Andréa - IV

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8h37

— Tu promets de ne pas t’énerver ? me demande Iris pendant qu’elle se savonne scrupuleusement.

J’arque un sourcil et m’arrête dans mon brossage de dents intensif. Je déteste quand elle me pose cette question car je sais pertinemment que ce qui va suivre risque de me mettre en rogne. Je grommelle un « oui » qui n’en est pas vraiment un, avant de cracher dans le lavabo.

— J’ai envoyé un message à Rafael hier avant de dormir.

Je sens mes muscles de mâchoire se tendre légèrement.

— J’ai peut-être sous-entendu qu’il me manquait…

— C’est le cas ? demandé-je un peu agressive.

— Je ne sais pas… J’imagine que j’ai voulu me venger de Yanis.

Je ne peux m’empêcher de pousser un soupir.

— Si je comprends bien, tu veux rendre jaloux le garçon qui ne fait que te prendre et te jeter dans la même minute avec ton ex-petit ami ayant des soucis de gestion de la colère ?

— J’aime pas vraiment ta façon de résumer les choses.

Je ne réponds pas. Elle ne cherche pas des conseils. Je ne sais pas ce qu’elle veut et je la suspecte de ne le pas savoir elle-même.

— Iris, tu fais ce que tu veux. Sache juste qu’on n’est pas dans un film Netflix. Réfléchis à ce que tu fais. Le reste, c’est toi que cela regarde.

Elle s’enroule dans sa serviette-éponge avant de sortir de la cabine de douche. La chaleur de la vapeur a légèrement rosi ses joues. Elle a cette moue sur le visage qu’elle avait petite lorsqu’elle faisait une bêtise. Je m’apaise légèrement.

— Je sais… J’aimerai juste avoir un amoureux. Une belle histoire. Comme toi et Solal. Vous êtes parfaits ensemble. C’est presque énervant.

Mon cœur se serre à cette révélation. La rancœur m’obstrue la gorge.

— Solal est parti un an à l’autre bout du monde sans prendre en compte notre relation. Ce n’est pas ce que j’appelle un amour parfait.

9h00

Cela doit bien faire deux minutes que je me regarde sous tous les angles, faisant danser au passage mes ondulations exceptionnelles. Ma robe longue aux imprimés fleuris suit les mouvements de mon bassin. Je touche délicatement la superposition de mes chaînes dorées se posant à la naissance de ma poitrine, et me demande si le décolleté n’est pas trop plongeant. Je n’ai pas mis de soutien-gorge pour ne pas gâcher le dos-nu de ma robe. Je me mords la joue en pensant que c’est peut-être trop sexy. Je me retourne, prête à aller chercher une nouvelle tenue dans mon armoire lorsque je percute ma sœur de plein fouet.

— Tu es magnifique ! s’exclame-t-elle. Solal vient voir !

La contredire me brûle les lèvres mais je m’abstiens.

— C’est toi la reine du jour, c’est toi la plus jolie, la complimenté-je en retour et en lui attrapant la main avant de lui faire faire un tour sur elle-même.

Elle porte un short en jeans que Mamie va sans doute trouver trop court et trop déchiré à son goût et un haut en voile à manches longues rouge et blanc se nouant devant. Ses cheveux ont naturellement ondulé avec l’humidité de la douche donnant un charmant volume à son carré. Il n’y a plus de doute : le petit bébé que je me suis promis de protéger a bien grandi.

— Les sœurs Le Guen, prêtes en même temps ! Quel exploit ! s’étonne Solal en passant la tête par l’embrassure de la porte.

Il pose doucement ses mains sur mes hanches et me fait pivoter. Je me retrouve contre son torse mais face au miroir. Mon amoureux se penche vers mon oreille.

— Ne le dis pas à ta sœur, mais tu es la plus belle.

— J’ai tout entendu ! s’exclame Iris en quittant la pièce

J’esquisse un léger sourire en observant les deux jeunes gens qui nous font face. Ils forment un drôle de couple. Le garçon arbore un vieux t-shirt troué au niveau de l’ourlet et un short de sport noir. Il enlace une jeune femme. Il doit beaucoup l’aimer. Son étreinte laisse penser qu’il ne veut pas la laisser partir. Pourtant elle n’a pas l’air d’être exceptionnelle ou d’avoir quelque chose de plus que les autres. J’incline légèrement la tête pour essayer de comprendre.

Je ne le dis pas à Solal mais je resterai bien là, calée dans ses bras, à faire face à nos reflets. Je me sens en sécurité. Je me sens chez moi comme à chaque fois que je suis avec lui. Cela a toujours été comme cela entre nous depuis que nous sommes ensemble. Depuis presque cinq ans.

Puis comme un éclair foudroyant, les mots d’Antoine me reviennent à l’esprit. Il faut que je le dise à Solal. Mais ce n’est pas le moment, je n’en ai pas le courage. J’attrape les avant-bras de mon petit ami et lui fais resserrer sa prise sur ma taille.

— Tu ne m’abandonneras plus jamais ?

Je baisse immédiatement le regard après avoir prononcé ces mots. Dans le fond, je sais qu’il ne m’a pas abandonnée mais j’ai besoin qu’il me rassure. Juste un peu. Juste quelques mots.

— Andy, je ne… commence-t-il.

— Solaaal ?

La voix de ma mère retentit du rez-de-chaussée. Mon amoureux brise notre étreinte.

— Il semblerait que si, rigole-t-il, le devoir m’appelle.

Il m’embrasse sur le front avant de s’éclipser aussi vite qu’il est apparu.

9h23

— Qu’est-ce qu’on fait cheffe ? me demande Lou avec un grand sourire.

— Tu as déjeuné ?

Elle opine de la tête alors je lui fais signe de me suivre. Nous descendons l’escalier menant au sous-sol. La pièce, légèrement humide, est sans doute la plus fraiche de la maison et ça ne sera pas pour nous déplaire ce soir quand viendra l’heure de danser. J’appuie sur l’interrupteur et fais jaillir la lumière. Nous pouvons contempler notre travail de la veille.

Grâce à une corde que mon père a tendu, nous avons pu étendre des longs draps blancs dont ma mère ne se sert pas afin de cacher notre bazar, occupant d’ordinaire le sous-sol. Avec Lou, Aline, leur mère et Iris, nous avons gonflé des ballons afin d’habiller de mille couleurs notre future piste de danse. Maman avait acheté quelques décorations multicolores supplémentaires que nous avons pris soin d’accrocher.

Heureusement pendant la nuit, seulement quelques ballons se sont dégonflés. Je demande alors à la jeune fille d’en regonfler d’autres et de remplacer les malades. Pendant ce temps, j’ouvre un carton, me mets à farfouiller dedans pour finalement en sortir des câbles entremêlés les uns aux autres et des enceintes. Qui dit boîte de nuit, dit forcément bourdonnements dans les oreilles avant d’aller se coucher.

Au bout de quelques minutes, tous les cordons sont célibataires. Je commence à m’occuper des branchements entre mon ordinateur et les enceintes.

— Il sera formellement interdit de poser quelque ce soit contenant du liquide sur cette table ! informé-je Lou, bien qu’à douze ans on ne boive pas encore de bière, mais sait-on jamais avec les sodas.

Elle hoche la tête et commence à remplacer les ballons crevés. De mon côté, j’opère les derniers réglages. J’éteins la lumière, sélectionne ensuite une musique de la playlist pour ce soir afin de vérifier que tout fonctionne. Je ne peux m’empêcher de sautiller sur place quand je constate que tout se déroule à merveille. Voici une bonne chose de faite. Mes yeux se posent alors sur ma coéquipière.

— Sérieusement ? Les démons de minuit ? Tu es née en quelle année Andréa ? se moque-t-elle.

Vexée, je m’apprête à lui demander de choisir un titre lorsqu’une femme nous rejoint légèrement paniquée.

— Andréa, ton père te cherche ! On a un problème ! s’exclame-t-elle un peu essoufflée.

— Bonjour Tata Olé, je ne savais pas que tu étais arrivée.

Un sourire poli se dessine sur mes lèvres.

— Oui, oui bonjour ! Brieuc t’attend, il y a un souci avec l’appareil.

Je jette un rapide coup d’œil à Lou qui semble avoir terminé la tâche que je lui avais confiée. Je sors avec un dessin de la pochette de mon ordinateur, le lui tends et lui explique qu’elle n’a qu’à suivre le schéma pour décorer les tables. Les caisses bleues contenant tout ce dont elle a besoin se trouvent dans l’escalier menant au bureau de mon père, juste au-dessus de nous. Elle hoche la tête, très attentive à mes indications. Derrière moi, j’entends ma tante râler et s’impatienter. Je finis par lui emboiter le pas.

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