6 (partie 2)

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Lou

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  Je ne suis pas croyant. Ce qui signifie, en somme, que je n'ai jamais cru en tout ce qui concernait une vie après la mort, la résurrection, ou autre. Pour moi, il faut que tout soit logique : la vie est logique. On naît, on vit, on meurt, point. C'est une suite logique et rassurante, qui ne laisse pas de place à l'incertitude. Certes, certaines vies sont plus courtes qu'elles ne le devraient, mais là encore, la continuité initiale ne change pas : on meurt juste plut tôt que ce que l'espérance de vie actuelle nous laissait présager.

C'est pourquoi, entendre de la bouche de notre proviseur, qui est donc un homme de confiance, que nous sommes tous morts, et que nous quatre seulement sommes revenus à la vie, me pétrifie sur place. Mes muscles sont comme... paralysés. C'est vraiment étrange : maintenant que l'on m'annonce que je suis mort, puis revenu à la vie, j'ai comme la sensation que si mon esprit est encore là, mon corps lui est bien décédé.

Je me redresse dans mon fauteuil roulant, sentant ma cuisse me lancer légèrement, et cherche le regard de Léo. J'ai besoin que quelqu'un me rassure, et vite.

Ses iris se posent sur moi, et je déglutis : ce qui est étrange, avec Léo, ce sont ses yeux obsidiennes, assortis à ses cheveux tellement blonds qu'ils paraîtraient presque blancs. On s'y fait, avec le temps, mais au départ, cela peut déstabiliser.

Pour moi, aujourd'hui, ses yeux sont l'une des rares choses qui me rassurent vraiment. En cet instant j’y lis tant de choses : de l’incertitude, une grande peur, et un éclat reflétant son désir de rester droit malgré le doute.

  • Bien, je vais vous expliquer ce qui va se passer, maintenant.

La voix du proviseur Criada me tire brutalement de mes songes et je plante mon regard sur lui, ainsi que sur Charles Aubert, derrière lui. Notre pauvre ''référent'' semble tétanisé.

  • Vous allez tous être transférés aux locaux de Reborn, où vous passerez des tests. Afin de vérifier que vous êtes assez compétents pour intégrer nos rangs.
  • Et si jamais ce n'est pas le cas ? gronde Léo. Je vous rappelle que pour le reste du monde, nous sommes morts et enterrés. Qu'est ce que vous allez faire de nous ?

Notre proviseur feint l'ignorance face à la question de Léo, et reprend avec entrain :

  • Une fois ces tests accomplis, vous suivrez l'entraînement des nouveaux venus durant six mois. Puis, vous serez mis en fonction, et débuterez votre carrière d'agent Reborn.
  • Et si on ne veut pas ?

La voix de Elio me trouble. Je ne l'ai pas entendu depuis l'arrivée de Charles Aubert. Le ton de sa voix est grave, de telle sorte que son père – le proviseur – lui jette un regard étonné.

  • Tu n'as pas le choix, grince t-il. Tu n'as rien accompli de ton vivant, alors tache d’être utile dans la mort. Maintenant silence.

Ses paroles me clouent sur place : comment peut-on parler de la sorte à son enfant ?

Je ne pose cependant aucune question, et me contente d'écouter la suite de son discours, sur ce qui nous attends. Et à chaque parole, je défaille un peu plus.

Cette fois-ci j'en suis certain : bien que respirant toujours, je suis bel et bien mort.

Je me souviens qu'après le départ de monsieur Criada et de Charles Aubert, je me suis assoupis. Les émotions qui venaient de m'assaillir m'ayant épuisés. Je n'ai pas rêvé, sûrement trop instable émotionnellement pour m'autoriser un tel luxe.

Puis, j'ai été réveillé par deux hommes habillés avec des vêtements de l'armée, venant nous sortir de nos chambres afin de nous conduire dans une sorte de bus aux vitres teintées, nous empêchant de voir l'extérieur.

Mia, en face de moi, tient sa tête entre ses mains, et ne semble pas du tout rassurée par le bras que Léo a passé autour de ses épaules pour la serrer contre lui.

Elle frissonne de tout son long, et je devine au tremblement de ses épaules, qu'elle se retient de pleurer. Elio à côté de moi, semble osciller entre le calme et la colère, les poings serrés sur le tissu de son pantalon.

  • Quelqu'un peut-il m'assurer que je ne rêve pas ? je murmure.

Léo se penche en avant, et me pince l'avant-bras avec force. J'émets un léger couinement de douleur, et observe la peau rougie par son geste.

  • Ok, je ne rêve pas.
  • Merci de cette brillante constatation, marmonne Léo. Bien, maintenant la question est de savoir ce qu'on va faire.

Mia redresse la tête, et leurs regards se croisent, avant qu'elle ne hausse les sourcils.

  • Se plier à ce qu'ils disent. Que veux-tu que nous fassions d'autre ?
  • Elle a raison, j'ajoute. Attendons de voir ce qu'est Reborn, avant de nous monter la tête.
  • Ah parce que tu penses qu'un truc ressuscitant des gosses morts peut avoir un bon fond ?

Je soupire en me tassant au fond de mon siège, et lève les yeux au ciel.

  • Je n'ai pas dit ça. Ce que je veux dire, c'est que nous devons attendre avant d'élaborer un plan d'évasion qui pourrait nous faire plus de mal que de bien. De plus, ai-je besoin de te rappeler que si Criada dit vrai, à l'extérieur des murs de Reborn, nous sommes tous morts dans l'attentat ?

Léo se mord la lèvre, pensif, avant de tourner la tête, visiblement vexé que j'ai raison, et frotte l'épaule de Mia avec réconfort, tandis que celle-ci s'est également tue, le regard dans le vide.

Je ne comprends pas tout ce qu'il se passe. On devrait être hésitant, remettre en question les paroles de notre ''proviseur'', si on peut encore l'appeler ainsi. On parle de science fiction, et pourtant, tout cela semble normal. Pas pour moi, mais pour Léo, Mia et Elio, il me semble que la fatalité se soit imposée à eux sans plus de formalités. Cependant, comme je l'ai dit, il ne faut pas se précipiter : nous ne sommes encore au courant de rien en ce qui concerne Reborn, alors il nous faut attendre. Si j'ai bien appris quelque chose, à force de fréquenter Léo, c'est qu'il vaut mieux connaître son adversaire avant de lancer l'attaque.

Ainsi, nous allons attendre, passer leurs fameux tests, et voir de quoi il en retourne exactement.

...

Je me réveille, lorsque le vrombissement et les secousses du bus cessent, et que les portes coulissantes s'ouvrent dans un grincement sonore. La luminosité me fait mal aux yeux, si bien que je ne peux les garder ouvert. Elio, à côté de moi, pousse un râle de frustration en tentant de cacher son visage des rayons du soleil au-dehors de l'habitacle, en vain.

  • Allez les Nouveaux, on se magne le train.

Je sors du bus en me rattrapant de justesse à la porte de ce dernier, après avoir loupé une marche, et observe tout autour de moi. Ma jambe me fait toujours mal, mais forcé par les événements, je me retrouve sans fauteuil, sans aide, livré à moi-même et à la douleur qui m’étreint toujours.

Nous sommes garés sur une sorte de parking en terre, entourés de haut grillages. La porte qui nous a servie à entrer se referme dans un bruit sourd, et se verrouille. Au loin, j'aperçois une sorte de terrain de sport, lui aussi entouré de grillage, puis un bâtiment en béton gris sans vie. D'autres bâtiments, moins grands, suivent un schéma circulaire autour du terrain de sport, et à notre parfait opposé, je remarque une autre porte devant sûrement donné sur une autre partie de Reborn. Avec une sorte de dégoût croissant, je prends note du grand nombre de militaire semblant patrouiller en tout sens dans l’enceinte de ce ‘’centre’’, mais également des boitiers électriques rattachés aux grillages : à tous les coups, ils ont électrifiés les grillages. Les bâtiments, sombres, massifs et sans fenêtre, me font penser à ces vieux centres pénitancier dans les films touchant au sujet carcéral. Sommes-nous seulement dans un endroit ne s’apparentant pas à la prison? Je n’en suis pas sûr.

  • Bienvenue au centre d'entraînement Reborn, ricane l'un des soldats nous escortant.
  • Sympa comme coin, vous avez déjà pensé à monter un tourisme ? La brochure vendrait du rêve.

Avant que quiconque n'ai pu réagir, le soldat fait volte-face, et pointe son arme sur Léo, qui malgré la menace, ne se démonte pas, et se contente de froncer les sourcils avec un sourire narquois.

  • Première règle ici : on ferme sa gueule. Avance.

Il lui donne un coup de crosse dans le torse, et Léo avance enfin, sortant du bus pour se retrouver à notre hauteur.

  • Et on a le droit de parler entre nous ou ça aussi c'est proscrit ?
  • Tu la veux vraiment ta balle dans l'épaule ? Ce serait con d'avoir un handicap de plus pour les tests.

Le soldat sourit, échange un coup de coude avec son acolyte tout en se bidonnant. Apparemment, les tests ont l'air d'être amusants, à en croire leurs réactions. Ou alors, ils se moquent juste de nous. Oui, ce serait plus probable.

Je commence à avancer sous les directives de nos geôliers, suivi par Mia et Léo. Elio est devant moi, les mains dans les poches de son pantalon, le nez levé vers le ciel.

  • Vous allez passés chez nos médecins, afin de déterminer votre classe, et ensuite, on ira aux tests, compris les gamins ?

Je tourne la tête, et lance un regard préventif à Léo avant qu'il n'ouvre la bouche. Une ride se forme entre ses yeux, tandis qu'il fronce les sourcils, mais à mon grand soulagement, ses lèvres restes scellées.

Nous gagnons le bâtiment en béton, et pénétrons à l'intérieur sous les regards préventifs des soldats.

  • On a deux médecins, donc le rouquin et la fille avec moi, et les deux autres avec mon collègue.

Étonnant, ils nous mettent avec le soldat ayant tenu tête à Léo. Absolument pas prévisible.

Du coin de l’œil, je vois Mia et Elio disparaître dans un couloir en suivant le premier soldat, tandis que le second nous intime d'avancer d'une pression dans le dos.

  • Allez on se grouille. Miss Regina n'aime pas attendre.

Miss Regina ? La doctoresse j'imagine.

Nous avançons docilement jusqu'à une sorte de porte battante, semblable à celle se trouvant aux urgences, et pénétrons dans une salle d’auscultation en tout point semblable à celle d'un médecin classique. C'est plutôt grand, lumineux, et derrière un bureau en bois sombre, est assise une femme d'un certain âge, aux cheveux blancs retenus en un chignon strict. Elle porte une paire de lunette à la monture à écaille, et son visage porte les marques des années qui sont passés.

  • Voilà donc nos nouvelles recrues. Enchantée, je suis Miss Regina.

Ni Léo, ni moi, n'osons répondre, le soldat étant toujours derrière nous. Miss Regina soupire, et lance un regard réprobateur à ce dernier, avant de poser une main ridée sur mon épaule.

  • Tu les as encore traumatisés, peste-t-elle. Ici, vous pouvez parler les garçons.
  • C'est vrai ? On risque pas de se faire trouer le torse par votre gentil chien-chien en tenue de camouflage ?

Je donne un coup de coude à Léo, le maudissant du regard, tandis que Miss Regina éclate de rire.

  • Toi mon petit tu as l'air d'avoir un caractère explosif.
  • Si vous saviez à quel point..., je marmonne.
  • On va commencer par toi mon petit, me lance t-elle. Enlève ton haut et grimpe sur la table.

Je m'exécute, tandis que Léo s'assoit sur une chaise accolée au bureau. Une fois sur la table d'observation, je tente de me détendre, de faire abstraction de la situation qui me noue toujours le ventre, et inspire à plein poumons.

  • Tu es stressé mon garçon, mais c'est normal. Qui ne le serait pas ?

J'aime bien cette femme. Elle semble bien plus ancrée dans la réalité, que ne l'étaient monsieur Criada et Charles Aubert.

  • Je vais écouter ton cœur, alors inspire à fond.

Je hoche la tête, et ferme les yeux avant de prendre une grande inspiration. Le métal glacé du stéthoscope me provoque un petit picotement sur la peau. Je frissonne, et entends Léo rire, non loin de moi.

  • T'as raison, marre-toi imbécile.
  • Tu es chatouilleux mon petit, renchérit Miss Regina. Tu as la peau très sensible.

J'ai envie de répondre que tout le monde le serait dans un cas pareil, mais m'abstiens et me rassois sous les ordres de la doctoresse.

Elle approche de mes yeux une petite lampe, sûrement pour s'assurer de mes réflexes, vérifie ma gorge, prend ma température et ma tension, teste mes articulations, et finit par me prélever une goutte de sang au bout du doigt.

Je descends du lit, et l'observe contempler son ordinateur, sur lequel sont en train de s'afficher des dizaines de séries de chiffres et de lettres.

  • Bien, toi mon petit, tu es dans la catégorie de ceux qui ont augmentés leur intelligence, grâce à Reboot.
  • Comment ça ?
  • En réalité, lorsqu'un patient reçoit le sérum Reboot, une seule de ces quatre capacités se développe vraiment d'avantage que les autres : la force, la vitesse, l'intelligence, ou les réflexes. Toi, c'est l'intelligence. Et c’est fort agréable, car vois-tu, beaucoup de jeunes ici voient leur force ou leur vitesse développée. Très peu augmentent leur intellignece, tu seras un grand atout.

J'acquiesce, impressionné, et laisse Léo prendre ma place sur le lit.

Je réfléchis rapidement à la conclusion de Miss Regina, me demandant intérieurement si je ressens une réelle différence de mon intellect. Et sincèrement, je ne ressens pas grand chose.

Je redresse la tête lorsque Léo râle, face à la lumière dans les yeux : de ce que je sais, il a toujours été sensible à la lumière, ses pupilles refusant de se rétracter face à une grande luminosité.

  • Intéressant..., murmure Miss Regina.

Elle demande à Léo d'ouvrir la bouche, puis lui fait subir le même sort qu'à moi, avant d'enfin prendre une goutte de sang à son doigt.

  • Tu peux te rhabiller, je vais analyser tes résultats.

Léo opine, se rhabille en silence, avant de venir s'asseoir à côté de moi, et de me considérer longuement.

  • L'intelligence hein ?
  • Si tu oses faire une seule blague de mauvais goût à ce sujet, je t'en colle une.
  • Moi ? Me moquer de ton intelligence ? Jamais je n'oserais voyons.
  • Alors ça !

La voix de Miss Régina nous interrompt dans notre échange, et nous dirigeons tous deux notre regard vers elle. Elle est penchée en avant, afin de mieux voir l'écran de son ordinateur, mais une drôle d'expression anime son visage. Elle semble à mi-chemin entre l'étonnement et la suspicion.

  • Alors ? quémande Léo.
  • Et bien, c'est pour le moins étonnant..., murmure t-elle. Pierrick, viens voir ça.

Le soldat, jusque là resté en retrait, s'approche pour observer l'écran de l'ordinateur, avant de reculer en se grattant l'arrière du crâne.

  • Et bien, c'est plutôt cocasse.
  • Quoi ? Qu'est ce qu'il y a ? marmonne Léo. Je vais exploser ?
  • Et bien jeune homme, figure-toi que selon tes analyses sanguines, toutes tes capacités ont évoluées. Pas seulement une d'entre elle. Selon mes résultats, ta force, ta vitesse, ton intelligence et tes réflexes ont augmentés de soixante-dix pour cent.
  • Oh

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