Les jeux sont déjà faits 2/2

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  • Je n'aurais jamais pensé que t'aurais vraiment les couilles de venir ici précepteur, dit le Keish en s'essuyant la bouche. C'est que tu dois y tenir beaucoup à ton pion.
  • Alsasccan a de nombreux talents et il m'a prouvé bien souvent sa valeur, mais si je suis ici c'est avant tout parce qu'il me reste quelque chose à finir.
  • Ah, vous avez entendu ça ! s'exclama Bourassa en nous adressant un regard par derrière son épaule. Il fit un pas vers le cheval. Ça tombe bien, gratte-papier, moi aussi j'ai une affaire à boucler.
  • Faites vite, Bourassa, je n'ai pas toute la nuit à mettre à votre disposition.
  • Pas de ça avec moi, professeur. Je ne suis pas un de tes gamins influençables. Je ne sais pas pour quelles putains de mauvaises raisons tu as fait déborder ta petite guerre avec les Juges sur mes plates bandes, mais c'est l'heure de passer à la caisse, Caphaneli. Je viens gouter de la soupe tu es venu me servir et, par la mer des morts, elle a intérêt à être bonne !
  • Ah, fit-il visiblement très amusé, c'est une recette de ton pays, et tu la boiras jusqu'à la lie. Je suis venu honorer une vieille promesse. Et une promesse plus récente.

Disant cela, il se pencha en avant, se mettant dangereusement à portée du Keish. Le temps sembla se figer. Quelque chose de mou tomba sur ma gauche. Mais j'étais trop absorbée par ce qui se jouait devant moi pour y prêter attention. Il chuchotait presque quand il reprit :

  • Une promesse que j'ai faite il y a longtemps à une vieille dame de Basbad'. Tu sais déjà ce dont je parle.

Il se pencha encore un peu plus. Ses lèvres remuèrent lentement. Qu'a-t-il dit ? Grand quelque chose. Grand m'attira ? Une chose était sûre, le Keish Bourassa accusa le choc. Tout en reculant, sa bouche s'ouvrit et se referma deux fois sans qu'aucun son n'en sorte. Il tourna la tête de notre côté, il était livide, ses yeux écarquillés croisèrent les miens puis ceux de Piquiri et enfin d'une voix rauque qui n'était pas vraiment la sienne, il s'écria :

  • Butez-le ! Butez ces rats !

Sortant de la fausse torpeur qui m'avait enveloppée depuis le début de ce curieux échange, j'empoignais ma dague de la main gauche et j'arrivais en grandes enjambées devant le Keish. Il avait perdu toute sa superbe et reculait, un stylet pointé au bout de son bras tendu, tout en fouillant frénétiquement sa chemise.

  • Saigne-le petite ! Saigne-le ! m'ordonna-t-il.

Tout en vociférant, il jetait des regards inquiets vers les bâtisses grises de l'autre bout de la rue mais rien ne semblait perturber leur sinistre calme. Sans arrêter ma course, je ralentis avant d'arriver devant Caphaneli et levai la tête pour capter son regard. Brièvement, il inclina la tête. Je raffermis ma prise sur ma lame, pris de l'élan et bondis sur ma cible tout en me retournant. Dans le même mouvement, je contournai son bras et son arme et plantais ma dague à la base de son cou. Une gerbe de sang m'aveugla à moitié alors que le choc fit tomber Bourassa. Je le suivis dans sa chute et roulai à quelques pas. Je me relevai rapidement et la garde haute mais le Keish, toujours à terre, trainait sur la terre battue en se tenant le cou. En face de moi, ce putain de chien aux mains noires, défait de ses liens mal noués, avait mis Piquiri à genou et entreprenait de l'étrangler avec son propre fouet. Le pédagogue toujours en selle n'avait pas esquissé le moindre geste. Sans danger immédiat, je me jettai sur la grosse carcasse de Bourassa pour le finir. Un porc de moins sur cette terre. Je me relevai, essoufflée, et je détournai les yeux de la face boursouflée de Piquiri. Si je crachai cette fois, c'était qu'une bile acide m'était montée à la bouche.

  • J'ai fait ma part sorcier, vous avez fait la votre ? Vous avez trouvé une protection pour Tysha et Naba?

Caphaneli descendis de cheval et vint s'accroupir près du cadavre du Keish. Il lui arracha le pendentif et se redressa; derrière lui en contrebas on pouvait apercevoir les lueurs de la ville. Je restai en alerte car en lui faisant face, je tournai le dos à son acolyte. J'entendis la chute d'un corps lourd et je fis jouer mes doigts sur le manche du poignard.

  • Danira, elles ne pouvaient pas espérer meilleure protection que toi. Nous nous occupons d'elles en ce moment même, déclara-t-il avec un sourire inquiètant.
  • Enfoiré ! Qui s'occupe d'elles ? Qu'est-ce que tu leur as fait?
  • Du calme, dit-il en se rapprochant, du calme, tu les rejoindras bientôt.
  • Je ne comprends pas un traitre mot de ce que tu racontes.
  • Il n'est pas nécessaire que tu comprennes.

Tout en disant cela, il me lança quelque chose. Je le rattrapai en vol, c'était le pendentif qu'il avait récupéré sur le Keish. Un talisman d'ivoire qui représentait Maguélé, la Reine des Pendus. Tueuse de mage. A cet instant précis, de puissantes mains noires se refermèrent sur mes poignets. En appuyant fortement sur la base de mon pouce, il fit doucement tomber ma dague. Je ruais furieusement mais rien n'y faisait. La panique monta en bouffée. J'avais l'impression d'être pris par et dans le bois-même d'un arbre. Caphaneli avait planté son regard dans le mien et se rapprocher à pas de loup. Je sentis son haleine épicée passer sur mon visage lorsqu'il se baissa sans me quitter des yeux. Il ramassa quelque chose. L'amulette. Il me la passa autour du cou et la noua délicatement. Puis ses doigts virent se placer autour de mon cou. Délicatement, comme une caresse glaciale. Avec une certaine douceur, il me chuchota :

  • Les jeux sont fait Danira. Seules comptent Tysha et sa fille, ne crois-tu pas?

Il resserra son emprise.



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