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Alors qu’il repassait devant la métairie de la Grée, il tomba nez à nez avec la femme à côté de qui il s’était installé lorsqu’il avait pénétré dans la cuisine la première fois ; celle qu’un homme avait appelé Rose et que lui-même avait supposé être la sœur de Pierre Budor tant elle lui ressemblait. Il fut étonné de la voir sortir du proche car, lorsqu’il était revenu la deuxième fois, il lui avait semblé que tout le monde était parti, le silence régnant partout. Elle aussi sembla surprise de le voir là :

- Ah, l’instituteur, fit-elle, je vous croyais déjà parti ! Mais qu’est-ce que vous faîtes par là ? Vous n’êtes pas avec les autres hommes ?

- Non… J’allais retourner au bourg. Il m’a semblé qu’il n’y avait plus personne quand je suis revenu tout à l’heure. Vous aviez oublié quelque chose ?

- Mais pas du tout ! En fait, j’étais pas encore partie…

Comme il la regarda intensément, elle ajouta en bredouillant :

- J’avais des choses à faire…

- Ah ? Quoi donc ?

- Je voulais enlever tous les draps

Il hocha la tête en signe d’assentiment, puis il dit :

- On se parle mais je ne sais pas encore votre nom, vous êtes ?

- Rose, la sœur de Pierre Budor

- Vous n’êtes pas de Vern ? Depuis un an que je suis arrivé, je ne vous y ai jamais vu

- Non, j’habite dans le voisinage mais en Saint Erblon

- Vous rentrez seule à pied ? Vous voulez que je vous raccompagne ?

- Non !... Enfin, je veux dire, pas la peine, j’habite juste à côté en fait… à Souillard, pour tout vous dire… Allez, je vous laisse rentrer au bourg, moi je m’en vais par l’autre côté !

Jean fronça les sourcils : il trouvait Rose assez bizarre, bien pressée de le quitter soudain. Mais bon, en même temps, comment ne pas l’être étant donné les circonstances ? Elle venait de perdre son frère, sa belle-sœur, ses nièces et ses neveux : ça faisait beaucoup !

Après avoir regardé Rose s'en aller, Jean se remit en route. Il se demanda une nouvelle fois qui avait découvert le crime. Personne ne le lui avait dit. En même temps, tout à sa douleur, il n’avait posé aucune question mais, maintenant, il était fermement décidé à avoir des informations.

Comme Vern se situait sur la grand’route de Rennes à Châteaubriant, ce qui drainait beaucoup de déplacements de populations, on y trouvait de nombreuses auberges pour permettre aux voyageurs de se restaurer. Jean résolut de les faire toutes au besoin, sûr d’y trouver quelques vernois prêts à raconter tout ce qu’ils savaient, voire même ce qu’ils ne savaient pas mais imaginaient comme probable.

Lorsqu’il fut arrivé au bourg de Vern, il entra dans la première auberge mais comme il n’y avait personne dans la salle, il ressortit aussitôt en s’excusant. Il n'eut pas plus de chance dans la seconde. C’est dans la troisième qu’il trouva enfin du monde. A son entrée, les têtes se tournèrent avec curiosité.

C'était une pièce sombre, basse de plafond, où des poutres noircies de fumée supportait un étage. Il aperçut, à une table peu éloignée de la porte, dont il tenait encore la poignée dans la main, son ami Paul Ollivault, assis avec trois autres personnes qu’il reconnut pour être Christophe Poisson, un charpentier, Julien Leliard, un maréchal ferrant et Augustin Bourdais, un charron. Il se dirigea vers eux et s’installa sans un mot à leur table. Paul s’était poussé pour lui faire de la place et il lui servit du cidre.

A son arrivée, le silence s’était fait dans l’établissement mais maintenant qu’il était installé, les conversations avaient repris. Sauf à leur table où la gêne empêchait la discussion. Ce fut lui qui rompit le calme en interrogeant directement :

- Qui a découvert le… le massacre ?

Augustin Bourdais et Julien Leliard répondirent en même temps, l’un complétant l’autre, empressés qu’ils étaient de s’engouffrer dans la brèche qu’il venait d’ouvrir pour dissiper l’embarras que son arrivée avait provoqué.

- Le beau-frère, Louis Hubert, de Souillard ! Il était venu demander de l’aide parce que sa vache allait mal. Il a dit qu’il avait voulu avoir l’avis de Budor parce qu’il s’y connaissait en bêtes.

- Ah ! Et vous y croyez ?

- Bah, pourquoi qu’on y croirait pas ? demanda Christophe Poisson. Qu’est-ce que tu sous-entends l’instituteur ?

Jean leva les mains en signe d’apaisement :

- Mais rien voyons, je veux juste comprendre…

- Y a rien à comprendre ; ces saloperies de chouans sont passés par là et y z’ont tués tout le monde ! Va pas foutre la merde toi ! Tout le monde sait que des hordes de brigands hors-la-loi sillonnent la campagne et tuent tout le monde !

- Allez, on se calme, intervint Paul. Christophe, c’est normal de chercher à savoir la vérité…

- Ca donne pas le droit de dire n’importe quoi !

- Pour l’instant, il n’a rien dit !Le silence se fit à nouveau à leur table et Jean se rendit compte que plus personne ne parlait non plus dans l’auberge. Les autres convives avaient dû entendre le ton s'élever et aussitôt, la curiosité l'emportant sur les discussions en cours, tout le monde s'était interrompu.

  • Peut-être, mais moi, Louis, je le connais et s’il dit qu’il était venu demander conseil alors, c’est que c’est vrai ! reprit Poisson
  • Est-ce qu’au moins les autorités vont enquêter ? interrogea à nouveau Jean
  • Pfff ! Quelles autorités ? répliqua Augustin Bourdais. On n’a même plus d’agent national, pour nous représenter à la municipalité du canton rural depuis qu’Augustin Desnos a refusé la place. Et Dubois, l’ancien maire, ne veut que la place d’adjoint…
  • Et c’est pas le juge de paix, Maublanc, qui va s’occuper de ça. Il est plus occuper à faire célébrer les fêtes publiques et décadaires et à se promener partout avec l’écharpe tricolore que de se soucier de justice ! ajouta Julien Leliard
  • Ouais, c’est plus un politicien qu’un juge ! Il montre beaucoup de zèle pour la République et si on lui dit que c’est les chouans les coupables, il cherchera pas ailleurs ! compléta Paul
  • Mais nom de Dieu ! s’emporta à nouveau Christophe Poisson, on dirait que ça vous gêne de dire que c’est les chouans qu’ont fait ça ! Qu’est-ce qu’il y a ? Vous les soutenez ou quoi ?
  • Mais tu comprends rien, lui répliqua Paul. Qui a dit que c’est eux ?
  • C’est sûr, c’est tout ! Personne n’aurait fait un truc pareil sinon !
  • Ah, oui ? Tu vois pas ce qui se passe ou quoi ? Moi, je te dis que c’est un peu trop facile justement, de dire que c’est eux ! Imagine c’est quelqu’un d’autre ! Sur cette remarque, plus personne n’osa parler car imaginer que quelqu’un du coin pouvait avoir assassiné douze personnes en une nuit était angoissant. Finalement, Christophe Poisson reprit :
  • Non, c’est impossible !
  • En tout cas, intervint l’instituteur, ils ont tous été égorgés dans leur lit. Cela veut dire que celui, ou ceux qui ont fait ça, n’ont fait aucun bruit parce que personne ne s’est réveillé. Donc s’ils étaient plusieurs, ils ont été sacrément silencieux ! En plus, rien n’a été dérangé…
  • Ouais, c’est vrai que ça ressemble pas aux chouans tout ça. En général, ils pillent au passage… compléta Augustin Bourdais
  • Et l’armée, ils ont été prévenus au moins ? demanda Jean en revenant à son idée concernant les autorités. Je ne les ai pas vus ce matin. Si on paye un cantonnement, c’est aussi pour faire la police, non ?

Mais personne à leur table personne ne put lui répondre et, voyant qu’il n’obtiendrait pas plus de renseignements, il prit congé. Il décida d’aller voir l’ancien maire, Dubois. Celui-ci n’osait plus sortir tellement il avait peur d’être pris pour cible par les chouans qui s’en prenaient aux patriotes de la première heure. A tel point qu’il avait envoyé un courrier pour informer le district qu’il ne pouvait plus se rendre aux réunions !

Mais Jean savait qu’il avait été proche de Pierre Budor, même si celui-ci n’était pas aussi acharné que lui comme patriote, et il voulait savoir si l’ancien maire avait eu connaissance de différents que Budor aurait pu avoir avec d’autres Vernois.

Dubois habitait dans le bourg et Jean y fut en quelques minutes. A son arrivée, il croisa un soldat qui sortait de la maison, le bras en bandoulière. L’ancien maire était aussi chirurgien et il n’était pas rare de voir toutes sortes d’éclopés entrer et sortir de chez lui. Le soldat lui fit un signe de tête et prit aussitôt le chemin qui redescendait vers l’église. Jean le regarda s’en aller quelques instants puis fit les pas qui le séparaient de la maison. Elle n’était pas bien grande mais plutôt bien entretenue et l’ensemble présentait un air coquet qui ne présageait pas du tout des souffrances endurées par les blessés qui arrivaient jusque là.

Jean toqua à la porte de bois qui était restée semi ouverte. Aussitôt, on lui répondit d’entrer.

  • Ah, l’instituteur ! fit Dubois en le scrutant, comme si juste par le regard il avait pu deviner de quoi il pouvait éventuellement souffrir.

« Hum, quoique pour l’occasion, il ne fallait pas forcément avoir beaucoup de lumières pour comprendre qu’il avait l’âme saignée à blanc » songea Jean avec amertume.

  • Que voulez-vous ?
  • Je me demandais… vous avez été proche de Pierre Budor… Est-ce que vous savez si quelqu’un aurait pu lui en vouloir au point de le tuer ?
  • Dans la vie, y a toujours des tas de gens qui vous en veulent, l’ami… Des fois, vous ne savez même pas pourquoi !
  • Oui, mais de là à tuer toute la famille… Faut forcément avoir une haine énorme, non ? Vous devez bien savoir si quelqu’un le haïssait comme ça, vous êtes d’ici et vous connaissez tout le monde !
  • Peut-être, mais ce n’est pas toujours la menace la plus visible qui est la plus dangereuse. Vous voulez savoir qui a fait ça ? Cherchez par en dessous la surface ; ne restez pas sur le visible ; sur les querelles que Pierre a pu avoir avec les uns ou les autres. Ca c’est de la broutille, des coups de sangs d’une soirée. Non, faut chercher plus loin la racine. Mais je ne peux pas vous aider à ce sujet-là. On a été assez proche à un moment… quand il n’y avait pas toute la politique et tout çà… Mais quand même pas suffisamment proche pour avoir des confidences : Pierre, ce n’était pas un bavard.
  • Ca n’a pas l’air de vous affecter beaucoup ce qui s’est passé !
  • Détrompez-vous : je suis secoué comme tout le monde. On dit que ce serait les chouans, les coupables. Mais je suis allé sur les lieux pour constater les décès. Les chouans auraient tout pillé et tout saccagé. Alors que là, tout était à sa place : du Pierre tout craché. Même les blessures étaient nettes : un seul coup de lame, à chaque fois ; pas d’essais loupés. Juste une ligne de rupture, propre et nette. La même pour chaque corps.
  • Donc la même arme et le même coupable !
  • Oui je le pense

Le silence tomba sur cette sentence et les deux hommes se regardèrent, mesurant parfaitement ce que cela impliquait, à savoir que quelqu’un à Vern ou dans les environs avait été capable de tuer de sang froid toute une famille, sans faillir à aucun moment donné. Douze personnes. Douze personnes d’un coup. Les unes après les autres. Méthodiquement. Jean frissonna. Qui donc pouvait avoir agi ainsi ? Et pourquoi ? Le tueur avait-il eu au moins un moment de doute, d’hésitation ?

  • Vous dites que vous êtes allé sur les lieux ; quelle heure était-il ?
  • C’était de bonne heure. Voyons, Quelavoine est venu frapper à ma porte comme un fou. Quand j’ai ouvert, j’ai regardé machinalement l’horloge de l’église comme je fais toujours quand je sens que l’heure est grave. Elle indiquait six heures. Alors, le temps que je finisse de me préparer et qu’on se rende là-bas, il devait être environ six heures trente
  • Et… est-ce que… est-ce que les corps… heu… étaient...

Il s’arrêta, incapable d’aller plus loin dans sa demande. Heureusement, Dubois comprit ce qu’il souhaitait savoir et lui répondit sans hésiter, habitué qu’il était à côtoyer hélas les cadavres :

  • Froids ? Vous voulez savoir vers quelle heure ils sont morts, c’est ça ?

Il hocha la tête en signe d’acquiescement. Le chirurgien réfléchit quelques instants puis déclara :

  • Ils avaient commencé à se refroidir depuis quelques heures, c’est sûr, et ils étaient tout rigides. A quelle heure exactement ils sont morts, je ne sais pas mais pour moi, ça a eu lieu entre minuit et deux heures du matin environ

« Et dire que je dormais tranquillement à ce moment-là… pendant que Jeanne se faisait égorger ! » se lamenta intérieurement Jean. Il sentit que la bile lui remontait dans la bouche et il se força à se concentrer sur ce que Dubois ajoutait :

  • A part ça, je ne peux rien vous dire de plus. Maintenant, si vous voulez bien me laisser, j’ai à faire

Jean ressortit de la petite maison un peu désemparé. Il ne savait pas trop comment poursuivre. Il fit quelques pas hésitants en direction de l’église tout en réfléchissant. Il lui semblait certain, concernant le coupable, que l’individu était quelqu’un de méthodique, qui savait maîtriser ses nerfs. Cela excluait donc Joseph Quelavoine, qu’il avait soupçonné dès le début car il le trouvait un peu trop prompt à vouloir tout mettre sur le dos des chouans et à trouver des complices. Celui-ci était d’un caractère emporté, sanguin, et jamais il n’aurait réalisé un crime aussi « propre ». Joseph paraissait, au bout du compte, surtout vouloir régler des comptes pour apaiser une jalousie certaine vis-à-vis de Jean Marion. C’est vrai que là-bas, dans la section d’outre-Seiche, ils étaient plusieurs laboureurs à s’être enrichis grâce à l’excellence de la terre et ceux qui n’y étaient pas parvenus avaient de quoi nourrir un dépit certain.

Jean, en pleine réflexion, leva les yeux vers le ciel terne de ce triste mois de vendémiaire. Des nuages d’un gris un peu plus soutenu que la trame de fond filaient vers le nord, poussés par un petit vent frais. Celui-ci soufflait par vagues légères qui faisaient danser les cheveux bruns de l’instituteur, souples et brillants comme ceux d’une jeune fille. Machinalement, il y passa une main élégante pour tenter de les rabattre, mais en vain.

Il avait repris sa marche après avoir décidé d’aller à la rencontre du capitaine du cantonnement que Vern s’était vu attribué, pour assurer sa sauvegarde, étant donné les évènements dramatiques qui y avaient eu lieu depuis que les patriotes se trouvaient confrontés aux brigands chouans. Il le trouva à la ferme de Chalonge qui avait été réquisitionnée pour accueillir plusieurs soldats.

Le capitaine s’appelait Pierre Muller. Il venait des Vosges et parlait avec un fort accent de sa contrée d’origine. Il avait d’abord été muté comme simple soldat dans l’armée de Brest où il avait gravi les échelons assez rapidement. C’était l’avantage de l’époque : l’armée avait un grand besoin d’officier et un peu d’éducation suffisait souvent pour obtenir de la promotion.

C’était un homme assez grand avec une imposante moustache tirant sur le roux, les épaules carrés du militaire et un teint plus ou moins coloré en fonction de l’heure de la journée ! Ce matin-là, il était assez blafard.

Installé dehors sur un banc qui était aligné contre le mur de terre de la ferme, les jambes écartées, les coudes posés sur les cuisses, les mains croisées devant, il regarda Jean arriver sans bouger ce qui mit ce dernier mal à l’aise avant même de pouvoir lui parler.

Une fois parvenu à proximité, Jean s’arrêta et entama la discussion :

  • Bonjour ! Journée grise, hein ?
  • Mouais !
  • Ca va, vous êtes bien installé ici, au Chalonge ?
  • Va droit au but l’ami. J’aime pas la parlotte pour rien dire !

Jean eut plusieurs battements de cils incontrôlés, déstabilisé par la froideur de l’accueil et mit quelques secondes avant de reprendre :

  • Je viens vous voir au sujet de la tuerie de la Grée

Le capitaine se redressa un peu et s’adossa au mur de terre derrière lui.

  • Qu’est-ce que t’as à dire là-dessus ? lui demanda le militaire de sa voix rude
  • En fait rien mais je…
  • Alors si t’as rien à dire, fous-moi le camp ! l’interrompit-il

Jean accusa le coup et blêmit devant la grossièreté du gradé. D’un tempérament plutôt posé, bien éduqué, il supportait mal qu’on lui parle de cette façon, sans respect aucun, ce que lui-même ne se permettait jamais de faire, quel que soit la personne se trouvant en face de lui. Il serra la mâchoire pour digérer l’affront, et reprit :

  • Capitaine, vous êtes là pour nous protéger. Cette nuit, douze personnes sont mortes d’un coup. Faudra t’il faire remonter l’information auprès de votre hiérarchie et leur dire que vous ne servez pas à grand-chose ?

Ce fut au tour de Pierre Muller d'être pris au dépourvu. En général, son grade et sa physionomie suffisait à écarter tout le monde dès qu’il montrait un peu les « dents ». Il avait mal jugé l'instituteur : au vu de son attitude gênée lorsqu'il était venu à lui, il l'avait classé dans le groupe "timide, facile à impressionner". Le capitaine Muller avait, en effet, des catégories toutes faites de personnalités qu'il s'était forgées au gré de l'expérience. En quelques gestes ou en quelques mots, il classait ainsi instantanément toutes les personnes qu'il rencontrait. Mais de temps en temps, il butait sur des individus inclassables ce qui le mettait toujours en difficultés car, à chaque catégorie, il avait associé un type de comportement à avoir. Donc, lorsqu'il faisait face à quelqu'un de flou de prime abord, il ne savait pas comment agir. Dans ces cas-là, il avait appris à battre en retraite rapidement.

  • Qu’est-ce que tu veux ?
  • Vous poser quelques questions
  • Pourquoi ?
  • J'étais amoureux de Jeanne Budor, la fille aînée, avoua t'il en rougissant légèrement. Ca me donne le droit de savoir ce qui s'est passé
  • Tu le sais déjà !
  • Je voulais dire que ça me donne le droit de chercher qui a fait ça !
  • C'est pas ton boulot
  • C'est celui de qui alors ?
  • Le mien, tiens !
  • Et vous allez le faire ? Correctement, je veux dire ? Parce que vous ne semblez pas empressé ! Vous devriez être en train d'interroger tous les voisins, les amis, les relations de Pierre Budor et je vous trouve assis, là, à ne rien faire !

Jean crut que le capitaine allait exploser de colère tellement il devint rouge mais il le vit maîtriser sa fureur. Il poursuivit donc :

  • Capitaine, nous ne sommes pas ennemis. Nous voulons, je pense, la même chose, à savoir trouver les coupables. Vous, parce que c'est votre boulot ; moi, pour les raisons que je vous ai dites. Travaillons ensemble ! Je vous dis ce que j'ai constaté et appris depuis ce matin et vous faites la même chose. Puis, allons interroger les gens ensemble : vous leur faites peur, pas moi. Ils vous diront des choses qu'ils me cacheraient

Pierre Muller réfléchit rapidement à la proposition. L'instituteur pouvait sûrement lui être utile en effet car il était beau parleur. Lui-même et ses soldats, plus abrupts, ne parvenaient pas toujours à délier les langues malgré la peur qu'ils inspiraient. Ils avaient à faire à des individus parfois retors qui simulaient l'effroi tout en leur racontant n'importe quoi. Il s'en rendait compte sans parvenir à trouver comment leur faire dire la vérité. C'était d'autant plus compliqué que les gens craignaient d'en dire trop et d'en subir les représailles ensuite car la période était très troublée : sous couvert de patriotisme ou de chouannerie, de nombreux règlements de compte avaient lieux et une sorte de terreur régentait les relations dans les campagnes.

L'une de ses missions principales étaient le maintien de l'ordre public et, pour y parvenir, il devait notamment réussir à confisquer toutes les armes à feu. Il en avait déjà récupéré un certain nombre mais il était sûr qu'il en restait un peu partout. Cependant, au vu de ce qui venait de se passer à la Grée, il se rendait compte que les armes à feu n'étaient qu'une partie du problème. Depuis la révolution, les haines s'étaient exacerbées dans cette contrée qu'il ne connaissait pas et dont il ne maîtrisait ni le patois, ni les us et coutumes. C'était souvent trop facile pour tous ces paysans de le tromper. Avec l'aide de l'instituteur, il parviendrait sûrement plus facilement à déjouer leurs ruses. Il accepta donc la proposition.

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