CHAPITRE III – René.

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 L’après-midi, quand mon travail me le permet, j’ai pris l’habitude d’aller promener Brack dans le bois de la Garenne qui est à deux pas de chez moi.

 Lors de cette promenade, je décide de m’intéresser un peu plus à Brack.

- Mon ami, il faut que l’on cause ! Edouard m’a dit que tu pouvais m’aider. Je pense qu’il a raison. Mais comment ?

 Brack, qui s’est arrêté et s’est assis, me regarde.

- Je vois bien que tu as l’air de comprendre tout ce que je dis, mais comment communiquer ?

 Je décide de tenter quelque chose :

- Couché. (Il se couche)

- Assis. (Il obtempère)

 Essayons autre chose, des ordres que je ne lui ai jamais donnés :

- Donne la patte. (Il me tend la patte gauche)

- L’autre patte. (Il me tend la patte droite)

- Fais le mort. (Il se met sur le dos et ferme les yeux)

 Il n’y a plus de doute, il comprend tout ce que je lui dis. Une idée me vient, on va faire comme avec le spiritisme : un coup pour oui, deux coups pour non. Les coups on va les remplacer par des wouafs. Je demande à Brack de s’asseoir et je m’assoie à côté de lui.

- Brack, pour me répondre, tu vas faire un wouaf pour oui et deux wouafs pour non.

- Wouaf.

- Génial, je vois que tu as compris.

- Wouaf.

 Donc, je peux lui poser des questions ayant pour réponses des oui ou des non.

- Dans mon cauchemar, c’était bien toi qui a mordu Pascal ?

- Wouaf.

 Je rage, je ne peux pas lui demander comment il a fait. Pour compléter mon expérience, il me faudrait une question nécessitant un non…

- Tu voudrais remordre Pascal ?

- Wouaf wouaf.

 Je pense qu’avec Brack je progresse. Je décide de rentrer. Mais avant que je me lève, il me pose la patte sur la jambe.

- Tu veux que je reste assis ?

- Wouaf.

 Que veut-il me dire ou me montrer ? Devant, dans un bosquet, j’aperçois le feuillage qui bouge. Une tête de lapin émerge.

- Petit lapin, ne crains rien, tu peux venir.

 Il me regarde et regarde Brack. Lequel des deux lui fait le plus peur ? Timidement il avance, sans quitter Brack des yeux. Je tends la main, il la renifle. Il prend de l’assurance et continue d’avancer. Délicatement, je lui caresse la tête. J’aperçois une plaie sur la patte arrière gauche.

- Tu es blessé, viens, je vais te soigner.

 Je passe ma main sur la plaie qui se résorbe. Il tourne la tête vers sa patte et constatant la guérison, se met à courir dans tous les sens et finit sa course sur mes genoux, il frotte sa tête sur ma main comme pour me remercier. Me voici vétérinaire -guérisseur du bois de la Garenne. Je sens un léger choc sur mon épaule, je tourne la tête et aperçois un écureuil roux.

- Bonjour petit rouquin.

 Je le prends délicatement et le caresse, il se laisse faire et a l’air d’apprécier. J’ai l’impression de revivre un épisode de Blanche neige quand elle est dans la forêt enchantée.

- Bon, les amis, on va vous laisser. Brack, cette fois, on peut rentrer ?

- Wouaf.

 Je suis satisfait de cette après-midi. Je pense que j’évolue, Edouard m’a demandé de m’intéresser à la flore, la faune et à Brack, je crois bien que c’est fait.

- Penses-tu que nous pouvons revoir Edouard ?

- Wouaf wouaf.

 Apparemment, je ne suis pas prêt. Nous rentrons, j’éprouve une certaine satisfaction, j’ai pu établir une forme de dialogue avec Brack, maintenant il me faut voir comment l’améliorer.

 Nous sommes un « jeudi compta. ». Je reçois donc René, pour éplucher la comptabilité de la semaine. Après un café, il dépose le dossier sur la table, je le sens crispé. J’ai une mauvaise impression, me cache-t-il quelque chose ?

- Ça va René ? Je te sens tendu, un problème ?

- Oui ça va, on se met au travail.

 Il semble éluder ma question. J’ouvre le dossier et nous commençons à éplucher les écritures. L’une d’elle retient mon attention : frais divers cinq milles euros, est-ce cela qui le perturbe ? Cette écriture n’est pas vraiment détaillée et je ne trouve pas de justificatif.

- C’est quoi ces frais divers ?

 Il blanchit et commence à bafouiller et à s’embrouiller.

- René, je te connais bien, tu me caches quelque chose. Pas de secret entre nous. Explique-toi.

- Avec Elisa nous avons décidé d’acheter une maison plus grande. Comme tu le sais nous attendons un deuxième enfant. Malheureusement, j’ai mal négocié notre prêt et nous sommes trop juste. La première maison n’ayant toujours pas de locataire, on est un peu coincé pécuniairement.

- Pourquoi ne m’en as-tu pas parlé ?

- Je n’osais pas t’importuner avec notre problème.

- René, tu es mon mentor mais aussi mon ami, n’as-tu donc pas confiance en moi ?

- Si…

- Comme on ne peut pas supprimer cette écriture, tu vas écrire une nouvelle ligne signalant une erreur et annulant cette note de frais. Tu te doutes bien que si j’ai vu cette anomalie, mon père la verra également, et, lui, ne te la pardonnera pas. Je n’ai pas envie de perdre un ami à cause de cette bévue.

- Je te remercie.

- Les cinq mille euros, je vais te les prêter en liquide. Les as-tu déjà retirés de la caisse ?

- Non, j’attendais de voir ta réaction.

- Ok, alors annule cette écriture. Et surtout, lorsque mon père te demandera le pourquoi de cette écriture, n’essaye pas de l’embobiner, sois franc avec lui.

- Tu me sauves, je te les rembourserai le plus vite possible.

- Ça ne presse pas. Comme nous avons décroché, tous les deux, un contrat juteux, je vais demander à mon père de nous accorder une prime. Ta dernière augmentation remonte à quand ?

- Il y a trois ans.

- Je pense que tu pourrais obtenir de l’avancement, je vais voir ce que je peux faire.

- Je te remercie, mais ne va pas te faire mal voir à cause de moi.

- Ne t’inquiète pas. As-tu d’autres problèmes ?

- Non. Mais je vais te dévoiler un projet qui te concerne, je ne suis pas censé t’en parler.

- Oui lequel ? Venant de mon père je suppose ?

- Pour ton anniversaire, le 20, ton père a décidé d’inviter des hommes d’affaires nantis, ayant une fille unique célibataire. Il m’a donc demandé de lui faire une liste et de garder le secret. Sur cette liste, il en a retenu quatre. Malheureusement, seul trois seront là, le quatrième ayant un empêchement.

- Je vois, mon père a décidé de me marier.

- Je suis désolé, je connais ton penchant sexuel, que j’avais compris lorsque ton père t’a envoyé passer deux ans en Angleterre. Je venais d’arriver dans la société. Aussi je compatis et si je peux t’aider, n’hésite pas à m’en parler.

- Je te remercie, mais je préfère ne pas aborder le sujet.

 Notre travail terminé, René me quitte en me remerciant et en renouvelant sa proposition de m’aider en quoi que ce soit.

 Ainsi, le paternel a décidé de me marier, je rage, comment vais-je pouvoir m’en sortir ?

 Le lendemain, il me convoque dans son bureau. Nous nous installons dans le petit salon.

- Merwin, il faut que l’on parle de la comptabilité.

- Oui père, il y a un problème ?

- Oui, cette erreur d’’écriture me chagrine, j’ai l’impression qu’on a essayé de détourner de l’argent. Que se passe-t-il ?

 Mon père n’étant pas dupe, je décide d’opter pour la franchise. Je lui parle de la situation de René.

- Tu sais fils, lorsque l’on dirige une entreprise, l’on ne doit pas donner de signe de faiblesse.

- Grand-père disait : « On peut tolérer une faute une fois mais pas deux »

 Ça lui provoque un début de sourire, à l’évocation de son père, sourire qu’il efface de suite.

- Oui, ton grand-père était un sage, mais n’abuse pas.

- Père, avec René, nous avons décroché un contrat important pour la société.

- Je te vois venir, continue.

- Je pense que nous avons droit à une prime.

- Tu as raison, je t’accorde une prime de dix milles euros et cinq mille pour René, je pense que ça comblera cette erreur d’écriture.

 Je n’ose pas contester cette disparité entre moi et René. Il risquerait de mal le prendre.

- Merci père.

- Autre chose ?

- Oui, la dernière augmentation de René date de trois ans.

- Là, fils, tu abuses ! D’accord, je lui accorde dix points d’indices !

- Merci. Si vous n’avez plus rien à me dire je vais me retirer et vous laisser travailler.

- Oui, retire-toi, tu m’as fait suffisamment perdre d’argent pour la journée.

 En arrivant à la porte, je l’entends bougonner.

- Tu feras un redoutable négociateur.

 En retournant à mon bureau, je fais un crochet par celui de René.

- Père vient de me convoquer, pour me parler de la comptabilité.

- Il a accepté mon erreur ?

- Pas tout à fait, il n’est pas dupe. J’ai donc décidé d’être franc avec lui. La pilule est passée, alors, s’il t’en parle, fais également profil bas avec lui.

- Merci Merwin.

- Autre chose, il nous accorde une prime pour le marché passé : cinq mille pour toi et dix mille pour moi, je n’ai pas osé le contredire sur cette inégalité.

- Ce n’est pas grave, tu es le futur PDG de la société. Je vais donc pouvoir te rembourser.

- Oublie, avec ma prime ça me suffit.

- Pas question, je tiens à te rendre ce que tu m’as prêté.

- Bon, si tu veux, mais dans six mois.

- Merci.

- Il t’accorde aussi dix points d’indice supplémentaires sur ton salaire.

- Là, tu as fait fort. Tu n’as pas peur de finir par t’attirer ses foudres ?

- Ne t’inquiète pas.

 La secrétaire de René passe la tête à la porte du bureau :

- René, le patron voudrait vous voir.

- Ok j’arrive.

- Courage, sois franc et humble.

- Merci Merwin, à tout à l’heure.

 Au retour, René me fait son compte rendu d’entretien. Le paternel lui a demandé d’être plus attentif pour la comptabilité et l’a félicité pour la naissance à venir en lui proposant une prime et une augmentation. Il n’a donc pas fait mention d’une faute. Ouf, un problème de réglé !

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