Chapitre 1

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La confusion se répandit sur son visage comme une traînée de poudre. Le temps semblait avoir changé, la maison, elle, pas tellement. Aspasia se tourna vers son compagnon d’infortune, apercevant une expression nostalgie et de tristesse sur son visage effrayant. Il contemplait le décor du passé.


Son visage était pâle, couvert de cicatrices dont une traversait sa bouche fendue. L’esprit était vêtu de vêtements simples et amples, tous étant de couleur gris, noir et beige. Il lui prit gentiment la main droite, l’attirant vers lui et l’emmena à sa suite.


Comment était-ce possible ? La question tournait dans son esprit. Cependant, la réponse n’était pas là, ne serait jamais là. Aspasia se sentait incapable d’émettre le moindre son. La demeure résonnait différemment dans son cœur, l’atmosphère était légère et mélangée à l’étrange. L’esprit lâcha sa main, un fin sourire triste se dessina sur son visage hâve.


Regarde et apprend, souffla t-il dans son esprit.


Aspasia tourna la tête juste à temps pour voir les portes du manoir s’ouvrir sur deux personnes.


  • Cette demeure est la nôtre, ma chère, déclara un homme de grande taille vêtu d’une grande cape noire au-dessus d’un haut-de-chausse bouffant et droit gris avec un col rabattu.
  • Excellent, mon cher, répondit une femme habillée d’un vertugadin et d’une jupe friponne de couleur bleu foncé.

Le couple s’avança dans le hall d’entrée. L’adolescente les regarda quelques minutes discuter de la demeure. Puis, elle les suivit à travers le manoir redécouvrant son lieu d’habitat. Les deux jeunes gens se comportaient comme deux personnes du dix-septième siècle à quelques exceptions près. Néanmoins, ce n’était pas gênant. En vérité, c’était intriguant.


Aspasia appréciait le fait qu’elle pouvait les comprendre. Était-ce un pouvoir de l’esprit qui l’avait embarqué dans cette aventure ou était-ce un pouvoir de la maison ? Les questions se bousculaient dans la tête de l’adolescente. Les réponses ne venaient pas.


Le temps passait rapidement, nota discrètement Aspasia qui avait l’impression d’être dans une salle de cinéma. Le couple eut cinq enfants : parmi eux, Français Perfide, l’esprit qui l’avait envoyé sans prévenir dans le passé, s’y trouvait. Il était l’aîné, c’était un homme à la peau grenue, aux cheveux courts blonds qui scintillaient comme de l’or et aux yeux gris. Marié à une paysanne du nom d’Eliz, provenant du village d’à côté, celle-ci avait donné naissance à une petite fille dénommée Eli. Chef de famille, il était surnommé le Mangeur de Chairs car lorsqu’il chassait, il n’était pas rare pour lui de se poser et de dévorer l’une de ses proies.


Thomas Perfide était le Cannibal. Il était à l’origine des rumeurs qui régnaient autour de la forêt où vivaient les Perfides. Il était veuf - sa femme était décédée d’une maladie. Il avait trois enfants dont deux filles et un garçon. Simon Perfide était le Forgeron de la Mort, marié à une femme d’un village voisin - qui n’existait plus à l’époque d’Aspasia. Susanne Perfide, la Créatrice de Poupées, créait et vendait des vêtements aux marchands de passage. Simone Perfide, la Cuisinière Mortelle, tenait l’auberge avec Français. Elle était veuve comme sa sœur Susanne cependant, contrairement à sa sœur, Simone n’avait pas d’enfants.


Les cinq frères et sœurs portaient le fardeau de leur héritage familial, l’essence même de la Balance. Les images du passé défilaient doucement ne laissant jamais du temps pour Aspasia de digérer ce qu’elle apprenait. Les Perfides étaient de bons acteurs. Ils se mélangeaient à l’humanité aussi facilement qu’un espion se faufile chez l’ennemi. Le temps défilait, les Perfides se développaient, ils se répandaient comme des petits pains dans le monde.


Parmi les Perfides, Aspasia fut attirée par une certaine Andreas qui pouvait - sans savoir comment - voir le futur.


  • C’est de la bombe ! s’exclama l’enfant de onze ans, un sourire heureux sur les lèvres.
  • Le futur a un bien étrange langage, commenta un des Perfides d’un air amusé.

Si le passé se montrait à Aspasia, celle-ci ne voyait pas tout. Il lui manquait des pièces du puzzle pour bien comprendre.


Le monde trembla. La jeune fille regarda autour d'elle, voyant des fissures apparaître, grossir et anéantir les alentours jusqu’à qu’une lumière l’enveloppe et l’emmène loin du passé, de retour dans le présent. Elle ferma les yeux par instinct, frissonnant. Puis, elle les ouvrit. L’adolescente se situait dans une pièce blanche assez grande pour une seule personne. Des mots se dessinèrent sous ses yeux.


Les Perfides sont la Famille Gardienne du Monde, elle protège la Balance et préserve l’équilibre. On associe humanité et monstruosité.

Français Perfide a été mi-humain mi-skinwalker. Ses sœurs ont été mi-humaines mi-fantômes tandis que ses frères ont été mi-humains mi-anges. Andreas Perfide a été une voyante, fille d’Apollon, Oracle. Elle t’a vu et entendu. Toi, Aspasia, tu vas sur un chemin où nul autre humain ne va. Les Perfides te regardent, te protègent jusqu’à que décision soit prise.

Le Monde te murmure des paroles abstraites. La Balance te fixe. Les Perfides attendent le bon moment. Qui sait ce qu’il se passera à Halloween.

Nous attendons ta décision avec patience. Et si tu ne comprends pas encore, c’est normal, tu trouveras par toi-même.


Soudainement, elle ouvrit les yeux. Allongée dans son lit comme si elle avait passé la nuit dessus, Aspasia fixait le plafond de sa chambre, perturbée. Comme si sa réalité avait été altérée, comme si cela n’avait été qu’un rêve, comme si... L’adolescent lâcha un long soupir en roulant sur son matelas. Son téléphone se trouvait sur sa table de chevet à l’exacte place où elle le mettait toujours. Il indiquait seulement quatre heures cinq du matin. Un frisson la parcourut. Aspasia se glissa sous ses couvertures puis ferma les yeux.


L’adolescente rêva de différentes personnes ayant une vie simple ou souvent une vie mouvementée, toutes avaient un point commun : les Perfides. Entre les têtes découpées, les restes de bombes, les scènes de torture, les épisodes apocalyptiques du monde, les rires cristalins des enfants, les paroles du Monde, les chuchotements de la Balance et le rôle des Perfides, la nuit fut bien mouvementée.


Quand Aspasia se réveilla quelques heures plus tard dans sa chambre dont les lourds rideaux de velours avaient été tirés plongeant la pièce dans la pénombre, l’adolescente tomba de son lit, encore terrifiée de ses rêves - ou cauchemars dans ce cas-là.


Elle se releva, les jambes tremblantes, et s’approcha de la fenêtre de sa chambre. Quelque chose cliqua en elle. Cette chambre lui paraissait soudainement familière. C’était la chambre d’Éli, la petite voyante dont la voix sibylline lui avait parlé, l’unique enfant de Français Perfide.Aspasia agrippa les rideaux de la fenêtre puis les tira brusquement.


Sauf qu’il ne faisait pas jour.


L’adolescente gémit, les yeux écarquillés, le corps tremblant tandis qu’une silhouette jaillit à l’extérieur de sa fenêtre. C’était une ombre humanoïde avec des yeux manquants, il n’y avait que deux orbites dégoulinant d’un liquide argenté. Sa bouche était grande, tâchée de sang, dont des dents acérées sortaient. La créature n’avait pas de nez, sa peau était grenue et grise.


Aspasia étouffa un sanglot.


Non, non, non, non… ça ne peut pas être réel, non, non, non-


La créature se propulsa violemment dans la vitre, fracassant en mille morceaux le verre et s’infiltra dans la pièce. Aspasia recula rapidement jusqu’à ce que son dos heurte le mur. L’être grogna en s’approchant tel un prédateur l’adolescente.


Non… s’il vous plaît… par pitié…


L’humanoïde se tenait à quelques centimètres de son visage. Une odeur nauséabonde attaqua son nez.


Et…


Ce dernier disparut.


Encore apeurée par la rencontre avec un être surnaturel, Aspasia tomba à genoux sur le sol complètement sous le choc.


Pourquoi fait-il encore sombre ?

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