. Il pose les questions que je n'ose pas poser.

Chef d'équipe :
"Vos témoignages ainsi que l'enquête menée par la DEA, nous ont permis d'identifier la plupart des membres du gang. Nous les surveillons de près, vous n'avez plus rien à craindre. Nos équipes sont sur le coup. Le gang sera bientôt démantelé."

(C'est plutôt rassurant !)

Daryl :
"Et Lana ? Avez-vous assez de preuves à charge contre elle ?"

Je saute sur l'occasion pour appuyer ses craintes. Étant donné l'assurance qu'elle affichait tout à l'heure, j'ai peur qu'elle puisse être libérée.

Miss Mystère :
"Elle avait l'air si confiante, tout à l'heure."
Chef d'équipe :
"Elle pense pouvoir s'en tirer, mais nous avons une longueur d'avance sur elle."
Daryl :
"Laquelle ?"
Chef d'équipe :
"Je n'ai pas l'autorisation de vous donner plus de détails, mais elle n'a aucune chance de s'en sortir."

Le flic a l'air sûr de lui et je ne vois pas pourquoi il nous mentirait. Ses propos sont rassurants. Nous sommes enfin débarrassés de tous nos problèmes.

Miss Mystère :
"Mais, si Lana continuait à avoir des contacts avec l'extérieur, elle pourrait s'en prendre à nous et..."
Chef d'équipe :
"Aucun risque qu'elle vous cause du tort en détention. Elle est en attente pour un transfert dans une des prisons Supermax du pays. Tout comme son frère César."
Miss Mystère :
"Supermax... ?"
Daryl :
"En gros, ils seront en isolement total. Aucun contact avec le reste des détenus."

Enfin une bonne nouvelle ! Elle ne sera plus en mesure de causer du tort à quiconque ! Et s'ils veulent l'envoyer comme cobaye sur une planète inconnue, je ne suis pas contre non plus !

Miss Mystère :
"Est-ce qu'elle pourrait être libérée sous caution ?"
Chef d'équipe :
"Non."
Miss Mystère :
"Même avec un très avocat ?"
Chef d'équipe :
"Impossible, mademoiselle ! Elle n'a pas d'autre choix que de rester en cellule jusqu'à son procès."
Daryl :
"Une autre bonne nouvelle."

J'acquiesce en le regardant. Nous sourions enfin.

Chef d'équipe :
"Dormez tranquille, mademoiselle."
Miss Mystère :
"Merci beaucoup pour tout ce que vous faites."
Chef d'équipe :
"Nous pouvons mettre en place une cellule psychologique, sinon vous pouvez consulter le professionnel de votre choix."

Je sens le regard de Daryl peser sur moi.

Miss Mystère :
"J'ai déjà pris mes dispositions."
Chef d'équipe :
"Après le traumatisme que vous avez subi, nous sommes tenus de vous proposer ces entretiens. Simplement pour nous assurer que vous allez bien."
Miss Mystère :
"Je comprends."

Je vais devoir trouver du temps pour aller parler à un psy... Un douloureux souvenir se réveille en moi. J'ai déjà eu à faire la même chose par le passé, pour parler du "monstre" qui m’a volé mon innocence. J'aurais aimé ne jamais devoir recommencer.

(...)

Miss Mystère :
"C'était qui ?"

Mathilde a reçu un appel et son visage est devenu étrange. Je sens l'inquiétude percer dans sa voix. Qu'est-ce que c'est encore ? Elle passe une main dans ses cheveux. Elle paraît anxieuse et affaiblie à la fois.

Mathilde :
"C'était l'hosto. Ma grand-mère est pas au top de sa forme."

Elle a l'air soucieuse et décontenancée.

Miss Mystère :
"Oh... je suis désolée... Tu comptes aller la voir ?"
Mathilde :
"Oui, et j'aimerais que tu m'accompagnes."

Je n'ai jamais rencontré sa grand-mère. Je suis touchée qu'elle me propose de faire enfin sa connaissance. Elle m'en a toujours parlé avec beaucoup d'affection.

Miss Mystère :
"Je suis curieuse et impatiente de rencontrer celle qui a survécu à la tornade Ortega !"
Mathilde :
"Tu sais, elle a plus toute sa tête, elle va sûrement pas me reconnaître, mais..."

Elle s'arrête, sa voix tremble. J'essaie de la consoler comme je peux, mais je comprends qu'elle se fasse du souci pour sa grand-mère.

Mathilde :
"C'est elle qui m'a élevée. Elle est comme ma mère. J'aimerais te la présenter avant qu'elle..."

Elle laisse à nouveau sa phrase en suspens. Elle imagine le pire et je comprends sa tristesse.

Miss Mystère :
"Allons-y !"

Nous nous préparons et partons immédiatement. Pendant tout le trajet, elle semble nerveuse. Elle n'arrête pas de gigoter sur son siège et de mâchouiller sa lèvre inférieure. Je me demande si elle stresse pour l'état de santé de sa grand-mère ou pour les présentations. Et si elle avait honte de moi ? Si elle pensait que je n'étais pas à la hauteur pour sa famille ?

(N'importe quoi ! Ôte-toi cette idée débile de la tête ! C'est elle ! Tu sais très bien qu'elle ne penserait jamais ça de toi !)

Miss Mystère :
"Tu crois que je serai à la hauteur ?"
Mathilde :
"Comment ça ?"
Miss Mystère :
"Ta grand-mère ! Je vais lui plaire ?"
Mathilde :
"Bien sûr ! Je t'aime, moi, alors elle t'aimera aussi."

Elle entre la première dans la chambre de l'hôpital. Une odeur de détergent et de renfermé gagne mes narines. La chaleur de la pièce me surprend aussitôt. Sa grand-mère est allongée dans un lit. Un drap blanc la recouvre jusqu'au nombril. Ses yeux ridés pétillent à la vue de son visiteur. Elle est vieille, mais je reconnais tout de suite le petit air mutin de la famille. Je m'avance aux côtés de ma femme. C'est ma place. La vieille dame ne réagit pas tout de suite. J'ai un pincement au cœur en réalisant ce que Mathilde doit ressentir... Devenir un étranger pour ceux que l'on aime le plus, ce doit être terrible. Peut-être même plus terrible que leur perte.

Grand-mère :
"Oh, mon petit Daryl ! Viens là dans mes bras, mi chico."

Mathilde m'adresse un coup d'œil contrit avant d'embrasser sa grand-mère.

Mathilde :
"C'est moi, abuelita. La gentille."

Elle écarte son visage et plisse les yeux pour la regarder avec attention.

Grand-mère :
"Évidemment que c'est toi. C'est ce que j'ai dit. Tu deviens sourde, ma fille ?"

Elle acquiesce pour ne pas contrarier sa grand-mère. Je la trouve mignonne avec elle. Elle me fait signe d'approcher. Je m'exécute avec timidité.

Grand-mère :
"Oh, mais qui vois-je là ?"

Mon appréhension s'envole aussitôt. Sa grand-mère tend les bras dans ma direction pour m'embrasser. Je la trouve particulièrement chaleureuse. Mathilde semble étonnée, mais elle se recule pour la laisser faire.

Grand-mère :
"Tu es toujours aussi belle, Andrea !"

(Andrea ?)

J'avale ma salive de travers et manque de m'étoufferont. C'est qui Andrea ? Une ex-petite copine de son petit-fils ? Ma petite amie m'a prévenue qu'elle perdait la boule... Je ne dois pas me formaliser. Si elle veut m'appeler Andrea, pas de problème, je n'ai pas envie de la mettre mal à l'aise. Je décide de ne rien dire pour ne pas la contredire et de sourire poliment. Elle se racle la gorge. Elle a l'air plus troublée que moi. Elle ne devrait pas, ce n'est rien.

Mathilde :
"Ce n'est pas Andrea, abuelita. Je te présente ma petite amie Miss Mystère."

Sa grand-mère écarquille les yeux, comme si on venait de lui annoncer sa victoire à la super cagnotte du loto.

Grand-mère :
"Mais oui, je me souviens très bien d'elle ! Ce n'est pas la première fois que tu viens avec elle."

Un long silence s'installe. Je ne sais pas si je dois rire ou pleurer. Comme je ne veux pas mettre la vieille dame en mauvaise posture, je décide de faire semblant de n'avoir rien entendu.

Miss Mystère :
"Je suis enchantée de faire votre connaissance, madame."

J'ai mis le paquet question présentation, élocution et tout le tralala !

Grand-mère :
"Où est ton frère, Daryl ? Cela fait si longtemps qu'il ne m'a pas rendu visite..."

(Cette entrevue va être longue...)

Mathilde :
"Abuelita, c'est moi..."
Miss Mystère :
"Il fait un temps magnifique, vous ne trouvez pas ? On a de la chance cette année."
Grand-mère :
"J'aimerais pouvoir profiter du soleil, mais je suis clouée au lit..."

Superbe entrée en matière ! Tu as un don pour faire diversion ! Mathilde paraît encore plus dépitée maintenant ! Ce doit être terrible pour cette femme de se voir dépérir un peu plus à chaque visite... J'ai de la peine pour elle. Ma petite amie finit par ne plus faire attention et elle parle à sa grand-mère en évoquant les souvenirs des uns et des autres. La conversation n'a ni queue ni tête, mais sa grand-mère semble heureuse d'avoir quelqu'un à qui parler. Et Mathilde semble soulagée d'être à son chevet. C'est peut-être la dernière fois...

Miss Mystère :
"Elle est...gentille."

Je ne trouve pas d'autres mots pour qualifier sa grand-mère. Difficile de dire autre chose, faute d'avoir pu avoir une discussion cohérente. Au bout d'un moment Mathilde arrête de la reprendre et un malaise s'installe dans la chambre. J'ai franchement de la peine pour cette vieille femme. Le temps et la maladie agissent sur les êtres humains comme un poison dont on ne peut guérir. Quand je pense que je serai peut-être comme elle un jour, je ne me sens pas dans mon assiette...

Mathilde :
"Je suis désolée. J'aurais tellement aimé que tu la connaisses avant tout ça..."
Miss Mystère :
"Tu n'as pas à être désolé. Je suis très heureuse de l'avoir rencontrée."

Elle me regarde en diagonale. Je sais qu'elle se doute que je cherche à la réconforter, mais je crois qu'au final ça la touche.

Mathilde :
"Tu sais, c'était une femme forte. Elle nous a tout donné, à Daryl et moi..."

Elle serre les dents et se frotte le menton. Elle passe nerveusement une vitesse et la voiture pousse un couinement désapprobateur.

Mathilde :
"Et merde !"

Le tacot qu'elle a récupéré chez l'un de ses potes a visiblement du mal à suivre, lui aussi. Je pose une main sur sa cuisse. Je tapote le tableau de bord et prends une voix amusée.

Miss Mystère :
"T'inquiète pas, tu peux crier ! De toute façon, t'iras bientôt à la casse..."

Elle croise mon regard un bref instant. Je sais qu'elle a de la peine. Mais je ne sais pas comment en prendre un peu la soulager.

Mathilde :
"Ça me fait chier, putain... Toute sa vie, elle a trimé ! Elle s'est crevée pour nous ! pour qu'on puisse avoir une belle vie. Et je fais quoi pour elle, aujourd'hui...? Que dalle ! Je suis juste une putain d'impuissante face la maladie !"

Elle semble faire son procès, sans aucune indulgence envers elle-même. Je l'observe tristement. Je n'ai rien à dire qui puisse apaiser la situation.

Mathilde :
"Et Daryl qui passe tellement de temps à faire la fête ! Tu crois qu'il se bougerait le cul pour venir voir grand-mère ? Pour lui donner un peu de bonheur ?"

(Oh, je commence à comprendre...)

Mathilde :
"Rien... Alors qu'elle me confond avec lui, ça me fait mal, putain !"

Je ne sais pas quoi dire. Est-ce un des nombreux sujets de tension entre elle et son frère ?

Miss Mystère :
"Je comprends."

(Bon dieu, que c'est nul ! Mais qu'est-ce que je peux dire de plus...?)

Le reste du trajet se fait dans un silence gênant. Je lui propose alors de nous changer les idées avec un petit footing. Nous récupérons Topaze, qui a repris du poil de la bête, et nous nous changeons avant d'aller au parc. Quand je commence à sentir mes poumons chauffer, je suis plus sereine. Chaque foulée apaise un peu plus les tensions. Je me vide de toute pensée négative quand je cours. Malheureusement, ça n'a pas l'air d’être le cas de ma petite amie. Elle a toujours cette mine contrariée qui ne l'a pas quitté depuis notre départ de l'hospice. Je n'aime pas la voir dans cet état. Mais je suis heureuse qu'elle se soit un peu confiée à moi. Elle ne doit pas rester comme ça...À broyer du noir...

Miss Mystère :
"T'as vu comme Topaze s'est bien rétabli ?"
Mathilde :
"Mmmmh..."

(O...K...)

Miss Mystère :
"Ça s'est bien passé à la boxe, l'autre jour ?"
Mathilde :
"Ouais."

(Échec cuisant !)

Miss Mystère :
"T'as jamais pensé à dire à Daryl tout ce que tu as sur le coeur ?"

Elle tourne son visage dans ma direction, les sourcils froncés.

(Bingo !)

Mathilde :
"Quoi ?"
Miss Mystère :
"Je pense que vous devriez vous parler. Vous vous aimez, mais vous ne savez pas communiquer. Daryl veut vraiment changer, tu sais."

Elle émet un léger grognement contrarié.

Miss Mystère :
"T'es pas d'accord avec moi ?"
Mathilde :
"Sur de quoi ? Que mon frère peut changer ?"
Miss Mystère :
"Oui ?"
Mathilde :
"Il ne changera jamais...!"

Elle a l'air encore plus renfrognée que tout à l'heure. Bien jouée, ma fille !

Miss Mystère :
"Je sais pas, mais c'est ton frère ! Il t'aime. Tu devrais lui laisser une chance..."
Mathilde :
"Une chance ?!"

Elle expulse sa question en même temps qu'un souffle.

Miss Mystère :
"Oui ! Une chance !"
Mathilde :
"Je n'ai déjà fait. Plus que tu peux l'imaginer. Je me suis pris des murs. À chaque fois."
Miss Mystère :
"Je me doute... Mais tu peux pas continuer à garder toute cette colère en toi..."

Elle s'arrête. Elle se pose devant moi, le regard dur.

Mathilde :
"Tu sais pas tout ce que Daryl a fait. Tu sais pas à quel point il a merdé. Tu sais pas ce qu'on a fait vivre à grand-mère. Il a même pas la reconnaissance d'aller la voir. Tout ça parce qu'elle perd la boule. Tout ça parce que pour lui c'est une perte de temps. Désolée de pas arriver à lui pardonner d'être un connard égoïste !"

Elle reprend sa course et accélère ses foulées sans me prévenir. Je suis obligée d'arrêter de parler pour pouvoir suivre son rythme et éviter un point de côté. Je suis persuadé qu'elle la fait exprès pour ne pas avoir à prolonger notre conversation sur son frère.

Miss Mystère :
"Hey ! Tu t'entraînes pour le marathon ou quoi ?"
Mathilde :
"On est venu pour courir, non ?"
Miss Mystère :
"Oui, c'est vrai."

Quand elle passe en mode têtue, on ne peut rien faire pour la sortir de son état. Je préfère laisser tomber. De toute évidence je m'attaque à un sujet beaucoup trop complexe. Je suis persuadée qu'ils ont juste besoin de se parler, de se pardonner un certain nombre de choses... Une douleur m'élance dans la poitrine. Comment lui en vouloir, quand moi-même je refuse de pardonner à la seule personne de ma famille qui me reste ? Pourtant, chaque fois que j'essaie, chaque fois je revois la douleur sur le visage de maman. Je revois son absence à lui.

(Il nous a abandonnés. La maladie, c'était trop pour lui...)

Je me concentre sur la chaleur qui s'éveille dans mes jambes pour oublier celle qui bouillonne dans ma poitrine. Je dois aller de l'avant maintenant. Et peut-être qu'appeler papa serait un premier pas. Lorsque nous nous étirons, je ne peux m'empêcher de mater son joli petit cul. Il y a des choses qui me reconnectent tout de suite à la réalité.

Mathilde :
"Qu'est-ce que tu regardes comme ça ?"

(Merde ! Je devrais essuyer la bave aux coins de mes lèvres.)

Elle me toise avec amusement.

Miss Mystère :
"Rien, je réfléchissais à ce que j'aimerais manger... J'ai faim !"

Elle tend sa jambe sur la barre d'étirement et se plie en deux. Elle me regarde par en dessous.

Mathilde :
"Moi aussi. Il y a un Food truck, juste là. On pourrait manger un bout ?"

(Si tu savais quel bout j'aimerais manger !)

Miss Mystère :
"Oh oui ! Bonne idée !"

Si elle a faim, c'est que toutes ses pensées se sont envolées au profit de la nourriture qu'elle rêve d'ingurgiter. Je la contourne et lui pince les fesses au passage. Elle tente d'éviter mon assaut, mais je suis trop rapide pour elle. Elle m'observe, hilare, pendant que je lui souris comme une gamine espiègle. J'adore son sourire charmeur. Quand elle est heureuse, elle se transforme littéralement en bombe sexuelle. Elle a exactement cet air enjoué quand elle parle de sa moto.

(En parlant de moto...)

Nous faisons la queue devant le camion et je profite du temps d'attente pour lancer le sujet.

Miss Mystère :
"Au fait, je pensais, maintenant que ta moto est réparée, tu comptes continuer à faire des virées ?"

Ma question est directe et elle semble surprise par mon rentre-dedans. Elle me sourit sans me répondre. C'est enfin notre tour. Elle saute sur l'occasion pour fuir ma curiosité. Elle nous commande un sandwich à chacun, et même Topaze a droit à un petit en-cas. Je l'observe avec attention, étonnée qu'elle se focalise à ce point sur mon chien, tout à coup. Elle évite mon regard et fait comme si je ne lui avais pas posé la question juste avant.

(Ma cocotte, si tu crois pouvoir m'échapper, tu te fourres le doigt dans l'œil !)

Miss Mystère :
"Tu n'as pas répondu à ma question..."
Mathilde :
"Désolé, princesse, j'étais ailleurs... Tu voulais savoir quoi ?"

(Mais oui, bien sûr ! Joue l'imbécile, je te croirai.)

Miss Mystère :
"Tu comptes garder ta moto ?"
Mathilde :
"Bien sûr, pourquoi ?"
Miss Mystère :
"Vu que t'en fais plus..."
Mathilde :
"Je compte pas me séparer de la petite furie."

(Étrangement cette phrase a comme un double sens. L'espace d'un instant, je pourrais presque me laisser berner...)

Miss Mystère :
"Ils ont annoncé un temps magnifique, ce week-end. Tu comptes faire une virée ?"

Elle s'empresse de mordre une grande bouchée de son sandwich.

(Si elle continue, je vais l'étouffer de mes propres mains avec son repas !)

Cela dit, j'ai tout mon temps. Si elle veut continuer ce petit jeu, je suis partante. Je me venge sur mon sandwich. J'aimerais bien que nous arrivions à dépasser tous ces problèmes, au moins pour avoir la confirmation que tout est derrière elle, maintenant.

Miss Mystère :
"J'aimerais vraiment qu'un jour tu m'emmènes faire une vraie promenade sur ta moto..."

Elle fronce les sourcils et je lis rapidement de la tristesse dans ses yeux noisette.

Mathilde :
"Tu en as vraiment envie ?"
Miss Mystère :
Eh bien... Ce serait comme si on mettait définitivement le passé derrière nous, tu comprends... ?"

Elle m'adresse un sourire contraint.

Mathilde :
"Oui, je comprends. Laisse-moi y réfléchir, d'accord ?"

Je l'observe. Est-ce qu'elle est sincère ou est-ce qu'elle cherche juste à se débarrasser de la question ? Je la sens profondément touchée. Je ne pense pas qu'elle veuille à tout prix passer à autre chose. Je suis sûre qu'elle va vraiment y réfléchir.

Miss Mystère :
"Merci..."
Mathilde :
"Je te promets que mon passé est derrière moi..."

Je luis souris doucement. J'ai envie d'y croire. Elle s'approche alors de moi et dépose doucement son pouce au creux de mes lèvres.

Mathilde :
"Tu as un peu de sauce, là..."

Elle essuie le peu de sauce qui déborde à commissure de mes lèvres. Quand je la vois porter son pouce à sa bouche avec un sourire équivoque, je glousse.

Miss Mystère :
"J'adore la façon que tu as de m'essuyer la bouche."
Mathilde :
"Il y a tant de choses que je vais te faire adorer, princesse..."

Sa repartie coquine me coupe la chique et je rougis instantanément ! Gênée, je me relève et je jette le sachet de mon sandwich maladroitement, devant le regard amusé de ma belle brune. Samedi soir, nous passons la soirée chez Mathilde. Je m'assieds sur le canapé, un fascicule d'agence immobilière sur les genoux, pendant qu'elle finit de débarrasser la table. Je passe un moment à chercher des appartements abordables pour nous deux, pendant qu'elle récupère encore quelques affaires. J'ai accepté de passer la soirée chez elle, maintenant que la porte est réparée et que l'appartement est à nouveau en ordre. Mais je n'ai pas envie de m'y éterniser. Je préfère que nous nous installions chez moi. Je m'y sens mieux. Le problème c'est que c'est un peu petit et que nous allons vite être à l'étroit. Surtout avec son bazar ! Si nous voulons quelque chose de plus grand, nous allons devoir négocier une augmentation, et autant dire que ce n'est pas le bon moment ! Nos derniers échanges avec Gabriel n'ont pas été propices à ce genre de demande. Nous avons déjà de la chance d'avoir gardé nos postes !

Mathilde :
"On se mate un film ?"

Je suis d'humeur à m'abrutir devant la télévision. Ça m'évitera de me torturer l'esprit avec ces loyers trop chers !

Miss Mystère :
"Ok mais c'est moi qui choisis !"
Mathilde :
"Les désirs de madame sont des ordres..."

Elle me tend la télécommande comme une arme et me fait sa tête d'imbécile. Je zappe avec agacement sur les imbécillités de plusieurs chaînes, quand je tombe sur "Dirty Dancing". C'est le film de nanas par excellence.

Mathilde :
"Oh putain... !"
Miss Mystère :
"C'est toi qui as voulu..."
Mathilde :
"Touchée."
Miss Mystère :
"J'ai toujours rêvé de danser sur "The time of my life" avec toi..."

Elle me fixe, les yeux pleins de connerie. Ne jamais poser de défi de ce genre à ma petite amie, jamais ! Rapidement elle se met nue. Mon regard se perd dans la contemplation du dessin parfait de ses muscles... Je me reprends et fais semblant de regarder la télévision. J'en ai marre d'être aussi faible ! Elle cherche quelque chose sur son téléphone.

Miss Mystère :
"Qu'est-ce que tu fou ? Si tu crois que te mettre à moitié à poil va m'empêcher de mater le film..."

Cette fois j'ai droit à un sourire mutin. Elle se lève et me tend la main.

Mathilde :
"On laisse pas Bébé dans un coin."

(Oh mon dieu ! Je ne sais pas ce qui m'inquiète le plus : qu'elle connaisse une réplique d'un film pour adolescente ou qu'elle m'invite à danser.)

Je pouffe de rire devant son air idiot.

Miss Mystère :
"Tu ne peux pas concurrencer ce film."
Mathilde :
"Ah ouais ? Je t'ai pas dit que j'avais un talent caché pour bouger mon bassin ?"

Elle se met à onduler du bassin, version poisson coco, et j'explose de rire !

Miss Mystère :
"Tu veux vraiment faire ça ?"

Elle ne dit pas un mot et se contente de me faire signe d'avancer, en repliant son pouce et en mordant sa lèvre inférieure. Je rigole comme une adolescente lorsqu'elle m'attire dans ses bras et qu'elle me fait tournoyer ! Topaze se met à aboyer, pendant que Mathilde me fait faire des tours et des tours ! Mon cœur se gonfle de bonheur. J'adore danser, et partager ce moment avec elle panse les blessures de ces derniers temps. Nous retrouvons notre complicité. Celle que je craignais perdue pour de bon. Nous nous arrêtons un instant. Je reprends mon souffle et mon équilibre.

Mathilde :
"Bon, maintenant le porté !"
Mis Mystère :
"Hein ?!"
Mathilde :
"Ouais !"

Elle recule et tape dans ses mains pour m'encourager.

Miss Mystère :
"T'es folle ! Je vais te péter le dos !"
Mathilde :
"T'inquiètes, poulette."

Je lève les yeux au ciel et cours vers elle. En un mouvement habile, elle me soulève du sol et j'ai l'impression de m'envoler !

Miss Mystère :
"J'y arrive ! J'y arrive !"
Mathilde :
"Ouais !"

Sauf que, comme je suis aussi gainée qu'un chamallow, je n'arrive pas du tout à tenir la position.

Mathilde :
"Hey ! Tiens la position !"

Doucement je glisse contre elle. Elle me maintient fermement entre ses bras. Mes mains contre ses épaules, je la regarde en rigolant.

Miss Mystère :
"Je crois qu'on est meilleur à la boxe !"
Mathilde :
"Tu parles, j'ai carrément géré, moi ! C'est mademoiselle qui s'est laissée porter ! Comme d'habitude !"
Miss Mystère :
"Hey !"

Je fais mine de vouloir le taper, mais, malheureusement, ma position ne me permet pas une grande liberté de mouvement.

Mathilde :
"J'crois pas que la gonzesse essaie de taper son mec dans le film..."
Miss Mystère :
"Parce que Johnny se fout pas de sa gueule."
Mathilde :
"Johnny ? Alors t'es vraiment fan... ?"
Miss Mystère :
"Non, pas du tout..."

Elle rigole à gorge déployée en me faisant tournoyer. Je m'agrippe à ses épaules en poussant un petit cri de surprise. Elle s'arrête d'un coup et me lance un regard coquin.

Mathilde :
"Par contre, il y a une partie censurée dans le film."

Je l'observe avec innocence, toujours emprisonnée dans ses bras.

Mathilde :
"Danser c'est bien, mais y a beaucoup mieux à faire..."

Elle me fait glisser doucement. Lorsque ma poitrine frôle lentement les muscles des siens, et que je croise son regard fiévreux, j'ai tout de suite moins envie de rire... Finalement nous n'avons absolument pas suivi les cours de danse de Bébé, ni les répliques cultes du film. Mon corps est en sueur, mes cheveux sont emmêlés et je me sens en apesanteur sur le canapé. Le sentiment de bien-être dans lequel je me trouve n'estompe par ma pudeur. Je m'empresse de voiler ma nudité avec le plaid écrasé sous nos poids respectifs. Elle rouspète gentiment. Je suis sûre qu'elle me préfère dans ma tenue d'Ève. Les bras au-dessus de la tête, je rêvasse en fixant le plafond. Ses lèvres finissent de m'achever lorsqu'elle dépose quelques baisers humides sur ma bouche. Je souris bêtement, tant j'ai l'impression d'être sur un petit nuage. Je ferme les yeux et me laisse déguster à nouveau. Elle est tendre et voluptueuse. Toute l'amertume de nos disputes et de nos désaccords a complètement disparu.

Mathilde :
"Mince, on a raté tout le film !"

J'ouvre les yeux et la regarde. Sa fossette se creuse, malgré son air sérieux. Elle se retient de rire. Quand je lui lance le coussin en pleine figure elle se moque de moi gentiment.

Miss Mystère :
"Je suis dégoûtée !"

Elle fait mine de se vexer.

Mathilde :
"C'est pas l'impression que tu m'as donnée..."

Je luis envoie un regard en diagonale et rougi un peu au souvenir de mes soupirs de plaisir...

Mathilde :
J'ai quelque chose pour toi..."

Quand elle se lève, un courant d'air frais me caresse le corps. Je me couvre avec le plaid, comme si c'était une serviette de bain. Je m'assieds en croisant mes jambes sur le canapé. Je l'attends avec curiosité et impatience.

Miss Mystère :
"Qu'est-ce que tu fabriques encore ?"
Mathilde :
"Bouge surtout pas !"

(C'est quoi encore cette blague ! Avec elle je m'attends au pire !)

Je suis déjà prête à me lever pour suivre ses faits et gestes, quand elle revient avec un gros paquet emballé, forme carrée.

(Il est énorme ! C'est quoi ce truc ?)

Miss Mystère :
"Sérieux ? Un cadeau ? Pourquoi moi ?"
Mathilde :
"Non, pour le pape ! Mais si t'en veux pas, je l'offrirai à une autre !"

(Sûrement pas !)

Je suis soulagée qu'elle prête à nouveau attention à moi. Après tout ce qu'on a vécu, je mérite au moins un cadeau, non ?

Miss Mystère :
"Mais, faillait pas. J'ai rien pour toi et..."

Elle me coupe la parole en souriant.

Mathilde :
"Tu parles trop, ouvre-le."

Je prends tout mon temps pour ouvrir le paquet. Ce que je préfère dans les cadeaux, c'est le moment juste avant de découvrir ce que c'est. J'aime bien le proverbe : "Plus c'est long, plus c'est bon". Ce que je découvre dans le carton me coupe littéralement le sifflet.

(C'est pas possible ! Quelle cachottière !)

Un magnifique casque de moto, flambant neuf, brille sous mes yeux. J'alterne mon regard entre cet objet et Mathilde. Je n'en reviens pas !

Miss Mystère :
"C'est pour moi ?!"
Mathilde :
"Non, non, c'est pour Topaze, mais j'ai peur qu'il soit trop grand, non ?"
Miss Mystère :
"Tu te fous de moi, là ?"

On ne sait jamais, c'est tellement beau que ça ne me paraît pas réel. Elle se penche vers moi et glisse ses doigts à l'arrière de ma nuque. Ses lèvres se rapprochent ostensiblement de mon oreille et sa voix me murmure sa réponse.

Mathilde :
"Il t'en fallait un à toi pour nos prochaines virées."

Les larmes me montent aux yeux tant je suis submergée par l'émotion. Je pose le carton sur la table basse et me jette à son cou.

Miss Mystère :
"Oh merci ! Tu peux pas savoir à quel point ça fait plaisir !"

Rien ne pouvait me rentre plus heureuse, en réalité. Ce n'est pas l'objet en question qui me ravit le plus, mais ce qu'il symbolise. Je commence à sautiller dans tout l'appartement. Topaze me suit avec le même enthousiasme.

Miss Mystère :
"Ça va être génial !"
Mathilde :
"J'aimerais qu'on parte tous les deux en week-end...à moto bien sûr. Ça te dirait ?"

Je la frappe sur l'épaule en lui faisant de gros yeux.

Miss Mystère :
"J'attends ça depuis une éternité !"
Mathilde :
"Ah bon ? Je l'avais pas remarqué..."

Donc elle a pris sa décision, elle a enfin décidé d'aller de l'avant, de tourner le dos au passé et à ses vieux traumatismes. Je suis tellement fière d'elle ! Je sais combien c'est difficile pour elle de lutter contre ses démons. Elle le fait pour moi, pour me prouver son amour. Elle attrape le carton et en sort le casque pour me l'enfoncer sur le crâne. Ses yeux pétillent et mon coeur tambourine d'allégresse. J'ai enfin retrouvé ma petite amie dont je suis tombée amoureuse. Et, au moment où elle embrasse, je suis persuadée que rien ne pourra me le faire perdre à nouveau.

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