Chapitre 1

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1 mois plus tard

Après une journée éreintante à courir dans tous les sens, Cathy ne désirait qu’une seule chose : rentrer chez elle. Jamais elle n’aurait imaginé que servir des clients dans un banal petit salon de thé de la capitale serait aussi fatiguant. Enfin elle aurait dû s’y attendre. Toute sa vie, on l’avait préparé au métier de gouvernante, ce n’était pas pour qu’elle termine serveuse. De toute façon, elle venait de décrocher son dernier salaire, alors elle ne le reverrait pas de sitôt. Demain, elle quitterait la capitale pour un long voyage autour du continent.

Cathy était épuisée, cependant, sa journée n’était pas encore terminée. Elle devait d’abord passer au marché acheter le repas du soir et récupérer les derniers besoins qui lui manquaient pour le voyage. Une fois sur place, elle se dirigea directement vers l’étal du vieux poissonnier. Il restait encore quelques maquereaux, et comme c’était la fin journée, ils étaient à moitié prix. Elle était venue pile au bon moment.

« Ma p’tite Cathy ! Comme ça fait plaisir de t’revoir ! Viens faire un câlin à cette bonne vieille relique que j’suis, s’écria le vieil homme en la voyant.

  • Voyons, M. Mézar, vous n’êtes pas si vieux que ça. Je suis certaine que vous êtes aussi agile que dans votre prime jeunesse !
  • T’es gentille ma p’tite Cathy, mais je sais que tu dis ça juste pour me flatter et avoir une réduction sur mon poisson.
  • Qui ? Moi ? Jamais je ne ferai une telle chose.
  • Mais oui, bien sûr mon enfant. On va dire que j’te crois. Toujours pareil ? Un bon maquereau ?
  • Non, deux. Ce soir je compte bien me remplir l’estomac.
  • Ah oui ! C’est vrai que j’ai entendu dire que tu partais. Tu prends quelques vacances ?

Oui et non. Je vais visiter un peu le royaume et les pays voisins avec la fille d’un ami dont je m’occupe depuis quelques temps.

  • Tiens, en parlant d’enfant...
  • Non, M. Mézart, je n’épouserai pas votre fils toujours célibataire, même s’il est un excellent parti.
  • Ma parole, t’es devenue médium ou quoi ? On dirait que tu lis dans mes pensées.
  • Je ne l’ai jamais été, vous me répétez juste cela tous les jours depuis plus de cinq ans.
  • Comprends-moi ma belle, je suis déjà si vieux, j’ai peur de mourir avant de pouvoir tenir dans mes bras mes petits-enfants. Et puis c’est vraiment du gâchis qu’une aussi belle femme que toi reste seule comme ça.
  • Merci, mais non merci. Je préfère garder mon train de vie actuel.
  • Bon, si tu le dis. En tout cas, prends soin d’toi ma belle. »

Le vieillard lui tendit son achat contre quelques pièces de cuivre et Cathy reprit sa route, slalomant entre les nombreuses personnes qui passaient par là et les divers stands de nourritures et d’artisanat, achetant tantôt quelques fruits, tantôt une gourde. Sur le chemin, elle salua rapidement quelques connaissances, discutant de temps en temps un peu avec elles, mais ne resta jamais bien longtemps. Elle s’arrêta finalement dans une petite librairie, “d’Encre et de Papier” comme l’indiquait l’enseigne. Une petite femme rondelette gardait le comptoir, ou plutôt faisait acte de présence puisqu’elle semblait plus intéressée par le contenu de son livre que par ce qu’il se passait dans la boutique.

À part elle, il y avait quatre personnes, une femme et trois hommes, tous concentrés dans leur recherche d’une bonne lecture. Cathy s’approcha du rayon “poésie” où l’un des clients reposait justement un épais recueil avant de sortir sans rien acheter. Elle fit mine de chercher quelques minutes parmi les ouvrages, feuilletant un, lisant la première page d’un autre, avant de se saisir du recueil. Sans même l’ouvrir, elle se rendit au comptoir pour y déposer quelques pièces. La vendeuse leva les yeux de son ouvrage avec un rictus désagréable, de toute évidence énervée qu’on la dérange, et s’empressa d’empocher l’argent après un rapide compte pour retourner à sa lecture. La liste de course de Cathy était complète. Elle pouvait rentrer chez elle, dans son petit logis près de la place centrale.

Cathy n’était pas une personne particulièrement riche ou importante, loin de là. Elle avait certes grandi paisiblement, sans jamais avoir à s’inquiéter de la faim ou du froid, mais c’était uniquement grâce aux efforts de ses ancêtres qui avaient travaillé d’arrache-pied pour élever ne serait-ce qu’un peu leur condition. Ces derniers temps, elle se demandait d’ailleurs souvent ce qu’ils devaient penser d’elle depuis l'au-délà.

Dans sa famille, on était gouvernante de mère en fille, et ce depuis plusieurs générations. Cathy ne faisait exception. Elle aussi avait été gouvernante, une des meilleures même, même si elle avait été contrainte de quitter son poste dû aux récents événements. Pourtant, il n’y avait pas si longtemps, les plus grandes maisons se l’arrachaient pour la faire entrer à leur service.

De bonne humeur, elle ouvrit la porte de son logis en chantonnant gaiement, et posa le panier sur la table où se trouvaient deux énormes valises.

« Je suis rentrée ! » Cria-t-elle, mais le silence fut sa seule réponse.

Un soupir teinté de chagrin lui échappa mais la jeune quarantenaire se ressaisit. Elle ne pouvait pas laisser la tristesse prendre le dessus. Elle devait être forte. Elle se claqua les joues simultanément à deux reprises, tic de sa jeunesse qui ne l’avait jamais lâché, et commença à préparer le dîner. Pour son dernier jour dans la capitale, elle avait prévu un véritable festin, même si elle savait qu’une grande partie du repas finirait dans le ventre des plus démunis. Quitte à ne pas terminer son assiette, autant donner les restes à ceux qui en avaient besoin.

Le dîner prêt et la table mise, elle se dirigea vers la pièce jouxtant sa chambre, pièce qui était autrefois la chambre de ses parents, et frappa trois petits coups. Comme lorsqu’elle était rentrée, elle ne reçut aucune réponse. Elle entrouvrit alors la porte et entra dans la pièce, bien trop sombre pour cette douce soirée d’été. Comme elle s’y attendait, elle n’avait pas ouvert les volets de la journée. Elle était encore restée dans le noir.

Dans le coin de la pièce, recroquevillée sous la couette du petit lit, se trouvait une jeune adolescente au teint pâle et au corps amaigri. Sous les draps, on pouvait deviner qu’elle serrait quelque chose dans ses bras. Quelques boucles blondes désordonnées encadraient son visage. Cathy, un regard empli d’affliction, s’assit sur le bord du lit et, avec toute la tendresse d’une mère, caressa chaleureusement le dos de la jeune fille.

« Lucille, le dîner est prêt. Lève-toi. »

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