Chapitre 8

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7 semaines plus tard

Nas se réveilla avec le soleil. Fukume dormait encore. Il se redressa lentement, et se dirigea vers le garde manger. Son corps commençait à s’habituer à se lever avec la lumière du jour.

Il soupira. La pièce était vide, et toujours aussi puante, emplie de l’odeur de viande en décomposition. Il sortit bruyamment, espérant réveiller Fukume. Il ne voulait pas sortir chercher des fruits, et si quelqu’un pouvait le faire à sa place il accepterait volontiers. Il attendit quelque secondes et se résolut à sortir.

Il plissa les yeux au contact de la lumière ambiante. L’Amazonie était baignée de la chaleur du jour, et l’air était chargé d’humidité. Ses yeux s’habituèrent vite à l’extérieur. Les couleurs était moins chaleureuses que d’habitude, signe que le ciel était couvert et qu’il allait certainement pleuvoir dans l’heure. Il fallait qu’il se dépêche, les orages tropicaux étaient soudains et violents. Le rouquin s’avança d’un pas pressé à travers l’épais tissu vert. Il marchait à présent pieds nus, ses chaussures aux semelles arrachées ne lui étaient plus d’une grande aide. Il connaissait l’emplacement des arbres fruitiers les plus proches, et il ne lui fallut pas longtemps pour récolter des kiwis et quelques papayes. Le tout pesait lourd, et il peina à les ramener à la grotte. Au moins, il n’y aurait rien d’autre à récolter avant quelques jours. Il pénétra dans la cavité, constatant que la jeune fille dormait toujours.

Il déposa ses trouvailles dans le garde manger et s’assit sur le sol frais, en attendant que la chasseresse se réveille. Alors qu’il patientait, il entendit des gouttes de pluie tomber de plus en plus forts sur les feuillages, et le tonnerre gronder au loin. Il était rentré juste à temps. Fukume émergea du sommeil quelques minutes plus tard, alors que Nas épluchait un kiwi. Elle se leva, vînt s’asseoir en face de lui, lui pris le fruit des mains et croqua dedans. Le jeune garçon soupira, mais il avait l’habitude.

— Heu… Je pensais le manger en fait.

Elle ne répondit pas. Il répétait la même chose chaque matin. Combien de temps déjà ? Un mois, peu être plus. Il ne comptais pas vraiment. Sa vie d’avant lui semblait si loin…

L’école, les devoirs, les parties de jeu vidéo, le handball, les sorties à la plage… Une vie banale en quelques mots. Ici, il lui arrivait aussi de s’ennuyer. Sans jeux vidéos ni internet, difficile de s’occuper. Il aimait explorer la forêt, grimper aux arbres. Faire « un boucan d’enfer » comme disait Fukume. Il lui arrivait souvent de se demander ce qu’il se passait chez lui. On avait sûrement lancé des recherches pour le trouver. Mais était-on toujours en train de le chercher ? Ou les secours avaient ils abandonnés ? Sa mère le croyait-elle mort ? Il y avait tellement d’affaires de meurtres depuis plusieurs années, et il avait disparut depuis assez longtemps pour qu’elle commence malheureusement à envisager cette possibilité. Mais un meurtre en forêt Amazonienne était peu probable. Si on le croyait mort c’était plutôt de mort naturelle. L’idée que l’on puisse le pleurer l’attristait. Il se sentait responsable de la peine que ressentirait ses proches, aussi peu nombreux soient ils, à cause de sa disparition, et ne pouvait empêcher la culpabilité de le ronger. Des personnes qui tenaient à lui souffraient, alors que lui vivait loin de ses responsabilités, avec une fille qui lui était inconnue quelques semaines auparavant.

Fukume… Avec le temps, il commençait à la connaître. Elle n’était pas vraiment méchante. Il ne pouvait pas nier qu’elle était parfois méprisante, et quand elle était tendue ou agacée elle devenait gratuitement désagréable. Mais le plus souvent elle était juste maladroite. Elle ne semblait pas avoir appris la politesse, et n’avait aucune compétence en matière d’interaction sociale. Comme on pouvait s’y attendre de quelqu’un qui vivait seule dans la forêt. Par contre il lui en voulait un peu de ne toujours pas lui avoir rendu son MP3. Malgré cela, il savait qu’elle lui cachait nombres de choses. Ses disparitions nocturnes se répétaient toutes les nuits, et quand elle revenait, elle avait une rangée de trois coupures nettes, profondes et alignées sur chaque avant bras.

Elle savait ce qu’était la musique, le Handball, le foot, un portable, une ville, un robinet… Mais elle ignorait les notions d’école, de club, de trafic (on pouvait rayer l’option du Gang mafieux pour l’origine de sa marque), la loi, et beaucoup de choses concernant la vie en communauté.

Nas était à cour d’idées quand à son origine. Il s’était imaginé plusieurs fois savourant le moment où il lui annoncerait qu’il savait tout ce qu’elle lui cachait, mais à présent il doutait que cela arrive un jour. Sa curiosité le poussait tout de même à essayer d’en savoir plus, et il n’avait pas oublié sa résolution de la rendre plus heureuse.

Il avait déjà essayé de la prendre au dépourvu en lui disant qu’il savait qu’elle ne lui disais pas tout et qu’il voulait savoir. Mais elle ne répondait pas, et sortais son poignard quand il insistait trop. Non pas qu’elle eut l’intention de mettre ses menaces à exécution, mais c’était sa façon à elle de dire que la conversation atteignait sa limite.

Il sortis de ses pensées. La chasseresse s’était levée et s’apprêtait à sortir. Il lui emboîta le pas, il n’était pas contre un petit tour dehors, maintenant qu’il était pleinement réveillé.

Le so éait boueux et la végétation ruisselante, mais la pluie s’était arrêtée. Elle ne durait jamais longtemps. Ils marchèrent un peu, Fukume était attentive au moindre bruit, sans doute à la recherche d’un groupe de singes ou autre animal. Elle avait noué sa tresse qui lui descendait d’ordinaire jusqu’en bas du dos de manière à la raccourcir.

Soudain, elle s’arrêta, interpellée par quelque chose au sol. En s’approchant, Nas compris avec dégoût de quoi il s’agissait. C’était une carcasse d’animal mort. Mais ça n’étais pas tout. L’animal avait été cuit, et sa chaire découpée par une main humaine. C’était sans doute un paresseux, à en juger par la taille des griffes. Juste à côté se trouvait les restes d’un petit feu. La cendre formait un petit tas entouré de pierres disposés ainsi pour limiter l’expansion des flammes.

Une autre preuve manifeste de ce qu’ils avaient découverts il y a quelques jours avec les restes d’un autre feu de camp. Ils n’étaient pas seuls. Et qui que soit cette personne, elle ne semblait pas se soucier de masquer sa présence. D’un autre côté, qui s’attend à faire de mauvaises rencontres en plein cœur de la forêt tropicale ?

Au début, il avait été très enthousiaste. L’idée d’une autre piste pour rentrer chez lui lui avait fait reprendre espoir, et il s’était appliqué à laisser des signes manifestes de sa présence un peu partout. Puis, il s’était rendu compte de quelque chose : Fukume effaçait méticuleusement tout les signes qu’il laissait derrière lui, et avait redoublé d’efforts pour brouiller les traces menant à la grotte.

Il en était arrivé à une conclusion déroutante : qui que soient la ou les personnes présentes dans cette forêt, Fukume en avait peur. Et ça le mettait au plus mal. Avec le temps, il avait remarqué que la chasseresse faisait preuve d’une force, d’une rapidité et d’une agilité qu’il ne connaissait à personne d’autre. Que quelqu’un comme elle ait peur de quelque chose lui glaçait le sang, et il préférai ne pas y penser.

— C’est encore un autre humain hein ? Fit il d’une voix mal assurée.

— Va cueillir de quoi manger.

Son ton était sec et pesant, mais Nas n’avais pas l’intention de lui obéir. Si d’autres personnes étaient là, il voulait en savoir le plus possible sur eux.

— C’est bon je peux rester. J’ai déjà cueillis des fruits ce matin.

Pour toute réponse, la jeune fille sortis son poignard. Mais Nas n’avais pas l’intention de l’écouter. Pas cette fois.

— J’ai dis que je reste ! s’emporta t’il.

La chasseresse plongea son regard froids dans le sien. Elle lui saisi le poignet.

— Vas t-en ! fit elle d’une voix sourde, haussant son ton de plusieurs décibels.

Nas se sentis pris au dépourvu. C’était la première fois qu’il la voyais lever la voix. Cette fois c’était sûr, elle avait vraiment peur. Mais il ne comptait pas céder. Il savait qu’elle ne mettrait pas ses menaces à exécution.

- Non.

Elle le lâcha, le repoussant d’un geste brusque qui le fit vaciller en arrière. Ses iris étaient plus durent que jamais, et le gris profond qui les colorait brillait presque de colère. Elle le toisa de haut en bas, les dents serrés.

- Comme tu voudra.

Elle fit volte face et disparut derrière la végétation.

Nas soupira de soulagement et s’assit près des cendres. Il était tout de même déçu, il espérait obtenir plus d’information en restant. Il remua machinalement les cendres, jeta un coup d’œil autour de lui. Il n’y avait rien qui puisse lui apporter d’informations sur l’inconnu qui arpentait cette forêt. Dépité, il se leva et se dirigea vers la cavité, espérant ne pas y croiser la chasseresse.

Il entrouvrit le rideau de peau et jeta un œil à l’intérieur. Il préférait éviter de croiser Fukume quand elle était d’humeur massacrante. Ce qui se voyait en général très peu par son attitude mais bien plus par ses actes. Elle pouvait ne rien laisser paraître sur son visage mais lui parler de manière autoritaire, lui demander de faire toute les tâches qui lui venaient à l’esprit pour ne pas le voir et ignorer le moindre de ses mots.

Personne. Elle n’était visiblement pas revenue. Il entra, prit un des harpons de fortune disposés dans un coin de la grotte et ressorti aussitôt. Au bout d’une dizaine de minutes de marche, le jeune garçon s’arrêta devant une rivière. Elle était bien plus grande que le cours d’eau situé derrière la grotte, c’était sans doute un affluent de l’Amazone. L’eau était un peu plus claire, et grouillait de vie. Les poissons qu’il pêchait étaient plutôt petits, et il s’était vite rendu compte que le temps passé pour attraper assez à manger en valait rarement le coup, mais cela avait le mérite de le détendre.

Il leva son harpon et scruta attentivement la surface. Les ombre silhouette qu’il percevait étaient bien trop petites, il dû attendre plusieurs minutes avant d’en trouver une de bonne taille. D’un geste vif il fendit l’eau avec le morceau de bois et… Raté. Il dû s’y reprendre plusieurs fois avant de réussir à attraper quatre poissons bruns de taille raisonnable. Le jeune garçon ne savais pas dire à quelle espèce ils appartenaient, il n’y connaissait rien et ce n’était pas Fukume qui le renseignerait là dessus. Ils étaient environ de la taille d’une main, au corps allongé et aux nageoires effilés.

Il repris la direction de la grotte, satisfait. La pêche lui avais permis de se vider la tête même si il ressentait toujours un poids dans le bas de son ventre, par rapport aux évènements de la matinée.

De retour à la grotte, il déposa le fruit de ses efforts dans le garde manger. Il remarqua un oiseau non entamé au milieu des fruits diverses.

Il s’attela à faire sécher la viande de l’oiseau, faute de meilleure occupation. Il y a plusieurs semaines, cette tâche l’aurais ennuyé, mais aujourd’hui il avait cruellement besoin de s’occuper l’esprit. Le jeune garçon détestait que cette présence ne cesse de leur tourner autour, et il détestait que Fukume veuille faire comme si de rien n’était. Et par dessus tout, il détestait être tenu à l’écart.

Il découpait la chaire avec des gestes presque mécaniques. Le rouquin avait l’habitude de cette tâche, et on pouvais dire que c’était un automatisme chez lui.

Durant ces semaines passées « à la sauvage », Nas avais appris beaucoup de choses en matière de survie. Il savait allumer un feu, dépecer un animal, se repérer dans la forêt environnante et se débrouillait plus ou moins à la pêche. La seule chose qu’il ne pouvais pas faire de lui même était chasser. Fukume avait bien essayé de lui apprendre à tirer à l’arc, mais il était simplement trop mauvais, et il était loin d’avoir l’agilité et la discrétion de sa camarade de grotte.

Il avais presque finis sa tâche lorsqu’il entendit les pas félins de Fukume entrer dans la caverne. Il laissa tomber son ouvrage pour la rejoindre. La chasseresse n’avais rien à ajouter au garde manger.

— Mauvaise chasse ? Demanda t’il.

Il savait bien qu’elle avait passé l’après midi à brouiller leurs trace dans la végétation. Il voulais simplement savoir jusqu’où elle avait l’intention de nier son inquiétude.

— Ouais, acquiesça la jeune fille sans conviction.

Nas se leva. Il ne voulais pas en entendre plus. Il alla chercher des bûches les poissons qu’il avait pêché. Fukume se chargea d’allumer le feu. La soirée se passa dans un silence pesant. Si bien que Nas fut soulagé d’aller se coucher.

Il dormis d’un sommeil tourmenté, il se sentait tomber à l’infini et entendais la voix rauque de la chasseresse répéter en boucle : « Ils arrivent. ». Ses cauchemars le forcèrent à se réveiller après à peine une heure de sommeil.

Le jeune garçon écarquilla les yeux dans la pénombre ambiante. Il repris ses esprits, et constata que quelque chose bougeait dans la grotte. Ou plutôt quelqu’un. Son cœur s’accéléra.

Puis, il réalisa qu’il s’agissait de Fukume. Il retînt un soupir de soulagement. La jeune fille quittait discrètement la grotte.

Il lui était souvent arrivé de se réveiller en pleine nuit et de constater l’absence de la chasseresse, mais c’était la première fois qu’il la surprenais sur le moment de son départ.

La jeune fille n’avais pas remarqué qu’il était éveillé. Et Nas ne comptais pas laisser filer cette occasion de la suivre.

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