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Le soir, c’étaient Ben et Blanchette qui assuraient le service. Corentin avait tenu à ce que Lucas les connaisse. Ils s’étaient retrouvés une heure auparavant et avaient pris le temps de se rapprocher. Les quatre beaux gosses discutaient librement, tandis que les deux serveurs du soir se préparaient.

Ben, pour le service et Matthieu dans le civil, était culturiste. Lucas n’avait jamais vu une telle masse de muscles. Contrairement à certains culturistes qui cherchent la plus grosse masse, Matthieu travaillait l’harmonie des formes. Entièrement rasé, il jouait de son corps en faisant rouler ses muscles. Lucas était béat d’admiration. Cela amusait Ben qui en rajoutait, essayant de draguer ce jeune minet aux formes séduisantes.

Blanchette, ce surnom fleurant bon le racisme de papa, amusait Loïc, était de père sénégalais et de mère bretonne. Il avait une peau foncée, des traits négroïdes peu marqués et des yeux clairs sous une chevelure crépue avec les tempes rasées. Ses traits fins et une grande jovialité le rendaient sympathique. Lucas avait hâte de mieux connaitre ses nouveaux collègues. L’accueil de Ben et de Blanchette augurait favorablement la suite. Surtout, cette atmosphère masculine où chacun s’exhibait simplement et fièrement l’enchantait. Il découvrait les corps mâles et trouvait très beaux ces torses plats, ces abdominaux et ces attributs. Pourquoi les cachait-on ? Repliés ou vigoureux, ils étaient au centre du corps, magnifique et aussi désirable que le visage.

Corentin avait expliqué qu’ils étaient tous étudiants, sauf Dimitri-Jonathan qui était ingénieur. Il avait un poste, mais continuait à venir travailler au club par plaisir. En fait, à part l’enlèvement de Ludovic, les choses étaient tranquilles et les serveurs avaient du mal à abandonner cette admiration fétichiste dont ils étaient l’objet. Lui-même ne parvenait pas à se détacher de cette adulation, malgré sa décision prise et reprise d’abandonner. Son ego avait tellement souffert que chaque regard d’envie sur son corps le confortait dans son estime, éternellement trop fragile.

Lucas et Corentin avaient envie de rester ensemble, mais aussi de se montrer. Ils décidèrent, la salle n’étant pas pleine, de profiter du club, en tant que clients à des conditions gracieuses. Joe laissait faire ce genre de divertissement, car il préférait deux beaux appâts à une salle vide.

Lucas et Corentin alternaient de longs silences contemplatifs, des petites questions pudiques, de longues confidences, chacun voulant se montrer sans fards à son amoureux. Ils se parlaient d'eux pour la première fois. Blanchette et Ben passaient interrompre cette intimité, dans une joyeuse camaraderie. Les gestes amicaux étaient très poussés, les mains exprimant l’estime. Lucas avait oublié son dégout des autres hommes devant la gentillesse et l’expertise de ses nouveaux amis.

Les deux amoureux avançaient l’un vers l’autre, dans une bienveillance et un respect infini, effrayés par la possibilité d’érafler leur sentiment.

Ils partirent discrètement. Ils avaient maintenant besoin de se trouver physiquement. Ils se tenaient la main, pour sentir l’autre progresser simultanément. Nul besoin de baisers ou d’étreintes, puisqu’ils étaient ensemble. Ils se déshabillèrent lentement, chacun dépouillant l’autre, découvrant ce cadeau merveilleux. Une fois nus, ils se rapprochèrent doucement, pour une étreinte et un baiser aussi légers qu’immenses, dans le plaisir du contact de l’être aimé. Chacun maintenant était concentré sur le plaisir qu’il donnait, ressentant avec délice celui qu’il recevait. Ils étaient en phase et les deux explosions simultanées les ravirent.

Sans mots, juste avec les yeux, ils s’endormirent, alternant les enlacements. Chaque petit réveil leur rappelait leur bonheur.

Le samedi ils se promenèrent dans le quartier gay. Avec ses premiers gains, Lucas accepta les conseils de Corentin et adopta des tenues plus moulantes qui exacerbaient ses formes. Les soirées passées au club lui avaient permis de prendre conscience de ses atouts. Il découvrait comment les mettre en valeur, fier maintenant de cette rare beauté. Pris d’une folie, il se fit percer l’oreille. Corentin lui offrit sa petite boucle. Lucas lui en rachetant une immédiatement, cet échange valait serment d’éternité.

Corentin lui expliquait le quartier et la communauté. Il avait rencontré plusieurs militants de la cause et s’était un peu investi. Les associations regroupaient des mecs volontaires, motivés, avec une vie intérieure intense. Leur liberté de gestes, de tons et de paroles en faisait des espaces de rêves malgré les invectives plus ou moins amicales de ces forcenés de la lutte. C’était aussi des lieux de drague extraordinaires. Il y trouvait son comptant pour l’intelligence et l’amitié. Sexuellement, il était parfois déçu.

Corentin avait adopté un look ambigu comme il aimait le faire parfois et qui, de plus, avait réjoui son jeune amant. Quand ils pénétraient côte à côte dans un bar gay, ils avaient un moment d’attention. Ils auraient pu se sentir supérieurs aux autres par ce qu’ils dégageaient, mais seule l’aura de leur béatitude importait pour ces deux anges descendus chez les terriens.

Lucas glissait avec douceur dans ce monde qu’il ne percevait qu’au travers de cet amour qui le transformait. Il avait refoulé ses rapports avec sa famille et ses amis. Cela était devenu sans importance.

Le soir, Corentin était de service. Lucas fit la connaissance de Kevin. Sous ce prénom banal se dissimulait Jean-Eustache, issu de l’aristocratie dont il avait le parler et les manières. Des cheveux longs et raides encadraient un visage harmonieux, aux yeux brillants d’intelligence, malgré une petite morgue qui s’affichait facilement. Il jouait, comme Valentin, le gentil minet, le fils de bonne famille. Là encore, Lucas tomba sous son charme. Li, fermait le trio.

Lucas les admira, puis, une fois abandonné, alla saluer Fred. La soirée ne faisait que commencer. Il s’accouda au bar, discutant avec Fred. Les nouveaux clients étaient attirés par ce jeune homme détendu, dans sa tenue soulignant un petit postérieur à croquer. Il commença à être dragué gentiment.

Devant tant de sollicitations, il commença à perdre la tête. Autant, dans son rôle de serveur affriolant, il se sentait à l’aise, autant, il était gêné par ces demandes. Il se réfugia dans le vestiaire, hésitant entre partir ou y attendre Corentin. De toute façon, sans son amour à côté de lui, il se sentait perdu.

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