Chapitre 2: Suicide

7 minutes de lecture

- Comment vas-tu annoncer la nouvelle à ses parents ?

Je jette un regard noir à Marc puis lance le rapport sur mon bureau. Le médecin légiste a conclu que c'était possiblement un suicide. Elle était sous l'effet de l'héroïne. Aussi, le matin même j'avais réussi à joindre sa meilleure amie: Nouka. En larmes, elle m'avait expliqué qu' Abby tenait des propos troublants quelques jours avant sa mort. Jamais, elle n'a cru en Dieu. La jeune femme avait perdu sa virginité à seulement 13 ans et par la suite, elle avait commencé à boire et prendre de la drogue. Son petit groupe était un simple camouflage. Personne sauf elle était au courant de la double vie d' Abby. C'est cliché, non ?

- C'est fini Dale.

J'avais par la suite demandé à Nouka pourquoi elle n'avait rien dit ou fait. Mais je m'avais trouvé insensible de lui poser ce genre de questions. Annoncer à ses parents que leur fille était suicidaire en leur expliquant qu'elle était tout le contraire de ce qu'ils pensaient... Effectivement, ce n'était pas facile et je ne blâme pas Nouka.

Dois-je vraiment conclure que c'était un suicide ? D'où prenait-elle sa drogue ?

- Dale... Va annoncer la nouvelle aux parents.

- Mais qui lui a donné la drogue ? Comment a-t-elle eu accès au toit ?

- Si elle n'avait pas passé par le toit, elle aurait trouvé une autre façon de se tuer. Quand une personne est rendue à ce stade... Personne ne peut les aider.

Je fronce les sourcils, mais je n'ajoute rien. En ce jeudi matin, je n'ai vraiment pas envie d'entrer dans un argument avec Marc. Même rendu au fond d'un puits, il y a toujours un espoir d'y sortir et de revoir la lumière. Le vieux policier à ses valeurs et j'ai les miennes.

Je passe la main dans les cheveux. Mes cheveux blonds foncés m'arrivent maintenant aux épaules. J'irais peut-être les couper...

Abby se tient derrière Marc. Voyant mon expression horrifiée, il se retourne. Évidement ! Évidement, il ne voit rien, car il se tourne vers moi, les sourcils froncés.

- Quoi ?

Est-ce que je suis en train de rêver ? La bouche grande ouverte, je n'arrive pas à répondre. Je perds la tête...

- Petit ? Que se passe-t-il ? Tu es si blême.

Mais elle ne fait pas peur. Au contraire, elle est moins terrifiante que dans mon rêve. Son visage est impassible et ses cheveux sont attachés en queue de cheval. Elle porte encore sa robe fleurie.

- Je... J'ai cru voir une araignée...

Je me lève précipitamment. Comme hier, je sens la panique monter en moi. J'ai rêvé ou je n'ai pas rêvé ? Étais-je vraiment au salon ? Au milieu d'une rue inconnue ? J'entends Marc m'appeler, mais je ne me retourne pas. Je sens l'air glacial m'envahir, Abby me suit.

- Dale ! s'époumone mon collègue. Tu as vu un fantôme ou quoi ?

J'ai presque envie de rire. Je sais, je dois avoir l'air fou. Mais, je ne peux pas m'empêcher d'avoir peur. Je ne comprends pas, je ne comprends pas...

- J'ai besoin de prendre de l'air.

Je sors du commissariat en vitesse. C'est l'été, normalement il fait chaud. Je suis complètement glacé. Le ciel est gris, comme mon humeur. J'arrive à ma voiture et je réalise que j'ai laissé les clés sur mon bureau.

Personne autour, je décide de faire face à la jeune femme. Aussi belle qu' hier. Ses grands yeux verts exprime de la curiosité.

- A... Abby ?

Elle hoche la tête en me faisant un grand sourire. Ses dents sont blanches et la peau de son visage est parfaite. Prenait-elle vraiment de la drogue ? Ou peut-être qu'à la mort, nous prenons notre plus belle apparence ? À quoi je pense ? C'est ridicule, tout ça ne fait aucun sens...

- Tu es vraiment beau. Dommage que je sois morte.

Ma bouche est complètement sèche. J'entends parfaitement sa voix et elle ne ressemble pas à un fantôme. Je ne vois pas au travers d'elle. Ses pieds touchent le sol comme les miens. Elle me sourit encore.

- Alors, vas-tu m'aider ?

- Je...

Une voiture blanche se stationne près de la mienne. Quelques instants plus tard, Maria y descends. Comme à son habitude, elle boit sa tisane aux fleurs. Originaire du Brésil, sa peau bronzée, ses longs cheveux bruns ondulés et ses généreuses formes sont toujours agréable à regarder.

- Salut Dale ! Ça va bien ? me sourit Maria.

- C'est qui elle ? s'enquit Abby. Ta femme ? J'étais certaine que tu étais célib...

- Non !

- Pardons ? Dale ?

- Ce n'est pas ta femme. L'aimes-tu ? Avez-vous déjà couché ensemble ?

- Mais la ferme !

Maria me regarde avec des gros yeux.

- Dale ! Quel est ton problème ?

Je ferme les yeux et me masse la tête. J'ai l'impression que ma tête est sur le point d'exploser. Ma migraine est revenue et la situation devient trop intense. Abby, laisse-moi tranquille s.v.p ! Tu ne peux pas me parler comme ça... Revient cette nuit.

- Dale ? s'inquiète maintenant Maria.

J'ouvre les yeux. Abby est partie.

- Désolé... j'ai une grosse migraine..., je ne sais pas qu'est ce qui m'a prit d'agir ainsi...

- De toute façon, je suis habituée à tes bizarreries, me dit-elle en riant. Mais tu devrais quand même aller voir le médecin. Tes migraines sont de plus en plus fréquentes.

Effectivement. Depuis quelques mois, j'ai une migraine au moins une fois par semaine. Pourtant, ma vie est aussi banale qu'avant. Je suis peut-être inspecteur, mais depuis quelque temps, il n'y a rien d'excitant. Je n'ai pas à me plaindre. Montréal est tranquille et c'est tant mieux. J'irais probablement consulter.

- Tu as raison... Comment ça se passe avec ta fille ?

Elle a 35 ans et élève seule sa fille de 13 ans. Sa petite devient adolescente et lui fait malheureusement voir de toutes les couleurs.

- Ça se passe... bien, dit-elle en haussant les épaules. Je lui laisse l'intimité dont elle à besoin tout en gardant un oeil sur elle. Ne t'inquiète pas, elle ne finira pas comme cette Abby.

***

Je me gare devant la maison des Moen. Sa mère sera anéantie et son père risque de me sauter à la gorge. Ils vont me dire que c'est impossible et de trouver le meurtrier. Entrer dans cette maison me donne le même sentiment que quand Abby est près de moi. Mes mains sont moites et mon coeur palpite. Ma tête me fait terriblement souffrir. Depuis hier, je vais mal. Je n'ai qu'une envie: aller chez moi.

En sortant de la voiture, je sens mes intestins se broyer. Je cours près d'un buisson et vomi ce qui restait dans mon estomac, pas grand-chose puisque je n'ai pas déjeuné. J'ai à peine le temps de poser les pieds sur le perron que la porte s'ouvre sur Hélène Moen. Ses cheveux semblent plus gris qu' hier et elle est terriblement cernée. Elle hoche la tête et accepte la vérité en silence. C'est étonnant comment une mère peut savoir.

- Entrez, mon mari est encore couché.

Il fait sombre chez eux. Les rideaux ne sont pas tirés et il y a une odeur de renfermée. Il y a une espèce de brume étrange. Je ne distingue pas bien les meubles, leur décoration. Ma nausée a disparu, mais j'ai un mauvais pressentiment.

- Voulez-vous du café ? De l'eau ? Jus d'orange ?

- Non merci Madame Moen.

Nous nous dirigeons vers ce qui semble être le salon. Grande table en bois, plusieurs bibliothèques remplit de livres, un tapis qui couvre la majorité du sol et pas de télévision ou même de radio. La brume est plus épaisse ici, il fait encore plus noir.

- Vous êtes poli, assoyez-vous.

Elle ressemble peut-être à une morte avec ses cernes et sa peau pratiquement grise, mais je ne perçois aucune tristesse ou d'étonnement dans sa voix. Hélène a deviné en me voyant arriver et elle semble accepter... ou peut-être savait-elle que sa fille n'était pas une sainte.

- Mon mari ne pourra pas prendre la nouvelle. La veille, j'avais essayé de lui faire entendre raison... À ses yeux Abby est un ange, mais je vous assure que c'est tout le contraire. Elle pense que je n'étais pas au courant de ses tendances libertines !

- Vous étiez au courant et vous n'avez rien fait ?

- Je vais aller me prendre une tasse de café.

Elle connaissait les tendances de sa fille, mais ne faisait rien pour l'aider ? Hélène semble en colère. C'est possiblement sa façon d'exprimer sa peine. Je ne sais pas comment je réagirais si j'apprenais que ma seule enfant s'était donné la mort. Anéanti, non ? Je fronce les sourcils. Quelque chose me dérange à sa façon de parler d' Abby.

- C'est qu'une salope ! Qu'elle crève !

Je me lève d'un bond. Abby est assise près de moi. Je n'ai pas senti sa présence.

- Je lui ai même dit que j'allais mourir. Comment penses-tu que mes parents étaient déjà sur les lieux de mon accident ? C'est même elle qui a contacté la police !

Abby se lève à son tour. Elle fulmine de colère, sa peau est rouge. C'est difficile de vraiment considérer qu'elle soit morte. La jeune femme semble si vivante !

- Tu vois comment il fait noir ? C'est toujours comme ça ! Parles à mon père... Les Moen sont maudits.

Décidément, j'ai complètement perdu la tête. Les migraines me font halluciner. J'imagine des choses impossible. Il est temps de partir et de clore ce dossier.

Abby était une jeune femme tourmentée. Elle buvait et prenait de la drogue pour s'y échapper. En fait, elle faisait ce que les jeunes de son âge font. Peut-être ne s'entendait-elle pas bien avec ses parents. Mais ça, ce n'est rien d'étonnant. Je ne parle plus au moins depuis cinq ans. Elle est allée sur le toit et sous l'effet des stupéfiants, elle est tombée ou s'est volontairement donné la mort. Cependant, il y a quand même eu négligence. Les personnes concernées seront rencontrées.

Maintenant, je dois partir. J'étouffe.

Hélène revient avec sa tasse fumante. Elle me fait un étrange sourire.

- Abby ne veut pas de mon aide. Elle n'écoute pas cet enfant. Elle ne fait qu'à sa tête !

- Ne l'écoute pas ! s'écrit la jeune femme.

À ce moment précis, un horrible frisson me parcourt le corps. Hélène prend une gorgée et soupire bruyamment. Mes entrailles se broient à nouveau et je peine à respirer.

- Silence Abby ou je te retourne dans les ténèbres.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Gabiboune ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0