Mélancolique amertume

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12 décembre 1965

Strasbourg

Deux pertes. Deux souffrances. Deux abîmes pour une âme meutrie.

K., mon frère, je me souviens de notre enfance. Tout était simple et spontané. As-tu emporté avec toi une part de nous qui puisse illuminer ta Nouvelle Vie ? Parviendrai-je un jour à ne plus ressentir de regrets à ton endroit ? Entretiendrai-je toujours cette rancœur amère envers mes prochains ? Serai-je continuellement en colère contre Lui ? Au-dessus de nous ? Plus Grand que nous ? Ma tristesse est permanente, lancinante, et surprenante de violence quand elle se manifeste. Sans crier gare. A l'improviste. Comme un fantôme malveillant qui rôde et se plaît à m'arracher le cœur de temps à autre pour ensuite le remettre à sa place. Ton départ m'a plongée dans un néant dont je ne peux ressortir indemne. Plongée dans l'obscurité, sans plus aucun repère, je me bats, me débats, me détruis aussi, en quelque sorte. Les remords me rongent comme un troupeau de hyènes s'acharnant sur une carcasse déjà entièrement dévorée.

Je commence à voir le Monde autrement. Sans pitié ni compassion. Sans clameurs ni chaleur. Sans empathie ni humanité. Ma sensibilité, autrefois édifice imposant le respect, s'effondre maintenant devant mon regard perdu dans cette mélancolie qui se joue de moi. Je voudrais hurler, mais en vain. Je ne connais pas de salut dans cette détresse que chacun se complaît à connaître et commenter. Mais que savent-ils finalement de cette cage dans laquelle je suis détenue ? Que savent-ils de cette rage jusqu'à présent inconnue qui m'assaille et me dévore ? Tu es loin de moi, loin de nous et de tout. Je ne désire plus rien ressentir.

Mon coeur brisé demeure prisonnier de cet hiver qui le voile et l'enveloppe tout entier. Cette captivité douloureuse sera-t-elle le seul sentiment que je connaîtrai à l'avenir ?

T., tu sembles vouloir me trahir et m'abandonner sans aucune explication. Nos souvenirs pourraient m'être doux, mais pourquoi cette absence ? Pourquoi ce silence ? Par quelle superficialité langoureuse ton esprit s'est-il (encore ?) laissé envoûter ? Est-ce là l'image que tu veux incarner à mes yeux ? Je refuse toutefois de t'en vouloir, de te détester ou de te haïr. Je refuse de prononcer un discours à ton sujet qui n'inspire pas de sympathie ou de tendresse. Et je ne laisserai personne te retirer la place que je t'ai faite en moi. Parce que je te considèrerai toujours avec mes yeux, et te verrai avec mon coeur. Tu représentes à la fois la plus belle, la plus intense et la plus incompréhensible déflagration que j'aie connue. Chaque lever de soleil est une inspiration douloureuse. Chacun de tes mutismes me précipitent dans ce labyrinthe agonisant et en ruine dans lequel je tente de trouver mon chemin.

Il ne tient qu'à toi pour Nous Deux...

Je porte désormais des masques pour mieux jouer la pantomime. Le bonheur m'a quitté avec vous. Je flotte entre deux eaux, navigue entre deux Mondes, comme si une quelconque rédemption allait croiser mon chemin. Brisée, déchirée, je ne joue plus à la guerrière. La partie est terminée. Je plie. Genoux à terre et face contre le sol.

Mais force m'est de constater que mon coeur glacé ne cessera malgré tout jamais, vous deux, de vous porter...

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