Chapitre 2.

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L’année passée on s’est séparé sur une dispute. La plus dure qu’on n'ait jamais traversée. C’était déjà une sacrée épreuve qu’ils nous avaient fallu surmonter en tant que jeune couple. Je ne pensais pas en vivre une autre aussi vite.

 Mon cher et tendre m’avait assuré qu’il avait fait une unique erreur monumentale ! La seule lui permettant de se rappeler mes traits devant toutes les images d’horreur qui emplissaient son crâne et menaçait d’exploser durant sa mission. Autant dire que je n’avais pas du tout envie qu’il se glisse dans mon lit après m’avoir annoncé que la pétasse qu’il avait croisée dans un bar, là-bas, me ressemblait. Peu importe la cause qui l’y avait poussé. Chaque mot prononcé pour m’avouer sa trahison, avait rempli ma bouche d’un jet d’acidité, mes oreilles se vrillant et mon organe vital saignant en l’écoutant. Les voix ont grondé, fortes, puissantes avec des cris et des larmes. Puis, la porte a claqué sans que je ne fasse aucun effort pour le retenir. Impossible. J’étais effondrée, littéralement. Le carrelage glacé a calmé ma fureur.

 Ce mec était comme cousu à ma peau, démultipliant mon chagrin. Je lui en voulais tant d’être passé du super-héros que chaque fille rêvait d’avoir, à ce qui me paraissait être un fiancé hypocrite. Ma raison a réclamé à mon cœur de se verrouiller, mais celui-ci c’est obstiné à vouloir lui faire de la résistance. Je ne pouvais m’empêcher de l’aimer. Cet homme viril était ma force, mais quoi qu’il en soit restera aussi toujours ma faiblesse, j’en suis totalement consciente. Faire bloc, ne plus rien éprouver hormis la haine, est plus difficile à dire qu’à faire. Que celui qui me jette la première pierre se dénonce immédiatement.

 Je me suis endormie seule dans des draps glacés, avec au réveil, un mauvais pressentiment. Lorsque j’ai ouvert les yeux, mon instinct s’est affolé en voyant qu’il n’était pas rentré. Il m’a hurlé dessus d’aller le voir, de lui parler, comme si je ne l’avais jamais écouté depuis ma naissance. J’ai alors tout fait pour être un minimum présentable et je me suis dépêché d’aller le retrouver.

 Ne trouvant pas mes clefs de voiture et n’ayant aucune patience de les chercher, je suis partie en courant au seul endroit où il devait être allé (comment faire pour qu'il y est moins de verbe?). Là-bas, je suis arrivée essoufflée et trempée jusqu’à l’os. En si peu de temps, mon aspect avait pu redevenir quelque peu négligé (sens de la phrase et conjugaison? autre mot pour remplacer redevenir qui est un verbe lourd?). Ceci dit, je ne me suis pas attardé sur cette problématique, parce qu’elle était le cadet de mes soucis. J’avais enfin atteint mon but. J’étais parvenue jusqu’à sa caserne (comment faire arriver le lecteur à ce point de maniere moins maladroite?).

 J’ai commencé par d’abord reprendre mon souffle avant de mourir sur place par manque d’oxygène. Puis en m’aidant des panneaux directionnels, je suis rentrée dans un bâtiment que j’ai pensé être le bon. Je me suis annoncée à une secrétaire tirée à quatre épingles, à qui j’ai expliqué que j’avais une raison urgente pour vouloir voir mon fiancé. Elle m’a fait patienter une bonne quinzaine de minutes dans une salle d’attente. J’étais agitée, je ne tenais pas en place, alors je marchais de long en large en donnant des coups d’œils à mon téléphone au cas où il se manifesterait. Ensuite, elle m’a guidé dans un bureau dépersonnalisé.

 Au vu de la simple plaque dorée sur le bureau, il s’agissait de celui d’un supérieur. Une chaise de bureau confortable en cuir trônait d’un côté, tandis que de l’autre, gisait une noire et plus dure. Une manière de mater les recrues j’imagine. Je me suis installée sur celle-ci et j’ai encore attendu, cherchant du regard partout devant moi sur les étagères, des signes d’une autre vie que celle de militaire, pour cerner le personnage que j’allais rencontrer. Soudain, la porte a claqué. Un sursaut et j’ai manqué de glisser de ma chaise. Un homme grand à la tête rasée et maintes fois décorées selon sa tenue, est entré dans la pièce. Il m’a reluqué longuement, silencieusement, puis a fini par se présenter. J’en ai fait de même, avant d’aboutir à la raison de ma venue, sans non plus rentrer dans les détails. Il m’a indiqué qu’il était déjà trop tard, parce qu’il l’avait renvoyé sans délai en opération extérieure. D’après lui, il n’avait émis aucune d’objection, ce qui m’a laissé sans voix (comment ameliorer cette phrase pour la rendre plus percutante?).

 Il m’avait donc laissé avec un couteau planté là où il savait me taillader à vif. Son départ s'était chargé pleinement de le retourner (verbe faible , quel mot pour remplacer?) plus profondément.

 Je devais rêver. J’eus peine à croire qu’il n’était déjà plus là. J’ai eu la nette impression de n’avoir eu affaire qu’à un fantôme. Je n’ai vécu qu’une seule soirée depuis son atterrissage sur le tarmac militaire et elle fût loin de celle que je m’étais imaginée vivre. J’aurai au moins aimé qu’il ait eu la décence de m’appeler, quitte à ne laisser que sa voix sur le répondeur. Cette soirée n’a été qu’un échec cuisant. Elle n’a servi qu’à se retrouver pour se déchirer, sans que je sache comment on a pu en arriver là. Comment avait-il pu me faire ça ? Ne comptais-je pas pour lui ?

 Seul mon visage s'est décomposé devant ce chef à l'uniforme impeccable. En m’observant, il a compris qu’il s’était déroulé quelque chose d’important pour moi. Quelque chose qui m’avait secouée. Ne dépassant pas une certaine limite de proximité, il c’était quand même rapproché afin de me demander s’il pouvait m’aider. En fait, rien de bien anormal quand on a l’impression que la femme devant vous est à deux doigts de tomber dans les pommes. Toutefois, je n’étais pas très à l’aise et j’ai rejeté son offre. Quoiqu'il puisse faire, ça n’y aurait rien changé. Ensuite, les règles de distances réinstaurées, il est devenu tout à coup plus froid. En attendait-il plus de moi ? Sûrement. Sauf qu’il n’a pas dû comprendre que je ne suis pas femme qui trompe, mais de celle qui se laisse tromper, apparemment.

 Dès lors, il s’est contenté de prendre une simple enveloppe dans un de ces tiroirs pour me la remettre. Que contenait-elle ? Une explication à ce désastre ? Un pardon ? Rien ? Qu’est-ce que j’espérerais ? Précipitamment, je me suis levé, je l’ai saisie et j’ai pris la fuite. Dans mon élan incompréhensible, j’ai tout de même pensé à le remercier. J’avoue avoir eu une action totalement impolie et irréfléchie, surtout, devant un personnage aussi haut gradé. Qui ne m’en voudra ? Personne. En fait, je ne voulais plus de son regard scrutateur. Je désirais éviter toutes ses questions intrusives. Je préférai mille fois l’air extérieur à son bureau exigu, pour sentir le poids de mes nouvelles larmes rouler sur mes joues. Sur le pas de sa porte, avant que je n’emprunte un couloir, j’ai pu l’entendre me dire de sa voix portante :

 — La mission sera courte et sans trop de danger, madame.

 Paroles plutôt rassurantes, mais pas suffisantes. Postérieurement, seul le claquement de mes pas sur le parquet ciré m’ayant guidé ici et le bruit infernal de mon pouls ont martelé ma tête jusqu’à la sortie. Je ne savais plus quoi faire, ni trop quoi penser. J’ai tenu ce bout de papier serrée dans mon poing comme si ma vie en dépendait, alors qu’il me brûlait le creux de la main. Je n’ai eu aucune envie de le jeter. Dedans, se cachait sûrement le devenir de notre couple devenu instable en quelques minutes.

 Une fois dehors, j’ai rejoint en sens inverse le chemin de ma maison les épaules basses. Pas un seul gentleman aux alentours pour se proposer de me ramener. Un monde fait d’ego surdimensionné et de tablettes de chocolat, ne m’empêchait pas de marcher. J’ai eu donc du temps pour réfléchir. Je savais que mon courage n’était pas l’égal du sien, que voir son écriture risquait de me rendre hystérique ou plus dépressive que je ne l’étais déjà. Pourtant, il était nécessaire que je sache où on en était. C’était existentiel. J’ai émis plusieurs doutes, dont celle de croire que tout se finisse ainsi par courrier interposé, parce qu’il en avait le pouvoir. De toute façon, j’ai estimé que ce n’était plus à lui de prendre cette décision. Il a perdu ce droit en couchant avec elle. S’il voulait tenir le rôle de celui qui plaque au lieu d’être plaqué, il n’avait qu’a avoir assez de couilles pour me le dire en face.

 Passé la porte de notre baraque, je me suis débarrassée de mes chaussures dans le couloir. J’ai posé la lettre sur la table basse blanche du salon, avant de me servir un verre avec ce que j’avais de plus fort. J’en avais absolument besoin pour passer le cap de la lecture. Je me suis lovée dans le canapé, emmitouflée dans un plaid comme enserrée dans une camisole, tentant vainement de bâillonner notre amour. Mes pensées se sont entrechoqué. Je me disais que s’il avait eu assez de cran pour oser faire ça, c’était qu’il était à la fois un connard bien dissimulé et un énorme lâche. Angoissée et à fleur de peau à force de regarder ce rectangle beige devant moi, je me demandais si mon jugement était aussi merdique que ce que les apparences me laisser voir. J’avais mon bide, qui se tordait et mes globes oculaires allaient finir par se retrouver sur le tapis du salon si je ne faisais rien pour y remédier. J’ai tellement idéalisé notre amour, nous croyant solide comme la pierre, que d’un coup, je me suis sentie naïve d’avoir été aussi aveugle. Notre dispute a été si explosive, qu’elle m’a permis de réaliser que les bases de notre relation n’étaient encore qu’en construction. La Terre elle, ne s’étaient pas arrêtée de tourner pour nous. La situation est devenue trop complexe pour une âme sensible comme la mienne. Même si je lui en voulais, il ne fessait aucun doute qu’il me manquait irrémédiablement.

 Si ce n’était pas pour m’inscrire noir sur blanc qu’il mettait un terme à ce que nous nous formions, alors je ne voyais pas l’intérêt immédiat de ce courrier. Il aurait eu le temps m’écrire ultérieurement. Que pouvait-il assurément m’avoir posé sur un papier vierge avec ses belles mains fermes, celles qui habituellement servaient plus à me caresser ou à protéger autrui ? Je peinais à me l’imaginer. Il m’a fallu l’ouvrir et la lire pour le découvrir, tout en buvant modérément entre chaque paragraphe pour ne pas finir saoule avant la fin de sa page recto-verso.

 Contrairement à ce qu’on aurait pu croire, ce n’est pas l’alcool brûlant mon estomac qui est venu m’enivrer une fois sur la lancée. C’était lui. J’ai dû même recommencer deux fois pour en être vraiment sûr. Après j’ai fermé les yeux, pour ne pas chavirer. Ses paroles m’ont touché, car il disait surtout son besoin de m’avoir avec lui. Il exprimait l’horreur et la douleur de sa dure mission. Il me faisait prendre conscience de l’impensable et l’inimaginable de l’être humain, sans enfreindre les règles imposées lors de nos échanges. Il était précautionneux. Au fil de ses lignes, mon cœur s’est plié dans un étau. Je n’ai pas oublié pas son fait, mais ses explications, car s’en étaient, trouvaient leurs places dans mes filets.

 Ma mère, disait que j’étais depuis toujours habitée d’une certaine compassion. Ce qui expliquait que la compréhension prenait la part sur son délit. Il était aussi dépendant de moi, que moi avec lui. S’il a touché cette femme, c’était purement par égoïsme. Il n’a pas su faire autrement. C'est mal, mais il s’est servi d’elle pour pouvoir garder ancrée mon visage et mon corps à son esprit. Il a voulu épancher ses peurs et m’atteindre. D’un point de vue extérieur, c’était merdique comme excuse. Du mien, ça me suffisait pour garder de l’espoir. Il semblait tenir bien plus à moi que ce que je ne pensais. Il allait juste falloir retravailler sur notre capacité à nous aimer à distance sans à devoir se tromper. Il fallait qu’on apprenne à se faire confiance et à échanger verbalement quand on était dans le besoin.

 En contradiction, et comme il le méritait, je n’ai pas donnée suite à cette correspondance jusqu’à la fin de sa mission. Ne pas lui répondre, était ma façon de lui montrer qu’il m’a blessé.

 Quant au bout de six mois il est finalement rentré, je n’ai pu m’abstenir de me rendre sur sa base pour le retrouver. Je l’ai attendu dans le hall d’entrée en totale fébrilité. Une fois dans mon champ de vision, je l’ai trouvé toujours aussi beau, voir sexy dans sa tenue. Il a gagné en muscles par rapport à la dernière fois où l’on s’est croisé (quel autre mot plus fort?). À ma grande surprise, de nouveaux tatouages dépassaient des manches de son tee-shirt et semblait se poursuivre plus loin sur son dos. Il portait une tenue civile et un sac noir sur son épaule qu’il a lâché dès qu’il m’a vue (etoffer pour rendre reaction plus brutale). J’ai été prise d’émotions. Des larmes sont venus s’écraser à mes pieds, alors que je tentais de les dissimuler avec mes mains.

 Chacun à d’abord fait un bout de chemin, puis, après un premier contact timide, nos langues ont fait l’amour avant nous. Lorsqu’elle se sont touchés, je n’ai plus rien contrôlé, je me suis abandonné dans ses bras. C’était un baiser naturel, puissant, imposant, totalement démesuré. J’exprimais toute ma frustration (bon mot employé?): je t’en veux, si tu recommences je te tue, t’es prévenu, je t’aime, tu m’as manqué. C’était peut-être la réconciliation que j’espérais.

 L’allègement que j’ai ressenti au manque qu’il a provoqué a fait redescendre la vague de panique dans ma poitrine à un seuil plus raisonnable, j’en ai oublié l’agitation qui nous enveloppait au sein de l’aéroport. Il y avait des familles fessant parti du milieu : en général des soldats, hommes ou femmes engagés, totalement dévoués à la cause de notre pays. J’ai pu à nouveau respirer alors même que j’étais à bout de souffle.

 Mon plus grand supplice a été de me détacher de lui pour le regarder dans les yeux. Je ne connaissais pas totalement son vrai état d’esprit. Je ne savais pas non plus à quoi m’attendre après tout ce temps. Je me devais alors d’essayer de lire en lui. La lueur de ses iris quasi-magnétique qui plongeait en moi perturbait mon métabolisme au point d’avoir une explosion de papillons dans le ventre. C’était comme si je le découvrais pour la toute première fois. Son parfum s’appropriait en plus mes sens. Il m’anesthésiait. Il était irréel.

 Tandis que je flottais dans un épais brouillard fait d'incertitudes, il semblait rempli d’une certaine quiétude. Il ne laissait rien fuiter de ses émotions. Ce baiser primaire, devait être le seul écart de conduite qu’il s’était accordé.

 Il me hantait de milles questions que je n’arrivais pas à faire taire. Etait-il toujours celui que j’attendais ? Ne m’étais-je pas imaginé un homme idéal pour qu’il me corresponde ? Je n’ai plus pu réfléchir. L’avoir devant moi me troublait. Pour avoir des réponses, je n’ai pas eu d’autre solution que d’être là. De plus, ma présence devait lui signifier que je laissais le passé au passé. assé.

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