Le retour du bourreau ...

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Angelina


- Avez-vous déjà ressenti un vide ? Tel que quoiqu'il se passe ; rien, ni personne ne saurait le combler. Avez-vous déjà eu si mal que peu importe le temps qui passe, votre douleur semble s'amplifier au lieu de diminuer ? Avez-vous déjà été dégoûté de vous-même ? Au point que votre seule image est source constante de souvenirs répugnants. Je ne sais pas si tout ce que je vais vous raconter est utile. Je ne sais même pas si vous pourrez être une planche de salut m'aidant à me libérer de cela.

Cependant, il n'y a pas si longtemps le simple fait de poser ces mêmes questions encore et encore provoquait chez moi un désir viscéral de prendre la fuite. Une fuite intellectuelle où je gardais un silence pesant, lourds et méprisants qui donne une image de moi bien loin de celle que je suis réellement.

Mais encore loin de me déranger cette situation me rassure. Me permettant de maintenir à distance toute personne n'ayant pas un minimum de bon sens pour s'attacher à moi. Pour un individu aussi misérable que moi, cette logorrhée a vraiment l'air pathétique. Mais avec le temps, je me suis rendu compte à quel point, j'étais un jouet cassé. Je n'ai pas envie que quiconque découvre qui est réellement Angelina Béatrice Maillard. Moi la fille du péché.

Cela fait deux minutes trente que je suis totalement immergé dans ma baignoire. Mes narines me brûlent, les veines de mon crâne sont probablement apparentes. La sensation d'étouffement ne m'atteint pratiquement plus, comme une droguée en manque, il me faudra aller fréquemment plus loin pour retrouver les sensations du début. Cette seconde où tu sais que si tu n'enlèves pas ta tête de l'eau, tu pourrais mourir d'une seconde à l'autre. Ce moment où ta vie défile comme un film en noir et blanc. Je représente cette personne qui l'espace de quelques minutes voudrait refuser la réalité qui est la sienne.

- Que t'arrive-t-il aujourd'hui Angie ? Tu devrais être heureuse après des études acharnées nous voilà enfin diplômé ! Or, j'ai le sentiment que tout cela te passe totalement au-dessus !


- Il n'y a rien Liv, c'est juste que je vais revoir Fiona et Richard, je ne suis pas particulièrement heureuse.


- Allez ma beauté ça va aller ! Le fait que tes parents viennent à Paris ne doit pas être une si mauvaise nouvelle que ça. Enfin Angie, tu ne penses pas qu'il est temps de tous leurs dires. Tu ne peux pas leur en vouloir infiniment pour quelque chose qu'ils ignorent voyons!? Sois raisonnable .

- NON !

J'ai pratiquement crié de rage et de panique. Voyant mon état Liv me prend immédiatement dans ses bras.


- Pardon ma beauté, je n'aurais pas dû suggérer ça. Excuse-moi ! Elle me cajole pendant un moment et le vent de terreur qui m'a submergé pendant un bref instant ce calme progressivement. Des larmes de soulagement glissent sur mes joues. Je suis véritablement soulagé que mes parents ne seront jamais au courant du drame qui s'est déroulé sous leurs yeux pendant sept ans.


- Il faut nous préparer Sébastien est déjà prêt.


Sur ces mots et après une longue accolade, Liv se dirige vers sa chambre. Je la regarde s'éloigner puis je prends moi aussi la direction de ma chambre. Pendant que je me prépare machinalement, je repense au chemin que nous avons parcouru mes amis et moi.


Livia, Sébastien et moi, nous nous connaissons depuis l'enfance. Nous avons tous les trois vingt-quatre ans. Et bien sûr, comme nos familles sont très liés, nous avons fréquenté les mêmes établissements scolaires. Nous étions très satisfaits de ne jamais être séparés. Et à la fin du secondaire nous avons tous décidé d'effectuer nos études à la Sorbonne.


Ces années passées ensemble ont renforcé notre amitié déjà fusionnelle. À tel point que beaucoup de personnes de notre entourage n'arrivent pas à concevoir notre relation faisant courir des rumeurs selon lesquelles faisaient vraisemblablement des plans à trois.

Cela a beaucoup amusé Sébastien qui s'est dit chanceux de baiser deux femmes comme nous. Une affirmation à laquelle Livia a répondu en disant qu'il était bien possible que soit nous qui le baisions. Sans compter qu'être lesbienne de nos jours ce n'était plus proscrit, phrase qui a fait Sébastien rire à gorge déployée.

-Angie ! Angie ! Tu es là ?


En entendant la voix de Livia ma meilleure amie, j'émerge de la baignoire. J'attrape le pommeau de douche et je rince délicatement les traces de mousse mon corps et mes très longs cheveux bruns. Au moment où je sors de la baignoire, des coups sur la porte de la salle de bain.


-Angie ne me dit pas que tu te douches encore nous sommes attendus pour neuf heures à la faculté ! Que fais-tu depuis tout ce temps ? Ça fait une heure que tu es enfermé là-dedans !

- Liv, un peu de patience !


Excédé, j'ouvre la porte avec fracas. D'habitude, je ne perds jamais patience avec Liv. Elle est la deuxième personne la plus importante de ma vie, la seule à qui je peux tout dire, la personne qui ne me jugera jamais peu importe ce que je suis. Mais aujourd'hui, je me suis réveillé avec une boule au ventre et une angoisse qui ne me quitte pas.

Après m'être séché, maquillé et coiffé, j'enfile la petite robe noire que je m'étais acheté pour l'occasion. Du haut de mes stylos, j'admire la vue Marais de notre Triplex du onzième arrondissement. J'ai toujours trouvé que mes parents avaient exagéré en achetant ce Triplex luxueux. Mais je devais reconnaître que ça avait été un vrai havre de paix pour Livia, Sébastien et moi alors j'étais tout de même reconnaissante bien que je savais pertinemment qu'ils avaient largement les moyens. Les yeux dans la vague, c'est la voix de Sébastien qui me ramène à la réalité.

-Angie ma belle, tu es prête ? Livia nous attend déjà dans le hall !


Je franchis le seuil de ma chambre pour le rejoindre et je me stoppe net ; Sébastien a toujours été beau. Si Sébastien n'avait été mon frère de cœur et mon meilleur ami j'aurais tout tenté pour qu'il demeure mon amant. Afin que j'arrête de coucher avec des inconnus, j'avais failli sacrifier notre merveilleuse entente sur l'hôtel des larmes. Nous avions tout deux conclus qu'il était préférable de ne plus coucher ensemble. Il s'attachait bien plus que moi et je tenais bien trop à lui pour le perdre.

- Angie ma chérie ça va ?

- Oui, oui ! Je réponds promptement car ce n'est pas le moment de penser à nos anciennes parties de jambes en l'air à Sébastien et moi.

- Allons-y !

Sébastien me prend par le bras et nous sortons de la maison avec Livia et nous nous dirigeons vers la voiture. Jimmy nous entrouvre la porte de derrière le Touareg Volkswagen tandis que Sébastien s'installe à l'avant. Au moment où je monte dans le véhicule la boule qui s'était installée ce matin au creux de mon estomac, regagne sa place et je me sens mal.

Depuis ce matin, un très vilain pressentiment me torture, mais j'espère de tout cœur qu'il ne restera que ça un pressentiment. Mais bien évidemment, c'était sans compter sur le Karma mon mauvais Karma. La première chose que je vois à notre arrivée ce ne sont pas les silhouettes de mes parents qui m'attendent. Non, ses yeux, mon bourreau.

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