1. Śimrod : l'esclave de leurs désirs

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— Śimrod, appela Sneaśda. Śimrod ! Ne reste pas trop loin. On pourrait m’attaquer pendant que je profite de mon mâle.

À contrecœur, Śimrod revint dans la pièce. Il n’avait qu’une hâte : être renvoyé à Æriban. Là-bas, plus personne ne le convoquait et les autres aios se tenaient à l’écart. Tout ce que Śimrod avait à faire, c’était d’attendre la date fatidique à laquelle Ysatis serait sacrifiée à l’appétit du dieu de la guerre. Il avait fallu les caprices d’une petite reine comme cette souveraine des neiges… et pendant qu’il jouait les portes-chandelles ici, l’astre de feu qui prédisait à la Nuit des Supplices se rapprochait. Sneaśda était une femelle de petit gabarit, mais elle était insatiable : elle consommait un sidhe différent toutes les nuits, et il lui fallait encore que son maître d’armes participe en assistant aux ébats !

Comme Śimrod à peine quelques cycles plus tôt, le sidhe promut amant de la reine d’Hiver pour la nuit avait le sexe encagé. Mais deux esclaves humains mâles – les femelles l’auraient rendu incontrôlable – le libérèrent et enduisirent son membre impatient d’une lotion lubrifiante. Pendant ce temps-là, Sneaśda saisit la chaine de son collier entre ses doigts délicats et s’installa confortablement sur sa couche, avant d’ouvrir grand les cuisses.

À la vue de la vulve offerte, le malheureux sidhe devint comme fou. Mais une petite pression sur son collier le rappela à l’ordre.

— Lèche-moi, ordonna la reine.

Le mâle empressé s’exécuta. Bientôt, il fut incapable de se retenir plus longtemps : il saisit les hanches de la femelle à pleines mains, essayant de la retourner pour la monter. Un coup sec sur sa laisse, en activant la pression sur son collier, le ramena à plus de docilité.

Śimrod détourna le regard en grimaçant. Jamais il n’accepterait cela. Être traité comme un guerrier bon à se faire tuer, d’accord. Mais comme un simple étalon dévoué au plaisir de ces femelles castratrices, à l’instar du plus vil esclave humain… c’était hors de question !

Après avoir poussé la résistance du jeune sidhe jusqu’à se dernière extrémité – il était peu expérimenté, cela se voyait – Sneaśda l’autorisa enfin à la saillir. Le rugissement qu’il poussa en plongeant son sexe dans la fente tant convoitée irrita Śimrod : ce jeune bleu ne pouvait-il pas prendre sur lui ? De son côté, Sneaśda couinait comme une esclave honorée par son maître. C’était insupportable.

— Où vas-tu ? gémit Sneaśda en le voyant quitter la pièce.

— Monter la garde dehors.

— Je te l’interdis !

— Je me donne ce droit.

— Si tu désobéis, tu seras… Ah !

Śimrod se figea, l’oreille tendue. Visiblement, le jeune puceau savait y faire.

— Tu sera fouetté ! hurla Sneaśda entre deux gémissements.

Il haussa les épaules et quitta la chambre. Les cris de rage de Sneaśda qui s’époumonait à hurler son nom se muèrent bientôt en hululements de jouissance. Śimrod se demandait comment elle faisait pour jouir autant tous les soirs : au bout d’un moment, ne devait-on pas se lasser ?

Une fois dehors, Śimrod sortit de sa tunique l’étrange objet qu’il avait acheté au marché à la Chair. Il la fourra de cette herbe magique et y bouta le feu d’un claquement de griffes. Puis il se mit à fumer en regardant les étoiles. Que n’aurait-il pas donné pour être là-haut, à voguer dans l’Autremer… foutu Ardaxe, avec ses prophéties et ses plans fantasques !

Ce dernier apparut, se détachant de la paroi même, comme une sculpture prenant vie. Les hululements du coït amenèrent un sourire sur son visage de nuit.

— Quel chant d’amour ! Sneaśda se fait plaisir sans t’attendre ?

— Elle est au lit avec le numéro trente-trois, répondit Śimrod en croisant les bras.

Ardaxe affecta une expression outrée.

— Comment ! Elle te préfère un autre ? Quel mauvais goût !

— Sneaśda ne m’a pas pris à son service pour que je lui ramone le goulot, fit Śimrod en plantant son regard dans celui de son ami. Elle me déteste, mais elle me reconnaît au moins une qualité, et la principale : celle de maître de guerre.

— Cette idiote pourrait allier l’utile à l’agréable, plaisanta Ardaxe, une étrange lueur enfiévrée dans ses yeux clairs.

— Vu ce que je lui ferais si je l’avais sous la main, je doute qu’elle trouve ça agréable, grogna Śimrod en réponse.

— Oh ! Si tu savais. Certaines ellith aiment être malmenées.

Śimrod ignora la remarque.

— J’étais loin de m’imaginer que j’allais finir ma carrière de mercenaire comme serviteur de femelles capricieuses. Tu m’as bien eu, Ardaxe !

— Désolé. Il faut bien que tu apprennes un peu la vie… il n’y a pas que les filles de bordel et les mâles, il y a aussi les ellith !

— Je m’en passerai très bien.

— Oui, mais ce sont elles qui tiennent les Cours.

— Pas chez les Sombres…

— À l’exception des khari, bien sûr ! ricana Ardaxe.

— Je ne sais rien des khari, répliqua Śimrod à mi-voix.

Son ami comprit qu’il était temps de mettre un terme aux plaisanteries.

— Écoute, je t’assure que c’est presque fini. Encore un peu de patience, et tu retrouveras ta liberté.

Cette fois, Śimrod s’emporta.

— Mais qu’est-ce que je dois faire, à la fin ? Explique-moi ! Quel est le but de ma mission, si ce n’est de me faire balloter de Cour en Cour, au service de femelles de plus en plus tyranniques ?

— Tu le sauras bien assez tôt.

— Je n’ai rien découvert de significatif, grogna Śimrod. En étant envoyé ici, j’ai même perdu la trace des enfants de Mannu. J’espérais sauver ma seule informatrice, en revenant sur Æriban… mais cette salope de Tintannya ne m’a même pas laissé ce loisir. J’étais à peine revenu qu’elle me distribuait à une autre elleth, comme un vulgaire esclave !

— C’est ce que tu es pour elles, dit doucement Ardaxe. L’esclave de leurs désirs.

— Cette Sneaśda me hait encore plus que la reine.

— Mais elle te trouve certaines qualités.

— Oui : je fais peur à ses ennemis.

Sa remarque fit rire son ami. Śimrod l’imita – un peu.

— Va falloir que j’y aille, murmura-t-il enfin. Je ne suis pas censé la laisser sans surveillance aussi longtemps.

— Bah, ce jeune sidhe la protégera, en cas d’attaque !

— Il est en chaleur. C’est sa première fois… quand elle en aura assez, ce n’est pas sûr qu’il accepte de la laisser.

— Il a un collier, non ?

— Ce ne sera pas suffisant. J’ai vu des mâles devenir complètement fous en présence de femelles, sur Æriban. Tu sais bien : pendant le rut, on ne sent plus la douleur.

Śimrod se rendit compte trop tard de ce qu’il avait dit. Tout cela, Ardaxe l’ignorait.

— Tu sais bien que non, Śimrod…

Un sourire désabusé flottait sur son beau visage.

Śimrod ne sut plus quoi dire. Il resta là, immobile et silencieux, à fixer le lac de glace et les pics blancs qui s’étendaient devant eux. Ici, tout était bleu et blanc. Il n’y avait pas d’autre couleur, jamais.

— Va retrouver ta reine. Elle a besoin de toi, finit par murmurer Ardaxe.

Śimrod hocha la tête. Il posa une main sur l’épaule de son ami.

— On reste en contact.

— Toujours. Allez, file.


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