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L’été suivant, en effet, un festival de théâtre fit appel à une demi-douzaine d’élèves de leur école pour animer et participer aux activités. C’était sa première saison et l’organisation était encore cafouilleuse. Les apprentis comédiens étaient logés chez l’habitant et, par erreur, Lucas et Thibaud se retrouvèrent affectés au même hébergement. Qu’ils se retrouvent tous les deux dans ces conditions était aussi troublant pour l’un que pour l’autre.

L’heure tardive ne permettait pas une autre solution que le partage du lit. Leurs hôtes étaient gênés au plus haut point et le charme de Lucas put les apaiser. Ils se retrouvèrent face à face dans la chambre. Lucas devinait la gêne de Thibaud.

— Désolé, Thibaud. Tu vas devoir partager ce lit avec moi.

— Oui.

Le laconisme de Thibaud était désarmant.

— Mais moi, je suis content de partager ces instants avec toi !

— …

— Tu es un garçon bizarre ! Tu sais que je t’admire quand tu joues ! Je pense que tu es le meilleur de nous !

Un petit merci fut murmuré.

— Mais tu es aussi le plus secret de nous. Dans la vie, tu sembles refuser d’exister. Ce contraste me fascine. J’ai vraiment envie de te connaitre ! Et j’ai une occasion en or !

— …

— Tu me dis si tu ne veux pas parler. Il n’y a pas d’obligation ! Viens ! Ce sera plus facile.

Lucas s’allongea sur le lit. Que Thibaud l’imite fut une première victoire. Ils se tenaient sur le dos, écartés l’un de l’autre.

— Pourquoi es-tu toujours à l’écart sans rien dire ? tenta Lucas.

— Parce que je n’ai rien à dire d’intéressant. Chacun ne parle que de lui. Moi, je n’ai rien à dire sur moi.

— Tu trouves que moi aussi, je parle trop de moi ?

— Toi, tu es l’exception ! Tu arrives et tout le monde se pousse pour que tu sois au centre. Tu ne dis rien, tu ne revendiques rien, mais tu es toujours au milieu.

Lucas était surpris à la fois par la longueur du discours et par son contenu.

— Tu as raison ! je ne m’en rends plus compte. Je trouve toujours ma place, sans la demander.

— Parce que tu n’as pas besoin de la demander…

— Et toi, tu dois la demander ?

— Non, je m’en fiche de ne pas avoir de place.

— Thibaud, tu me plais !

— Tu veux dire quoi ? Tu as dit dès le début d’année que tu es gay !

— Je veux dire que tu es un sacré phénomène et que j’ai envie de te connaitre ! Et, oui, physiquement, tu me plais. Je peux te le dire sans te choquer ?

— Je ne sais pas. De toute façon, jamais personne ne s’est intéressé à moi !

— Forcément, avec une étiquette « Je suis inintéressant », ce n’est pas étonnant !

— C’est quoi, être gay ?

La réponse en esquive démonta Lucas. Il sentait qu’il devait se livrer pour tenter d’obtenir quelque chose de ce garçon. Il lui raconta son histoire, pas très vieille, sa rencontre avec Corentin. Il ne parla pas du côté gay du club et des déguisements, juste de son travail de serveur et de l’équipe, de ses amours sentimentales et physiques. Il se retint d’un « Et toi ? » qu’il savait inutile. Il laissa le silence s’installer. Visiblement, Thibaud réfléchissait.

— C’est vrai, que je te plais physiquement ?

— Oui ! Tu es le genre de garçon qui me fait bander ! J’aime la fragilité. J’aime les garçons qui n’en sont pas…

— Tu crois que je suis homo aussi ?

— Je ne crois rien et je ne te demande rien ! Je ne vais pas te forcer. Je dis juste que tu as un côté séduisant, pour moi.

— Tu sais que tu es impressionnant ! Tu as un charisme étonnant. Tu promènes ton éclat sans le montrer. Tout le monde te trouve beau…

— J’en ai pris conscience très récemment. J’ai aussi découvert que je devais gérer et diminuer cet aspect de ma personne si je veux avoir une chance comme comédien.

— De toute façon, tu peux faire mannequin, aussi ! Ou en même temps !

— Je n’y avais pas pensé ! Et toi, pourquoi tu ne le ferais pas ?

— Tu as vu comme je suis ? Je n’arrive pas à sourire. Toi, tu affiches un sourire en permanence et tu peux en faire une arme destructrice !

— Comment cela ?

— Tu as un sourire chaleureux. Ne pas le recevoir est difficile. Ce que cherche tout le monde, c’est ton sourire.

— Je ne t’ai jamais souri ?

— … non…

Lucas bascula vers Thibaud, le tira à lui et l’embrassa. Puis il le relâcha en lui adressant son plus beau sourire.

— Pourquoi as-tu fait ça ?

— Parce que pour sourire, il faut que je sois content. Et t’embrasser m’a rendu content !

— Lucas, ne joue pas avec moi ! J’ai déjà assez de mal comme ça !

— Mais je ne joue pas ! J’ai vraiment une grande tendresse pour toi. Sans savoir comment tu accepterais que je te l’exprime.

Après un long silence, Lucas se leva. Il se déshabilla simplement, complètement, et se remit sur le lit.

— Il fait chaud ! Mais tu sais que ce n’est pas la seule raison. Je veux te dire… Je suis à toi, si tu le veux…

— Lucas, ne joue pas, s’il te plait…

— Je ne joue pas ! Je te laisse décider !

— Mais je n’ai jamais couché avec une fille, ou un garçon ! Même pas touché ou embrassé ! Je ne sais pas ce qu’est un contact physique. Une main sur la mienne me stresse. Et un garçon de rêve s’offre à moi ! C’est impossible ! Je ne sais pas quoi faire…

— Je suis désolé. Je ne voulais pas te stresser ! Bien au contraire ! Restons-en là. Je suis le roi des cons et des maladroits ! Tu as raison de te méfier. Thibaud…

— Non ! C’est bien. C’est un très beau geste pour moi. Merci infiniment, Lucas. Mais je ne sais pas quoi faire ni ce que je veux…

— Tu acceptes que je te touche ? D’homme à homme ?

Silence.

Lucas ne fut pas certain d’entendre un « oui », mais l’attitude de Thibaud semblait le dire.

Il avança sa main vers le bras de Thibaud. Un frémissement, un relâchement. Lucas se rapprocha, caressa les joues de Thibaud. Une légère barbe, comme celle de Samuel, rendait un effet magique. Lucas aimait cette sensation. Thibaud se détendait. Lucas approcha ses lèvres.

— Je peux, souffla-t-il ?

— Oui

Ce petit mot accéléra le cœur de Lucas. Cette fois, il déposa ses lèvres doucement, essayant d’entrainer Thibaud. Il réussit à les franchir, cherchant sa langue. Thibaud devait être entrainé par le plaisir. Lucas renforça son étreinte, dévorant Thibaud. Il sentait un mélange de frayeur et de désir. Surtout ne pas le perdre !

— Thibaud, tu es extraordinaire quand tu joues ! Fais de ta vie une scène ! Joue ta vie, profites-en ! Ne t’occupe pas des autres !

La main de Lucas avait provoqué une fuite de Thibaud vers son tourmenteur. Ils s’endormirent ainsi.

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