Il fut un temps où Aspasia redoutait d’aller dormir à cause des rêves et des cauchemars qu’elle faisait, où elle pleurait à chaque fois avant de se coucher quand elle avait quatre ou cinq ans, où l’angoisse se formait en crise d’angoisse. Elle n’en avait jamais parlé à personne car une voix lui murmurait de se taire, de ne jamais en parler au risque de... De quoi ? Aspasia n’en savait rien cependant elle n’avait jamais rien dit.

...L’eau pénétrait sa bouche, descendant dans ses poumons, l’empêchant de respirer. Une main retenait sa tunique cependant la première partie de son corps était forcé sous l’eau. Le manque d'oxygène commençait à…

L’adolescente prit une profonde inspiration comme si elle avait peur de manquer d’oxygène. Les mains tremblantes, le front en sueur, son dernier rêve hantait son esprit. Aspasia souhaitait ressentir la chaleureuse présence de ses parents, qu’ils lui fassent un câlin et-

« Sorcière ! Sorcière ! Brûlez la sorcière ! » Les paroles retentissaient, résonnaient dans le village près du château où résidait une famille noble. Les villageois tenaient des oupilles, prêts à mettre à feu le bûcher où une jeune fille d’environ quatorze ans y était attachée. Quelqu'un cria. Les flambeaux touchèrent le bûcher, ce dernier prit feu. « À mort, la sorcière ! » Ils souriaient en regardant l’enfant être englouti par les flammes. « Soyez maudit… Que la peste vous avale, que le Monde vous engloutisse, que vos enfants se souviennent à jamais de votre Crime.. » furent les paroles murmurées par la condamnée avant que la fumée ne l’étouffe, que son corps ne soit réduit en cendre.

L’eau. Aspasia prit une autre profonde respiration. Le feu. Deux personnes. Deux morts. L’adolescente se recroquevilla, les larmes coulant silencieusement sur ses joues. Elle sentait toutes les émotions des ces défuntes personnes, toutes leurs peines et leurs colères. Leurs souvenirs la hantaient, la tourmentaient, voulaient lui passer un message. Quel message ?

« Si le monde était mis à feu à sang, que ferais-tu ? » Un silence, une respiration. « Je… Ne nous abandonne pas, Aspasia. » La voix changea, se brisa comme si son propriétaire pleurait. « Prends la bonne décision… Et quand tu l’auras prise, tout cessera… Je.. Nous te promettons. »

Un sanglot s’échappa. Si les choses commençaient à prendre sens, cela ne signifiait pas qu’elle n’était pas affectée. Aspasia ouvrit les yeux, apercevant la forme humanoïde ramper vers elle. Elle ouvrit la bouche mais aucun son ne sortit. La silhouette avait le crâne troué, le corps couvert de sang et de terre, sa bouche fendue terrifiait l’adolescente.

« Ne les écoute pas ! Reste avec moi, avec nous, et plus jamais tu ne t'inquièteras ! » hurla une voix cassée provenant d’un mort-vivant déambulant dans son rêve.

• Non… No… Non… chuchota frénétiquement la jeune fille en apercevant sa peur profonde, la kinémortophobie, la peur des zombies, celle qu’elle avait développée depuis son plus jeune âge.

« Je vais te dévorer, Aspasia ! » Et le zombie se jeta sur sa forme de cinq ans, lui arrachant un hurlement de douleur tandis que ses dents pourries déchiraient sa peau, brisaient les os, suçaient son sang qui giclait.

Et elle hurla.

Quelqu’un la prit dans ses bras, murmurant de doux mots qu’elle ne parvenait pas à comprendre, l’enveloppant dans un cocon de chaleur alors que les larmes salées se déversaient sur ses joues pâles.

« Ne laisse pas ces meurtres être impunis. » chuchota des milliers de voix tandis que ses sanglots résonnaient dans la grotte où Aspasia avait pris refuge sans s’en rendre compte.

• Là, je suis là, m’p’tite Aspa… murmurait une voix familière.