CHAPITRE V – Viviane.

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  Vingt-sept mai. Je me prépare pour la soirée chez les Dupin. J’enfile un pantalon noir et un polo de la même couleur, je sors un blaser bleu marine. Pas très gai comme tenue, mais bon, elle est à la couleur de mon moral.

  Coup de klaxon, ça doit être mon père qui passe me récupérer. Je croise Brack.

~ Souhaite-moi bonne chance mon vieux, encore une soirée merdique qui s’annonce, je le sens.

- Wouaf

  Je monte dans la voiture familiale, à l’arrière, avec ma mère.

- Tu aurais pu faire un effort pour t’habiller, une chemise blanche et une cravate auraient, à mon avis, été plus appropriées. Enfin, on fera avec.

  Ma mère, discrètement, me tapote la main, d’un air de dire ne t’occupe pas de ce qu’il dit, tu es très bien comme ça.

  Arrivés à destination, mon père me fait une recommandation.

- N’oublie pas que Monsieur Dupin est veuf depuis… heu… trois ans.

  Nous descendons de voiture. Dupin père et sa fille nous accueillent à l’entrée de leur superbe villa. C’est vrai que Vivianne est très jolie, un beau visage d’un parfait ovale, cheveux mi-longs, mince et svelte, des yeux clairs. Habillée sobrement : une jupe plissée, beige, arrivant à mi-genoux, chemisier beige également, légèrement plus clair, recouvert d’un boléro à manche courte, d’une couleur assortie à la jupe.

  Mon père me murmure.

- Avance, tu auras tout le temps de l’admirer à l’intérieur.

  Réalisant mon incorrection à dévisager Viviane, je suis mon père à l’intérieur de la villa. Faut admettre qu’elle est mignonne. Une fois dans la salle de réception, je reste bouche bée, je ne m’attendais pas à revoir une vieille connaissance.

  Ce connard de Marc est là ! Celui qui m’a fait chier, avec mon ami Michel, pendant ma dernière année de terminale, au lycée. Il nous traitait de chochottes. Il est accompagné de son garde du corps, ce minable Arthur, son béni-oui-oui, armoire à glace, tout dans les muscles rien dans la tête. Faut dire que son père est l’adjoint du père de Marc.

  Je sens que la soirée va être des plus pénibles. Les derniers invités étant arrivés, les Dupin rejoignent la salle. Le bellâtre se précipite vers Viviane, il est vrai que Marc est beau garçon avec ses cheveux légèrement bouclés et son minois d’ange (opération conquête lancée). Déjà au lycée, toutes les filles tombaient en pâmoison à son passage, il n’avait que l’embarras du choix. Avec ce prédateur, je n’ai aucune chance d’aborder Viviane.

  Je me dirige vers le bar et commande ma boisson préférée : un américano. Dans le grand miroir, situé derrière le bar, j’assiste à la cour du casanova de service.

  Mon pauvre Merwin, avec lui tu n’as aucune chance, tu dois te faire une raison. Mon père va certainement être déçu de ton comportement et va te le reprocher. Je pense que ton calvaire n’est pas près de s’arrêter. Tu vas avoir droit à un enchaînement de soirée toutes aussi relou les unes que les autres.

  Je soupire… Perdu dans mes pensées défaitistes, je ne remarque pas qu’une silhouette se rapproche de moi. Quelqu’un me prend par le bras et me murmure :

- Viens à mon secours.

  Je me retourne, étonné, c’est Viviane, elle m’entraîne vers la terrasse.

- Que se passe-t-il ?

- Accompagne moi sur la terrasse, Marc, le dragueur, commence à m’importuner sérieusement.

- D’accord, mais pourquoi moi ?

- J’ai compris que tu étais homo, donc avec toi je ne risque rien.

  Je pique un fard, je sens que je vire au cramoisi.

- Co… comment peux-tu dire cela ?

- Vu ta réaction, je ne me suis pas trompé, détend toi, je suis lesbienne, si ça peut te consoler.

  Elle me scie, comment je dois le prendre. La chaleur que je ressentais sur mon visage s’évacue. D’un autre côté, que Marc prenne une claque de sa part, ça me réconforte.

- Ne sois pas coincé, je ne vais pas te sauter dessus. Tu sais que tu es beau garçon.

- Je ne suis pas coincé, mais là tu me surprends. Puisqu’on en est aux compliments, comme fille, tu n’es pas mal non plus.

- Au moins un truc positif dans cette foutue soirée. Mon père veut se débarrasser de moi, donc me trouver un mari.

- Il peut serrer la main à mon père qui a le même objectif avec moi.

- Cool…, je sens qu’on va bien s’entendre. Ne te retourne pas, ce couillon de Marc arrive.

- Viviane, je te cherchais… Je peux t’offrir un verre ?

- Désolé Marc…, avec mon petit ami, on était en train de décider d’une date pour nos fiançailles.

- Vos… fiançailles ?

- De toute façon, avec toi, je vais être franche. Je n’ai pas l’intention de figurer à ton tableau de chasse. En plus une copine m’a dit que tu avais un petit zizi.

  A son tour de virer au rouge, je me retiens pour ne pas éclater de rire.

- Ex.. ex..cuse-moi. Je vous laisse à vos délibérations.

  Vexé, il fait demi-tour et rejoint son garde du corps. Je jubile… comment il s’est fait moucher, ce petit con.

- Viviane, tu m’épates. Je ne peux pas le blairer, ce ringard. J’ai été son souffre-douleur en terminale. Je ne savais pas qu’il avait un petit zizi.

- Moi non plus.

  Nous éclatons de rire.

- Les mecs, quand on touche à votre virilité, ça vous fout en rogne, là, avec lui, j’ai touché un point sensible, je crois.

  Nouvel éclat de rire.

- Merwin es-tu bon comédien ?

- Je n’ai jamais eu l’occasion de jouer la comédie.

- Alors c’est le moment, prend moi dans tes bras, nos paternels nous regardent.

J’obtempère, un peu gêné, après tout, ça ne peut pas être désagréable.

- Embrasse-moi.

Je veux lui déposer un bisou sur la joue, elle tourne la tête et je me retrouve lèvres contre lèvres. Elle ne manque pas de culot, la donzelle. J’aperçois mon père qui sourit, ainsi d’ailleurs que celui de Viviane.

- Tu as failli m’asphyxier !

- Tu n’as jamais embrassé quelqu’un sur la bouche ?

- Si, bien sûr, mais jamais une fille.

- Remarque, tu es le premier garçon que j’embrasse ainsi..., ce n’est pas désagréable.

Elle arbore un large sourire.

- Attention, si tu mets la langue, je te la mords. Bon je crois que nos vieux sont satisfaits. Il suffit que nous jouions la comédie du parfait amour. Ainsi on nous fout la paix, je peux continuer à voir ma petite amie et toi le tien.

Devant mon silence elle enchaîne.

- Quoi tu n’as pas de petit ami, tu es puceau ?

- Nan ! C’est une longue histoire.

- Raconte, j’aime les histoires. Et ça restera entre nous, je te le promets mon Mignon.

- S’il te plait, laisse les « Mignons » à Henri II.

- Ok, mon lapin.

- Tu le fais exprès ? Tu ne vas quand même pas énumérer tous les sobriquets ringards que se donnent les couples.

- Que proposes-tu alors ? Mon chéri ?

- C’est parfait ma chérie.

  Ça me fait bizarre toute cette mise en scène. Je nous imagine déjà comme un couple se chamaillant.

- Ok pour les « Chéri(e)s. Si on en revenait à ton histoire.

- Oui. En terminale, j’avais un ami : « Michel ». Nous sommes vite devenus très intime, je ne rentrerai pas dans les détails. Un amour était né entre nous. C’est là que ce connard de Marc a commencé à nous traiter de « chochottes ». Nous passions beaucoup de temps ensemble : J’allais chez lui, il venait chez moi. Bref nous nous voyions souvent. Mon père a commencé à soupçonner notre relation -hors normes-. Il a donc décidé de m’envoyer en Angleterre pendant deux ans, pour, soi-disant, perfectionner mon anglais. Comme par hasard, avant mon départ, mon portable a disparu. Comme je n’avais pas noté le numéro de Michel nulle part ailleurs, j’ai donc perdu le seul moyen que j’avais pour le contacter. Et pour couronner le tout mon père a muté son père, qui travaille dans notre société. N’ayant plus aucune possibilité pour joindre mon amant, j’ai haï mon père pour cette perfidie. J’ai donc passé deux ans en Angleterre, hébergé par une cousine de ma mère, une fille de trente-cinq ans, qui m’a pris à la bonne. Je ne devais pas parler de son amant et elle m’autorisait à recevoir chez elle les miens. J’ai eu quelques aventures, sans lendemain, je pensais toujours à Michel. Voilà en gros ma vie amoureuse.

- Mon pauvre chéri, ça dû être dur pour toi. Et, à ton retour, tu n’as pas essayé de recontacter Michel ?

- Si…, mais quand j’en ai parlé à René -mon ami comptable et mentor-, il m’a appris qu’il était marié et avait une petite fille. Est-ce qu’il s’est marié sous contrainte ? Je ne sais pas. Et, je n’ai plus envie de le revoir, je pense que ça risquerait d’être douloureux pour nous deux et de foutre en l’air sa vie de couple.

- Il ne faut pas que tu restes seul, il te faut trouver quelqu’un. Un gars sympa qui te plaise et qui t’apportera un bonheur que tu mérites !

- Mais… maintenant, je t’ai toi ! J’ai toujours aimé la compagnie des filles, sauf quand elle se jette sur moi.

  Cette réplique nous fit rire.

- J’espère que tu ne me compares pas aux filles qui pourraient se jeter sur toi.

- Bien sûr que non, avec toi je sens que l’on va bien s’entendre.

- Attend de connaître Dominique, mon binôme.

- Pourquoi ? Elle est difficile à vivre ?

- Non, mais soit elle t’accepte, soit elle te casse.

  Dit-elle en gloussant. Je commence à me demander si je ne me suis pas engagé dans une galère ?

- Arrête de paniquer, je suis sûr que ça va bien se passer et que tu vas l’apprécier.

- Ok, ok. Viens allons boire quelque chose, disons, pour conclure notre arrangement.

- Avec plaisir, mon Chéri.

  Elle me prend le bras, nous nous dirigeons vers le bar, en passant à proximité de nos paternels qui nous observent du coin de l’œil. Ces deux-là, au moins, ont l’air satisfaits. Je scrute la salle et ne voit plus Marc et son gorille. Humilié, il a dû quitter la soirée. Je jubile intérieurement ; « la chochotte l’a mis k.o. ».

  La soirée tire à sa fin, nous échangeons nos numéros de portable. En guise d’adieu nous nous faisons la bise, sobrement, devant nos parents.

  Une fois dans la voiture mon père se tourne vers moi.

- Alors fils, comment as-tu trouvé cette soirée ?

- Super, Viviane est une fille qui a du caractère, j’aime bien ce genre de fille.

- J’ai remarqué qu’elle t’appréciait également, me dit-il en me faisant un clin d’œil.

  Nous démarrons. Arrivé devant chez moi :

- Il faut que tu l’invites à déjeuner à la maison.

- Père, laisse-nous le temps de mieux nous connaître.

- Il a raison il ne faut pas brusquer les choses, dit ma mère.

- Bon d’accord.

  Je descends de voiture après avoir fait la bise à mes parents. Brack, la queue frétillante, s’avance vers moi.

~Je vois que tu m’as attendu mon ami.

- Wouaf !

~Pour être honnête, cette soirée s’est bien déroulée, je suis content, mon père va me laisser tranquille et ne cherchera plus à m’imposer d’autres réceptions.

  Pour toute réponse Brack se colle à moi.

~ Bonne nuit, mon fidèle compagnon, on reparlera de tout ça demain.

  Après une caresse, je rejoins ma chambre et en moins de deux minutes je suis au lit.

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