Chapitre 12.3 : Fileya

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Puis, Fileya comprit ce qu’elle devait faire. C’était la seule solution qu’il lui restait si elle voulait sortir de cette caverne vivante. Elle devait gagner du temps. Faire parler Iakyndy le plus possible, pour permettre à Yume et Léterno de la rejoindre le plus rapidement. De plus, cette technique lui permettrait au moins d’en découvrir plus sur leur tortionnaire, comprendre pourquoi elle agissait ainsi pour le compte de Seven. Mais cela la décourageait également, de savoir qu'elle devrait à nouveau compter sur le soutien de ses camarades pour se sortir d'une situation de danger. Elle qui espérait pouvoir faire ses preuves, montrer à tous qu'ils pouvaient lui faire confiance, qu'elle était devenue une grande fille débrouillarde... c'était totalement tombé à l'eau !

– Mais pourquoi est-ce que tu fais tout ça ? Demanda Fileya d’une voix douce, ses muscles de son corps se détendant progressivement, relâchant toute pression, parce qu’elle savait désormais qu’elle usait de l’énergie en vain. Pourquoi t’être engagée pour la cause de Seven ? Quoi qu’il ait pu te promettre, crois-tu sincèrement qu’il tiendra parole ?

Sifflotant un air joyeux, Iakyndy décida de rester muette, refusant catégoriquement de répondre à toutes questions posées.

Aussi délicatement et sereinement qui si elle était partie cueillir des fleurs dans les Plaines Séréna, la Princesse de Cristal s’agenouilla vers la jeune femme qu’avait inspectée Fileya à l’entrée. Là, elle réitéra la même opération que précédemment avec la petite fille, ce qui fit grincer des dents de colère à la meilleure amie de Yume. Tout en grognant discrètement contre ses liens de glace qui refusaient de céder malgré toute la force qu’elle employait dans ses bras, Fileya sentit une nouvelle vague de colère monter dans son cœur. Elle constata également que ses sourcils s'étaient brièvement froncés, tandis que son menton était venu se perdre dans les plis de sa nouvelle veste, sa capuche se rabattant sur ses yeux, les assombrissant immédiatement. La jeune fille dévisageait sa tortionnaire gravement, mais cette dernière ne semblait même pas s’en accommoder. Ce qui fit grandir d’autant plus sa haine.

– Qui est la plus sotte de nous deux, à ton avis ?! explosa finalement Fileya, ses poings serrés d’amertume. Celle qui a cru pouvoir se faire d’une princesse son amie, ou celle qui a cru pouvoir obtenir monts et merveilles d’un homme aveuglé par son désir de puissance ?!

– Toute cette colère en toi… susurra Iakyndy tout en déposanr une nouvelle sphère d’énergie dans son affreuse fiole que Fileya tentait de détruire du regard. J’en tremblerai presque de plaisir !

– Tu es juste folle, déclara l’Invoqueur, bien qu’elle ne parvint pas à démentir les paroles de la Princesse de Cristal.

Fileya sentait effectivement quelque chose poindre le bout de son nez dans son cœur. Elle avait déjà ressentie cette sensation à de nombreuses reprises. Cette fois, dans la Forêt des Hiboux, contre les Miliciens qui avaient torturé Lilia pour obtenir le secret de l’immortalité. Puis encore dans ce même endroit, lorsqu’elle s’était énervée contre Yume sans aucune raison. Ou encore cette fois, lors de la mort de Neko, tué sans pitié par cette bande de mercenaires avides de Néos. Mais aussi lorsqu’elle était sortie de son horrible cachot dans la salle de jeu morbide de Seven, aux côtés de Hachedézo. Mais cette fois-ci, elle n’avait personne pour taire cette colère sourde qui brûlait en elle.

– Tu ne sais rien de moi, déclara froidement Iakyndy, tandis qu’elle fit disparaître sa fiole d’un mouvement souple du poignet.

Lentement, la jeune femme s’approcha de sa prisonnière, faisant claquer ses talons contre le sol froid et glacé, qui aurait normalement dû être plus glissant. Mais Iakyndy marchait sur sa patinoire magique et maléfique aussi habilement que sur du parquet ou autre sol plus familier. Une fois à sa hauteur, Iakyndy prit entre ses doigts aux longs ongles le menton de Fileya, pour la forcer à redresser la tête. Là, avec une moue analytique, elle examina le visage de sa consoeur magicienne. Toute trace de malice avait disparu de ses yeux de chat, seule demeurait une lueur agacée dans le fond de ses pupilles cristallines. Mais, au milieu de tout cet océan d’infâmie, la jeune Invoqueur crut distinguer une légère nuance de tristesse.

– Tu es si pathétique, cracha la Princesse de Cristal, sans aucune expression cependant. Je vais me faire un plaisir de retirer ton énergie vitale… !

Iakyndy leva sa main à la vitesse de l’éclair, prête à effectuer le même processus morbide qu’avec ses autres victimes. Impuissante, Fileya ne trouva d’autres alternatives que de fermer les yeux, et d’espérer l’arrivée d’un miracle qui pourrait la sauver in extremis. Cependant, elle rouvrit bien rapidement une paupière lorsqu’elle ne sentit aucune douleur sortir de son poitrail. La jeune femme à la peau de cristal s’était arrêtée en beau chemin, un sourire sadique dessiné sur ses lèvres pulpeuses.

– Non, déclara-t-elle finalement, faisant traîner longuement l’unique syllabe avec amusement. Je peux attendre encore un peu. Et puis, je serai ravie de montrer à Seven en temps réel l’étendue de mon pouvoir.

Ne se départant pas de son rictus satisfait, Iakyndy décida de tourner vivement des talons, faisant claquer ceux-ci contre sa patinoire démoniaque. Puis, elle prit la décision de poursuivre son macabre rituel, faisant réapparaître sa terrible fiole dans un mouvement de poignet souple, tout en se dirigeant vers sa prochaine malheureuse victime.

Sous les yeux impuissants de Fileya, la Sorcière des Glaces s'accroupit près du corps d’une vieille Gardienne de Cristal comateuse, et lui retira en chantonnant son énergie vitale, étrangement moins lumineuse que les précédentes.

Ne supportant plus cette ignominie qui se déroulait juste devant elle, sans qu’elle ne puisse rien faire pour arrêter ce vol de vie, la jeune Invoqueur décida qu’elle devait vraiment essayer de se débrouiller par elle-même pour se sortir de ce pétrin, puisque les garçons ne semblaient pas encore enclin à montrer le bout de leurs nez. La magicienne, tout en grinçant des dents pour plus de concentration, tenta de convertir toute la rage contenue dans son cœur en énergie magique. Se concentrant à son maximum, ses sourcils blancs froncés à l’extrême, Fileya essaya de canaliser ses pouvoirs dans ses paumes grandes ouvertes. Si elle parvenait à réitérer l'exploit dont elle avait fait preuve dans la Forêt des Hiboux et dans les souterrains de Seven, elle serait capable de briser le sortilège de Iakyndy, peut-être même parviendrait-elle à la battre ! Mais, la jeune fille avait beau essayer de se souvenir de cette sensation de haine ressentie lors de la mort de Neko, elle ne parvint même pas à faire naître la plus petite étincelle dans le creux de ses mains.

Abattue, Fileya relâcha un long soupir, tandis qu’elle laissa ses bras et ses poignets tomber longuement, admettant sa défaite.

– Dis-moi au moins pourquoi est-ce que tu fais tout ça, exigea-t-elle, à bout de forces. Qu'est-ce que t’as promis Seven pour que tu lui sois si docilement dévouée ?

Ces paroles semblèrent au moins atteindre sa geôlière, qui marqua un temps d’arrêt. Stoppée en plein milieu de sa marche, la Princesse de Cristal posa deux doigts près de ses lèvres pulpeuses, tandis qu’elle releva une tête songeuse sur les hauteurs de la caverne. Un sourire ravi prit doucement place sur ses traits altiers, et Fileya craignit alors le pire.

– Puisque tu vas mourir, débuta-t-elle sur un ton étrangement heureux, j’imagine que je peux bien te le dire.

Lentement, Iakyndy s’approcha de Fileya. Une main posée sur sa cuisse telle une diva, elle prit un mâlin plaisir à déhancher son bassin jusqu’à la jeune fille, qui la fixait avec des yeux éteints. Sans le savoir, la Princesse de Cristal, en faisant ainsi languir sa réponse, lui permettait de lui faire gagner du temps jusqu’à la venue de ses camarades, qui la sauveraient à coup certain de ce guet-apens mortel !

Une fois à sa hauteur, la jeune femme à la peau de cristal planta ses pupilles cristallines dans celles bicolores de sa prisonnière et avoua, avec un rictus sadique sur les lèvres, tout en enfonçant l'ongle de son index dans le front blanchâtre de Fileya à chaque nouveau mot :

– Rien du tout.

– Quoi… ? lâcha Fileya, le souffle coupé par cette révélation inattendue, tandis que Iakyndy cessa de la faire souffrir. Mais alors, pourquoi… ?

– Simple désir personnel, répondit Iakyndy en effectuant un volte-face dans un froufrou de rubans souples, tout en haussant les épaules avec indifférence. Je veux juste montrer à la plus terrible des Mages qu’elle a fait une erreur en me laissant pour compte à la naissance.

– Je ne comprends pas… commença la jeune Invoqueur, mais Iakyndy lui coupa rapidement la parole.

– Mhmhmh, parfait ! Je ne te demande ni de comprendre, ni de compatir ! Je n’ai pas besoin de ta pitié.

Quelques secondes s’écoulèrent lentement, où seul le léger rire guttural de la Sorcière des Glaces se fit entendre. Puis, elle reprit, sur un ton totalement détâché :

– Mais bon, puisque tu m’amuses beaucoup, je vais te révéler quelques détails crousitillants.

Iakyndy effectua un rapide volte-face, qui fit subrepticement sursauter Fileya, qui tenta de conserver un visage neutre, pour ne rien laisser paraître de son petit mouvement de panique.

– Je suis la fille de Shamyso, la plus puissante des Mages, seul être dans ce monde capable d’extraire la puissance vitale dans les corps de tout être vivant, expliqua la Princesse de Cristal d’une voix étrangement dure, comme si ces quelques informations lui en coûtaient et la dégoûtaient. Malheureusement…

Tout à coup, le regard de Iakyndy s’assombrit mystérieusement. Comme frappée par la réminiscence d’un vieux souvenir qu’elle aurait souhaiter enfouir au plus profond d’elle-même, la jeune femme quitta le contact visuel avec Fileya, pour plonger ses iris dans sa paume opaque.

– Malheureusement, reprit-elle d’une voix à peine perceptible, tout en grinçant des dents de douleur, je ne suis que l’ombre de ma mère. Je suis une Demie-Mage, un être imparfait, qui ne contrôle que la magie des glaces, et ne sait extraire que la vie des filles et des femmes. Je hais ma mère. Pas seulement parce qu’elle m’a abandonnée, mais parce qu’elle a été égoïste. Et sais-tu pourquoi ?

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