00h31

— Mais qu’est-ce qui se passe ici ? Iris ?

Yanis tourne vivement la tête en poussant un grognement. Il semblerait que mon meilleur ami le dérange. Sans s’en rendre compte, son appui est moins lourd sur moi. C’est le moment où jamais. Tout se passe très vite. Avant que mon oppresseur ne reporte son attention sur moi, je lève mon genou gauche aussi fort qu’il m’est possible de le faire. Ma jambe vient rencontrer violemment les bijoux de famille de Yanis. Ce dernier se retrouve plier en deux presque instantanément, le souffle court. D’un pas rapide, je rejoins aussitôt Eliott. Au même moment, Andréa arrive. En contre-bas, le potentiel castra m’insulte de tous les noms, toujours courbé.

— Est-ce que ça va ? me demande mon meilleur ami.

J’opine de la tête. J’imagine que cela aurait pu être pire. Je préfère ne pas y penser. Au bout de quelques instants, Yanis se retrouve face à face avec Eliott.

— Je vais te faire avaler tes dents, rugit ce dernier sur un ton menaçant que je ne lui connais pas.

— J’aimerai bien voir ça, ricane son interlocuteur en le toisant.

Les deux jeunes hommes ont le torse bombé et se lancent des regards, n’annonçant rien de très courtois. Eliott fait une tête de moins que son adversaire. Pourtant, il ne se démonte pas. Rudy interrompt mes observations.

— Pourquoi est-ce que ça sent la bagarre par ici ?

— J’ai tout entendu ! explose mon meilleur ami. Tu allais faire quoi Yanis ? Hein ? Qu’est-ce que tu allais faire vu que tu n’avais plus la patience d’attendre ?

Il n’en faut pas plus aux autres personnes présentes pour comprendre à demi-mots de quoi il s’agit.

— Je ne vois absolument pas de quoi tu parles. On ne faisait que discuter, explique l’interrogé en grinçant des dents.

Ma sœur m’attrape alors dans ses bras, comme un bouclier protecteur. Les traits de son visage sont tirés par la colère. Elle contracte sa mâchoire. Ses muscles tremblent comme prêts à bondir. Elle, qui est si avenante d’ordinaire, est prête à faire un massacre au moindre mot de travers. Il faut croire que la course après le border-collie a réveillé ces instincts de guerrière celte.

— Yanis, tu dégages.

Silencieusement, elle ressert son étreinte.

— Yanis, tu dégages et je ne le répéterai pas, dit-t-elle pour la seconde fois.

Si on m’avait dit ce matin que ma sœur allait virer un des invités, je ne l’aurai pas cru. L’intéressé ouvre la bouche afin de me répondre tandis que nous sommes rejoints par Solal, Nino, Clara et Emma. Il se ravise. Son visage est tellement près de celui d’Eliott que j’ai peur qu’il lui assène un coup de tête pour se venger. Rudy doit penser la même chose car il attrape le bras de son camarade de collège pour le faire un peu reculer. Ce dernier s’exécute. Yanis le dépasse et vient se mettre à côté de moi.

— Tout ça, c’est ta faute. Tu vas le regretter. Il ne faudra pas venir pleurer.

Ne sachant pas ce qui se passe, Solal s’avance vers nous, en entendant l’intimidation. Je n’ai plus peur. La rage semble irradiée mon corps à cet instant. Je foudroie du regard, celui pour qui j’ai toujours eu une profonde affection.