Iris - XII - a

5 minutes de lecture

18 août 2019

00h02

La fête bat son plein. Nous dansons et chantons à tue-tête. Elodie nous a rejoint et semble bien s’amuser. Magda est là, elle aussi, escortée par ses deux filles. Elle a l’air de s’être remise de la scène, de son futur ex-mari, de toute à l’heure. Tant mieux. Je préfère la voir rire. Elle m’attrape par la taille pour m’entrainer dans un ou deux pas de danse. Mais la musique s’arrête.

Retentissent alors des bruits de percussions et des claquements de main que l’on connait bien. Il ne nous faut que quelques secondes pour que tout le monde commence à mimer des chapkas et à danser sur une chaise invisible. Je ne connais pas du tout le nom de ce pas. Cependant, je peux assurer qu’il est plus difficile qu’il n’y parait. Ça fait mal aux genoux ! Dans un élan de confiance, Eliott décide de tenter une toupie. Je ne suis pas sûre que ce soit réellement une bonne idée mais je le laisse faire. Ses tentatives ratées nous font beaucoup rire. Malgré ses échecs, mon meilleur ami est content d’être au centre de l’attention. Comme d’habitude. Il adore faire le clown. Malheureusement pour moi, il a décidé de m’emporter dans une ronde très remuante. Je ris à gorge déployée. Eliott veut du spectacle ? Eh bien, il ne va pas être déçu.

Pendant les presque cinq minutes que durent la musique, nous sautons, tapons dans nos mains, improvisons des pas avec nos pieds, crions « Rasputin » car c’est le seul mot de la chanson que nous connaissons. À la fin de la musique, je suis en nage. J’ai chaud. J’ai le souffle court à cause de l’effort et des rires. Mais je suis prête à recommencer.

Eliott repasse derrière l’ordinateur. Il clique sur une nouvelle piste audio.

— Andréa, celle-là, elle est pour toi.

Je ne saisis pas tout de suite où il veut en venir. Les autres invités ne cherchent pas à comprendre ce qui se passe et profitent de la musique plus suave pour se déhancher. Les bassins se débloquent. Les hanches se dandinent sensuellement.

— Andréa !

… mwen ké fenn tchou aw. Pendan papa'w pa la… continuent les membres du Saian Super Crew sans se soucier de la nouvelle version de mon meilleur ami.

— Andréa ! chantent toutes les personnes présentes, en chœur

Fier comme un coq que son initiative soit soutenue, Eliott hurle encore plus fort que les autres. La concernée est un peu gênée par l’attention que tout le monde lui prête. Mais dans le fond, je sais que cela lui fait plaisir. Elle ne le reconnaitra pas. C’est tout.

— Okay puisqu’on est dans les prénoms… réplique ma sœur en haussant le ton pour couvrir la fin de sa chanson.

Les premières notes d’une guitare se font entendre. Je connais ce morceau par cœur. Et pour cause.

And I'd give up forever to touch you

— C’est l’heure du slow ! continue Andréa en attrapant la main d’Eliott. Viens par ici, toi!

'Cause I know that you feel me somehow

Ma marraine, Aline et Lou se prennent toutes les trois dans les bras et se mouvent au rythme de la musique. Je découvre alors avec amusement que Nino et Elodie forment un très joli couple. Ce dernier doit préférer ce duo-ci à celui composé par le destin, avec la mère de ma cousine, Tata Olé. Emma et Clara se retrouvent ensemble mais ce n’est pas pour leur déplaire.

And all I can taste is this moment

Surprise, je sens qu’on m’attrape le poignet. Je lève la tête et croise le regard de Rudy. Avec l’obscurité et les jeux de lumière, je ne parviens pas à déceler l’expression de son visage. Est-il sûr de lui ? Mal à l’aise ? Rouge comme une pivoine?

I just don't want to miss you tonight

Bizarrement, je ne le repousse pas. Je le laisse poser ses mains sur le bas de mon dos. Mais pas trop bas non plus. Je place mes bras autour de son cou. La chaleur de ses paumes traverse mon haut. Je me sens alors un peu honteuse d’être toute collante. Mais ça ne semble pas déranger mon partenaire. Son odeur m’enveloppe. Elle ne ressemble en rien à ses eaux de toilette bon marché. C’est subtil. Raffiné. Léger. J’ai envie de m’approcher encore plus pour résoudre ce mystère.

I just want you to know who I am

Je m’applique pour ne pas lui marcher sur les pieds. Je ne suis pas très douée pour ce genre de chose. Ça fait déjà plusieurs dizaines de secondes que je ne quitte pas mes chaussures des yeux.

— Relève la tête. Ça va se faire tout seul, ne t’en fais.

When everything feels like the movies

Rudy prononce ses mots dans le creux de mon oreille, histoire d’être sûr que je les entende bien. Mon esprit de contradiction est apparemment endormi car je m’exécute. Il raffermit sa prise et me colle encore plus à lui. Je ne sais pas si je parviens à cacher le fait qu’à ce moment il me déstabilise. Où est le jeune homme poli et timide de cette après-midi ?

'Cause I don't think that they'd understand

Il doit être habitué à ce genre d’exercice. Du moins, j’imagine vu la facilité avec laquelle son corps bouge. Je décide de le copier pour essayer de m’accorder au mieux avec ses pas. J’ai envie de bien faire. Je crois que j’ai envie de l’impressionner. Un peu. Juste un peu.

I just want you to know who I am

Sans que je ne m’en rende compte, des papillons ont élu domicile dans le creux de mon ventre. Ils s’envolent tous en même temps. Cette sensation est si nouvelle. Je prierai presque pour que cette chanson ne s’arrête jamais.

When everything's made to be broken

Puis le chanteur des Go Go Dolls finit par entamer le dernier refrain. L’ivresse du moment retombe. Et la culpabilité vient montrer le bout de son nez. Que suis-je en train de faire ? Je ne devrais pas flirter avec un ancien amour d’adolescence. Encore moins lorsque, juste au-dessus de nous, se trouve le garçon qui me plait vraiment. Celui qui a décidé de laisser une chance à notre histoire mais qui n’a pas encore trouver le bon moment pour me le dire. Je sais qu’il est venu pour ça.

Je laisse mes bras retomber le long de mon corps et arrête de danser.

— Désolée, articulé-je en silence.

Je baisse la tête et me dirige vers les escaliers menant à l’arrière-cuisine. Menant à Yanis.

I just want you to know who I am

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