Désespoir

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Dans le ciel chargé de lourds nuages sombres, l’on devine à peine l’étoile rougeaude qui, à cette heure et cette saison, devrait s’imposer. Au sommet de la petite colline où Rigon a fait halte, le feu peine à s’exprimer ; le bois humide crépite et expulse des colonnes d’une fumée blanchâtre que le vent bavard fait tournoyer en circonvolutions complexes. Juste au-dessus du campement improvisé grincent les frondaisons d’un cerisier géant. En contrebas, dans la plaine grenat, les hautes graminées s’inclinent en bruissant.

Toutes ces inflexions, à la fois primitives et familières, renforcent le poids de l’infinie solitude et du silence. Elles rappellent à Rigon ces moments où, épuisé par la marche et l’infection qui semble vouloir coloniser sa vieille carcasse, il aurait aimé ne pas devoir supporter les babillages incessants de Choy et Koni. Il avait maugréé tant de fois contre ces jeunes âmes turbulentes — pour peu que la petite androïde ait une âme, mais Rigon a son opinion sur le sujet —, alors qu’à l’heure de ce qui s’apparente manifestement à son crépuscule, Rigon donnerait n’importe quoi pour les entendre à nouveau se chamailler, rire, crier, lui vriller les tympans.

À présent, Choy est retourné à la terre et la gamine file, à une vitesse hors de son imagination (d’après Hiber, il est question avec les cargos interstellaires de jouer au rodéo sur les photons), vers un espace et un avenir lointains. Rigon n’est pas du genre démonstratif, ni particulièrement sensible. Néanmoins, le souvenir de sa petite main tiède dans la sienne, lorsqu’elle décidait de cheminer un moment à côté de lui, lui soutire presque un sanglot ; cette entité étrange tombée du ciel, envahissante et pourtant si fascinante, il ne la reverra plus jamais. Koni s’est arrachée à l’attraction de Luyten, comme elle en avait longtemps rêvé — pour peu que les machines rêvent, mais sur ce point également, Rigon cultive son idée —, et il sera retourné lui aussi à la terre bien avant qu’elle n’atteigne sa destination. Il clamse incontestablement, en compagnie de son isolement, quelque part entre le port impérial et le lac de sel. Peut-être ici, ce soir, sous le grand cerisier.

Rigon ricane puis crache entre ses jambes, chassant les boucles blondes de ses pensées.


Ce court récit compte pour décor l’univers imaginé pour la novella (ou roman, ou pentalogie façon Petit Robert, je ne suis pas encore fixé) en cours d’écriture, dont le premier chapitre est peu à peu dévoilé sur Scribay. Si cette univers attise votre curiosité, je vous invite à jeter un œil (voire les deux) à l’œuvre K.O.N.I.

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