Iris - XIV

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01h01

— Allez les vieux, on vous bordera. Ne vous en faites pas ! rit Nino sous le barnum.

— Arrête de faire le mariole. Tu risques de le regretter, avertit Fabien.

Fred, Fabien et Laurent font face à Solal, Eliott, Nino et Rudy.

— Je ne suis pas sûr… hésite mon ancien partenaire de jeu.

Tandis que les invités essayent de convaincre Rudy de se joindre à eux, je m’approche du petit groupe et demande ce qui se passe. Quelques secondes s’écoulent avant que Nino m’informe de l’existence d’un concours. Mais pas n’importe lequel. Les jeunes contre les plus âgés. Nous savons tous que ce sera l’alcool le grand gagnant demain matin. Andréa nous rejoint à ce moment-là et forcément Solal est encore plus enthousiaste à l’idée de faire quelque chose pouvant déplaire à sa copine.

Laurent sort alors une bouteille de whisky de sous la table. J’en ignorai l’existence. Tout comme Andréa à juger la grimace barrant son visage. Notre cousin commence à remplir les verres des autres challengeurs. Il n’y a pas de soda pour rendre la boisson un tant soit peu buvable.

— Vous allez vous rendre malade, dis-je à l’attention de mes amis.

J’aurai mieux fait de me taire car il semblerait que mon manque de confiance en eux les ait engaillardis. Sans oublier le fait qu’il est tard et que toutes les décisions prises à partir de maintenant sont sans doute la pire des options. Je pousse un soupir. La fierté, un véritable fléau. Je m’approche de Rudy.

— Tu n’es pas obligé de les suivre, tu sais, lui chuchoté-je à l’oreille.

Un immense sourire se dessine sur ces lèvres puis il me fait un clin d’œil. Quant à Andréa, elle s’est approchée de Solal et lui a posé la main sur le bras.

— Fais attention.

Je ne sais pas si c’est un avertissement concernant sa consommation d’alcool ou sur les conséquences que pourrait avoir une absorption trop importante. Je vais essayer de maintenir Emma dans le sous-sol en l’assommant de chansons rythmées.

L’intéressé glisse un regard vers ma sœur avant de boire une grande gorgée de son verre. Elle ne s’attarde pas et préfère rejoindre l’arrière-cuisine. Je fais un signe à Eliott de tout filmer. Je ne veux pas perdre une miette de ce qui va se passer sous ce barnum. Je finis par retrouver ma sœur en train de siroter une bière.

— J’espère qu’il aura une gueule de bois bien carabinée !

— Ne souhaite pas trop fort parce que tu dors avec lui ce soir, l’informé-je avec un certain amusement dans la voix.

Je l’attrape par la main avant de l’entrainer dans l’escalier. Nous rejoignons la piste de danse sous les acclamations des danseurs. Elodie et Magda sont en train de danser coller-serré tandis qu’Emma agite ses fesses devant Clara, impressionnée. Je ne la savais pas capable de telles prouesses. Les jumeaux viennent tout de suite inviter Andréa à danser. Cette dernière ne se fait pas prier. Au bout de quelques secondes, Rudy fait également son apparition.

Plusieurs musiques s’enchainent et je perds la notion du temps. Les bras se lèvent. Les hanches se mouvent au rythme de la musique. J’évite de penser à Yanis. Les têtes bougent. Des chorégraphies s’improvisent. Je n’ai jamais aussi bien compris l’expression «la fièvre du samedi soir » qu’à cet instant. Les deux sœurs, Aline et Lou se livrent une véritable battle de danse. Ce qui finit par entrainer tout le monde. Nous formons un grand cercle et à tour de rôle, nous dansons devant tout le monde. Puis nous désignons quelqu’un pour prendre notre place. Les enchainements des pas sont tellement mauvais et improbables qui nous rions aux éclats. Le but n’est plus d’être le meilleur mais le plus drôle.

À force de danser dans tous les sens, j’ai chaud. Je décide de m’asseoir quelques secondes. Je suis vite suivie par Emma et Clara. Elles sont à bout de souffle et transpirent un peu. Mais elles sourient.

— Où est Solal ? hurle Emma dans mes oreilles afin de couvrir le son de la musique.

Je devrais la surnommer « Perdspaslenord ». Même si j’ai très bien compris, je fais mine du contraire. Ma main fait un va et viens entre mon oreille et l’ordinateur diffusant la musique. Mon amie me répète la question. Je feins toujours la surdité alors elle saisit son téléphone portable et me tape un message. Je ne peux pas prétendre que je ne sais pas lire alors j’hausse les épaules. Plus vite que son ombre, elle se lève afin d’obtenir une réponse à sa grande interrogation du moment. Clara et moi partons donc à sa poursuite.

Une fois dans notre ancien garage, j’arrive à lui attraper le bras.

— Emma, arrête.

Elle se retourne brusquement. Ses longs cheveux blonds me fouettent. On se croirait dans une publicité de shampooing. Mon amie se met à battre des cils innocemment comme si elle ne comprenait pas.

— Je ne veux pas que tu sois ridicule, tenté-je, ou assassinée par ma sœur.

— Pourquoi je le serai ?

Je regarde mon amie, droit dans les yeux en espérant lui faire passer le message. Emma a besoin de se prouver qu’elle plait aux membres de la gent masculine. Elle a besoin d’être rassurée. Cependant nombreuses sont les fois où elle se met dans des situations inconfortables. Et aujourd’hui, je dois reconnaitre qu’elle m’y met aussi.

— Est-ce que j’ai vraiment besoin de te rép…

— Garde à vous !

Soudain je suis interrompue par la grosse voix de mon cousin, Laurent.

— Repos !

S’ensuit un bruit de heurt et quelques rires. Sans grand étonnement, ça provient du chapiteau.

— Garde à vous !

Je sors précipitamment dehors et découvre Nino, la main sur le front, aussi droit que sa colonne vertébrale le lui permet. Eliott tente de ne pas rire et filme toute la scène. Aucune trace de Solal.

— Repos ! s’écrie de nouveau l’ancien militaire.

Mon ami s’écroule ensuite sur la table, la tête posée sur ses bras repliée. Laurent rit comme un bossu. De même pour Fred et Fabien. Je ne comprends pas. Les effets de l’alcool se ressentent pleinement au bout d’une heure. Ça ne fait pas si longtemps que ça.

— Garde à vous !

Le jeune homme se redresse vivement mais la position est plus difficile à tenir cette fois-ci. Il se tombe avant que mon cousin le lui ait dit.

— Ma doue ! C’est quoi tout ce reuz ?

En chemise de nuit et robe de chambre, Mammig a les sourcils froncés de mécontentement. L’infusion à la camomille d’Andréa n’était pas assez puissante. D’un geste du pouce, je lui indique son petit-fils.

— Regarde Mammig, réclame mon cousin quadragénaire, Garde à vous !

Malheureusement pour lui, Nino m’a aucune envie d’exécuter le salut militaire. En réalité, j’ai dû mal à savoir s’il ne veut plus le faire ou s’il n’y arrive plus. Il grommelle quelque chose avant de soupirer bruyamment. Il étend son bras droit. Sa tête bascule dessus, dévoilant ainsi son visage, blanc comme un linge.

— Il n’a pas l’air bien, le gamin, commente ma grand-mère.

C’est le moins que l’on puisse dire. Et personne autour de nous ne semble s’en inquiéter. Nino continue de baragouiner des mots incompréhensibles. Je reste quelques secondes sans réagir jusqu’à ce qu’une phrase me parvienne distinctement jusqu’aux oreilles.

— J’ai… envie… de … vomir…

Un juron breton me vient à l’esprit. Je jette un regard de détresse à Eliott. Il ne va quand même pas laisser son pote régurgiter sur la table. Mon meilleur ami comprend alors l’enjeu de la situation.

— Nino. Retiens-toi encore un peu. Ou ferme la bouche.

Bien que le jeune homme soit plus grand et plus costaud que lui, Eliott passe son bras gauche sur ses épaules. Je l’imite avec le droit. À nous deux, on devrait y arriver. Mes cousins et Fabien, eux aussi ivres, restent nous regarder profondément amusés.

Au bout de la deuxième tentative, nous parvenons à soulever la carcasse de Nino. C’est un véritable poids mort. Je prie intérieurement pour qu’il ne me vomisse pas dessus sinon je risque de faire pareil. Mon estomac ne le supportera pas. Nous contournons la table. Dès que j’arrive à la hauteur des hommes de ma famille, j’attrape l’arme du crime : la bouteille de whisky.

— Confisquée.

Sans grande surprise, leur air jovial les quitte instantanément leur visage.

— Ils avaient qu’à pas jouer ! On ne les a pas forcés !

Je les foudroie tous du regard, avant de continuer à traîner Nino sur quelques mètres. Soudain il me pousse loin de lui.

— Attends, arrive-t-il à articuler.

Je comprends assez vite de quoi il retourne. Je me dégage de lui. Eliott m’imite. Nino chancelle légèrement. Puis un geyser sort alors de sa bouche. Je réprime un haut de cœur. Ses chaussures sont recouvertes de son repas du soir. Quant à son tee-shirt, je préfère ne pas y penser. Sans oublier l’horrible odeur se dégageant de la bouillie.

— Je… me… sens… pas bien, nous informe Nino.

Franchement, moi non plus. Je lui demande s’il peut marcher jusqu’à la salle de bain. Il secoue la tête de droite à gauche, comme un enfant. Eliott soupire et replace son bras autour de ses épaules. Reconnaissante pour son sacrifice, je me faufile dans la maison à la recherche d’un tee-shirt à mon père. Mammig est sur mes talons. Elle me propose son aide que je décline tout en fouillant dans le placard de mes parents, dans la chambre qu’elle occupe. Une fois trouvé, j’embrasse ma grand-mère sur la joue et lui demande d’aller se recoucher. Elle m’obéit sans contester. Je suis surprise mais ne le fais pas remarquer.

J’arrive dans la salle de bain en même temps qu’Eliott et le grand malade. Mon meilleur ami le lâche dans le fauteuil en osier près de l’évier.

— Ça tourne, annonce Nino.

— Tu m’étonnes, réponds-je en essayant de ne pas rire.

— Disneyland, ajoute-t-il avant de m’encercler la taille de ces bras.

Au même moment, je vois Andréa passer devant l’embrasure de la porte. Elle recule de quelques pas avant de nous rejoindre. J’hausse les épaules en la voyant froncer les sourcils.

— Eliott, est-ce que tu peux monter chercher deux couettes dans le dressing, s’il te plait ? demande-t-elle respectueusement bien qu’il s’agisse plus d’un ordre qu’une question. On va en mettre une sur le sol pour faire office de matelas.

Mon meilleur ami opine de la tête avant de sortir de la pièce. Je repousse doucement Nino dans le siège.

— Je vais t’enlever ton tee-shirt, dis-je à l’intention du jeune homme.

— Vas-y bébé, rétorque-t-il dans un souffle.

Je ne sais pas si son consentement a beaucoup de valeur mais je vais prendre cette réponse pour un oui. Ma sœur semble un peu contrariée, par la situation.

— Il faut lui enlever ses chaussures, fait-t-elle avant de se charger de cette tâche.

J’évite d’y faire trop attention sinon je risque d’être malade. Je commence à sortir le coude droit de la manche mais Nino gesticule. Je dois tout recommencer. Déshabiller un garçon semble bien plus compliqué qu’il n’y parait.

— Tu as vu Solal ? continue mon interlocutrice en enlevant les lacets de la deuxième basket.

Je réponds par la négative. Elle pousse un soupir.

—Va le chercher, si tu veux. Je peux me débrouiller.

Je parviens enfin à extirper un bras du haut souillé de Nino. Je soulève ensuite le col afin d’y faire passer la tête. Ma sœur me demande si je suis certaine de moi. Mais il s’agit plus de politesse qu’autre chose. Ma main lui fait signe de déguerpir. Puis je retourne à mon activité : faire passer la tête de Nino dans le trou.

— Quel concours idiot ! s’agace-t-elle avant de quitter la salle de bain.

Quelques secondes plus tard, Eliott revient les bras chargés de literie propre. Son ami est désormais torse-nu. Son regard passe de ce dernier à moi. Plusieurs fois.

— Je ne suis pas une délinquante sexuelle, fais-je sur la défensive.

Mon meilleur ami baisse les yeux avant d’étaler une première couette par terre. Je déplie le tee-shirt de Papa. J’aide Nino à l’enfiler par la tête, puis à y glisser un bras après l’autre. Je déroule ensuite l’habit le long de son torse. Je suis surprise par sa chaleur. Le jeune homme en profite pour s’affaler encore une fois sur moi et m’attraper les jambes.

— Bon allez ça suffit maintenant, tu vas dormir avec ton pantalon, s’impatiente Eliott.

Il aide son ami toujours aussi ivre à se redresser. Mauvaise idée.

— J’ai envie… de vomir…

Je le pousse doucement vers l’évier où il régurgite pour la seconde fois de la soirée. Une fois terminé, il se laisse complètement tomber sur le lavabo. Son front percute violemment la faïence blanche. Un grand bruit de fracas résonne dans la pièce.

— Aïe, râle Nino sans grande conviction en se touchant l’opposé de là où sa tête a cogné.

J’ai presque envie de rire tellement la situation est cocace. Puis vient le troisième vomi, quelques dizaines de secondes plus tard. Je caresse le dos du jeune homme en lui disant que ça va finir par passer. Mon meilleur ami reste assister à la scène. Un peu mécontent.

— Tu peux aller lui chercher une cuvette sous l’évier de la cuisine, s’il te plait ?

Il pousse un soupir, sans doute agacé d’être pris pour le larbin de service mais il s’exécute. Pensant qu’il n’a plus rien à vomir, j’entreprends de l’aider à s’allonger pour dormir.

— C’est l’heure d’aller au dodo, annoncé-je comme je le ferai pour un enfant.

Nous nous retrouvons à genou, l’un en face de l’autre. Je le pousse légèrement pour qu’il se couche mais il m’attrape par le cou.

— Viens avec moi, poupée.

Le point positif dans cette histoire est sans doute le fait que sa confiance en lui n’est en rien ébranlée. Doucement je repousse son bras.

— Non. Toi tu vas dormir, ça va te faire du bien.

Il ne bronche même pas et pose sa tête sur un petit coussin, emprunté au fauteuil sur lequel il était assis plus tôt. Il sombre dans les bras de Morphée immédiatement. Je me relève au moment où Eliott revient avec une bouteille d’eau et une cuvette en plastique. Il pose le tout près de notre Belle au bois dormant du jour tandis que je le recouvre d’une couette Pokémon. Un énorme Pikachu bien jaune sourit et s’apprête à nous bondir dessus. Nous quittons la pièce en silence et refermons la porte sur nous. Je récupère un petit bout de papier dans le meuble de l’entrée. J’y inscris « Pikachu de garde. Ne pas entrer. ». Fière de ma blague, je scotche mon avertissement sur la porte. J’en connais un qui va avoir mal à la tête demain matin.

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