Une journée à Parisis

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Il était particulièrement fatigué ce matin-là lorsqu’il se réveilla. Le soleil déjà haut dans le ciel réchauffait la pièce, ses rayons traversait la chambre comme si la main de dieu passait par là pour le réveiller gentiment.

« Hey petit, il est déjà midi, cesse donc de dormir et va voir au-dehors » semblait lui chuchoter l’astre solaire.

Le jeune homme tendit le bras jusqu’à sa petite table de chevet au bord du lit, il attrapa une cigarette, l’alluma en refermant les yeux pour savourer ce moment parfait. Il les rouvrit pour scruter le ciel bleu et les quelques nuages qui paradaient. Il mit son pantalon de lin, alla ouvrir la fenêtre pour respirer un grand bol d’air frais entre deux bouffées de tabac. Torse nu, le soleil venait rencontrer sa peau avec douceur mais il peinait encore à ouvrir les yeux tant la luminosité était forte. C’était une belle journée, les mouettes semblaient heureuses en survolant la ville.

La petite chambre remplie de lumière comportait un lit, une chaise recouverte de haillons, un sceau d’eau claire surplombé d’un miroir sale et un meuble à tiroir, en plus de la table de nuit. De fins rideaux laissaient passer la lumière sur les draps blanc immaculé troués par les mites. Une odeur de tabac flottait dans les airs, les murs aussi avaient dû être blanc avant de jaunir dans les coins. Cette petite chambre inspirait la pureté, fin de moins en moins avec le temps.

Tom, toujours à la fenêtre, était un jeune homme tout juste adulte, à la peau claire, ses cheveux châtains en batailles lui donnait une allure de canaille. Derrière de généreuses pommettes, ses beaux yeux verts semblait sans fond. Il n’était pas gros mais de corpulence carré, il avait un gabarit de bagarreur vif et résistant. Au milieu de la partie haute de son dos, sur ses côtes droites comme sur son genou droit et au-dessus de son œil gauche il avait des cicatrices plus ou moins vieilles, la plus impressionnante étant celle sur ses côtes, elle n’avait que quelques mois. Il avait les phalanges de chaque main couverte de petites entailles, on aurait dit qu’il passait ses journées à boxer des arbres centenaires.

Dans la rue, la population était bruyante ce jour-là, la ville entière semblait tant pressée qu’impatiente. En effet, tout le monde se préparait pour la fête de l’Eau-Terre pour célébrer le retour des officiers partis en mer au nom de la Grande Expédition 5 ans plus tôt. Selon les nouvelles des villes voisines au Nord, ces équipages étaient sur le retour et devaient arriver le lendemain en fin de matinée. La ville attendait le retour de ces enfants partis depuis trop longtemps, les habitants, eux, étaient impatients d’écouter le récit de leur fabuleux voyage.

La Grand Expédition c’était la plus importante mission maritime de l’époque, les huit bâtiments les plus puissants du royaume de Parisis et leurs farouches équipages envoyés à la découverte du Typhon et de ses environs, qu’on appelait aussi la porte de l’autre monde. Une zone maritime sombre et hostile, éloigné de tous les continents connus. La météo y est changeante et instable, les tempêtes y sont fréquentes et fatales. Les gens disent que l’océan y laisse sa place à des montagnes d’or une fois par an, d’autres rumeurs disent qu’il y a là-bas l’entrée de l’Enfer permettant de ramener les morts à la vie.

La vérité n’existait pas ou peu du moins, pas plus de trois personnes s’y étaient aventurés en revenant vivant, l’un devait être un pirate mort depuis longtemps emportant son secret avec lui dans la tombe, l’autre un scientifique pas très fiable parce que fou à lier vivant en ermite sur une île perdue entre le typhon et ses alentours. Le dernier était très connu mais encore porté disparu à ce jour. David Simon, un grand capitaine du royaume qui, une dizaine d’années plus tôt, avait sauvé son équipage avant de couler fièrement avec son navire. Selon la légende, après leur naufrage il avait ramené à terre, à la nage, chacun des membres d’équipage qui n’avait pas pu embraqué sur les canaux de sauvetage. Lorsque fut venu le tour du dernier matelot, celui-ci réussit à atteindre la plage mais sans son capitaine. Il avait sûrement coulé, à bout de force. Son équipage refusait catégoriquement d’accepter cette fin. Selon eux, il était certain que le capitaine Simon était l’héritier légitime de Poséidon, et que par conséquent il était donc resté en mer pour prendre la relève du Dieu des océans.

Les huit équipages des plus gros navires du royaume comprenaient presque 50% des hommes de la ville. Tout le monde avait un père, un mari, un frère sur l’un de ces bateaux, l’ensemble des citoyens avait un être chère qui rentrerait bientôt. Tom, lui n’attendait le retour de personne mis à part celui des majestueux vaisseaux de guerre qu’il aimait tant.

Le Maria, était le plus puissant militairement et le plus large, il l’adorait. Les autres navires avaient aussi leur charme, l’Angelina avait le plus grand nombre de voiles au monde avec ses sept mats, en mer il semblait toujours bien apprêté avec ses longs tissus flottants dans le vent. Le Claudia, lui était le bateau le plus dangereux des océans avec ses 47 victoires en haute mer pour 54 adversaires coulés, dont quelques deux contre un qui n’avaient pas suffi, on l’appelait l’assassin des mers dans les autres royaumes. Mais ses deux préférés étaient le Nina et le Niagara, deux frégates jumelles, les deux se faisaient la course pour être le navire le plus rapide du monde, en vérité, ils étaient identiques en tout point, tellement rapide que personne n’avait jamais ne serait-ce qu’essayé de les rattraper, alors pour ce qui était de leur abordage, cela semblait impossible. Le point faible de l’un, c’était l’autre et leur atout c’était de ne jamais prendre de coup, en plus d’appartenir tous deux au même royaume.

Tom avait depuis toujours sa petite chambre dans cette auberge de la ville, il avait grandi ici avec Cosette, la taulière, elle l’avait trouvé devant sa porte dix-huit ans plus tôt, enveloppé dans des draps, soigneusement déposé dans un panier. Sa véritable mère, Tom en ignorait presque l’existence mais cela ne semblait plus avoir d’importance à ses yeux. Il l’appelait la cigogne lorsqu’il abordait le sujet avec Cosette, une vielle dame rude et aimante, franche autant qu’attachante.

Tom s’habillait plutôt simplement mais était toujours armé, comme la plupart des hommes de la vieille ville. Son truc à lui c’était ses deux pistolets à silex rangé dans deux holster au niveau des côtes, pas très pratique dans certaines situations mais très dissuasif face à un simple civile qui en fait trop. Il n’aimait pas les objets tranchants, l’obligeant de se rapprocher de l’adversaire pourtant il avait toujours une fine lame cachée dans sa bottine droite.

Une fois sa chemise de lin blanche et son gilet de cuir enfilés, il lava son visage puis ses armes avant de les chargées. Tom descendit les 3 étages de l’auberge, en faisant quelques signes de tête aux habitués. En arrivant dans la cuisine, il vit sa vieille préférée en train de faire mijoter un bouillon.

- Te voilà enfin petit con, tu ne devines pas l’heure qu’il est ? Commença calmement Cosette.

- Si, si c’est pour ça que je viens te voir, puis-je avoir ma journée de libre aujourd’hui ?

- Je n’en attendais pas moins de toi. Qu’est-ce que je vais faire de toi mon garçon …

- Maria c’est mon anniversaire, laisse-moi profiter de mon jour s’il te plait ?

- Tu as déjà eu toute ta matinée, ne l'as-tu pas remarqué ? Tu t’es déjà reposé ! Fit la vieille dame en souriant. Puis elle reprit.

- Viens donc manger jeune homme, installe-toi j’ai un cadeau pour toi.

Tom s’exécuta, et commença à manger son bouillon comme s’il mangeait pour la première fois, il avait un appétit de pauvre, il ne mangeait pas beaucoup mais une fois de temps en temps il ingurgitait l’équivalent de son poids. Cosette que tout le monde appelait Maria à cause du nom de l’auberge « Chez Maria », revint avec un panier, usé et poussiéreux. Elle en sorti deux bourses qu’elle posa sur la table.

- Qu’est-ce que c’est ? Demanda Tom avant de reprendre. Je n’ai jamais vu une tel somme d’argent ! Tu l’as volé à qui ?

- C’est l’argent qu’il reste de ce que la cigogne à déposer avec toi ce jour-là. Il y avait trois bourses de 2500 pièces d’or, jusqu’aujourd’hui je n’en ai dépensé qu’une, le reste te revient.

- Non certainement pas, c’est argent on te la donnée en échange de ma charge, c’est le tien.

- Brave garçon, mais je n’ai besoin de rien et je gagne déjà ma croute. Par contre, toi tu ne fais rien à part m’aider, qui plus est, tu as deux mains gauches. Bon à rien que tu es, tu ne passerais pas l’hiver sans moi ou cet argent.

- N’importe quoi, je n’ai ni besoin de toi, ni de l’argent de ma mère, je trouverai un travail moi-même. Tom fronça les sourcils et regardait son reflet dans sa soupe. Il le savait, il coutait plus qu’il ne rapportait à Maria, outre l’apport financier de la cigogne.

- Toi travaillé ? Laisse-moi rire… Maria le regarda et soupira, elle était inquiète pour son petit protégé, que serait-il si elle partait demain, aurait-il les épaules pour tenir l’auberge ? Elle se faisait beaucoup de soucis, et Tom n’aidait pas, toujours à préparer des mauvais coups, toujours premier pour faire des bêtises.

- Maria, je vais trouver un travail bientôt, tu verras ! Fit Tom, pour clore la conversation, Maria leva les yeux au ciel.

- Il y avait ça aussi dans le panier, prend là je suis sûr qu’elle va te plaire. Maria lui tendit une montre à gousset dorée, fonctionnelle mais très usée. Tom la pris en en main, il la trouvait magnifique, il regarda Maria avec un grand sourire qui lui plissait les yeux. Au dos, il y avait écrit « Maison Atemps, Templaris », et des initiales était gravé au-dessous, on peinait vraiment à les lire mais on pouvait tout de même distinguer « T.S ».

Au loin le clocher sonna 13h, la montre semblait indiquer la bonne heure, Tom la glissa dans sa poche de gilet côté cœur, remonta les deux bourses dans sa chambre et sortit dehors, après avoir embrassé Maria pour la remercié de tout ce qu’elle faisait pour lui.

Les rues étaient étroites et bondées, noir de monde contrastant avec les murs fait de bloc de calcaire qui faisaient la réputation de la Cité Blanche. Des lanternes, des tables et des installations prenaient place un peu partout de la ville, Tom marchait vite en longeant les murs comme s’il voulait paraître invisible. La clope au bec, il marcha jusqu’au port, il adorait l’atmosphère de la vieille ville, les baraques de pêcheur, le marché, les soldats ivres, la falaise qui surplombe le tout juste à droite du port qui s’ouvrait sur une large baie.

La cité blanche apparaissait au sud des cartes du monde bordé par la mer légère, puis quelques centaines de kilomètres plus loin venait l’océan Typhonique, les infranchissable montagnes du mont Ziakam bordaient le pays à l’est, à l’ouest il y avait des champs de céréales, beaucoup de blé, de lin et d’avoine puis un immense marécage, qu’on appelait aussi « La bourbe d’Alligator ». Au sud, il y avait des centaines villages dispersés dans la forêt Balkane, tous dépendant du royaume, ce sont eux qui faisait la puissance de la cité, leurs habitants avaient construit des réseaux d’aqueducs amenant l’eau potable à travers tout le royaume. Les prémices d’une agriculture intensive naissaient de leurs inventions en tous genres. Les balkanes étaient un peuple brave et intelligent mais qui refusait la guerre c’est pourquoi ils s’étaient rangés derrière la bannière de la cité blanche, à l’époque de Dushan Parisis 1er il y a plus de cent ans afin de vivre paisiblement dans leur forêt, loin des métropoles.

Tom arrivé au bord des quais, entra dans une petite échoppe qui vendait de tout, alimentaire, poudre, tabac, alcool, matériaux en tout genre. Le vendeur assoupis au comptoir était un vieux monsieur, avec le visage gras sur lequel venait une large moustache poivre et sel, ses vêtements couverts de tache lui donnait une allure de poivrot alors que son visage endormi lui rendait une certaine innocence, il était presque mignon.

Tom attrapa une bouteille de whisky, un paquet d’allumette, les posa sur le comptoir du vieux marchand qui ne se réveillait pas, Tom décrocha son holster de droite, pris son arme dans la main gauche et la pointa sur le front de l’homme sommeillant, il hésita et se mit à sourire.

- BOOOUM ! Cria Tom.

L’homme se réveilla d’un bond de 3 mètres, les yeux grands ouverts, il fixa d’abord le petit trou d’où allait sortir la balle. Pris de sueur froide, il poussa un cri particulièrement aigu pour sa corpulence avant de tomber les fesses au sol.

Tom éclata de rire et posa quelques pièces sur le comptoir avant de reprendre.

- Bah alors, Monsieur Gérard, on tient les murs ?

- Petit con que tu es, je t’en ferais voir moi ! Je plains Maria de t’avoir au quotidien s’exclama-t-il en attrapant ses petites lunettes.

- Cesse donc de grogner ce n’est pas bon pour ton vieux cœur fatigué, et un peu de gentillesse c’est mon anniversaire aujourd’hui.

- Quel âge ça te fait alors mon grand ?

- J’ai 18 ans, répondit Tom en souriant, il aimait beaucoup Antoine Gérard, c’était un bon ami de Maria qui venait souvent l’aider lorsque Tom était encore un enfant sans la moindre force.

- Ah ça alors ! Dans ce cas je t’offre ton breuvage, et prend toi un peu de tabac en plus si tu veux mon garçon.

- Merci beaucoup Mr Gérard ! Tom remplit ses poches avec ses achats et repris son chemin vers le quai des armées.

Depuis le départ de la Grande Expédition quelques années plus tôt, ces quais étaient devenus bien tristes, Tom, dans sa jeunesse passait ses journées à jouer entre les canons, les cordages des grands navires. Plus d’une fois les soldats l’avaient attrapé pour le ramener chez Maria ou parfois même à l’orphelinat de madame Color directement. Aujourd’hui cette partie de la baie était vide de tous bâtiments, il ne restait que quelques caisses ici et là.

Il arriva devant un quai gardé par deux soldats assis sur ses même caisses, il les contourna en continuant un peu loin, avant de tourner sec sur sa droite, il escalada un mur de pierre d’environ 2 mètres, une fois en haut il s’accroupie pour ne pas être vu et repris son chemin vers le bout du quai militaire, c’était ici qu’il avait assisté au départ de ses jouets grandeurs natures 5 ans plus tôt.

Assis sur le rebord du mur, tout au bout du quai, les pieds nus dans l’eau. Tom se trouvait à gauche de la baie portuaire, en face de lui il avait la falaise qui surplombait la baie, avec sa cabane à son sommet posé comme un chapeau. Au centre du port à sa droite, il apercevait la place du marché et les nombreux bateaux de pêche amarrés. A l’opposé, la mer Légère et ses reflets faisant briller le grand large, avant de se confondre avec le ciel bleu à l’horizon.

Tom roula un Djoko, une cigarette coupée avec de l’herbe balkanes, le djockos. Mélangé au tabac le djockos avait des vertus médicinales mais pas que, c’était une drogue douce qui apaise l’esprit, le corps entrainant un état second qui favorise le rire, le sommeil et ou le calme selon les individus. Un manque peu se faire ressentir en cas de grosse consommation, entrainant des crises de paranoïa ou des troubles du sommeil. Tom avait l’habitude de dire que l’important c’était de maitriser le djockos et non l’inverse. Et puis, il faut le dire les moins de 30 ans fumaient presque tous dans les villages balkanos, un peu moins en ville, car les habitants étaient plus riches mais dans le quartier du port, il était normal de voir un pêcheur remonté des filets sur la terre ferme, un djoko à la bouche.

Il gratta une allumette, inspira une première taffe, et expira longtemps, comme lors d’un profond soulagement. Il se détendait en regardant les quelques nuages blancs porté par l’air marin traversant le ciel à vive allure. Il imaginait des visages, des animaux à travers leur forme tout en écoutant la mer faire ses vas et viens. Il se mit à réfléchir à l’argent que Maria lui avait donné tout à l’heure, il y avait là une petite fortune pour un jeune homme de la vieille ville. En plus de l’auberge, Tom avait essayé d’autres petits boulots qui l’avait laissé de marbre. Charpentier, cuisinier, pêcheur, dresseur de chiens, chauffeur de charrette, nettoyeur d’étable, bucheron, paysan, des métiers ingrats qu’il n’avait souvent pas su faire plus d’une journée, à cause de ses deux mains gauches, de son égo et de son tempérament têtu. Il n’était pas un travailleur fiable et se faisait régulièrement jeté sans réserve. Tom en rigolait, accompagnant si peu de regret, de quelques jurons envers son ancien employeur. Maria, elle, désespérait un peu plus après chaque échec.

Pour lui son argent revenait à sa nourrice, si ce n’est tout, la moitié de ce qu’il lui restait au moins, pour compenser et récompenser la taulière qui avait été claire avec lui alors qu’il n’avait même pas encore 3 ans. « Je ne suis pas ta mère, et je ne le serai jamais petit ! Mais Chez Maria, personne n’est jamais mort de faim. Tu accompliras des tâches en échange du logis et de la nourriture. Sinon dehors ! »

Enfant il avait commencé par cirer des chaussures, étendre le linge et laver la vaisselle, puis en grandissant ses domaines s’étaient élargi en devenant le bricolage, les travaux en tout genre et les charges lourdes. Les clients réguliers adoraient Tom, il rendait l’auberge plus vivante et plus chaleureuse. Il travaillait dur quand il le voulait mais n’était que rarement motivé. Quand il se mettait à faire des caprices parce qu’il travaillait trop, Maria l’emmenait à l’orphelinat de Parisis, pour qu’il puisse se rendre compte de la chance, de la liberté dont il jouissait et surtout pour qu’il comprenne bien que l’herbe n’était pas plus verte ailleurs.

L’orphelinat de Mme Color s’occupait d’enfant entre 1 an et 16 ans, il devait y en avoir en moyenne une cinquantaine. Tom adorait cet endroit et y venait régulièrement pour rendre service à la directrice qu’il affectionnait presqu’autant que Maria.

L’idée qu’il lui trottait dans la tête étaient de partager son argent entre Maria et l’orphelinat. Tom savait aussi être réaliste et se demandait ce qu’il adviendrait de lui, de sa vie. Il se mit à rêver en tirant sur son djocko, il voulait prendre la mer et découvrir le monde. Et pourquoi pas marin finalement ? Il y avait l’aventure, la mer et la fierté de défendre le royaume. Puis il imagina un général lui donner des ordres, lui dicter les directions à prendre en permanence. Impossible d’en imaginer davantage, c’était déjà trop. Il lui fallait prendre la mer autrement. Un bateau avec un équipage coûtait une fortune. Au moins 50 000 pièces d’or pour un petit navire marchand qui tient la route, c’était loin des 5 000 pièces dont il disposait. Une idée lui traversa la tête, il y songea sérieusement quelques secondes avant de sourire tant elle paraissait absurde, il avait l’air d’un imbécile heureux en pleine rêverie. Une voix grave se fit entendre juste derrière lui.

- Qu’est-ce que vous faites là !

Tom se retourna, pris de panique, il n’avait effectivement rien à faire ici.

- Enfoiré, tu m’as fait peur ! Fit Tom en rigolant.

Ce n’était que Matt, un de ses amis d’enfance avec qui il avait l’habitude de se retrouver au quai des armées pour fumer, boire et passer le temps à parler de tout et de rien. Matt était fin, la peau sur les os et les joues creusées. Sous ses yeux de grosses cernes noires qu’il avait toujours eus, mais elles s’accentuaient ces dernières années sous la charge de travail grandissante. Matt travaillait en construction, sur des chantiers en tout genre. Contrairement à Tom, il savait exactement ce qu’il voulait, une femme, des enfants et une maison. Il avait rencontré sa compagne sur les bancs de l’école avant de quitter l’établissement pour le monde du travail, elle, avait continuer pour devenir institutrice. Les deux garçons avait le même âge mais leur situation semblait si différente, l’un fondait un foyer, l’autre pas grand-chose.

Matt avait toujours su ce qu’il voulait et restait déterminé dans la poursuite de ses objectifs. Tom, de son côté n’en avait pas vraiment. Lui, il rêvait de terres lointaines, de femmes inconnues, ses idées était enfaite en perpétuel mouvement.

Les deux amis restèrent assis là toute l’après-midi, à parler des dix prochaines années, d’amour et de projet. Matt ne jurait que par la loyauté et la méritocratie, sa femme avait mérité son amour et sa confiance à travers les années. Tom avait bien un penchant pour une fille, de la ville qui plus est. Il ne l’apercevait que de temps en temps, à vrai dire, elle n’était pas du même monde, d’un rang beaucoup plus noble. Dans les veines de sa dulcinée coulait un sang bleu royal.

- Arrête un peu de rêver mon pote, tu ne lui as jamais parlé et elle ne sait même pas que tu existes ! Lui lança Matt en rigolant, il le pensait vraiment et il n’avait pas totalement tort.

- Tu ne l’as vu que deux fois dans ta vie en plus, reprit Matt avant de se remettre à rire.

Tom le savait bien et justement, c’est ce qu’il lui plaisait dans cette histoire, le fait d’avoir le droit d’en rêver. Le fait même de ne pas avoir essuyer de refus, laissait place à de grands espoirs naïfs dans son cœur. Il était tombé fou amoureux de cette fille, le coup de foudre disait-il. C’était il y a 4 ans, lorsque pour ses 14 ans elle avait été aperçue à l’un des balcons du château blanc pour être présentée au peuple de Parisis d’abord, puis au monde entier. Tom alors âgé du même âge, à un jour près, aurait tant voulu l’épouser, elle resplendissait autant qu’elle lui apparut familière. Comme à porter de main, comme s’il l’eut connue depuis toujours et tout cela, il l’avait vu à plus d'un kilomètre de distance. Peut-être s’était-il emballé, tout en embellissant la réalité et ses souvenirs de ce fameux jour.

Tom en hauteur, assis sur le bras gauche de la majestueuse statue de Dushan DiSavochi-Parisis 1er, fondateur de Parisis, qui trônait sur la fontaine de la Grande Place. Juste en dessous des grandes murailles portant le balcon du roi, duquel il présenta sa fille dans l’espoir de trouver un prince digne de la belle Louise DiSavochi-Parisis. Chaque année depuis ce fameux jour, à chaque anniversaire de la princesse Tom grimpait la statue et lui criait qu’elle devait l’attendre parce que lui, il l’aimait vraiment.

Elle aurait pu l’entendre ou le voir si toute la ville n’avait pas été autour de lui, si la grande place n’était pas noire de monde à chaque apparition de Mlle DiSavochi-Parisis. De là-haut, il n’était qu’un point noir parmi la foule mais qui sait ? Peut-être l’avait-elle remarqué, ce jeune homme debout sur la statue de son ancêtre, peut être que sans le connaitre elle le maudissait déjà pour son insolence des bas-fonds.

Tom connaissait bien l’un des cousins de la princesse mais ça ne suffisait pas pour espérer la rencontrer. Lio, un enfant de la famille royale qui trainait avec la bande de la cabane, les bouseux de la ville. Les beaux vêtements, les costumes, les robes, la cour, les jardins du château et surtout les enfants de noble lui tapait sur le système. Alors, souvent il fuguait pour aller retrouver les « rats des villes », c’est le nom donné par ses parents à ses amis des bas quartiers. Ce qu’il le dérangeait n’était pas tant le fait de posséder autant de richesses, car il aimait l’idée de ne pas être inquiété par l’argent comme pouvait l’être ses amis. Non, le problème était dans le mépris de classe. La manière qu’avaient ses pairs d’interagir, de mépriser ceux qui n’avaient pas eu la chance de ses enfants nobles comme si chacun avait choisi de naitre dans sa famille respective. Concernant Lio, il était grand et fin, les cheveux bruns, longs et bouclés, le regard noir posé sur un visage à la mâchoire carré habillée d’une moustache légère. Il ne souriait plus depuis qu’il avait été en âge de comprendre les inégalités de ce monde, cela, ajouté à d’autres déceptions qui nous viennent tous plus ou moins tard, tout cela avait fait de lui quelqu’un de vrai mais froid, un être glaciale même. Il détestait les tout-puissants, mais encore plus ceux qui se pensait pure alors que rempli de vices et de méchanceté. Dans les familles nobles, il est souvent question de savoir qui est le plus beau, le plus sportif, le plus courageux afin de transmettre les terres, les richesses et le Pouvoir créant une atmosphère malsaine au nom de la compétition.

Certaines familles, certains cousins et même des frères et sœurs se faisaient la guerre depuis des générations entières, alors que pourtant tous mangeaient déjà bien à leur faim mais à trop en avoir, ils en voulaient toujours plus. C’est très humain après tout. Le plus triste c’est l’Humanité qui s’érode à ce jeu-là, elle se juge et se déteste, se renferme et craint son prochain plutôt que de lui tendre la main.

Après avoir parlé d’amour et autres pendant des heures, les deux amis virent les deux soldats qui surveillaient le quai venir vers eux, en un regard les jeunes se sourirent avant de se séparer en se donnant rendez-vous à la cabane le soir même avec les autres.

D’un bond les deux se levèrent, c’est là que les soldats se mirent à crier.

- QUI VA LA !? Ce quai est réservé à l’armée, arrêtez-vous tout de suite !

- Nous allons faire feu ! Reprit le second soldat en faisant un tir de sommation.

Les deux jeunes un peu pompette prirent un malin plaisir à semer les deux soldats, celui qui poursuivait Tom, était un gros balourd, qui fut rapidement distancé entre les pêcheurs et les marchands du vieux port. Les soldats connaissaient Matt et Tom de vue mais pas de nom, pour eux ce n’était que de pauvres orphelins parmi les autres, de jeunes canailles presque attachantes. Matt retourna à son chantier sans encombre et Tom reprit son chemin au gré du vent. En passant sur la Grande Place, il s’arrêta sur le bord de la fontaine, roula là quelques cigarettes pour plus tard, les rangea dans son étui avant d’en allumer une.

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