Pleine Lune 1/2. Je ne suis pas seule.

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Je vois beaucoup de chats noirs depuis le début de la semaine. C'est signe que c'est bientôt la pleine Lune... Mon corps frissonne d'exaltation en attendant la nuit fatidique, une chaleur m'emplit le bas-ventre. Les ouvrages occultes sur mon lit et les bougies entamées de mon bureau me chuchotent ; demain, demain... bientôt, très bientôt... Cela me rappelle des souvenirs du début, le tout début.

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J'ai des ancêtres Sioux. Mon prénom, Nahimana, signifie Mystique. Malgré mes origines, je suis bien adaptée au monde. Je travaille dans une bibliothèque. Un soir, en rangeant un livre dans l'étagère appropriée, j'ai lu le mot magie inscrit. Le livre que j'avais dans les mains s'intitulait Magie Noire et Magie Blanche. J'ai enclenché la douce sonnerie qui annonce la fermeture de l'établissement. Après m'être assurée qu'il n'y avait plus personne, dans un coin où je pouvais désactiver l'alarme, j'ai lu le livre. Il m'a fascinée, envoutée. Je me suis mise à la recherche de la magie ancestrale Sioux. Peu de livres m'ont donné ce que je cherchait. Alors, j'ai tout remis à leurs places et je suis partie, en prennant soin de refermer les locaux. Le dernier bus étant passé, je marchai jusqu'à chez-moi. Je passai alors devant un cybercafé. N'ayant pas Internet, faute de moyens, j'ai pensé que je trouverais bien quelqu'un qui m'aiderait. Malheureusement, personne ne voulut partager son écran... Tant pis, j'utiliserais un ordinateur de la médiathèque, malgré que toute utilisation personnelle soit proscrite.

Le lendemain, j'attendais la pause de midi pour commencer mes recherches. Personne ne vint me déranger. Sachant l'imprimante libre, je lançais l'impression des documents dont j'avais besoin. Je pris le temps d'enlever toutes traces de recherches, sans quoi je serais virée. Avec hâte, je récupérais les feuilles crachées par la machine. Je les comptais pour n'en oublier aucune, de peur de perdre mon emploi.

De retour dans mon petit appartement, je fus de nouveau émerveillée par ce que je lisais. Invocations, Guérisons, Communication avec diverses formes surnaturelles et naturelles (presque)... Le monde de l'Occulte. J'ai mené mes experiences personnelles et reproduit certaines déjà existantes. J'ai appris à manier les éléments et toutes sortes de choses incroyables. Je pensais être la seule à pratiquer encore ce genre de choses. La plupart des gens ont peur pour leurs âmes, ou trouvent ça ridicule, stupide et vain. L'avis des gens m'importe peu. Je ne pensais pas que ça allait me mener si loin...

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Certains ont eu vent de mes "capacités" et viennent pour me demander un service. Ceux-là, ils payent bien. Mais il y en a qui arrivent pour me hurler dessus, me balancer de l'eau bénite, dire que je blasphème, profane, et tant d'autres mots du style... Je n'ai pas de religion mais garde un respect sacré et profond pour Wakan Tanka. Les nuits de pleine Lune, comme celle de demain, je me retiens de les maudire et de leur faire du mal dans leur sommeil.

Etrangement, la Magie Noire est plus accesible et manipulable que la Blanche. J'arrive à faire une chose extraordinaire ; je fait de la Magie Grise. C'est à dire que j'effectue des sorts de Magie Noire et leur donne une propriété bénéfique, en les mêlant avec des sorts secondaires de Magie Blanche, plus complexes.

Pour je ne sais quelle raison, ma mère a toujours voulu que j'apprenne le lakota, la langue siouane. Je dois reconnaître que pour ce genre de pratique, cette langue m'est très précieuse. Plus fluide mais plus douce et calme que l'anglais, la Magie m'obéit plus facilement.

L'étoile à cinq branche, dite satanique, est réelement utile. Les bougies aussi ont leur importance de même que les livres. Ce sont les trois éléments essentiels, en plus de la personne. Par contre, les rituels de sacrifices et autres coutumes bizares ne servent à rien, ce sont juste des mensonges proférés par ceux qui croient s'y connaitre. L'art occulte de la Magie n'a plus de secrets pour moi.

Ce soir, je dois bien dormir, car demain, ce sera nuit blanche.

Plusieurs de mes collègues me trouvent tendue, pressée et désagréable. Pas étonnant, vu ce que je prépare pour ce soir. Il y a cependant des nuances dans leurs propos, je ne suis pas tendue, mais terriblement exitée, pas pressée mais irrévoquablement impatiente et enfin je ne suis pas désagréable, je dirais plutôt que je suis exécrable ! Elles ont mis ça sur le dos de la fatigue et de problèmes féminins. Rien que dans la matinée, j'ai ingurgité des litres de café, ce qui a fait que mon tempérament était aux extrêmes. Dans mon état, la patronne m'a renvoyée à l'appartement pour me calmer. Elle ne sais pas qu'elle m'a rendu un fier service !

Avant de tout préparer pour la soirée, je me suis installée devant ma boule de cristal au verre turquoise, tenu par quatre griffes en argent, maintenu par un socle du même métal serti de grenats mandarins. Le ciel sera dégagé, sans nuages. Rien ne me troublera, ni personne. Furtivement, une ombre bleu nuit passe. J'observe la vision. Une étoile à cinq branches violette, luisante, délimitée par un cercle de même couleur. Leurs toges noires encapuchonnées ont les reflets violacés du symbole. Il me semble que ce sont des femmes, à en juger par les cheveux qui sortent de la capuche. Un nouveau frisson me traverse ; et si je n'étais pas seule ? Ce n'est pas les bras tendus qui peuvent m'indiquer qui est présent. Brusquement, une boule blanche irisée de violet emplis le bleu azur de ma boule et illumine la pièce avant de se résorber. Simultanément, je tombe de mon tabouret, inconsciente. Ce n'était pas prévu...

Revenue à moi, je mène mes recherches sur ce groupe. Une étoile violette... pas commun ! Au détours d'une page jaunie, un titre attire mon attention : Litith ou Satan en violet. Bien évidemment ! Etoile rouge pour Satan, violette pour Lilith... Je poursuis ma lecture. Les filles de Lilith peuvent être plusieurs groupes différents. Certains prônent l'égalité des sexes, certains cherchent à invoquer Lilith ou son époux, Satan, d'autres encore, ont des fins plus obscures et parfois inconnues. Bien entendu, ce livre parle de Magie et nous allons nous intéresser à ce deuxième et troisième groupe, souvents communs. [...] Ces femmes se réunissent tous les soirs de pleine Lune. Elles s'entourent de chats noirs durant la semaine. Si vous en voyez beaucoup, et qu'il y a une forêt proche, c'est sûrement qu'il y aura une réunion. Toutes portent différents pendentifs. On en compte minimum trois principaux, les autres sont personnels et non divulgés.

Le premier, très fréquent, est constitué de trois ovales en forme d'oeil, disposés en triangle et emprisonnant un cercle. Fait en or avec des incriptions en langue inconnue sur les ovales. C'est le plus beau et est considéré comme plus important, c'est pour cela qu'il y en a autant.

Le second, moins utilisé, est un croissant de Lune originellement creux, auquel on a rajouté des entrelacs sans signification apparente. Une gemme blanche opaque pend de la pointe du haut. Fait en or. A cause de la pierre, il est moins courant mais très beau.

Le dernier, rare, représente un arbre dénué de feuilles. Une étoile satanique est posée sur le tronc, au dessus des racines, et est plus large que le tronc. Un cercle entoure le tout. Fait d'argent et le fond de miroir. Aussi magnifique que les autres, cependant trop visible avec sa couleur claire et son étoile bien visible. C'est la raison pour laquelle il est peu porté.

Pour entrer dans ce groupe, il suffit de très bien s'y connaître en Magie, peu importe si elle est Noire ou Blanche. Porter un médaillon est souvent indispensable. Faites vos preuves et participez à une réunion/ invoquation pour être vraiment admis. Remplacer quelqu'un est une solution, certes, mais absolument pas envisageable... Munissez-vous d'une toge noire pour parfaire le tout et vous serez parés. Une dernière chose ; méfiez-vous ! Certains ne savent pas où ils mettent les pieds...

Je referme le livre de cuir noir, renforcé métaliquement aux coins. Une lueur dorée résiste avant de s'éteindre. J'ai tout ce que je voulais savoir. Il ne me reste plus qu'a me préparer et passer à l'acte. Décidément, j'ai de la chance d'avoir été renvoyée chez moi !

Organisation :

1) Me graver à l'encre noire des sceaux me permettant d'effectuer la Magie rapidement pour me faire accepter.

2) Me procurer un pendentif qui aie de la valeur. (Sentimentale ou pas.)

3) Trouver une toge noire à capuche.

4) Dénicher le lieu de rendez-vous dans la forêt.

5) Savoir quand la réunion commence.

6) Réviser mes chants traditionnels.

7) Rassembler tout mes outils et ne pas les oublier en partant.

Bon, au boulot ! J'ai déjà perdu trois précieuses heures en recherche. Il m'en reste donc plus de cinq avant la tombée de la nuit. Je me rend chez un vieil antiquaire qui a repris la boutique de sorcellerie pour amateurs de sa défunte épouse. Je sais comment le convaincre d'accéder à la réserve, où restent entassés des objets qu'il a eu peur de détruire.

Je me rends, à pied, dans sa boutique toujours ornée d'une étoile dorée, apparemment inoffensive. Nommé Les Cinq Points Cardinaux, qui ne sont pas si cardinaux que ça, le magasin est situé en bout de rue, comme mis de côté. La plupart des gens changent de trottoir pour éviter de passer devant. Le pauvre commerçant peine à gagner de la clientèle, malgré le changement total de la marchandise. Trop de rumeurs ont circulées à propos des Cinq Points... Un carrillon clair tinte losque je franchis l'encadrement de la porte.

De sa voix chevrotante Gus me souhaite la bienvenue. Je lui rend la politesse. Son sourire s'affaisse quand il s'apperçoit que je n'accorde aucune attention à sa marchandise mais à lui et son comptoir. Il se racle la gorge avant de me demander d'une voix hésitante ce que je cherche. Simplement, je lui répond que je souhaite récupérer, et d'une pierre deux coups, lui débarasser d'un ou plusieurs objets. Une bataille interieure se mène alors en lui ; partagé entre le désir de se débarasser d'objets néfastes et la peur de leur emplois par la suite s'il me les laissent. Il finit par accepter tandis que je perdais espoir de tirer quelque chose de ce vieil homme. D'un clou enfoncé dans le mur, il décroche, par la ficelle, une clé noire dont le bout est orné, bien évidemment, d'une étoile à cinq pointes. Du bout des doigts, la clé m'est remise. Il s'efface pour me laisser passer. La porte de bois brun à noirci en plusieurs endroits et je distingue des signes, anciennement gravés, qui ont été grattés pour les faire dispararaître. Les quelques marches qui conduisent en bas craquent sous mes pas. De ma poche, je sort une bougie. Les yeux écarquillés, le vieux assiste à l'allumage de ma bougie sans allumettes, juste avec un murmure. Précipitamment il referme la porte, ne voulant pas savoir ce que qui se passe sous ses pieds. Je me retient de ne pas ricanner.

Une toge noire est la première chose que je trouve et je la pose à côté de l'escalier. Je farfouille ensuite dans tous les tiroirs que je vois. Ma chaussure tape malencontreusement contre une boîte. Les genoux essuyants la poussière accumulée sur le sol, je tente de récupérer l'élégante boite de velour rouge, qui a glissé sous une imposante armoire. Une fois dans mes mains, je souffle dessus et la frotte. Le mécanisme s'étant brisé, le couvercle s'ouvre facilement. La pièce s'éclaire d'un éclat argenté, très lumineux. Le troisième collier décrit dans le livre se trouve devant moi. Il est magnifique à couper le souffle. Délicatement, je dépose l'écrin sur le manteau. Au passage, je saisis un livre aux pages jaunies et a la couverture bleue claire et une bouteille d'encre de chine noire et une plume de corbeau. Je récupère le tout et remonte dans la boutique. Sans rien me demander, il annonce un prix, exessivement cher. Tant pis, si c'est le prix à payer. Satisfait, il encaisse avant de me souhaiter une bonne fin de journée. Je retourne à mon logis.

Le livre bleu est l'ancien jounal secret de Magally. Elle se présente sous le nom de Maggy, en précisant que l'anonymat est indispensable dans le groupe. Mon surnom est tout trouvé ; Mystique. Les informations sont semblables à celles du Manuel Sacré, que j'avais lu plus tôt. Elle reste évasive sur les activités réalisées pendant ces invoquations.

Je classe mes affaires ; livres, bougies, deux bâtons d'encens, mon tapis sacrifié (je l'ai gaché en imprégnant le tissu d'une étoile à l'encre indélébile rouge...), l'encre de chine et la plume, la toge, le bijou, une couverture chaude, une boîte repas et une gourde.

Je fourre le tout dans un grand sac et quitte une nouvelle fois mon trois pièces. Les semelles usées de mes chaussures me portent dans le bois qui longe la partie nord du petit village. Dans une clairière, au centre du bois, je remarque des signes sur les troncs et l'herbe est calcinée. Je sais que je suis au bon endroit. La terre à été retournée pour effacer les traces d'un ancien rite.

Je m'enroule dans ma couverture et j'attends la nuit. J'espère sincèrement qu'elles ne viendront pas à minuit... Avec mes doigts, je trace ma propre étoile, de la taille de ma paume. De petits excercices ne peuvent que m'être bénéfiques et puis, cela m'occupe. La nuit finit par tomber, en suivant son cycle. La Lune assiste à mon repas, seule. Alors que j'étais en train de m'assoupir, après avoir perdu la notion du temps, ce n'est pas l'incessante lumière de mon astre favori qui m'éveille mais des bruits de pas et des chuchotements. J'avale ma salive, me relève brusquement.

Je revêt à la hâte l'immense tunique sombre, le collier et mes accessoirs nécéssaires. Je me retiens de gémir d'excitation, j'en bondirais presque de joie ! Une femme, rousse, pénètre dans la clairière suivie par les autres. La Lune presque à son zénith, ne m'est d'aucune utilité pour deviner le visage de la personne qui se tient fermement devant moi. Brièvement, j'explique le pourquoi de ma présence. La réaction attendue, que j'imaginais hostile, s'avère amicale et enjouée de compter un membre de plus. Certaines femmes ont déjà commencé à préparer la terre. D'autres se chargent de raviver les symboles sur les arbres. Les trois Cheffes, triplées, se concertent sur mon sort, pour savoir si je dois participer ou juste être spectatrice. Deux penchent en ma faveur, en raison de mes origines. Jamais je n'aurais crue être acceptée quelque part en raison de mes ancêtres. La dernière abdique. C'est gagné !

Les préparatif achevés, nous nous réunissons en cercle autour de l'étoile terreuse. Ma voisine sort une fiole turquoise et verse le contenu au sol. Un flash violacé m'oblige à fermer les paupières. Quand je les rouvre, les contours de l'étoiles sont d'un violet luminescent. Comme dans ma boule de cristal.

Sans mot dire, nous nous prenons les mains pour former une chaine unie. Dans cette chaine, je prend conscience d'une chose essentielle. Je ne suis pas seule.

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