Chapitre 2: Le corps

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- Bradley...

Le jeune homme se retourna, rien.

La voix se fit plus insistante:

- Bradley !

Alors, sans savoir pourquoi, il se laissa guider. Oui, il se laissa guider par l'envoûtante voix sans savoir où elle voulait le mener. Les chuchotements insistants laissèrent bientôt place à une étrange mélopée. La réalité semblait soudain fondre, et tout tournait désormais, autour de lui. Sa tête lui faisait atrocement mal. Tout commenca à s'assombrir. Et bientôt, Bradley ne vit plus qu'un point lumineux au loin, qui clignotait de manière irrégulière. Il continua d'avancer... mais eut la sinistre impression de faire du surplace. Complètement désorienté, comme plongé dans un rêve sans fin. Avait-il imaginé cette journée ? Était-il encore dans son lit ? En train de dormir ? Un nombre de questions incalculable se bousculait dans sa tête. Où diable se trouvait-il ? La lumière sembla se rapprocher pendant une seconde, mais disparut l'instant d'après. Bradley s'abandonna à un long cri silencieux, jusqu'à l'asphyxie. Il ne voulait pas qu'on le laisse ici. Tout seul. Dans le noir. Et la mélodie des voix s'éteint aussitôt. Un indicible vide s'installa. Bradley était seul. Seul. Seul.

Seul...

Et soudain, la lumière revint.

Le bruit aussi.

Le bruit des voitures, des discussions plus ou moins lointaines. Dans le ciel, le bruit d'un avion qui traversait la voûte nuageuse, à la recherche de son point d'aterrisage.

Assis entre deux murs, au milieu de sacs poubelles, dans une ruelle étroite, Bradley sentit peu à peu la vie revenir en lui. Elle investissait son corps d'une puissance nouvelle, il pouvait à nouveau respirer. Respirer l'air, l'air pollué de Paris, la grande capitale.

Et il resta là, à demi-conscient. Son cerveau se remplit petit à petit et les souvenirs remontèrent à la surface tous en même temps. Que s'était-il passé ? Le pauvre n'en avait aucune idée. Il se demanda où il se trouvait désormais... Une plaque de fer sur le mur adjacent le lui indiqua: "Rue des Ciseaux".

Le jeune homme se releva. Ses bras étaient terriblement engourdis et sa tête continuait à lui faire mal. Malgré ça, il se sentait mieux. Mieux que quelques instants auparavant.

Ses sens étaient revenus, tous les cinq.

L'ouïe.

La vue.

Le goût. Celui de sa salive, et de l'air frais qui entrait dans sa bouche.

Le toucher. Bradley regarda ses doigts, les fit courir le long de ses bras, se pinça. Il était bien vivant.

Et enfin l'odorat. Bradley avait beau se trouver au milieu d'un amoncellement de sacs poubelles, il y avait une autre odeur qu'il sentait, plus forte encore. Et plus nauséabonde. La senteur lui fit tourner la tête. Il sentit son estomac se retourner, mais se retint de justesse. Bien que repoussé par la fragrance insupportable, il était intrigué. Qu'est-ce qui pouvait bien sentir aussi mauvais ?

Il suivit l'effluve, prenant les virages qu'elle prenait, suivant les détours qu'elle suivait. Bradley ne pensait plus du tout à rentrer chez lui désormais. Il voulait avoir le fin mot de l'histoire !

Plus il s'approchait, plus la fragrance lui paraissait familière. Il se souvenait avoir déjà senti cette odeur. Elle lui paraissait doucereuse, et tout aussi dangereuse. Mais son corps avançait tout seul, courait presque à présent.

Ce fut au coin d'une ruelle. Il pâlit soudainement. Si l'odeur ne l'avait pas vaincu, la vision, elle, tout droit sortie des profondeurs des enfers, lui provoqua un haut-le coeur. Tout sembla se geler autour de lui. Il n'arrivait pas à détacher son regard de la chose. L'atrocité avait déformé toute humanité qui aurait pu exister ici. Était-ce seulement humain ? L'immondice qui lui faisait face était-elle seulement réelle ? Bradley le reconnut. C'était l'homme au téléphone.

Pour lors, il reposait dans la mare formée par son propre sang. Ses entrailles avaient été sauvagement arrachées, et disposées en corde autour de son cou. Enucléé, le cadavre semblait fixer le jeune homme horrifié, dans une indicible rage qui ne le visait pas. Le liquide écarlate s'écoulait abondamment des diverses sutures infligées à la victime.

Le souffle court, Bradley s'écroula, les genoux à terre. Il voulut sortir son téléphone de sa poche, mais le fit tomber par mégarde dans la flaque à l'odeur cadavérique.

- MERDE !

Il n'avait pas le choix, il devait aller au poste de police le plus proche. Bradley ne voulait pas s'enfuir, non, la dernière fois qu'il l'avait fait, il l'avait amèrement regretté. Non, pas cette fois.

Il rassembla le peu de courage qui lui restait et courut aussi loin et aussi vite qu'il put.

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