Prologue 

4 minutes de lecture

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Lou

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    Je me réveillai en sueur, assis dans mon lit, les bras tendus devant moi, comme si je cherchais à attraper quelque chose dans le vide. De longs tremblements, des frissons terribles me hérissaient les poils tandis que ma respiration, hachée et saccadée, résonnait dans le silence de notre chambre. La température de mon corps, que je n’aurais su qualifier, me faisait à la fois trembler de froid et suer de chaud. Des sueurs froides.

Par les fenêtres, je vis les lumières de la ville, les étoiles scintillantes dans le ciel d'encre, ainsi que la légère brume commençant à inonder les routes. Les quelques rares phares des voitures me rassurèrent en balayant un temps la peur viscérale qui me tenaillait face à mon propre abandon. Comme si le monde s'était rallumé, qu'il s'était remis à tourner autour de moi, que je n'étais plus le centre d'un univers mort.

Puis, la lumière s'alluma.

  • Tu commences à faire chier avec tes terreurs nocturnes.

La voix de Léo claqua comme un fouet, coupant court à mon analyse de l'extérieur. Je tournai la tête en tremblant et posai mon regard sur lui. Il était debout, torse nu, les cheveux encore plus hérissés que d'ordinaire, et bâillait allègrement sans se couvrir la bouche. Sa peau si claire ressortait sous les stores électriques de notre chambre, faisant nettement apparaître les quelques veines palpitant le long de son cou, ainsi que l'éclat violacé des cernes sous ses yeux noirs. Sa tignasse blonde, presque blanche, assortie à son épiderme fantomatique, son corps ressortait tel un éclat lumineux, une étoile s'éclairant au milieu d'un ciel de nuit, au centre de mon monde obscur.

Je jetai un coup d’œil à l'interrupteur qu'il venait de claquer, et levai à nouveau les yeux sur lui, avant d'ouvrir la bouche, puis de la refermer dans la seconde, sous son regard furieux.

  • Ose ouvrir ton petit clapet, et je t'en colle une. Il est trois heures du mat', merde.
  • Désolé, couinai-je avec un tremblement.
  • Désolé ouais.

Léo pencha la tête en arrière, ferma les yeux et inspira par le nez avant de laisser ses épaules s'affaisser. Puis, il se dirigea vers son propre lit, attrapa sa bouteille d'eau et me la jeta dans un geste leste, avant de me rejoindre et de s'asseoir sur la chaise accolée à mon propre couchage. Maladroitement, je rattrapai sa bouteille et le regardai s'approcher, étonné par sa considération envers moi.

  • Allez, balance, qu'on retourne se pieuter.
  • Je... c'est...
  • Non, je t'arrête tout de suite. Bois, calme-toi, et raconte ensuite.

Je hochai vigoureusement la tête et bus la moitié de sa bouteille, avec une satisfaction déroutante. J'avais, à ce moment précis, l'impression d'éteindre un terrible incendie brûlant dans mon estomac. Ma gorge, jusqu’alors complètement sèche, me remercia de l'hydrater et mon cerveau, perdu dans les nimbes de mon sommeil troublé, reprit un fonctionnement normal, me permettant ainsi de refaire le point sur ce qu'il venait de se dérouler dans les profondeurs de mon esprit.

Léo, toujours accoudé au dossier de la chaise, m'observait faire avec un semblant de sourire en coin et finit tout de même par me lancer un plus ou moins agréable « bouge », avant de me donner un coup derrière la tête. Peut-être que dans l'idée, son geste semblait seulement pressant, mais en réalité, la force du taquet me fit recracher un léger filet d'eau qui alla directement couler le long de mon menton.

Alors, j'inspirai à fond et tentai de remettre mes idées en place, avant de lui servir le même discours qu'à chaque fois :

  • J'ai peur, il était encore là, Léo. Ce type, cette ombre bizarre, qui engloutissait tout sur son passage les gens, les maisons, la vie, en fait. Et nous, on était là, on tentait de courir, mais après quelques mètres tu tombais, et j'arrivais pas à te relever et..
  • Combien de fois t'ai-je déjà expliqué que ce n'était qu'un rêve ? Tu as déjà vu une putain d'ombre tuer des gens ? Tu m'as déjà vu me casser la gueule en courant ? Bon. Autre chose ?

Je secouai négativement la tête, et l’observai se redresser, avant de se stopper dans tout mouvement, me couvrir d'un dernier regard, puis rejoindre son lit, non loin du mien.

  • Essaye de te rendormir, marmonna-t-il avant d'éteindre la lampe dans un claquement.
  • Bonne nuit Léo.
  • Ouais, c'est ça à demain.

Cette nuit, fut la dernière que je passais à peu près ''normalement''. Les autres, celles qui suivirent jusqu'à ça, furent une succession d’étrangetés et de prémices de ce qui allait nous arriver. Je n'eus plus de terreurs nocturnes, car à partir de ce moment-là, la terreur devint diurne. Pas immédiatement bien sûr, mais pourtant bien présente en moi, à chaque pas, à chaque respiration, un peu comme une douleur lancinante que l'on ne peut calmer. C'était en réalité... plutôt calme, quand je repense à ce qui a suivi cette nuit, puis cet événement et enfin... ça.

Comment fait-on pour revenir en arrière ? Comme sur une VHS, rembobiner, et ainsi savoir ce que l'on a loupé de l'intrigue pour en arriver là où nous en sommes. Faire pause, revenir en arrière.

Sortir la cassette du magnétoscope.

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