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Mia

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   J'ai rarement eu aussi peur, dans ma vie. À dire vrai, je suis complètement dirigée par la peur et l'adrénaline. Penchée aux trois quarts par la fenêtre du troisième étage, j'attrape le plus doucement possible les mains de ceux qui me les tendent depuis le deuxième et les remonte avec toute la maigre force qu'il me reste. Et je sais que... je ne tiendrai plus très longtemps.

Ceux que je remonte sont tétanisés. De longs tremblements les agitent, de la sueur leur coule du front jusqu'au menton, et leurs yeux expriment toute la terreur que peuvent ressentir ceux qui viennent de frôler la mort, et qui n'en sont pas encore tout à fait protégés. Certains pleurent même, c'est normal. Je me demande moi-même, comment je parviens à bloquer mes larmes à la barrière de mes cils.

Mes bras me font mal, à force d’être solicités pour soulever mes camarades. Chaque muscle roulant sous ma peau me fait l’effet d’une courbature, d’une crampe prête à me faire crier. La fatigue, la panique, et la peur ne font véritablement pas bon ménage.

  • Je suis le dernier, murmure Elies tandis que j'attrape ses mains.
  • ... quoi ?

Je comprends au ralenti, mais ne perds pas mon sang froid pour autant, il ne le faut pas. Je dois remonter Elies, bien que le fait qu'il soit le dernier, signifie que les autres...

Ses mains sont moites dans les miennes, je m'y accroche donc le plus fort possible. Si je lâche, il tombe et...

D'un coup, sans comprendre, Elies redescend brusquement, et me tire dans sa chute. Je ne réalise pas ce qu'il m'arrive, tandis que mes jambes passent par-dessus le rebord de la fenêtre, et que je me retrouve attirée dans le vide, retenue par les seules mains de Elies, toujours solidement accrochées aux miennes. Ma sécurité, les mains que Charline et Elio avaient passés autour de mes chevilles, ont dû lâcher de part la surprise de me voir partir en avant aussi brusquement.

  • Elies qu'est ce que tu...

Je chute, de moins d'un mètre, avant qu'une main ne me rattrape dans ma course sans aucune douceur, au niveau de l'étage des filles, par la fenêtre où Elies a tenté de passer.

Étourdie par ma descente assez brutale, j'arrive tout de même à relever la tête, pour tomber nez à nez avec un homme cagoulé, me tenant fermement par le derrière de mon tee-shirt. Il me tire à l'intérieur sans aucun ménagement, et me jette par terre, où je retrouve Elies, roulé en boule. Je me cogne contre un pied de lit, et sens mes muscles endoloris, ne répondant plus aux appels de détresse que je leur envoie.

  • Elies, est-ce que ça va... ?
  • Inquiètes-toi plutôt de savoir si toi, ça va aller.

Le premier coup que je reçois, je ne m'y attendais pas. Dans le ventre, un coup de pied donné avec une paire de chaussures de protection, qui me retourne l'estomac et me fait me plier en deux sous la douleur et le choc. Je n'arrive pas à retenir la bile qui me remonte dans la gorge, et finis par vomir par terre.

  • Mia ! s'époumone Léo, au-dehors.

La ferme..., je pense en amortissant le second coup de pied. La ferme Léo, ils vont...

J'écarquille les yeux, en voyant l'individu cagoulé lever la tête et m'adresser un signe du menton en direction du plafond.

  • Vous êtes combien là-haut ?
  • Il n'y... avait que moi..., je halète tout en sachant pertinemment qu'il ne me croira pas.
  • Bien sûr.

Dans un élan de survie désespéré, je me redresse, debout, et ai le temps d'aviser l'arme braquée sur moi, pour esquiver une balle qui me frôle l'épaule.

Je ne sais pas qui est cet homme, mais ce n'est pas un très bon viseur, ses gestes sont lents. Une faille donc. Il faut que j'arrive à me sauver.

  • Mia !!

Je ne réponds pas à l'appel désespéré de Léo et, prise d'un courage que je ne me connaissais pas, je me rue en avant et saute à la gorge de mon agresseur, qui sous la surprise de me voir me rebeller, titube, et lâche son arme. Je ne suis pas très épaisse, mais ma constitution physique et ma grande taille me permettent d'arriver à attaquer, ne serait-ce que pour me défendre.

À terre, du pied j'envoie l'arme de l'homme cagoulé loin de moi, et ne perds pas une minute avant de donner un coup de poing que j'espère puissant, en plein dans la mâchoire de mon agresseur.

  • Elies, le flingue ! je hurle.

J'espère qu'il est encore conscient. Sans attendre sa réponse, je donne un second coup de poing à l'homme, et bénis mon professeur de MMA. Le second impact, sûrement plus imposant que le précédent, produit un horrible craquement, ainsi qu'un tremblement que je devine douloureux de la part de l'homme emprisonné entre mes jambes.

  • Mia, tiens.

Je me retourne, attrape l'arme à feu que Elies me tend, et la braque sur le front de l'homme cagoulé.

  • Moi vivante, tu ne tueras plus personne, ordure.

Mais je ne tire pas, non. Je m'assure juste qu'il ne pourra pas nous suivre, en lui décochant une balle dans le dos, espérant de toutes mes forces avoir touché la colonne vertébrale.

Le recul de l'arme dans ma main me fait sursauter, tant il est violent. Ça ferait même presque mal.

Elies me regarde, les sourcils arqués, et en dehors de la chambre fermée, j'entends des pas précipités.

  • Elies, préviens Léo que je vais bien et essaye de remonter, j'arrive.
  • Mais qu'est-ce que tu...
  • Obéis et laisse-moi faire. J’ai une arme je risque rien.

La plaisanterie a assez duré.

Oh bien sûr, je ne suis pas inconsciente au point de me jeter dans la gueule du loup, non. Juste, j'aimerais m'assurer qu'ils n'atteignent pas le troisième étage. Je ne suis pas une super héroïne, loin de là. À dire vrai, je suis presque intimement persuadée que mes actes et mes pensées sont dictées par l'adrénaline et la peur, sûrement par un désir quelconque de me prendre pour la grande héroïne de ce tragique événement. Il faut simplement que je gagne du temps, que je m’assure que les secours que Léo a contactés arriveront à temps, pour tous nous sortir de là.

Je m'approche de l'homme que j'ai cloué au sol, et attrape sa cagoule, ainsi que son pull et sa ceinture.

  • Tu vas pas faire ça ? murmure Elies.
  • J'en ai pour deux minutes et regarde : on ne voit pas la différence.

Il s'apprête à m'assurer le contraire, avant de se raviser. Il est forcé de constater que ma tenue, assortie à ma poitrine presque inexistante, rend plutôt bien. De toute façon il fait sombre, alors de loin le doute sera permis. Pour une fois, ma grande taille ne sera pas un handicap mais un avantage.

  • Allez remonte ! je brame avant d'ajouter : empêche Léo de descendre, ok ?

Il acquiesce, me serre distraitement contre lui, sûrement pris dans un élan de protection, et s'approche de la fenêtre.

  • Merci, allez, vas-y.

Il s'exécute en remontant sur le rebord de la fenêtre, et j'inspire une dernière fois avant d'ouvrir la porte donnant sur le couloir. Il faut que ça marche, impérativement. Maintenant que je suis lancée, je ne peux pas les laisser atteindre le troisième étage et assassiner de sang froid Léo, Lou, Charline et Elio.

  • Enfin ! crache un autre homme cagoulé en me voyant. T'en as mis du temps !

Je hoche la tête, voulant me préserver de leur parler, afin que ma voix ne me porte pas préjudice.

  • Teddy, c'est bon ! On a tous les quatre finis, on peut y aller !
  • Le boss va être content.

Tous les quatre... ? Ils ne sont que quatre ?

Et comme j'en ai déjà mis un hors d'état de nuire, cela signifie qu'il n'en reste que trois.

Sous ma cagoule un sourire se dessine, lorsqu‘au fond du couloir, je vois apparaître une tête blonde que je connais bien, armée d'une haltère. Mon sourire se fane et je sens mes yeux s'écarquiller.

L'homme cagoulé, face à moi, ne le voit pas. Il est dos à Léo.

Et habillée de la sorte, je ne peux pas lui dire de fuir ou bien je serais démasquée, et abattue.

  • Crève connard !

Mon interlocuteur n'a pas le temps de se retourner, que Léo saute en avant, pour abattre l'haltère qu'il tient sur son crâne. J'aurais préféré ne jamais entendre ce bruit, celui de la boîte crânienne explosant sous l'impact du poids la heurtant avec force.

Paniquée par la rage de Léo, je m'empresse de retirer ma cagoule, le troisième homme armé n'étant pas en vue, et le stoppe net dans tous mouvements, alors qu'il allait à nouveau abattre son haltère mais cette fois-ci, sur moi.

En me voyant, il hausse le sourcils, et au même moment, je vois débouler des escaliers menant au troisième étage, Lou et Elio, qui visiblement, cherchent mon meilleur ami.

  • Léo ! s'époumone Lou. Ça va pas bien de te tirer comme ça ?
  • Toi la ferme ! Tu as rien à me dire, c'est de ta faute si on en est là avec ton idée de merde !

Les hostilités désormais ouvertes, seul Elio, un minimum terre à terre, a le bon sens de me rejoindre et de pousser le cadavre que Léo a laissé derrière lui, du bout de sa chaussure.

  • Il l'a tué ?
  • Visiblement, je murmure en sentant mes jambes flageoler sous moi.

L'adrénaline est partie, bien que techniquement, il reste un homme armée dans l'enceinte de l'internat. Je ne peux pourtant plus me soutenir, et tombe à genoux, laissant l'arme glisser entre mes paumes tremblantes. Mon crâne me fait horriblement mal, j'ai la sensation dérangeante de sentir mon cerveau tambouriner derrière mon front.

Elio, stoïque, redresse la tête et avise le bout du couloir avant de lentement s'accroupir en face de moi, sans quitter des yeux un point dans mon dos semblant être le cœur de ses maux.

  • Et vous !

D'un geste vif, il attrape l'arme à feu, et je comprends avec lenteur qu'au bout du couloir, se trouve le dernier homme ayant attaqué l'internat.

  • Attention !

Elio se redresse, et a le temps d'éviter un tir, une balle, qui finit sa course en perforant la jambe de Lou. Je n'ose plus bouger.

Pourquoi sont-ils descendus bon sang ?

Lou s'écroule, dans un gémissement plaintif, et Léo, alors resté muet face au tir et à l'impact, se ressaisit d'un coup, se rue vers Elio, lui prend l'arme des mains, et se met à tirer à l'aveuglette dans la direction de l'homme. Ça détonne, en discontinue, des deux côtés du couloir, et les lumières des explosions me pétrifient sur place.

Cela me semble durer une éternité, alors que sans la peur et l'adrénaline distordant le temps, l'échange de balles ne dure pas plus d'une minute. Il se stoppe enfin, lorsque Léo, touché au ventre, s'écroule dans une plainte étouffée par le bruit de pas précipités dans les escaliers.

Je n'entends plus rien. Ma vue est trouble, et sans vraiment m'en rendre compte, je faiblis, je chavire dans l'inconscience, les yeux rivés sur le corps inerte de Léo, ainsi que sur Elio, le visage fermé, une haltère à la main.

— Il faut évacuer ! s’époumone une voix derrière les doubles-portes. Ça va tout pé...

Noir.

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