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Mia

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  La force, ben tiens donc. Déjà que j'étais considérée comme une véritable brute épaisse au lycée, voilà que je me retrouve avec la force décuplée. C'est bien ma chance. J'aurais largement préféré avoir ma vitesse ou mes réflexes d'améliorés. Mais bon, il va falloir faire avec.

Elio, assis à côté de moi dans la salle d'attente, n'a de cesse de jeter de furtifs coups d’œil à la pendule au mur. Lui, c'est sa vitesse qui s'est améliorée. La chance.

Il est droit comme un I sur sa chaise, les mains à plat sur les cuisses, et observe avec une fausse énergie les affiches accrochées au mur face à nous.

Depuis l’intervention de son père à ’’l’hôpital’’, il est stoïque, encore plus que d’ordinaire, et a le regard fuyant dès que j’essaye de parler. C’est pourquoi, malgré sa réticence évidente, je me permets de l’interroger.

  • Dis Elio, tu savais pour ton p...
  • Non, me coupe t-il abruptement. ...non, je ne savais pas.

Il se rend compte trop tard que le ton qu'il a prit n'était pas très aimable, et s'excuse du regard, adoptant une mine désolée.

  • Excuse-moi, je suis un peu sur les nerfs.
  • C'est rien, t'en fais pas. Qui ne le serait pas à notre place… ?

Il acquiesce, et je ne peux m'empêcher de le détailler. Ce garçon est un mystère. Jamais un mot plus haut que l'autre, jamais un sourire ni un rire, presque aucune émotion faciale. C'est comme si il ne s'autorisait pas à ressentir les choses, qu'il restait bloqué en dehors de tout. Qu’il ne s’autorisait pas à vivre. C'est étonnant, pour moi qui est habituée à côtoyer Léo – impulsif comme ce n'est pas permis – et Lou – hypersensible.

  • Je voulais savoir, me lance t-il. Léo, il est tout le temps énervé, ou c'est une image qu'il se donne ?
  • …, j'en sais rien. Un peu des deux. Il est très impulsif, mais je pense qu'il grossit le trait afin que les gens se souviennent de lui.
  • Se souvenir de lui comme d'un type tout le temps furieux et plutôt vulgaire ? Étonnant comme souhait.
  • Il te dirait qu'il vaut mieux ça, plutôt que les gens ne se rappellent pas de toi, et qu'ils t'oublient.

Mon cœur se serre, et je baisse les yeux.

Lorsque j'ai rencontré Léo, j'ai tout de suite vu, malgré mon jeune âge, qu'il avait besoin de compagnie, que les gens s'intéressent à lui. Il est le frère du milieu, entre deux filles. Cette place dans la fratrie ne rendait déjà pas la vie facile à mon meilleur ami, mais tout a vraiment changé le jour où lui, ses sœurs et ses parents, ont été expulsés de chez eux. Il ne nous l'a pas dit tout de suite, à Lou et moi. Pourtant, nous étions en CM1, nous avions l'âge de comprendre. Par la suite, il nous a expliqué, qu'il avait honte de nous en parler, et qu'en plus de cela, en parler signifiait qu'il acceptait les faits. Il nous a raconté qu'ils avaient perdu leur maison à cause de son père qui jouait un peu trop aux jeux d’argent, de sa mère qui avait la bouteille facile, et que de ce fait ils se retrouvaient tous à devoir vivre dans deux petites caravanes au sein un camping miteux à la sortie de la ville après avoir passé plusieurs semaines dans une tente cachée au fond du parc municipal. Lui qui n'entretenait déjà pas de très bonnes relations avec ses parents, tout s'est vraiment détérioré à partir de ce moment-là. Il ne parlait plus qu'à Lou et moi, détestait tout et tout le monde, et plus que tout... souhaitait qu'on se rappelle de lui. Qu'on ne l'oublie pas, comme ses parents semblaient l'avoir oublié.

Comme je le disais, j'ai tout de suite senti que Léo avait besoin d'amis, de compagnie. Et c'est la même chose pour Elio, mais dans une autre mesure. Ce garçon, assis à côté de moi, n'est visiblement pas habitué à être entouré, ou alors il y a été habitué de la mauvaise façon.

  • Elio, tu étais où au lycée avant ?

Savoir d'où il vient pourrait être une première piste. Peut-être que le nom de son ancien lycée me donnera assez de renseignements pour trouver une hypothèse à creuser en ce qui concerne son passé.

Il me regarde, se gratte l'arrière du crâne, et semble chercher dans ses souvenirs. Ce qui est étonnant, sachant qu'il venait à peine d'arriver dans notre lycée avant l'attentat.

  • Je...
  • Tu ne t'en rappelles pas ?
  • Mia je...
  • Mia devine quoi ?!

Je redresse brutalement la tête, et avise Léo arriver vers moi, un sourire victorieux lui barrant le visage.

  • Je te jure, c'est un truc de fou ! Le Reboot a développé toutes mes capacités !

Il n'aurait pas un certain rôle à tenir — rôle qu’il s’est autoattribué, et consistant a paraître blasé en tout temps — je suis persuadée qu'il sautillerait sur place. Cependant, ne comprenant pas tout de suite à quoi il fait allusion, je cherche du soutien du côté de Lou qui, arrivant derrière lui les mains dans les poches, semble épuisé. Il traîne des pieds, les épaules las.

  • La vitesse, la force, l'intelligence et les réflexes, marmonne t-il. Chez lui, le Reboot a tout amélioré.
  • Pardon ? Et comment c'est possible ?
  • Notre médecin ne sait pas. Elle va faire des tests pour essayer de comprendre. D'après elle, il existe déjà des gens comme nous ayant développé plusieurs capacités, mais jamais au-delà de deux. C'est fou non, que ce soit cet énergumène qui ait hérité de cette particularité.
  • N'empêche que, vous voyez un peu à quel point je suis exceptionnel ? Prosternez-vous devant moi.
  • Et puis quoi encore ? Plutôt crever !

Lou hoquette, lui même cloué sur place par ses paroles, et s'excuse du regard auprès de nous. Il est vrai que, les circonstances étant ce qu'elles sont, le mot ''crever'' n'était peut-être pas le plus adapté.

Ils se calment un peu, et s'asseyent à nos côtés, Lou tentant de faire abstraction du regard mauvais que Léo lui adresse depuis sa réplique quelque peu cinglante.

Nous attendons ainsi quelques minutes que les soldats nous escortant ne se décident à nous parler. De mon côté, je jette de temps à autre de petits regards inquisiteurs vers Elio, qui n'aura au final pas eu le temps de terminer sa phrase. Je me demande vraiment ce qu'il voulait me dire.

Cependant, je n'ai pas le temps de plus m'interroger, que notre référent – Charles Aubert – fait une entrée fracassante en sortant de l'ascenseur situé au bout du couloir. Les portes à peine ouvertes, il trébuche, et manque de tomber par terre, mais finit par se rattraper de justesse au dernier moment, et se redresse avec dédain.

  • Alors, les jeunes. Calmés depuis la dernière fois ?

Léo, qui doit comprendre que cette pique lui est adressée, renifle et détourne la tête.

  • Bien, je vais vous expliquer la suite des choses. Ce soir, vous dormirez à l'internat, avec tous les autres ''élèves'' de notre établissement. Demain matin, réveil à sept heures, déjeuner, et ensuite on commencera les tests. Tout d'abord, un test de courage, un test physique, puis un test d'intelligence, d'accord ? Tout est clair ? Notre but avec ces tests est de nous faire une idée de vos capacités, et de celles qui seront les plus à travailler.

Je suis la première à hocher la tête, tandis que Lou et Elio se contentent d'un petit grognement. Léo, lui, reste muet, immobile, et bien décider à ne parler à Charles en aucun cas.

  • ... ok, marmonne ce dernier. Suivez-moi, je vais vous guider jusqu'à l'internat. Là-bas un autre corps du personnel vous accueillera. Juste, au cas où vous auriez la mauvaise idée d'essayer de nous fausser compagnie, sachez que tout le personnel, que ce soit les surveillants ou les employés de la cantine, est équipé d'armes. À vous de voir si vous avez envie de les tester.

L'internat ne ressemble pas du tout à celui de Liberty. Ici, il n'y a que deux étages, plus un sous-sol. Pas de lieu délimité pour chaque sexe : les chambres et les salles de bain sont mixtes. Un foyer avec une télévision et quelques fauteuils est présent au sous-sol, ainsi qu'une salle de restauration au rez-de-chaussée. Et c'est tout. Rien de plus, rien de moins.

La chambre qui nous est assignée est minimaliste : quatre lits, quatre armoires, quatre tables de nuits. C’est tout.

Lorsque nous arrivons au premier étage, où se trouve notre chambre, une jeune femme d'une vingtaine d'année, au regard glacial et au visage aussi expressif qu'un mur en pierre, nous accueille d'un ''bonjour'' du bout des lèvres. Elle nous remet à chacun une couverture, une paire de draps, ainsi qu'un pyjama et de quoi faire notre toilette.

  • Il est dix-huit heures, le repas est à dix-huit heures quarante-cinq. Si vous êtes en retard, pas de repas. Le soir, couvre-feu à vingt-deux heures. Les douches sont ouvertes entre vingt heures et vingt-et-une heures trente. Si vous êtes pris à comploter ou à imaginer des plans d’évasion, ce sera l’isolement, est-ce qu'on est clair ?

Personne n'ose la contredire, et c'est sur ces paroles qu'elle nous quitte sans se départir de son air revèche. En se retournant pour partir, elle braque sur moi ses yeux d’un bleu glacial, et fronce légèrement les sourcils, avant de grincer des dents. Puis, elle s’en va sans se retourner.

  • Super le comité de bienvenue, déjà qu'on n’a pas demandé à être là..., grogne Lou.
  • Ouais, sa gueule me revient pas à celle-là.

Nous entrons dans notre chambre, et choisissons chacun un lit. De mon côté, je m’approprie celui près de la porte, mon côté survivaliste refaisant surface avec violence. Je me rassure en me disant qu'au moins, si on se fait à nouveau attaquer, je serais la première à évacuer. Individualiste ? Oui, tout à fait, mais qui ne le serait pas, ne serait-ce qu’un tout petit peu, dans ma situation ?

  • Vous pensez que les épreuves de demain vont consister en quoi ?
  • Moi un truc qui me rend dingue, c'est que tu te poses ce genre de question, et pas plutôt ''bon sang, mais qu'est ce que je fous là ?'', ou encore ''Comment ma vie a t-elle pu basculer à ce point'' ? je rétorque avec véhémence.

Léo semble surpris de mon intervention assez virulente, et hausse les sourcils.

  • Bah personnellement, je me dis qu'il vaut mieux aller dans leur sens, et que se poser trop de questions ne servira à rien étant donné qu'ils ne nous donneront aucune réponse.
  • Tu n'en sais rien, marmonne Lou.
  • Ah oui ? Vous croyez vraiment tous les deux, que si on leur pose des questions sensibles, ils vont y répondre ? Ah oui, y répondre avec le sourire aussi. Les gars, la meuf qui nous a accueillis parle d’isolement en cas de ‘’complotage’’ ! Réagissez, ces types ne sont pas nos amis.
  • Pas la peine d'être désagréable, je dis juste qu'il serait bon de s'interroger sur d'autres choses que simplement les épreuves de demain.

Il m'ignore, et entreprend de faire son lit sans plus me porter aucune attention. Qu'est ce qu'il peut être buté. Et susceptible.

Les draps que nous a donnés la fille sont rèches et raides. Avec un froncement de sourcil, je me demande quelques secondes comment va se passer ma nuit, vu les circonstances et cette litterie plus que moyenne.

Notre porte s'ouvre d'un coup pour laisser passer deux personnes : une fille rousse et un garçon métisse au crâne rasé. Ils portent tous deux une sorte d'uniforme scolaire détonnant avec l'endroit, et ne semblent pas totalement traumatisés ou totalement morts, ce qui me rassure quelque peu.

La fille a un sourire sincère qui me redonne un peu de courage, tandis que le garçon se contente d'un hochement de tête respectueux, avant de s'approcher. Ils nous considèrent d’un regard jugeant au premier abord, avant que leurs expressions ne s’adoucissent, et que leurs muscles se détendent. L’atmosphère autour de nous s’est allégée d’un coup lors de leur entrée.

  • Alors la chair fraîche, vous êtes bien installés ? demande le garçon.
  • C'est nous que tu appelles la chair fraîche ?

Ah, visiblement, il n'y a que moi qu'il ignore, car pour répondre aux nouveaux arrivants, il y a du monde.

  • Ouais, vous comprendrez vite. Moi c'est Jeremy, et elle c'est Sarah. C'était nous les Nouveaux, avant que vous n'arriviez. Bienvenue au fait.
  • Alléluia, enfin quelqu'un d'accueillant ! s'exclame Lou. Et moi qui m’attendais à être tabassé par le reste de ce centre comme accueil général !
  • Ah, c'est Jelena qui vous a accueillis c'est ça ?
  • Métisse, yeux bleus, cheveux super longs et super lisses ?

Ils échangent un regard entendu, et Sarah s'approche de moi, le sourire aux lèvres.

  • Contente de voir une nouvelle arrivante. Comment t'appelles-tu ?
  • Mia, enchantée.

Ses yeux se plissent lorsque son sourire s’élargit, et elle me prend les mains, ravie.

  • Alors les Nouveaux, reprend Jeremy, vous avez rencontré les médecins ?
  • Ouais, Miss Regina, répond Lou.

Ils commencent alors à parler de leurs résultats, tandis que Sarah s'assied à mes côtés.

  • Comment vous êtes arrivés là vous ? me demande t-elle.
  • Il y a eu un attentat dans notre internat. Des types sont rentrés avec la ferme intention de tous nous descendre. Et on pensait s'en être sortis vivants, mais vu qu'on est là...
  • … vu que vous êtes là, il faut croire qu'ils ont réussi. Nous c'est le restaurant universitaire qui a été visé. Un mec en section ’’journalisme’’, qui a pété les plombs. On était comme vous, on pensait s'en être sortis, et pourtant..., on s'est réveillé dans leur hôpital et avons appris qu'à l'extérieur de leurs murs, nous étions tous morts.

Je déglutis, et remarque alors des traces sur les avants-bras de Sarah. Des écorchures dont le sang quis’en est échappé a prit une teinte brunâtre qui me répugne quelque peu.

  • C'est quoi ça... ?
  • Oh, notre entraînement de cet après-midi.

Mes yeux s'écarquillent, mais je n'ai pas le temps de plus m'en inquiéter, puisque je remarque Elio du coin de l’œil en train de s'éclipser de la chambre sans demander son reste.

  • Excuse-moi Sarah, je reviens.

Sans plus attendre sa réponse, je me lève et passe par l'entrebâillement de la porte qui se referme pour pouvoir suivre Elio, qui vient de disparaître dans les escaliers menant au rez-de-chaussée.

  • Elio !

Il ne répond pas, ne m'ayant sûrement pas entendu, et je finis par le rattraper alors qu'il s'apprête à sortir dans la cours de l'internat.

  • Hé, Elio, où tu vas ?

Je pose ma main sur son épaule, et sens un tremblement assez violent, avant qu'il ne se dérobe brutalement à mon touché. Il fait volte-face pour me regarder, et j'avise ses traits tirés avec un froncement de sourcils.

  • Tout va bien ?
  • J'ai besoin d'air...

Je repense à sa crise d'angoisse à Liberty, et m'empresse de sortir avec lui après avoir prévenu le surveillant que nous resterons devant la porte d'entrée afin qu’il puisse continuer de nous surveiller .

Je m'arrête devant la porte et aide Elio à s'asseoir, tandis que sa respiration s'accélère dangereusement.

  • Elio, tout va bien, je suis là.

Je prends sa main et me heurte à une nouvelle réaction épidermique assez violente. Cependant, je ne le lâche pas, et m'accroupis face à lui.

  • Mia, j'arrive pas à respirer.

Sa voix me semble étouffée, sûrement due à sa respiration erratique, et je tente de toutes mes forces de le garder avec moi, en serrant sa main et en le cherchant du regard.

  • Elio, tu sais, je pense que le surveillant ne doit pas être habitué à voir des gens faire des crises d'angoisse...., je te jure il a les yeux qui lui sortent de la tête tant il a l'air choqué.

Il tente de me sourire, mais reste concentré sur sa respiration. Il ne faut pas qu'il s'emballe, qu'il risque l'hyperventilation. Pas ici, pas maintenant.

  • Respire comme moi..., inspire..., expire..., il faut que tu sentes l'air dans ton ventre.

Il hoche la tête, et m'imite avec un peu de mal, jusqu'à ce qu'il n'arrive enfin à se calmer, évitant ainsi la crise d'angoisse à proprement parlé, de justesse.

Nous restons ainsi quelques minutes, le temps qu'il se calme pour de bon, et je finis par m'asseoir en face de lui, mes cuisses me faisant mal à force d'être accroupie.

Ses yeux cherchent les miens, et sa main serre la mienne. Il a peur, ça se voit à son expression, mais également à la façon dont son corps à cessé de rejeter le mien.

  • Elio, dis-moi ce qu'il se passe s'il te plaît.

Il se remet à trembler, et je pose ma main libre sur son crâne, avant de frictionner ses cheveux avec douceur. Il se crispe, râle et grogne, avant de laisser jaillir une seule phrase, une seule réalité causant son état :

— C’est mon père qui est à l’origine de tout ça, merde ! Il ressuscite des gosses putain !

Son souffle erratique me force à accentuer mon regard, ma prise sur lui, pour ne pas laisser l’énervement se mêler à la panique, et l’emporter.

— Je n’arrive pas à y croire...

  • Tout va bien, prend ton temps. On n’est pas pressés, respire. Je suis là.

Il se mord la lèvre, inspire par le nez, fuis mon regard, reviens vers moi, et finit par fermer les yeux.

  • J'ai jamais été au lycée, avant d'arriver à Liberty. Je ne suis d'ailleurs jamais allé de ma vie à l'école, murmure t-il.
  • Je m'en doutais un peu tu sais ?

Il rouvre les yeux, et m'interroge du regard, les sourcils bizarrement placés, entre la tristesse et l'incompréhension.

  • Tu as un caractère assez étonnant, et qui va à l'encontre de celui de quelqu'un qui aurait déjà connu le lycée, ou le collège. Tu es très distant, très réservé, et je crois que tu te brides par rapport à tes émotions, je me trompe ?
  • ... non, du moins, je ne crois pas.
  • C'est ce que tu voulais me dire tout à l'heure n'est-ce pas ? Avant que Léo et Lou n'arrivent ?

Il hoche doucement la tête, et je ne peux m'empêcher de le trouver attendrissant. Alors je penche le visage sur le côté, et demande :

  • Tu te sens bien avec nous, Elio ?
  • J'en sais rien..., j'ai du mal à vous cerner.
  • Ah bon ?

Il se gratte l'arrière du crâne, à nouveau en proie à la gêne, et me coule un regard fuyant.

  • Oui..., Lou et Léo ont l'air de s'adorer même si ils font semblant de se détester..., pourquoi ils font ça ? Et toi..., je comprends pas trop ce qui me dérange avec toi, mais ce n'est pas en mal, c'est juste que je ne comprends pas pourquoi je n'ai pas peur de te laisser entrer dans ma bulle.
  • Si je ne dis pas de bêtise, on appelle ça la confiance. Quant à Lou et Léo, il faut laisser tomber, personne n'a jamais rien compris à ce qui les faisait se comporter de la sorte l'un avec l'autre.
  • Tu as confiance en moi, Mia ?

Sa question m'étonne, mais j'y réponds tout de même par l'affirmative, sentant sa main se serrer au creux de la mienne.

  • Tu es la première personne qui a confiance en moi, sourit-il faiblement. Il faut un début à tout, j'imagine ?
  • Oui, immanquablement.

Je ne comprends pas vraiment ce qu'il entend par ''première personne'' à lui faire confiance, cependant je ne pousse pas plus, sentant le sujet épineux. À la place, je lui propose de retourner à l'intérieur, le froid de novembre commençant doucement à me piquer la peau.

Le soir venu, après avoir dîné à la cantine de Reborn, nous regagnons nos chambres respectives avec l'interdiction formelle d'en sortir, hormis pour aller prendre une douche.

Je suis la première à rentrer dans la nôtre, suivie par Lou et Elio.

  • Où il est l'autre boulet encore ? grommelle Lou avec mauvaise humeur.
  • Il parlait avec Jeremy, dans les escaliers.

Il hausse un sourcil, tout en s'asseyant sur son lit, et je décide de l'ignorer, bien trop fatiguée.

Jeremy et Sarah sont les deux seules personnes à nous avoir parlé. Ils sont plutôt accueillants, et nous ont expliqué les fondamentaux de Reborn avec une sorte de retenue qui me dérange encore maintenant. Ils semblaient préoccupés, tout en nous parlant à mi-voix, au sein même de la cantine de l'école. Comme si ils avaient peur d'être vus, ou entendus.

Je sais que, durant ce repas, je n'ai pas sourcillé à leur comportement plus que soucieux, mais maintenant que le passage d'incompréhension quant à notre présence ici est passé, je m'interroge. D'un certain côté, je suis heureuse que Lou, Léo, Elio et moi soyons encore en vie. Cependant, à quel prix ? Pour le moment, notre seule dette est un enrôlement forcé à Reborn, rien d'irréversible. Néanmoins, j'ai peur que les prétendus ''tests'' de validation de demain ne soient pas exactement ce à quoi nous nous attendons tous. Sarah m'a glissé, qu‘ils marquent le point de départ vers la Descente, comme ils disent. Qu'entendent-ils par là, nous n'avons pas eu le temps d'avoir leurs explications. Le problème est que bien souvent, une descente n'est pas quelque chose de plaisant, surtout dans notre cas.

C'est paradoxal car j'ai à la fois une impatience immense de savoir à quoi je vais devoir me frotter, tout en redoutant ce moment avec appréhension.

Peut-on mourir encore, même lorsque l'on a hérité de Reboot ?

La porte s'ouvre, et un garde pousse Léo en avant. Ce dernier, déséquilibré par la violence de l'homme, tombe à genoux, et n'a pas le temps de se redresser pour protester que la porte se referme dans un claquement, assorti d’une sorte de déclic, qui nous pétrifier sur place.

  • Léo, tu ne t'es pas fait mal ? s'enquit immédiatement Lou.
  • Ne sois pas stupide, on ne peut pas se blesser en tombant à genoux.

Il se redresse, se passe une main sur la nuque, et je vois les muscles de son cou tirés sous la tension de ses nerfs.

  • Bordel, j'ai pas eu le temps de savoir ce que Jeremy voulait me dire avec leur couvre-feu à la con.
  • Vous parliez de quoi ? Encore des tests de demain ?
  • Entre autre ouais. Il m'a juste fait savoir que nous ne nous reverrions pas avant demain midi.
  • Et donc ?
  • Donc, il nous souhaite bonne chance, et espère tous nous revoir demain midi.

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