Chapitre 1: La routine

4 minutes de lecture

17 septembre 2006:

Bradley est coincé dans la routine.

Il ne sait plus combien de temps ça fait maintenant. Il n'arrive pas à se rappeler. Finalement, de quoi avait-il à se plaindre ? Il était devenu ce qu'il avait toujours voulu être, quelqu'un "d'exemplaire". Et pourtant, quelque chose lui manquait cruellement, quelque chose d'indéfinissable. Il en était arrivé à un stade de sa vie où il n'arrivait plus à savoir ce qui était bon ou mauvais. Avait-il fait les bons choix ? Devait-il rester qui il était ? Est-ce que sa vie aurait été meilleure s'il... Bradley n'en avait aucune idée. En ce moment, il ne trouvait pas assez de temps pour s'occuper de lui. Les jours, les semaines défilaient à toute allure, détalant devant la routine impitoyable qui s'était installée. Aujourd'hui c'était son anniversaire. Bradley n'arrivait pas à s'en convaincre. Aujourd'hui était un jour comme les autres finalement. Un jour de plus qui n'allait faire aucune différence. Rien n'allait changer, tout resterait comme avant, tout se passerait comme chaque jour, oui, tout se passerait exactement comme chaque maudit jour qui s'était écoulé jusqu'à maintenant, et rien ne pourrait différencier ce jour-ci des autres. Non, absolument rien.

Le jeune homme ouvrit les paupières.

Il regarda le réveil, sept heures moins le quart.

Comme d'habitude, Bradley se réveillait avant la sonnerie de ce dernier. Lorsqu'il mettait un réveil, il ne comprenait pas pour quelle obscure raison, mais il arrivait, quoi qu'il arrive, à se réveiller avant l'atroce bip-bip; ce qui était une bonne chose en soi. Mais bizarrement, quand il ne programmait pas la sinistre donneuse d'horaires, il ne se réveillait pas. Aussi, il préférait se mettre un signal, manque de mieux. Le jeune homme ne pouvait pas supporter le bruit des réveils. Peut-être était-ce pour cela qu'il se réveillait inconsciemment avant même qu'ils ne sonnent ? Le problème, c'est que même s'il se réveillait avant, il n'avait pas le temps d'annuler la commande, non, ce n'était pas aussi simple. Il se réveillait toujours, voyez-vous, exactement 6 secondes avant le bruit désagréable. Et le plus bizarre dans tout ça, c'est qu'il lui semblait chaque jour qu'il était réveillé par le son de l'horloge miniature elle-même, alors même que son alarme n'avait pas encore retenti.

Et ce matin-là ne dérogeait pas à la règle. 6 secondes avant le signal sonore, Bradley entendait le signal sonore. Puis six secondes plus tard, il l'entendait à nouveau et l'interrompait d'un geste de la main. La routine.

Petit-déjeuner preste, douche tout autant, toujours dans l'efficacité. Brossage de dents express, et le voilà parti. Et comme d'habitude, la journée se déroula sans encombres, aucun évènement en particulier ne vint troubler l'eau stagnante du cycle éternel de la vie morne et sans goût de Bradley.

17 h 30, il sortit de la bijouterie et s'engagea dans la rue des Beaux Arts, marchant d'un pas tranquille sur le trajet du retour à son domicile. Pour contrer l'ennui, il regarda les gens, qui comme lui, déambulaient dans cette petite rue de Paris. Il y avait, devant la Galerie "Claude Bernard", une mère de famille qui attendait impatiemment le feu vert, pour monter l'exemple à ses enfants. De l'autre côté du trottoir, deux jeunes discutaient à voix haute, si bien que l'on pouvait entendre l'entièreté de ce qu'ils racontaient. Mais quelqu'un en particulier, parmi la foule parisienne qui se pressait sur les estrades goudronnées, attira l'attention de Bradley. L'homme, à peu près du même âge que lui, était vêtu tout de noir et portait un bob ornementé de petits dessins d'un goût incroyablement grotesque. Mais ce qui marqua Bradley était sa manière de marcher, comme s'il voulait à tout prix passer incognito aux yeux de quelqu'un. Bradley continua de marcher, s'approchant de plus en plus de lui, tandis que ce dernier sortit de sa poche un téléphone dont la sonnerie retentissait. Il décrocha et se mit à parler au combiné. La discussion fut brève, mais Bradley était sûr d'avoir entendu discernement les mots "Je te tuerai". Et comme pour confirmer cela, l'homme au téléphone pressa le pas, le visage livide et les mains tremblantes. Mais notre jeune homme ne se posa pas plus de questions. Après tout, ce n'étaient pas ses affaires.

Deux embranchements plus loin, il prit son détour habituel par la rue des Saints-Pères, et entra pour une énième fois dans la boulangerie "Le Grand". Le tenancier, qui le connaissait bien, le salua de vive voix:

- Comment va ce cher Bradley ?

- Bof, la routine quoi.

- Tu prendras comme d'habitude ?

- Oui, merci.

- Et un pain au raisin, un ! Au plaisir de te revoir et bon appétit !

- Merci, au revoir.

Le jeune homme repassa la porte dans le sens inverse, déclenchant au passage le tintinabulement de la clochette une seconde fois, et s'éloigna. Et alors qu'il s'apprêtait à revenir vers la rue du Pré aux Clercs, il entendit un léger tintement au loin.

Il regarda vers la boulangerie. Personne ne venait d'entrer ou de sortir. Un deuxième tintement se fit entendre, plus distinctement cette fois. Bradley regarda dans tous les sens, à la recherche de l'origine de cet étrange bruit, mais rien. Quand soudain, quelque part près de lui, on susurra:

"Bradley..."

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