Chapitre 28

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Quand je ramène Alice chez elle, sa mère sort tout juste de sa voiture, et on reste discuter un peu dans l’allée qui mène à sa maison. Pas longtemps, et je refuse poliment lorsqu’elles me proposent de rester manger. Je n’ai pas envie de forcer le destin.

Je rentre chez moi le cœur un peu plus léger. J’ai perdu cette impression de me servir de Alice en me montrant franc envers elle, et ça me fait du bien. Lista m’envoie un message pour me dire qu’elle ne peut pas aller courir, comme tous les soirs depuis qu’on s’est embrassé. Je commence à m’étonner qu’elle insiste à me prévenir, comme pour me rappeler qu’on a fait une connerie.

N’empêche que, la connerie, je ne la regrette qu’à moitié. Je ne regrette pas de l’avoir embrassé, c’était magique. Mais j’aurais pu me passer de cette gêne qui s’est instauré au matin.

Je vais courir tout seul, en évitant les rochers. La musique à fond dans mes écouteurs, je cours jusqu’à vider ma bouteille d’eau, et manquer de souffle. En rentrant, je suis crevé, et je m’endors rapidement. Je rêve de vagues qui s’écrasent contre la roche, de souffles chauds au milieu du vent froid, et du regard fuyant de Lista. J’ai un arrière goût désagréable dans la bouche quand je me réveille à la sonnerie de mon téléphone.

Juste au moment où j’entre dans la voiture pour attendre Lista, je remarque son message, datant de la veille, après que je me sois endormi, qui me dit que Jérémy et elle vont prendre le car aujourd’hui.

Je sens d’ici les emmerdes arriver.

Le trajet jusqu’au lycée est trop silencieux à mon goût. Quand j’arrive, il n’y a que Audra qui est présente. Je la rejoins, et on discute un peu. Je ne mentionne pas mon rencard avec Alice, parce que, au fond, ça ne la regarde pas, même si ça m’a enlevé une épine du pied qu’elle lui parle de la « façon dont je regarde » Lista.

Je regarde de loin ma voisine et ses amis sortir du car quand il arrive. Même d’ici, je peux voir son grand sourire. Jérémy, lui, sonde le parking du regard, cherchant quelque chose. Il s’arrête une seconde sur moi avant de passer à autre chose, mais c’est suffisant. Il y a anguille sous roche, et ça me plaît pas beaucoup.

La mâtinée n’est pas très longue. Comme d’habitude, je reste seul la plupart du temps, et je me concentre. Une interro de philo me maintient l’esprit concentré pendant deux bonnes heures, et quand je sors de la salle je suis assez fier de la copie que j’ai rendu. À l’heure du déjeuner, je mange avec Audra et le reste de sa bande. Ils sont tout excités.

— Qu’est-ce qui se passe ? Je demande en posant mon plateau sur leur table.

— J’ai réussi à avoir des places pour le concert des Jaguars de Gévaudan, dit Déborah. J’ai passé tout mon samedi à faire la queue pour ça.

— Les Jaguars de quoi ?

Toute la table me regarde comme si je venais de parler en martien. Déborah s’emploie à m’expliquer que les Jaguars de Gévaudan sont un groupe de musique, ou comme elle l’appelle : « la meilleure chose qui soit arrivé dans cette région dans ces deux dernières décennies ». Leur attitude explosive me fait rire.

Les choses se passent bien jusqu’au cours de sport. Quand on forme les équipes, Charlie et Antoine viennent tout de suite me voir. Leur regard et leur attitude n’ont pas changé, ce qui me rassure un peu. Peut-être que je m’imagine des trucs, et qu’il n’y a pas de problème avec leur bande.

Notre équipe gagne sans problème la plupart des parties, et je rejoins le parking avec eux. Je suis en train de rigoler à une histoire que raconte Antoine quand je croise le regard sombre de Jérémy. Aussitôt, mon esprit s’alourdit d’un poids désagréable. Je m’éloigne vers ma voiture, et dès que je suis hors de vue de ses amis, il fonce vers moi et me pousse, le regard menaçant.

— T’as du culot de parler à mes potes après ce que t’as fait.

Il balance ça d’une voix méprisante. Je sens ma mâchoire me serrer, mais m’oblige à ne pas répondre.

— Fais pas l’innocent, insiste-t-il. T’es vraiment qu’une pourriture.

Là, il commence à aller un peu loin.

— Elle t’a raconté ?

— Bien sûr qu’elle m’a raconté. Lista est fidèle, elle ferait pas de mal à une mouche. Elle sait ce qui est le mieux pour elle.

J’ai l’impression qu’il parle d’elle comme sa propriété. Ça me donne envie de contre-attaquer, de la défendre. Mais je sais qu’à ses yeux, et pour toutes les personnes à qui il le dira, ce sera moi le connard. Peut-être que c’est le cas.

— Écoute, dis-je, je suis désolé. J’aurais pas dû…

— C’est clair, et tu feras plus rien. T’approche pas de ma meuf, OK ?

Son ton me tape sur les nerfs, et à mesure qu’il s’approche de moi, je sens l’adrénaline me secouer.

— C’est pas comme si je l’avais obligé à quoi-que ce soit.

Je regrette aussitôt que les mots franchissent mes lèvres. Ça va clairement retomber sur la tête de Lista, et c’est bien la dernière chose que je veux. Jérémy fulmine, il sert les poings comme s’il se retenait de me fiche un coup.

— T’approche plus d’elle, se contente-t-il de dire. Où tu vas le regretter.

Il se retourne et part à grands pas furieux vers les cars. Je ne desserre pas la mâchoire. Je me débarrasse du trop plein d’adrénaline en frappant contre le toit de ma voiture. C’est en voyant la carrosserie s’abîmer que je finis par arrêter, et je pousse un cri rageur. Ça me donne envie de vomir.

Je n’attends pas de me calmer avant de mettre le contact, et à plusieurs reprises sur la route j’ai l’impression que je vais emboutir la voiture qui me devance. Je me gare de travers et rejoins la dépendance en évitant d’alerter mes mères.

C’est vraiment la merde, putain !

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