Chapitre 12

5 minutes de lecture

Je me réveillai avec la tête qui cognait atrocement. Je gémis un moment en pestant d’avoir bu un peu trop de cocktails hier soir. Je ne pensais pas que le goût des fruits masquerait autant l’alcool que ça. Du coup, j’en avais abusé et je le regrettai amèrement maintenant. Je jetai un coup d’oeil à l’heure, au moins j’avais du temps avant de partir au travail, je roulai précautionneusement hors de mon lit. La main gauche me tenant la tête, j’allai dans ma cuisine pour me préparer un petit remède contre la gueule de bois. Je m’assis dans mon canapé pour me remettre peu à peu. Plus tard, je me forçais à grignoter même si je n’avais pas faim. J’étais sur le point de partir prendre une douche pour me remettre les idées en place quand je vis une enveloppe marron devant ma porte. Quelqu’un devait l’avoir glissée dessous.

Je me tins là, sans bouger pendant plusieurs minutes. L’alcool embrumait toujours mon cerveau mais ce fut plutôt le fait de voir une vraie enveloppe, sur mon parquet, qui me déstabilisa. C’était la première fois que j’en voyais une. Le papier coûtait tellement cher, quasiment personne n’en utilisait. Je fis quelques pas, saisis l’enveloppe et l’ouvrai. D’autres feuilles se trouvaient à l’intérieur. N’étant pas habituée, je me coupai l’index en voulant les prendre. Je suçai mon doigt un peu mais je le laissai retomber en voyant la feuille.

Je titubai jusqu’à mon canapé et chutai dedans. Sur la première page, on voyait une photo de moi, telle que j’étais habillée hier, dans la rue. Une cible rouge entourait ma tête. Sur la page suivante, on me voyait quitter le travail avec Pox. Une écriture rouge en lettres capitales disait : “ UN MOT À LA POLICE ET POX MEURT”. D’une main tremblante, je lâchai la photo pour découvrir la suivante : c’était ma mère en blouse à l’hôpital. “OU BIEN LE DR CASTIGLIONE”. Et ça continuait avec mon père. On me voyait aussi avec Pox à la sortie de notre bar hier soir. La dernière me montrait en pyjama, sur le point de rejoindre mon lit. “JE TE SURVEILLE KAYLIN”.

Je lâchai les photos qui s’étalèrent sur le sol. Le brouillard de l’alcool avait totalement disparu à cause de la montée de stress qui faisait battre mon cœur à tout rompre. J’essayai de récapituler mentalement : ce type connaissait mon apparence, mon nom, celui de Pox et mes parents, mon lieu de travail et celui de mes parents, mon adresse... Vu la tenue que j’avais sur ces photos, elles ne dataient que d’hier. Rien n’indiquait la raison de sa fixation sur moi. Un admirateur secret aurait fait des petits cœurs autour de ma tête plutôt qu’une cible. Enfin, peut être. Ce type n’était évidemment pas sain d’esprit.

Une petite voix me fit remarquer que tout ceci était bien pratique. Un cinglé commençait à me suivre et me menacer dans la semaine où mon enquête sur la Castle Bank m’avait menée jusqu’au réseau de Conglomérat Energies. Ces deux événements ne pouvaient être que liés. J’étais vraiment sur le point de découvrir quelque chose. Il allait me falloir des preuves pour dénoncer la Direction Générale du Conglomérat pour confirmer mes soupçons. Et ça voulait dire que j’allais devoir continuer, sous la surveillance de ce dégénéré. Est ce que ça en valait le coup ? Mais rien ne disait qu’il arrêterait si je ne faisais rien. Je pris la décision de continuer. Il me fallait des réponses. Je commençai par ramasser les photos, que je jetai dans un tiroir. En passant devant la fenêtre, je tirai les rideaux. Je fis pareil dans toutes les pièces. Au moins, ça l’empêcherait de me prendre en petite tenue.

En allant au travail, je ne pus m’empêcher de regarder derrière moi à plusieurs occasions mais évidemment, je ne vis personne qui sortait de l’ordinaire. Comme si mon poursuivant allait avoir une flèche rouge clignotante au dessus de lui m’indiquant sa position.

  • Ça va ? me demanda Pox dans notre bureau. Tu as l’air bizarre.
  • J’ai trop bu hier soir... fis-je avec un mouvement de la main pour lui demander de ne pas insister.

La journée se passa sans encombre. Enfin si, mon esprit avait divagué un moment, me demandant si je ne devais pas prévenir quelqu’un discrètement et j’avais mis une bonne demi-heure à me calmer. A la fin de la journée, j’avais filé en trombe, prétextant une course à faire, pour rentrer rapidement me mettre à l’abri. Aucune enveloppe n’était en vue pour le moment. Je soupirai. Si tout ceci ne pouvait être qu’une mauvaise blague…

Vers le milieu de la nuit, je fus réveillée par mon ArmScreen qui vibrait. Quelle idiote, j’avais oublié de le déconnecter avant d’aller dormir. Je ramenai mon poignet vers moi pour le faire quand je vis la notification “Exercices de cryptographie avancée”. Je me relevai d’un bond. C’était le hackeur de C. Énergies qui bougeait enfin ! Je me précipitai devant mon bureau et allumai mon terminal personnel. Je transférai le programme chiffré de mon ArmScreen. Des lignes de code incompréhensibles s’affichèrent sur mon écran holographique. Je rentrai mon mot de passe pour les déchiffrer. Je me retournai, saisis ma couette et m’enroulai dedans le temps de l’opération pour conserver la chaleur de mon sommeil interrompu. Il y avait peu de lignes à lire. Il venait de s’introduire dans le réseau.

  • Montre-moi ce que tu viens faire… murmurai-je à l’écran.

Le hackeur allait dans la partie qui contrôlait les systèmes de gestion des stocks d’énergie de la ville. Il ouvrit une fenêtre pour commander un transfert d’énergie vers un autre entrepôt. Sauf que le code de destination m’était totalement inconnu. Tous les systèmes de la ville étaient désignés avec un court code d’identification et ils commençaient tous par OR, comme Oreley, le nom de la ville. Et ce n’était pas un petit transfert ! Je m’étranglai en voyant le nombre qu’il rentra : 350 millions de tonnes d’énergie. Ça devait bien représenter la moitié (au moins) des stocks d’électricité de la ville. Et le tout était restocké dans un entrepôt labellisé NY-PW-STG-OR. Le nom était assez clair, PW-STG signifiait power storage ou stockage de l’énergie. Un entrepôt dédié à l’énergie d’Oreley… Et il était situé dans un endroit dénommé NY. Qu’est ce que c’était que ça ?

Une fois son transfert effectué, le hackeur referma toutes les fenêtres et s'apprêtait à quitter le réseau de Conglomérat Energies. Je fis craquer mes doigts pour me préparer. Il fallait que je découvre sa position, j’aurai plus d’indices. Ma fausse porte lui colla un mouchard alors qu’il en sortait, je fis tout ce qui était en mon pouvoir pour le suivre. Mais il était rapide. Il sautait de routeur en routeur dans les réseaux des différents quartiers, je faillis le perdre quand un pare-feu essaya de bloquer ma connexion. Je m’en débarrassai le plus rapidement possible et je le rattrapai. Je lançai un programme pour récupérer ses données et c’est alors qu’il disparut tout simplement. Il ne s’était pas déconnecté et n’était pas arrivé quelque part. Il s’était juste...volatilisé… C’était arrivé à la bordure du quartier Est. Et dans la direction où il allait, on aurait dit qu’il allait quitter la ville mais c’était impossible…

Je m’assis au fond de mon siège, dubitative. J’avais juste réussi à enregistrer son identifiant : NY-CDG-298.

Annotations

Vous aimez lire Shagya ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0