Hurricane

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"Tell me would you kill to save your life ? Tell me would you kill to prove you're right ? Crash, crash, burn let it all burn This hurricane chasing us all underground"

Thirty Seconds to Mars - Hurricane

CHAPTER 4

Le silence se brisa quand Jamie Bradford prit la parole. Face à nous, les membres confirmés du gang.

Nous étions massés sur l'estrade, où jouait en général quiconque aimait la musique. A ses cotés se trouvaient Kiera, sa femme ainsi que Hunter et sa petite soeur Heather.

Amaya Young balayait l'assistance d'un regard grave, aux cotés de son mari Grant et de leur fille Skylar. Et puis il y avait Nico DaCruz et moi. Deux orphelins.

Nico ne faisait certes pas partie des trois familles fondatrices, il avait une place si importante au sein du gang que son droit de se tenir à notre hauteur n'était remise en question par personne. Son père adoptif était assis au bar, l'air sombre.

Jamie exposait au groupe ce dont on avait discuté un peu plus tôt dans l'après-midi. Lorsque nous étions rentrés de notre petite balade gustative, les parents nous attendaient dans le bureau, et ils m'accueillirent comme si je n'étais jamais partie.

C'était étrange comme sensation. J'avais oublié ce que c'était d'avoir une famille. Bien que je savais que ce sentiment serait de courte durée, je ne pouvais m'empêcher de me dire que cela me manquait.

J'avais été si surprise de leur accueil, moi qui m'attendait à des regards glacés et à une tempête de reproches. Mais bien au contraire. J'étais un membre du troupeau qui revenait après s'être égaré sur le chemin du retour.

Nous fîmes une petite réunion où l'on décida quels sujets aborder et quels sujets taire, quelle version des faits donner à nos frères. Les prémices des changements dans l'organisation du gang se profilaient et je n'en ferais pas partie. Du moins, pas longtemps.

- Sam Clare est décédé hier, Mardi dix-huit Juillet, aux alentours de trois heures du matin, ici même. On vous communiquera plus de détails lorsque nous aurons éclairci les circonstances exactes de sa disparition, mais nous avons conclu à une attaque cardiaque. C'est un grand choc pour nous tous. Une veillée sera organisée dès ce soir, quand nous ramèneront son corps de la morgue et se prolongera jusqu'à demain. L'enterrement est prévu pour demain à dix-sept heures, au Forrest Lawn Memorial, dans le caveau de la famille Clare.

Les dizaines d'hommes et de femmes présents dans la grande salle, acquiescèrent silencieusement. Beaucoup connaissaient mon père depuis longtemps, et même si défier la Mort était un jeu dangereux auquel l'on s'adonnait souvent, perdre un ami était toujours une épreuve. Amaya s'avança et pris à son tour la parole.

- Comme vous le savez tous, il y a trois familles à l'origine de notre gang, mais les Clare ont toujours eu une importance particulière, depuis Cameron et Sarah Clare, nos fondateurs. Aujourd'hui, nous avons perdu Sam, comme nous avons perdu Carmen, il y a quelques années. La dernière Clare, désormais orpheline, est Thalia.

Une partie des membres du gang me toisèrent d'un regard mauvais. Ils ne me faisaient pas confiance, je le lisais dans leurs yeux. J'étais partie, et cet abandon me désignait comme quelqu'un de peu fiable et les rumeurs de la fusillade me collaient toujours à la peau. Cependant, le discours de Hunter m'avait un peu redonné confiance en mon héritage. Je resterais le temps nécessaire, alors autant jouer le jeu jusqu'au bout. Mais deux trahisons auront ma peau. Mon départ prochain signera mon arrêt de mort.

Je m'avançais aux cotés de Jamie et Amaya, en les toisant, amusée mais méfiante.

- Pour l'instant, c'est un comité composé des membres de nos trois familles qui prendront l'essentiel des grandes décisions, jusqu'à ce que le calme revienne. Nous vous tiendrons au courant de toutes nos décisions.

Avisant les visages fermés de certains, je repris :

- Certains d'entre vous n'ont pas confiance en moi. Pour l'instant rien n'a été décidé. Je suis peut-être partie longtemps, j'étais peut-être en désaccord avec mon père sur nombre de sujets, je suis peut-être devenue une étrangère, il n'empêche que je suis ici à présent. C'est mon héritage. Si vous n'êtes pas d'accord, si vous voulez que je m'en aille, dites-le maintenant. Sinon taisez-vous.

Je repris mon souffle :

-Certains n'ont pas hésité à me désigner coupable de cette fusillade. Croyez ce que vous voulez. Les faits ont été établis, allez voir les archives. Le clan Clare perdurera avec moi. Aujourd'hui mes parents sont morts, les espoirs du gang et de ma famille reposent sur moi. Je suis un membre de ce gang, et je le resterais jusqu'à ma mort.

Je laissais une pose de quelques secondes avant de poser mon poing sur mon cœur et de scander la devise du gang "Usque ad mortem".

Un silence pesant pris le pas sur les coups d'œil méfiants, après que tous aient repris mon geste. La réunion se termina après quelques mots de Sky, Hunter et Nico, sur le déroulé de la veillée et des prochains jours. Je restais en retrait, consciente que certains membres du gang n'en avaient pas fini avec moi.

Les problèmes affluaient comme la marée montante engloutissait les étendues sablonneuses. Quelques heures plus tard, après une bière partagée avec Sky, Nico et Hunter sur les hauteurs de L.A, la nuit commença à tomber.

****

Le soleil éclatant en fin d'après-midi contrastait avec les tenues sombres des hommes et femmes réunis dans l'église qui surplombait le cimetière.

Tous vêtus de leurs plus beaux apparats se recueillaient sur les mots larmoyants du prêtre. Les éloges funèbres furent peu nombreux. Seuls Amaya et Jamie prirent la parole. Moi-même, je restais enfermée dans ma bulle. J'étais orpheline désormais. Et même si cela me coûtait de l'admettre, ça me brisait le cœur.

Peu importe l'aversion que j'avais pour lui, mon père restait ma seule famille. Et son assassinat signait peut-être le mien. Au moins ils se seront aimés jusqu'au bout.

J'étais assise au premier rang, en compagnie des Bradford et des Young, exactement là où je me trouvais quelques années auparavant. Nous qui étions une famille si soudée... Cet idéal s'était brisé en millions de fragments quand elle est partie.

"Les familles malheureuses le sont chacune à leur façon". Tolstoï avait parfaitement raison sur ce point, pensais-je en ricanant.

C'était d'autant plus vrai pour mon père et moi. Au lieu de se soutenir, nous avions fini par nous éloigner peu à peu. Nous étions toujours proches mais il nous manquait quelqu'un et son absence était d'autant plus grande quand nous n'étions que tous les deux. C'est cette absence, si présente avec nous qui nous a séparés. Elle nous manquait trop. C'était trop dur à accepter.

Lorsque le cercueil, porté par quelques membres du gang, sortit de l'église, la foule pressa à sa suite. Une grande vague noire sous l'astre ardent.Avocats, notaires, gangsters, associés, tous ceux qui collaboraient de près avec notre organisation étaient venus rendre un dernier hommage à celui qui les avaient guidés.

Heather, la petite sœur de Hunter s'approcha de moi. Ses cheveux roux vifs tombaient en boucles légères sur ses épaules, son chemisier flottait sur elle comme un nuage sombre et elle portait désormais les mêmes Doc Martins à talons que Sky et moi. Elle fêtait ses dix-huit ans cette année. Elle avait bien grandi la morveuse.

Elle me prit la main, les lèvres tremblantes. Ses beaux yeux bleu électrique étaient voilés de tristesse. Mon père était son parrain, ils avaient toujours été très fusionnels. Presque plus que nous à un moment.

Elle aussi, elle souffrait à sa façon.

Lorsque l'on referma la porte du caveau mon cœur se serra. Papa venait de rejoindre ses parents et sa femme qui y reposaient également. Désormais j'étais seule de l'autre côté. Encore plus qu'avant. Et qui sait dans combien de temps cette porte s'ouvrira de nouveau pour y placer le cercueil dans lequel je reposerais pour l'éternité ? Serait-ce demain ou dans dix ans ? Cet avenir me semblait si proche.

Bien malgré moi, une unique larme roula sur ma joue, ce qui n'échappa pas à Skylar. La jeune femme s'approcha de moi, m'enlaçant. Je me sentais si seule, un peu comme lors des premiers temps de ma longue cavale. Près d'eux et si loin en même temps…

Je me dégageais doucement et tournais les talons, traversant la petite foule qui s'écarta, me regardant m'éloigner. J'arpentais les allées du cimetière où reposait des grands noms de Los Angeles avant de rejoindre le parking et ma voiture. La belle DB5 m'attendait sous le soleil de plomb estival. Mon grand-père l'avait achetée aux enchères à la fin de années soixante-dix, bien après la sortie du film James Bond Goldfinger.

Il l'avait laissée pour moi, à qui il avait transmis son affection pour l'univers de l'espion britannique de Ian Flemming. Cependant, c'était une voiture de collection, produite en peu d'exemplaires et surtout, extrêmement chère. Je ne compte plus les dizaines de collectionneurs qui ont un jour, voulu me la racheter pour un prix exorbitant. Mais j'aimais trop cette voiture pour la revendre. Je m'asseyais au volant, allumant une cigarette avant de démarrer. L'atmosphère étouffante du lieu m'oppressait. Dix-huit heures vingt. La fumée s'échappait de l'habitacle par la fenêtre grande ouverte. La route défilait. Ventura Freeway, San Diego Fwy et enfin Santa Monica Fwy.

Une demi-heure plus tard, j'étais assise dans le sable, assez éloignée des badauds, familles et groupes d'amis qui profitaient encore un peu du début de soirée.

J'aimais venir ici. Comme ma mère, le son de l'océan m'apaisait. J'écoutais le bruit des vagues ondulant sous le soleil pour réfléchir, pour me calmer. J'allumais de nouveau une cigarette, relâchant par la suite la nicotine en volutes grises dans l'air doux du soir estival.

J'allais devoir reprendre les rennes du gang. Nous en avions longuement discuté hier avec les autres. Et je ne pouvais m'y soustraire.

Selon la loi du gang, seul le chef peut proclamer son héritier, or mon père était mort. Et J'avais été faite héritière le jour de mes dix-huit ans. Par la suite, Jamie m'avait informée que son ami n'avais pas modifié l'ordre de succession, même après ma trahison. J'étais l'héritière et par conséquent, je ne pouvais me soustraire aux lois du gang tant que je n'en serais pas officiellement devenue la dirigeante.

Alors pour pouvoir partir à nouveau, je devais devenir la cheffe d'un gang que j'avais trahis. Quelle ironie ! Mais si je ne le faisais pas, le gang sombrera puisque personne ne pourrait reprendre légitimement ce poste.

Je soupirais. Je prendrais ce rôle au sérieux le temps qu'il faudra. J'espérais juste que ma présence ici ne les mettrais pas en danger. Mais c'était également l'occasion de trouver qui était cette personne qui me hantait depuis toutes ces années. Cette personne à tuer.

Mon cœur criait vengeance. Mes mains tremblaient. La violence des tragédies qui s'étaient abattues sur moi me rongeaient de l'intérieur. Toute cette rancœur... J'avais beau l'aimer, Los Angeles alimentait mes pires angoisses.

Dix-neuf heures. Le soleil descendait lentement à l'horizon. Dans un peu plus d'une heure, la nuit s'étendra sur la Terre, comme un opaque manteau de velours, constellé d'étoiles.

Je me relevais. Cigarette à la bouche, je quittais la plage. En remontant la rue où j'étais garée, je vis ma voiture entourée de deux hommes d'une vingtaine d'années. Je soupirais avant de lâcher au premier, ennuyée :

- Dégage de devant ma caisse, tu veux.

Le jeune homme brun me regarda surpris.

- Elle est à toi cette bagnole, beauté ? Naaaan, j'le crois pas ! En plus c'est une caisse de collection, t'as pas l'air d'être le genre à avoir les moyens de te la payer.

Je levais les yeux au ciel. Quel abruti ! Je sortis les clefs de ma poche et les agitais sous son nez :

- T 'as ta preuve ? Je connais parfaitement son prix, cretino. Maintenant dégage avant que je te roule dessus, j'ai passé une sale journée, je suis pas d'humeur. ¡Así, no me jodas o te voy a romper la cara!

Les injures en espagnol laissèrent une légère marque d'étonnement sur leurs visages, comme s'ils cherchaient mentalement la traduction anglaise de mes propos. Cependant, je vis dans leurs regards que les deux jeunes n'étaient pas prêts à me lâcher les basques.

Alors j'entrais dans la voiture, jetant mon mégot aux pieds du brun et allumais le moteur. Il se mit sur la route, tapotant contre ma vitre, côté conducteur, pendant que son pote restait sur le trottoir bien sagement. Intelligent ce petit, pensais-je. Le brun commença à parler. Je ne saisis que quelques bribes comme "aller boire un verre", "belle caisse", ou encore "t'es mignonne".

Je soupirais de nouveau avant d'appuyer sur l'accélérateur et de quitter la place de stationnement, ce qui eut pour effet de le faire reculer. Mais qui m'avait fichu des imbéciles pareils ! J'avais faim. Il y avait un japonais non loin d'ici, et j'avais une grande et soudaine envie de ramens.

Vingt et une heure cinq. Après avoir rempli mon ventre de nouilles, j'étais de nouveau sur la route. La Lune dominait la ville, jetant ses reflets argentés dans l'encre océanique. Mais la mégalopole était loin d'être endormie. Moi, malheureusement, je commençais à fatiguer.

Hier soir puisque je n'avais pas d'endroit où aller réellement, j'avais dormi chez Sky, et j'étais allée acheter quelques vêtements plus "classes" pour l'enterrement, en début d'après-midi.

Je m'engageais dans l'allée. Les lavandes sur les côtés diffusaient leur douce senteur. J'entrais la clef dans le loquet. A ma grande surprise, la porte d'entrée s'ouvrit. Moi qui pensait qu'il avait fait changer les serrures !

La maison n'avait pas changé, si ce n'est le silence qui y régnait. Elle était si animée auparavant. Comme si un immense ouragan avait balayé ma vie d'avant, emportant ceux que j'aimais et me laissant dans le silence assourdissant de la solitude. Je montais le grand escalier de pierre blanche et entrais dans la première chambre sur le palier. Tout était comme avant. Ma chambre s'étendait sur deux niveaux : sur le premier se trouvait mon bureau, un canapé face à un petit écran plat, ainsi qu'une immense bibliothèque en ébène.

Les baies vitrées donnaient sur un balcon qui surplombait la piscine et offrait une vue sur la mer, non loin. Un escalier en colimaçon dans le coin de la pièce amenait sur la mezzanine hexagonale où se trouvait mon lit, entouré de dizaines de photos, posters et affiches en tous genres. Cet endroit était le plus haut de la maison et, vu de dehors, on aurait dit la tour d'un château.

J'enlevais mes chaussures et m'y affalais. Les draps sentaient le citron et la lessive, me rappelant mon enfance. Je n'étais pas triste de la mort de mon père. Je regrettais simplement de n'avoir rien pu faire pour sauver ma mère.

La culpabilité, la rancœur et l'amertume me rongeaient à petit feu. Je fermais les yeux, coupant court à mes souvenirs et sombrais aussitôt dans les bras de Morphée.

Insultes de Thalia en espagnol lexique : * "Donc, ne me fais pas chier ou je te casses la figure"

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