Chapitre 1: Abby

6 minutes de lecture

- Elle s'appelait Abby, me dit le policier.

Elle s'appelait Abby et elle n'avait que 20 ans.

Nous sommes allés sur le toit, aucun signe de bagarre. La porte n'a pas été forcée, peut-être avait-elle accès au toit. Suicide ? Meurtre ?

Avant que j'arrive sur les lieux, quelques photos ont été prises. Maintenant, ce qui reste d'elle est couvert. J'ai déjà vu à quoi ressemble un cadavre après une chute libre de plus de 15 étages. Ce n'est pas joli du tout. D'ailleurs, j'en avais fait des cauchemars pendant plusieurs mois.

Je passe la main dans les cheveux. Ses parents sont ici, la mère est en larmes et son père hurle que c'est l'oeuvre de Satan. Sa famille la décrit comme une bonne fille sage et très intelligente. La jeune femme et sa famille allaient toujours à la messe le dimanche. Abby faisait partit d'un petit groupe qui prêchait la parole de Dieu. Elle n'avait pas de mauvaise influence, ne buvait pas et ne prenait pas de drogue. La jeune femme n'avait qu'une meilleure amie et elles étaient toujours ensemble. Je prends note d'aller voir sa meilleure amie pour lui poser quelques questions.

- Êtes-vous certain qu'elle ne prenait pas de drogue ?

Son père fronce ses épais sourcils et s'approche de moi. Il fait la même taille que moi. Nous sommes nez à nez, son haleine est horrible.

- C'est l'oeuvre du Diable. Ma fille était une sainte. Maintenant, elle ira en enfer pour...

Il recule d'un pas. Il se plie en deux comme pour reprendre son souffle. Les mains posées sur ses genoux se mettent à trembler. Il gémit des paroles incompréhensibles. Sa femme vient à sa rescousse et les deux s'effondrent en éclatant en sanglots.

- C'est un meurtre, j'en suis certain. Elle ne ferait jamais ça ! hurle le père. Trouvez le coupable ! Trouvez le coupable, trouvez-le !

Me dirigeant vers ma voiture, je me demande pourquoi ses parents sont déjà ici. Qui leur a téléphoné ? Je me retourne vers eux, mais freine mon geste. Ils sont trop bouleversés pour me répondre correctement. Je n'avais pas fait attention à ce détail plutôt... Je prends quelques notes.

Marc, le policer qui m'a dit le prénom de la jeune femme s'approche de moi. Il me donne une petite tape sur l'épaule. Il pourrait être mon père. D'ailleurs, c'est lui qui m'a montré le métier. C'est grâce à lui que je suis devenu inspecteur avant mes 30 ans.

- Petit... J'ai vu ton regard. Évalue toutes les possibilités avant de juger. Je te connais, tu doutes des parents.

- C'est un simple suicide ?

Il hoche la tête.

Le reste de mon investigation n'a pas donné grand-chose. Je vais attendre le résultat de l'autopsie. Les gens du coin n'ont rien remarqué d'étrange. La réceptionniste la connaissait un peu. Abby travaillait au onzième étage. Parfois, elles allaient dîner ensembles, mais la jeune femme ne parlait que de son groupe, de la bible et de Dieu. Les concierges m'avaient assuré que l'accès au toit est interdit et normalement, la porte est toujours verrouillée. J'ai pris les témoignages de quelques personnes qui travaillent dans cet immeuble. Les collègues d'Abby ne la connaissaient pas beaucoup, mais tous disent que c'était une bonne jeune fille et qu'elle n'avait aucun petit ami. Son patron ni sa meilleure amie ne répondent. Il faut absolument que je discute avec les membres de son groupe... ''L'oeil de Dieu''

Rendu au bureau, je lis quelques rapports, j'observe les photographie. Elle était une belle jeune femme. C'est vraiment malheureux. J'aurais les résultats d'ici quelques jours et je pourrais conclure à un suicide. À moins qu'elle aille pris une substance illicite...

La journée est encore jeune, malgré que le ciel soit sombre. Il menace de pleuvoir. Il ne fait pas beau pour une journée d'été. Ça fait quelques jours que le temps est mauvais. Je soupire.

C'est la première fois que je dois enquêter sur un possible suicide. Je devrais faire de Marc mon partenaire. Avant que je décide quoique ce soit, j'attends les résultats.

***

L'oeil de Dieu est un petit groupe de jeunes entre 16 et 22 ans. Ils sont sept, huit quand Abby était vivante. Le groupe n'a pas de lieu précis. Ils allaient souvent chez Abby. Sa maison est grande. Évidement, ils étaient au courant de sa mort et j'ai dû attendre que les pleurs cessent. Il fallait que j'attende l'arrivée des parents des mineurs pour leur poser quelques questions. Ce fut long et pénible. D'ailleurs, j'ai une migraine qui me détruit le crâne.

- Vous savez, m'avait dit Lucia. Abby était notre guide, notre lumière. Sincèrement, je pense qu'elle entendait vraiment la voix de Dieu.

- Dieu lui disait quoi ?

- C'est secret.

- Et si ça peut aider l'enquête ?

Elle avait alors secouer la tête. Son toupet blond cachait maintenant ses yeux.

- Elle s'est suicidée, vous enquêtez pour rien.

- N'est-ce pas un pêché ?

À ce moment précis, Lucia m'avait regardé d'une étrange façon. Elle n'avait rien ajouté. Je l'ai laissé partir. De toute façon, elle n'avait pas tort. Les autres tenaient environ le même discours. Comme les parents, ils présument que c'est impossible qu'elle se soit donné sa propre mort. Belle, jeune et intelligente, Abby avait la vie devant elle.

Par la suite, j'étais retourné chez moi. J'avais besoin d'une bonne douche pour calmer ma migraine. J'avais ajouté des notes. Si c'était un meurtre, j'irais voir Lucia.

***

Couché sur le divan, je me laisse somnoler légèrement. Ma tête va mieux. Cependant, après une journée à poser des questions et ne rien voir de concluant, je me sens un peu découragé. Je doute qu'Abby se soit simplement jeté en bas. Mais je ne fais que spéculer...

À quoi pense une personne qui désire mourir ? Quel est son état d'esprit ? Est-elle heureuse ? Sereine avec sa décision ? Ne pense-t-elle pas à la peine qu'elle peut causer à ses proches ? Abby... Pourquoi as-tu fait ça ?

Le sommeil me rattrape. Mes paupières sont lourdes. Je sens déjà mes muscles se détendre. Je n'arrive plus à résister. Pourtant, il n'est même pas encore 21 h.

J'ouvre brusquement les yeux.

Je ne suis plus couché sur le divan. Je me trouve au milieu de la rue. C'est nuit noire et il n'y a aucune étoile dans le ciel. Certes, il y a peu d'étoiles dans le ciel montréalais, mais il fait terriblement sombre. Aussi, je n'entends aucun bruit.

Je frissonne.

Abby se trouve à quelques mètres de moi. Elle porte une belle robe fleurie. Ses longs cheveux noirs descendent jusqu'à ses hanches. Ses beaux yeux verts expriment une tristesse infinie, mais elle à un beau sourire. Elle s'approche. Ses pieds ne touchent pas le sol, elle flotte... Mon coeur se met à battre la chamade et malgré moi, je reste paralysé. C'est certain, je suis en train de rêver.

Abby est de plus en plus proche.

- Peux-tu m'aider ? J'ai besoin de ton aide... plus personne ne me voit.

Des larmes coulent le long de ses joues, mais son sourire est de plus en plus grand. Sa voix est forte et mélodieuse. Dans son vivant, elle devait avoir beaucoup de charisme.

- Peux-tu m'aider ?

Je suis incapable de répondre. Elle est de plus en plus proche. J'ai l'impression que mes pieds sont enfoncés dans la terre. Ma vision se trouble légèrement et le silence de la nuit me donne mal aux oreilles. Son visage est beau, cependant... Son sourire devient troublant. Des sueurs froides me coulent le long du dos. La jeune femme est à moins de trois mètres de moi. Elle tend le bras, elle va me toucher.

- Peux-tu m'aider ?

Son doigt pointe mon coeur. Cinq, quatre, trois... Abby est impressionnante. J'ai l'impression de regarder un ange. Deux... Elle a amené avec elle la noirceur et un terrible vent froid. Au-delà de ses épaules, je ne vois plus rien et le vent manque de me jeter au sol. Un...

Je me réveille en hurlant. Mon chandail est trempé de sueur. Je me touche la poitrine. Rien. M'a-t-elle touché ? Les lumières de mon salon sont restées ouvertes. Mon verre de vin a été renversé... La photo d'Abby est imprégnée de vin rouge.

Je me lève rapidement et cours vers la salle de bain. J'enlève mon chandail pour m'examiner. Je n'ai aucune marque. Pourquoi je panique ainsi ? Ce n'était qu'un rêve. Je soupire et me jette de l'eau froide sur le visage. Mon coeur bat moins vite, je finis par me calmer. Après avoir nettoyé le dégât, je range la photo de la jeune décédée. Demain sera une autre journée, demain tout ira mieux.

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