CHAPITRE VI – Repas chez Viviane.

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  Il est huit heures, Je me réveille en pleine forme, je saute dans mes pantoufles, direction la cuisine. Je lance un café, mon breuvage en main, je rejoins mon fauteuil où je retrouve mon paquet de cigarettes. Tout en exhalant de petits nuages je repense à cette soirée - des plus surprenantes.

  Plus j’y pense, plus elle me plait Viviane, je ne sais pas pourquoi, quelque chose m’attire chez elle. Je ne crois pas que cela soit sa beauté ? Ou alors sa beauté intérieure ? Mais ce qui est sûr, c’est que mon père ne va plus m’embêter à me forcer à rencontrer des filles.

  J’entends la porte d’entrée s’ouvrir, Mathilde doit être arrivée. Je me dirige vers la cuisine.

- Bonjour Mathilde.

- Bonjour Monsieur, j’ai apporté les croissants.

- Merci.

  Je prélève un verre de jus d’orange du réfrigérateur et passe à table pour le petit déjeuner.

  Une fois douché et habillé je sors retrouver Brack. En ce samedi de fin mai, le soleil brille, pas un nuage à l’horizon, un temps idéal pour glander. Près du noisetier, profitant de son ombre, Brack semble somnoler. Je m’approche de lui sans faire de bruit, sa queue commence à battre la mesure, semblant me dire « tu ne me surprendras pas ». Je m’accroupis près de lui et commence à le caresser.

~ Alors mon vieux, tu m’as vu, ou plutôt senti venir ?

- Wouaf.

  Me répond-t-il en s’étirant.

~ Je crois que nous devons nous mettre à la méditation, si je veux continuer à évoluer.

  L’ombre du noisetier me semble un bon endroit, en plus il m’est redevable, je pense qu’il peut lui aussi m’aider.

  Je prends donc la position du lotus et ferme les yeux ; je sens le museau de Brack qui se positionne sur ma cuisse. J’essaye de faire le vide, sans succès.

  Mes pensées se focalisent sur Viviane, faut croire que cette fille m’a marqué. Il est vrai que c’est un joli brin de fille. Plus j’y pense, plus je me persuade que ce n’est pas sa beauté qui m’attire, il y a autre chose. Je me rappelle une fille en première : la pauvre était moche, une peau granuleuse, elle n’avait rien pour séduire le regard. Mais il y avait en elle quelque chose qui m’attirait, je ne saurai dire quoi ? Un rayonnement intérieur ? On pourrait dire qu’elle avait du chien, mais ce n’était pas physique. D’ailleurs ce n’est pas rare de voir de jolis garçons avec des filles moches et aussi l’inverse. Je pense que les attirances ne sont pas uniquement liées à l’aspect extérieur. Grrrr… il faut que je me concentre, sinon je n’arriverai à rien.

  Je commence à sentir mes muscles qui se détendent. Un souffle frais passe sur mon visage, je ressens une plénitude qui m’envahit. J’ai l’impression de flotter, d’être sur un nuage. Une chaleur commence à rayonner à partir de ma cuisse, là où Brack a posé son museau. Est-ce donc là sa façon de m’aider ? En me communiquant son énergie ? Je me concentre sur lui, je le vois flou dans mon esprit, c’est bizarre j’ai l’impression qu’il me sourit, c’est idiot comment un chien peut-il sourire ?

~ C’est toi Brack ?

  Il me fait un clin d’œil. Que se passe-t-il ? Est-ce que je suis en train de délirer ? Je décide de stopper cette séance pour aujourd’hui, je me sens fatigué et vidé de toute vigueur. Peut-être que ma concentration n’est pas la bonne ?

  Brack qui a relevé le museau, me regarde.

~ Alors mon vieux, c’est bien toi que j’ai visualisé pendant cette espèce de trance ?

- Wouaf.

~ M’as-tu fait un clin d’œil ?

- Wouaf.

  Ça me laisse perplexe, donc il communique avec moi. Il faut que j’approfondisse dans cette direction.

  Il est presque midi, heure du repas.

~ Allons voir ce que Mathilde m’a préparé à manger.

  Je me dirige vers la villa, mon portable se met à sonner. C’est Viviane.

- Bonjour Viviane, comment vas-tu ?

- Bonjour, je vais bien et toi ?... Mon chéri.

- Impeccable, maintenant que je sais, grâce à toi, que mon père va me lâcher la bride.

- Es-tu disponible demain midi ?

- Oui…, tu as un projet de sortie ?

- Non…, mais Dominique a hâte de te rencontrer, donc tu viens manger chez moi.

- Houlà, qui prépare à manger ?

  Elle éclate de rire.

- C’est moi, tu n’as rien à craindre, on ne t’empoisonnera pas.

- D’accord, mais je t’avoue que ça m’intimide un peu.

- Décontracte-toi, tu n’as rien à craindre. Je t’envoie mon adresse par sms.

- Merci donc à demain, vers onze heures quarante-cinq, ça te va ?

- Parfait, je t’embrasse.

- Bisou.

  Voici donc mon premier rendez-vous avec Viviane, j’appréhende tout en étant content de la revoir.

Le lendemain.

  En ce jour dominical, je me prépare pour aller à mon rendez-vous chez Viviane. J’opte pour une tenue décontractée : un jean, polo, basket et blouson assorti au jean. Arrivé dans son quartier, j’aperçois un fleuriste. Après avoir garé la voiture, je décide d’y faire un tour. Je repère des roses jaunes bordées d’orange, j’opte pour ce choix. Muni de mon bouquet, j’entre dans l’immeuble, elle habite au quatrième. Arrivé sur le palier, je regarde ma montre : il est onze heures quarante-neuf, ça va, je suis dans les temps. Je sonne, j’entends un : « j’arrive ! ».

  La porte s’ouvre, je me retrouve nez à nez devant une grande blonde, à la mâchoire carrée, cheveux courts à la garçonne, assez forte mais bien proportionnée. Je pense que c’est Dominique.

- Bonjour Merwin, ne reste pas planté sur le palier.

- Dominique je suppose ?

- Tu supposes bien, entre mon lapin je ne vais pas te manger. Vivianne c’est ton prétendant, il a apporté la salade !

  La salade ? Elle doit faire allusion à mon bouquet. Viviane pointe son nez.

- Elles sont magnifiques tes roses.

  Elle me fait la bise, sous le regard suspicieux de Dominique, tout en me débarrassant de mes fleurs.

- Enlève ton blouson, installe-toi j’arrive. Domi tu peux préparer l’apéro.

- Assieds-toi…, je te fais un américano ?

- Je vois que tu en sais beaucoup sur moi, contrairement à moi.

- Normal, Viviane n’arrête pas de me parler de toi. Mais je te préviens, tu n’as pas intérêt à me la piquer.

  Me dit-elle en passant son index sous son menton.

- Mais…, ce n’est nullement dans mes intentions…, ce n’est qu’un arrangement pour que nos paternels nous foutent la paix.

- T’affole pas, je suis au courant mon lapin.

- Arrête de m’appeler : « mon lapin »

- Oh monsieur se rebelle, je dois, -votre excellence-, vous appeler comment ?

- Bah…, Merwin.

- Ok message reçu. Puisque tu ne me connais pas, je me présente. Je suis vétérinaire, j’ai connu Viviane dans un club de musique, je suis contrebassiste et elle est violoniste. Et toi tu pratiques un instrument ?

- Un peu de piano, j’ai un crapaud[1].

- Parfait, on va pouvoir bientôt monter un quatuor, ne manque plus qu’un violoncelle. Quel genre de musique joues-tu ? Classique ou moderne ?

- Classique, j’aime beaucoup Beethoven.

- Je sens qu’on va bien s’entendre mon lapin, scuse Merwin.

  Viviane nous rejoint. Elle prend place à côté de moi.

- On a vingt minutes avant de passer à table. Alors, mes amours vous avez fait connaissance ?

- A part que Dominique me menace de me trancher la gorge on peut dire oui.

  Elles éclatent de rire.

- Ça vous fait rire ?

- Il ne faut pas prendre au premier degré tout ce que te dit Dominique. Elle aime bien taquiner les gens qui ne la connaissent pas, me dit-elle en déposant un baiser sur ma joue.

  Après un apéro, généreux, nous passons à table. Il faut reconnaître que Viviane nous a mijoté un succulent repas, repas d’ailleurs bien arrosé. Nous papotons de tout et de rien. Dominique, derrière ses airs austères, se révèle être une fille bien. Je commence même à l’apprécier. L’après-midi se poursuit par un film.

  Dominique me propose de rester souper. J’accepte sans hésitation. Je pense qu’un ménage à trois est en train de se mettre en place.

- Pourquoi souris-tu ?

- J’imagine la tête de mon père s’il nous voyait.

- Oui, je pense qu’il risquerait la crise cardiaque, mon père n’en serait pas loin non plus.

  Ça nous fait rire rien que d’y penser. Sans me demander mon avis, Dominique me sert un Américano, c’est reparti pour un apéro. Le souper se déroule dans une atmosphère de plus en plus détendue, faut dire que l’apéro et le vin n’y sont pas étrangers. Le moment est venu de prendre congé. Alors que j’annonce mon départ, je suis confronté à un refus catégorique de Viviane et Dominique.

- Tu n’es pas en état de conduire. Tu dors dans la chambre d’ami.

  Ce qui n’est pas faux pour ce qui est de conduire.

- Je peux prendre un taxi.

- Pourquoi ? Tu as peur de te faire violer ? (Me rétorque Dominique)

- Non…, mais je ne veux pas vous embêter.

- Mais tu ne nous embêtes pas, en plus, on est appelé à se voir souvent, alors autant s’y habituer dès maintenant.

- Pour les voisins, je suis la colocataire de Viviane et à partir de maintenant tu es son petit ami. Donc, c’est normal que tu passes la nuit chez elle (me dit-elle en me faisant un clin d’œil).

- Bon, n’ayant pas la majorité, je m’y résous.

  On me montre ma chambre, très agréable, tapisserie blanche avec un discret motif floral, décoré sobrement. On me montre la salle d’eau, on m’attribue une serviette, une brosse à dent et des rasoirs jetables. Ce qui me laisse à penser que tout était prémédité. Je préfère m’abstenir d’en faire la remarque. On se fait la bise et nous nous souhaitons une bonne nuit.

  Nuit qui fut pénible pour moi. Ma chambre mitoyenne de celle de Viviane est séparée par une cloison qui ne doit pas être très épaisse. Je passe donc, une partie de la nuit, à entendre les ébats endiablés de Viviane et Dominique. Ça me rend jaloux ; jaloux de Viviane ? Non, pas vraiment, je pense, plutôt jaloux du fait qu’elles sont deux et heureuses et que moi, pauvre couillon, je suis seul.

  Huit heures du matin, je suis réveillé par un discret coup à la porte.

- C’est bon, je suis réveillé.

- Je peux entrer ?

- Oui.

Viviane entre, me pose un plateau sur le lit et me fait la bise.

- Je t’ai fait du café, je n’ai pas mis de sucre, tu veux du lait ?

- Non merci, c’est très bien ainsi.

  Elle me laisse avec le plateau, je mange mon croissant et bois mon café. Une fois restauré, je me lève et m’habille. Viviane est dans la cuisine.

- Tu reveux un café ?

- Oui merci… Dominique n’est pas là ?

- Non elle est partie au boulot.

  Viviane m’accompagne pour le café. Nous discutons de tout et de rien. Puis je passe à la salle d’eau pour un brin de toilette. Je me sens en pleine forme malgré une nuit écourtée.

  Il est environ neuf heures quinze, je prends congé de Viviane après lui avoir proposé de venir, avec Dominique, dimanche prochain manger à la maison.

[1] Le plus court des pianos à queue.

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