Chapitre 12

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Les Beinniens se regardèrent tous les uns après les autres. Iris les vit aussi ramasser leurs armes tout en ne la lâchant pas du regard. Nyck était le plus angoissé. Il ordonna à ses troupes de baisser leur arbalète afin qu'il puisse réfléchir à sa prochaine décision. L'équipe de Sylviens en profita pour s'occuper de leur blessé. Evan était de très mauvais humeur, il avait très mal, mais sa faiblesse le rendait encore plus redoutable. Il renvoya Orens et Sam qui tentèrent de l'aider à s'asseoir.

- Je ne suis pas un incapable ! Occupez vous d'autre chose ! Grogna-t-il en se relevant doucement. La grimace qui déformait son visage trahissait sa douleur et son inconfort. Amy lui donna un petit coup sur la tête.

- Tu es d'un ridicule mon pauvre ami, déclara-t-elle sans le ménager. Il l'ignora cherchant à trouver Iris du regard. Elle était un peu en retrait du groupe, mal à l'aise de l'attention que lui portaient les soldats des montagnes. Il était encore une fois satisfait de sa réaction, elle avait su les déstabiliser sans que personne ne soit blessé ou offensé. Nyck semblait sur le point de changer d'avis, tout cela était positif.

- Aie ! Tu n'es qu'une brute ! Grinça le capitaine en sentant son amie appuyer plus fort sur sa plaie. Elle prenait un malin plaisir à le torturer, alors, il récupéra le tissu pour arrêter lui-même le sang.

- Tu es douillé...c'est pathétique.

Elle reprit les mots favoris de l'homme, hilare de sa propre blague. Evan se releva en l'ignorant pour rejoindre le lieutenant. Il était temps qu'ils obtiennent cet entretien.

- Beaucoup de responsabilités vous incombent, fit-il remarquer en s'appuyant sur une roche non loin du soldat. Il ne répondit rien dans un premier temps, puis il désigna d'un signe de la tête son bras blessé.

- Désolé, pour ça, j'ai vite compris que vous étiez leur chef. Il fallait vous affaiblir pour qu'ils restent tranquilles.

L'homme esquissa un sourire tour en observant ses coéquipiers. Ils étaient tous sur leur garde prêt à réagir au moindre signe suspect des gardes.

- Vous n'avez réussi qu'à les énerver... Vous devez nous laisser rencontrer le Prince. Il sera intéressé par notre histoire...De plus, s'il ne l'est pas, il n'aura qu'à nous livrer aux autorités Sylviennes. Iris est leur cible principale.

Cette plaidoirie sembla intéresser davantage le soldat. Il se releva un peu tout en tapotant son uniforme en métal pour le dépoussiérer. Puis son regard se tourna vers la jeune Iris. Elle capta ses yeux sur elle et le fixa à son tour.

- Hmm... D'accord, mais je devrais lui passer des chaînes, déclara-t-il finalement en se dirigeant vers elle. L'intéressée lui lança un regard amusé tout en tendant ses poignets.

- Croyez-moi ça ne me retiendra pas, les sylviens ont déjà essayé.

Evan leva les yeux au ciel devant la stupidité de la jeune femme. Il s'empressa de rejoindre le lieutenant abasourdi.

- Elle accepte tout de même cette condition, dit-il en la fusillant du regard pour lui ordonner de se taire. Nyck lui passa des menottes en fer noir avant de donner l'ordre à ses troupes de reprendre leur poste.

- Nous allons les conduire à Sir Ailan. Une fois, là-bas, ils ne seront plus sous notre responsabilité.

La cité de Beinn était construite dans la roche de la montagne la plus haute. Autour d'un grand château, le bâtiment le plus haut, plusieurs centaines de petites maisons en pierre étaient disposées autour de s'étendant sur plusieurs kilomètres. Toutes étaient tournées vers l'ouest. Nyck prit plaisir à expliquer que c'était pour toujours faire face à leurs ennemis, les sorciers. C'était une tradition perpétuée de siècle en siècle. Toutes les maisons étaient aussi de couleur grise pour se fondre dans un décor rocheux naturel. C'était un spectacle auquel les sylviens assistés pour la première fois, habitués au camp entièrement construit en vois.

Ils passèrent par plusieurs postes de sécurité avant de pouvoir entrer dans le quartier royal. Les Beinniens étaient tous habillés de façon très colorée, contrastant la couleur de leur maison.

Les habitants lancèrent des regards curieux aux nouveaux arrivants ne se fondant pas dans la masse avec leur vêtement sylviens et les gardes les encerclant. Iris et Louis ne sentirent très vite, mal à l'aise devant tant de personne s'attroupant autour d'eux. Heureusement, ils ne semblaient pas avoir la même animosité pour eux que les soldats les ayant accueillis.

Le groupe finit par atteindre les grandes portes du château. Elles étaient ouvertes et l'entrée semblait libre.

- Tous les Beinniens sont accueillis librement au sein du château. Le Prince a pour rôle de les écouter et de les aider, expliqua Nyck à Evan avant qu'il ne pose la question.

- Et pour la sécurité ?

- Nous sommes un peuple uni, personne ne fera jamais de mal à notre dirigeant, ni à autrui. Notre ennemi, nous le connaissons suffisamment.

Evan n'était pas certain de croire en cette idylle, mais il décida de ne pas contrarier leur guide. Si vraiment ce dernier disait la vérité, le pays de Sylve avait de quoi apprendre de leur voisin. Ce pays depuis trop d'années était témoin de trop de complots et d'actes allant contre la population. Il en avait fait lui-même les frais.


- Quand Eagal m'a acheté, il m'a conduit vers le camp sans unité. C'est un petit village à l'ouest de Sylve, peu de personne connaisse son existence. Il logeait dans une grande ferme sans animaux ni culture, mais muni d'un équipement de combat dernière génération. Il y avait quelques autres enfants, mais nous n'avions pas le droit de nous adresser la parole. Le premier soir, Eagal m'a emmené dans la forêt, à quelques kilomètres seulement de la frontière. Il m'a laissé seul, je devais arriver à rentrer avant le lever du soleil. Si j'échouais, je devrais recommencer la nuit suivante. La première nuit, j'ai attendu en pensant qu'il me faisait une blague et qu'il reviendrait. La deuxième nuit, j'ai paniqué et j'ai grimpé dans un arbre pour me cacher. La troisième, j'avais suffisamment repéré les lieux pour rentrer en quelques heures. Il m'a ramené dans la forêt la nuit suivante, et cette fois-ci, je devais rentrer le plus vite possible. Tant que mon temps n'était pas satisfaisant, il me ramenait dans la forêt. Je n'ai pas pu dormir suffisamment pendant un mois. La deuxième nuit, j'ai paniqué et j'ai grimpé dans un arbre pour me cacher. Chaque minute passée était une nouvelle expérience visant à me faire devenir plus fort et plus résistant. Il me mentait souvent, pour me préparer à réagir et à déceler la vérité du mensonge. Il m'a ramené dans la forêt la nuit suivante, et cette fois-ci, je devais rentrer le plus vite possible. Or, ils étaient toujours plus compliqués, et différents. À huit ans, je savais déjà entrer et m'évader des endroits les plus surveillé du pays, sans que personne ne me voit. Je pouvais aussi neutraliser un adulte discrètement et voler n'importe quel objet. Si Eagal m'emmenait dans un endroit inconnu, je pouvais très rapidement trouver des repères et m'en servir pour me protéger ou attaquer. À cette époque, je n'avais alors aucune notion de ce qui était bien ou mal, mon seul objectif était de réussir les tests.

Evan arrêta son récit, décidant qu'il en avait suffisamment dit pour aujourd'hui. Il prit un temps pour observer la réaction de son auditrice. Iris semblait totalement prise dans l'histoire de son supérieur. Elle fut déçue qu'il ne continue pas.

- Vous étiez si jeune... Pensez-vous qu'il fait encore cela à des enfants ? Demanda-t-elle en buvant une gorgée de la boisson chaude qu'il lui avait servie.

- Je n'en ai aucun doute. Eagal a petit à petit augmenté ces effectifs. Il est à présent intouchable et le gouvernement trouve sa petite armée de soldats surentraînes très pratiques. Contre une somme d'argent, les unités spéciales effectuent n'importe quelle mission en toute discrétion. Néanmoins, je ne pense pas qu'il soit à propos des enfants, mais ils n'ont pas cherché...

Un frisson parcouru Iris alors qu'elle songeait à ces jeunes enfants arrachés à leur famille et privés de leur enfance. Elle dévisagea un moment Evan. Elle pouvait l'imaginer plus jeune, une bouille de petit garçon avec un regard d'adulte. Un soldat trop jeune prêt à obéir à n'importe quel ordre. Elle se demandait à quel moment il avait brisé tout lien avec Eagal. Elle posa la question, mais le Capitaine secoua la tête.

- Tu auras la suite si tu reviens demain soir, sobre. A toi à présent, as-tu vu des images qui pourraient parler de ton enfance ?

Iris hocha la tête tout en commençant à se gratter la joue nerveusement. Pile à l'endroit où se trouver autrefois la cicatrice qu'il lui avait faite.

- J'ai vu une forêt, je m'y trouvais avec Peter. Je pense que c'est là qu'on m'a trouvé. Il me parlait, mais je n'arrive pas à comprendre. Et il m'a donné quelque chose qu'on m'a volé. Je le sais, car je ressens beaucoup de frustration en pensant à cet objet même si je ne le visualise pas. Ce qui est sûr, c'est que j'ai rencontré les Smuainiches quand j'étais petite fille. C'est moi qui leur ais donné des prénoms humains Peter, Levoy, mais j'ignore où et comment. Et c'est vraiment terrifiant...Si ça se trouve, je fais partie de leur peuple.

Evan haussa les épaules, il souhaitait garder un air détaché pour éviter d'angoisses un peu plus la jeune femme. Il était certain qu'elle était humaine.

- Je suis sûr que si nous retrouvions l'endroit où tu as été abandonné dans la forêt, tu pourrais te reconstituer la scène. Il faut que nous sachions ce que t'a donné Peter.

Iris approuva, elle faisait ce rêve plusieurs fois par semaine, mais elle n'arrivait pas à le voir clairement. Il était brouillé. Avoir un décor l'aiderait.

- Je vais essayer de trouver des informations dans les archives. Mais je doute qu'elle soit intacte en ce, qui te concerne...Eagal y a sûrement mis son nez.

- Pourquoi ne m'a-t-il pas recruté ? Qu'est-ce qu'il attend de moi ? Je suis certaine de ne l'avoir jamais rencontré et pourtant, j'ai l'impression qu'il m'a observée tout ce temps.

De nouveau, Evan haussa les épaules tout en griffonnant sur son carnet afin de n'oublier aucun détail. Puis il tapota son crayon sur son front d'un air songeur.

- j'ai une théorie, mais si elle s'avère exacte, ça sera dramatique pour Sylve. Je t'en parlerais quand j'aurai plus de preuve. Je ne veux pas faire raisonner de fausse rumeur.

En effet, il espérait que ce ne soit qu'une pensée et non une réalité. Mais connaissant Eagal, il y avait de fortes chances pour qu'il ait pensé à la même chose vingt ans plus tôt. Il ne trouverait que ses informations en retournant fouiner du côté de la ferme où il avait grandi. Pour cela, il aurait besoin de son équipe.

- Avant que tu n'ailles te coucher, il faudrait rallumer la cheminée, dit-il pour défier un peu la jeune femme et lui changer les idées. À peine eut-il fini sa phrase qu'un feu commença à crépiter doucement avant de grandir dans le foyer. Iris n'avait même pas bougé de sa place, elle avait seulement agité sa main tout en fixant le bois. Evan satisfait ne put s'empêcher de sourire.

- Tes progrès sont évidents, dit-il un brin de fierté dans sa voix.

Elle lui rendit son sourire, ce qui réchauffa aussitôt la pièce. Il ne la voyait plus sourire sincèrement depuis plusieurs mois, cela lui avait manqué.

- Plus vite, je m'améliore plus vite Al sera sauvé.

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