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Angéline L.

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Jeune angoissée de 28 ans cherchait radeau pour parvenir à voguer sur les flots d'une réalité trop effrayante à son goût.

Un radeau qui a souvent pris la forme d'une feuille et d'un crayon, et auquel j'estime ne pas avoir suffisamment prêté attention jusqu'à aujourd'hui. Mais ça va changer !

Défi relevé : premier roman écrit et édité !

C'est parti pour Bébé Roman 2...

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œuvres
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Œuvres

Angéline L.


« Eh, regardez, voilà la grosse avec ses chaussettes vertes ! Regardez ! »
Les enfants se pressèrent contre la grille : certains tentant d’attraper au passage le sac à dos de la fillette, d’autres esquissant des grimaces de singes à son abord. C’était un matin comme les autres. Le brouhaha aux abords de l’école étouffait les cris silencieux de la petite fille.
« Et ta mère, c’est une baleine, dis ?! »
Les mots pleuvaient sur elle, comme autant de pierres. Il fallait les ignorer, coûte que coûte. C’est ce que Papa disait toujours.
« De toute façon, c’est tous des cons là-dedans. »
Cons, c’était un gros mot, Lila le savait très bien. Et les gros mots, c’est pas très sympa. Mais apparemment, les adultes adoraient les employer dès qu’ils en avaient l’occasion. Ou même juste comme ça. Comme Maman quand elle faisait tomber de la farine sur le sol et lâchait un vif « Putain ! » en soupirant. Puis elle se corrigeait aussitôt devant la mine désemparée de Lila, la rassurait à coups de : « Mais tu sais, des fois, les grandes personnes, elles disent des bêtises, et parfois… Des gros mots leur échappent, tu comprends ? Faut pas dire ces mots-là, hein ? ».
Ce à quoi Lila répondait « ça va, Maman, je suis plus un bébé. ».
Non, elle n’était plus un bébé. A presque onze ans (dans six mois et deux jours très exactement), Lila se considérait comme une « demi-adulte » : et puis bientôt, elle rentrerait dans cette période que tous les parents avaient l’air de redouter comme la varicelle, l’adolescence. Un mot un peu compliqué pour dire qu’en gros, Lila verrait bientôt son corps se transformer et des petits boutons grignoter son visage. La fillette espérait que ces transformations apporteraient avec elles le corps dont elle rêvait, celui qui ne permettrait plus aux autres enfants de la traiter de vache.
Mais elle était encore loin, l’adolescence. Alors, il fallait continuer à composer tous les matins avec les rires moqueurs de ses congénères, ignorer Sarah qui lui tirait les cheveux, oublier Thomas qui s’amusait à coller des chewing-gums sous sa table, ne pas répondre à Enzo qui imitait le bruit d’une truie lorsqu’elle passait devant lui.
« Qu’est-ce qui se passe, t’as avalé ta langue, Lila-nuche ?! »
La fillette ne fixait qu’un seul point : la porte de sa classe, implorant le chant libérateur de la sonnerie. Comme tous les matins à 8h12, après avoir attendu que la voiture de Maman tourne au coin de la rue, Lila se précipitait à la boulangerie sur le trottoir d’en face, où elle trouvait refuge jusqu’à 8h29. Elle n’avait plus ensuite qu’à se lancer dans la fosse aux lions pendant l’ultime minute qui la séparait de sa délivrance temporaire.
La boulangère, Madame Brigitte, avait su rassurer la fillette, lui assurant qu’elle pourrait toujours compter sur elle, et bien sûr avec un petit pain au chocolat pour sécher ses larmes. Lila avait refusé qu’elle prévienne ses parents : il était évident que Maman ne comprendrait pas. Madame Brigitte était très gentille : elle veillait à ce que les autres enfants ne viennent pas l’importuner dans sa boulangerie. C’est qu’elle avait connu ça, Madame Brigitte.
Cette dernière avait confié à la fillette son passé de petite fille harcelée par ses camarades parce que ses parents vivaient au fond de l’impasse des Rosiers, celle qui mène à la déchetterie, dans un tout petit appartement, « pas plus grand qu’une boîte à chaussures » où elle, ses cinq frères et sœurs et ses parents vivaient tant bien que mal. En bas de chez eux, il y avait ces femmes, qui restaient adossées au mur, parfois toute la journée. Quelquefois, des hommes s’arrêtaient pour discuter avec elles, et la petite Brigitte les voyait ensuite partir ensemble. Ils devaient sûrement aller se promener.
Alors, pour elle aussi, l’école représentait un calvaire. Les enfants faisaient une ronde autour d’elle dans la cour de récréation en entonnant le même refrain : « La mère de Brigitte est une putain ! La mère de Brigitte est une putain ! ». Putain, c’était un mot très sale. Et très moche.
Lila aussi le savait. Mais elle ne comprenait pas pourquoi aujourd’hui, tous les adultes mettaient des « putain ! » dans toutes leurs phrases.
« Putain de bagnole ! » disait Papa en rentrant du travail, généralement après être allé à la pompe à essence.
« Putain de sac à main ! » criait Maman lorsqu’elle était à sa recherche, envoyant voltiger à travers la maison bibelots en tous genres et vêtements.
Décidément, Madame Brigitte et Lila partageaient bien des points communs.
Et ce matin encore, Madame Brigitte avait su user de son sourire chaleureux pour protéger la petite, elle qui avait aussi connu les affres de la violence et de la honte.
« Tu sais, tu devrais tout de même en parler à tes parents, lui avait-elle dit tout en lui apportant son croissant préféré, celui avec des amandes sur le dessus et qui fondait dans la bouche lorsqu’on mordait dedans. »
Lila avait acquiescé silencieusement. Elle avait contemplé l’entrée de l’école, les yeux figés sur l’horloge principale. La grande aiguille aurait bientôt rejoint la barre du bas, sonnant avec elle le début d’une nouvelle journée en enfer. Elle avait soupiré. Ses parents ne comprendraient pas. Ils étaient bien trop occupés avec leurs problèmes de grands qui leur prenaient tout leur temps. Surtout depuis que Maman avait trouvé un message bizarre dans le portable de Papa.
Lila se souvenait de sa mère, assise sur le bord du lit, le visage déformé par la rage. Elle se souvenait aussi du regard que Maman lui avait lancé, ses yeux rougis et ses joues humides. Non, décidément, ils ne comprendraient pas.
La sonnerie avait retenti, arrachant Lila de ses rêveries. Il était temps de rentrer dans l’arène.
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Angéline L.


La nuit semblait si paisible, ce soir-là. La lune promenait son regard blafard sur les plaines endormies, enveloppant d’un voile d’argent les arbres et les toits. Le calme, si profond. La douceur d’un soir d’été… C’était lui qui conduisait ce jour-là. La fête chez les Beauregard avait battu son plein. Comme toujours, Hélène Beauregard en avait profité pour vanter ses multiples exploits à ses invités, faussement sidérés. Rien n’était laissé au hasard chez les Beauregard ; de la petite cuillère au parfum du papier toilette, la bourgeoise demeure s’était parée de ses plus beaux atours pour épater ses hôtes.
Pierre et Alice Colombe avaient une sainte horreur de ces dîners-là. C’était à contrecœur qu’ils avaient cédé aux innombrables relances d’Henri, qui voulait absolument leur faire découvrir leur tout dernier joujou : un service barbecue flambant neuf, avec tout plein de fonctionnalités inutiles, comme celle d’envoyer un texto à son propriétaire pour le prévenir que les saucisses étaient cuites.
Henri était le patron de Pierre. Heureux propriétaire d’une entreprise de serrures florissante, il en profitait à l’occasion pour s’offrir un ou deux caprices qu’il s’empressait d’exhiber fièrement le lundi matin, lors de la réunion hebdomadaire. Le dernier en date (avant le cuiseur de saucisses intelligent) était la superbe Ferrari GTC 4 Lusso ; un monstre rouge vif qu’Henri aimait garer tous les matins devant la porte d’entrée des employés, faisant au passage vrombir le moteur douze cylindres.
Henri et Pierre s’étaient rencontrés au lycée. L’un était fils du maire de la commune, le second n’osa jamais lui avouer que sa mère devait faire le ménage chez lui. Henri Beauregard était destiné à une carrière brillante, appuyée par les soutiens de son père. Pierre avait pour lui le goût du mérite et l’envie de bien faire. Les deux jeunes hommes s’étaient donc fréquentés un peu par hasard, sans savoir si c’était par un besoin irrépressible de popularité pour l’un, ou la peur de la solitude pour l’autre.
Puis Pierre avait rencontré Alice. Elle était assise là, sur le banc de la cour, lisant et relisant toujours le même livre ; le Songe d’une Nuit d’Eté de Shakespeare. Ses yeux dévoraient les lignes avec la même avidité, la même urgence d’absorber les mots, de les faire siens. Ses longs cheveux noirs encadraient un visage fin, aux traits doux et aux lèvres tendres. Après plusieurs mois d’observation sous-marine, il avait enfin osé l’aborder, plantant un regard timide dans le vert de ses yeux. Elle avait d’abord souri, puis avait accepté de l’épouser. Ils étaient aujourd’hui propriétaires d’une jolie maison sur les bords de l’étang, et parents d’une malicieuse petite Johanna.
Ce soir-là, Pierre et Alice avaient donc accepté de se rendre une nouvelle fois au baptême de la nouvelle lubie luxueuse des Beauregard. Hélène avait accueilli Alice avec son grand sourire rouge Chanel et sa robe Dior, identique à celle que Jackie Kennedy portait en 1962, disait-elle. Elle lui avait ensuite raconté combien il avait été difficile pour elle de trouver les escarpins assortis.
« J’ai dû appeler mon ami Tom, mais si Tom, vous le connaissez, il était à la Fashion Week de New York la semaine dernière. Il fait un travail for-mi-dable ! Vous devriez voir sa nouvelle collection, elle est absolument fabuleuse. Il faut qu’on organise un brunch un de ces jours, il pourra peut-être vous conseiller une de ces pièces à l’occasion ! Oh oui, vous seriez splendide dans de la soie rose ! »
Elle l’avait alors entraînée dans sa pièce favorite : la cuisine, où elle aimait vanter les talents de sa cuisinière, Maria, qui confectionnait à merveille toutes les petites douceurs qu’ils allaient déguster ce soir. Maria avait esquissé un petit sourire gêné, avant de se replonger dans la préparation des petits toasts de caviar, fraîchement importé de Russie, cadeau d’un important client de son mari. Pendant ce temps-là, Henri, tout en lissant sa moustache brune avec l’arrogance du paon en pleine séduction, avait tapoté l’épaule de Pierre, lui assurant une prochaine promotion, ce qui paierait sans doute une nouvelle poupée à Johanna.
La petite quant à elle, appréciait la soirée d’une autre façon. Elle riait aux éclats, amusée par les bêtises de la fille cadette des Beauregard, Paula, qui avait une attitude aux antipodes de celle de ses parents, toute casse-cou qu’elle était. Les deux fillettes avaient le même âge et partageaient régulièrement des moments de franche complicité, défiant parfois l’autorité d’Hélène en revêtant les beaux foulards et les jolies sandales vernies de cette dernière. Elles avaient plus d’une fois fait enrager Caroline, la baby-sitter de la famille, qui devait alors les chercher dans toute la maison après qu’elles aient barbouillé de rouge à lèvres le miroir de la salle des bains. Elles s’aimaient d’une belle et pure amitié, bien loin des intérêts et des jalousies. Dans le grand jardin de la propriété, elles s’inventaient souvent une vie trépidante, remplie de monstres effrayants à terrasser et de beaux princes à embrasser. Elles étaient tantôt princesses en détresse, tantôt fées bienveillantes du royaume, qui repoussaient au loin les menaces du quotidien, avec leur baguette magique et leurs ailes dorées.
Ce soir-là n’avait pas fait exception, et après avoir une ultime fois lancé un mauvais sort au dragon de la forêt enchantée, Johanna avait manifesté les premiers signes de fatigue. Elle s’en était allée informer ses parents, qui profitèrent de l’occasion pour mettre un terme à la soirée. C’était donc avec soulagement qu’ils s’étaient empressés de monter dans la voiture, adressant au passage un dernier au revoir aux Beauregard d’un petit signe de la main.
La nuit était belle ce soir-là. La route brillait, étendant son bitume au loin par-delà les collines. Johanna s’était paisiblement endormie, terrassée par les incroyables aventures qu’elle venait de vivre avec son amie Paula. Alice pensait à sa vie, peut-être un peu différente de ce qu’elle avait imaginé. Elle aurait pu être cette autre femme, avec ses grands cartons à dessin sous le bras, baladant d’exposition en exposition ses fabuleuses toiles, ô combien renommées dans le milieu. Elle avait finalement atterri dans un petit cabinet de médecine, où elle assurait sans grande conviction ses missions de secrétaire. Mais même si ses journées semblaient ternes, elle puisait sa force dans les grands sourires de sa fille et les tendresses parfois maladroites de son époux. Elle se contentait donc de son humble existence, attrapant quelquefois son pinceau pour dessiner ses regrets.
Ce soir-là, elle aurait voulu être cette autre femme. Juste pour ne pas se sentir humiliée par les richesses dégoulinantes des gens qui l’entouraient. Mais elle chassa vite cette idée lorsque Pierre vint poser sa main sur la sienne en lui adressant un sourire rassurant. Oui, rien ne valait le bonheur que représentaient ces moments. Elle était riche à sa façon, riche d’amour. Elle entreprit à son tour de fermer les yeux, savourant les derniers kilomètres qui les séparaient encore de leur petit nid familial.
Mais elle n’eut pas le temps de les fermer plus d’une minute. Elle fut brusquement tirée de son demi-sommeil par le hurlement de son mari, qui donna un violent coup de volant vers la gauche, évitant un obstacle invisible. C’était trop tard. Pierre avait perdu le contrôle de la situation. La voiture fit une embardée dans le fossé, avant de rebondir du talus contre l’arbre de la voie d’à côté. Le choc fut bref et presque sans bruit. La tôle du capot épousa les contours du tronc, tandis que les branches épaisses vinrent briser les vitres et s’enrouler autour des occupants. Les coussins d’air s’étaient déclenchés, vaporisant une fumée blanchâtre au-dessus de la carcasse et engloutissant les ombres désarticulées des passagers.
Dehors, la nuit était belle. Belle et silencieuse.
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Angéline L.


" J'en peux plus... Je meurs de faim... Il reste de l'eau ?
- Non, et contente-toi d'avancer.
- Mais c'est ce qu'on fait depuis ce matin ! Tu veux que je meurs d'hypoglycémie ?"
Je me retournai avec violence pour lui faire face.
" Est-ce que tu vois une ville ou un abri quelqconque susceptible d'abriter de l'eau ou de la nourriture ? Alors arrête, je ne sais pas à quelle distance nous sommes du prochain village Et que je sache on ne va pas mourir de faim, on est partis hier soir et... "
Je marquai une pause, repensant aux évènements de la veille.
" Et tu as mangé, non ?"
Il se tut, puis se mit à ronchonner.
" Du pain rassis, tu parles que c'est nourrissant... "
L'aube dessinait des reflets dorés sur sa peau blanchâtre, et ses yeux boudeurs se levèrent pour observer le lever du soleil. Son regard noisette suppliait je ne sais quelle divinité de lui apporter un peu de nourriture. J'étais fascinée par la force qu'il montrait face aux récents évènements. Mais je ne pouvais pas l'empêcher d'avoir faim tous les quarts d'heure : il était en pleine croissance.
" Ton frère aurait sûrement apprécié que tu arrêtes de te plaindre... "
Il ne répondit pas, et ma voix se brisa dans l'ombre. Il baissa la tête, ses mèches brunes retombèrent sur son visage, aussitôt écartées par le geste habituel de leur propriétaire qui les repoussait d'un revers de la main. Où irait-il maintenant ? Il ne resterait pas avec moi éternellement, et, bien que ce soit égoïste de ma part, je ne supporterais pas d'avoir la copie conforme de son frère en face de moi. J'avais bien trop mal. Etais-ce cela un deuil ? Pleurer un être cher, parfois si précieux que la douleur en était insoutenable ? Mon cas était tout de même particulier. Devrais-je tout raconter à la police ou resterais-je muette face aux différentes interrogations que les gens se poseraient ? Impossible à dire, impossible à savoir. Seule l'avenir me le dira. Lui aurait pu me dire ce que j'aurais dû faire . Je balayais aussitôt le visage qui se dessinait dans ma mémoire, incapable de résister au choc que cela causerait. Mon coeur s'emballa avant de retrouver un rythme normal. Il fallait que j'arrête d'y penser. Ma raison le voulait, mais pas moi. Je désirais garder avec moi les derniers moments que j'avais passés en sa compagnie, bien que peu agréables, ainsi que son regard, gravé au fond de mon âme, au plus profond de ma chair. Je posai ma main sur mon front, épongeant la sueur naissante, rafraîchissant mes idées au passage.
Combien de temps encore ? Les paysages défilaient lentement, à la vitesse de nos pas épuisés de marcher depuis la veille. Je détestais la campagne. Je préférais ma ville et sa population stressée mais rassurante. J'avais besoin d'un peu d'humanité. J'étais toute seule depuis des jours, et mon caractère sociable commençait à s'effriter, bien obligé de s'adapter à la situation. Où étions-nous ? Difficile à déterminer. J'avais l'impression que les paysages étaient tous les mêmes, que je rencontrais les mêmes arbres, les mêmes prairies vertes. Tournions-nous en rond ou était-ce le fruit de mon imagination ? Sûrement le résultat d'une nuit blanche et agitée. En tout cas, lui n'avait pas l'air perturbé. Il regardait le sol avec une moue boudeuse, s'arrangeant pour me faire savoir qu'il en avait assez. Il me jetait parfois des regards en biais, puis retournait à son observation des cailloux se dressant sur le sentier aussitôt qu'il s'apercevait que je le regardais également. Il lui ressemblait tant. Encore quelques années et j'aurais devant moi un homme. A ce moment-là, il me serait impossible de soutenir son regard, sachant que ses yeux brillaient de la même lueur que les siens . Mais peut-être aurais-je définitevement fait mon deuil ? Nul ne le saurait.
" Attends... Je suis d'accord, on est partis que depuis hier soir, mais là on mérite une pause, non ?"
Il osait enfin lever les yeux vers moi, et je sus qu'il ne m'en voulait pas de l'avoir réprimandé.
" Si tu veux."
A ces mots, il s'affala sur le sol, et allongea ses jambes engourdies sur le sable caillouteux. Je m'assis en face de lui, et nous nous contentâmes durant quelques instants de nous comtempler mutuellement.
"Tu l'aimais, n'est-ce pas ?
- Plus que tu ne le crois, répondis-je en baissant les yeux.
- Tu lui en veux ?
- Je ne sais pas.
- Il ne t'aurait jamais fait de mal.
- Peut-être.
- Qu'est-ce que tu lui dirais s'il était encore là ?
- Je n'en sais rien... Il n'est plus là, je ne vois pas pourquoi tu me poses cette question.
- Pour savoir. Il ne faisait sûrement pas ça par pur plaisir.
- S'il te plaît... Ne m'inflige pas plus de cette culpabilité qui m'étouffe.
- Ce n'est pas ta faute .
- Arrête, je t'en prie, gémis-je tandis que mes yeux se mouillaient de nouveau. Je n'aurais jamais dû souhaiter cela. J'ai commis un meurtre !
- Il souffrait, tu n'as fait qu'apaiser sa douleur. Il était malade et tu le sais."
Je ne réprimais plus mes sanglots, recrachant ce que j'avais gardé pour moi au moment où l'irréparable s'était produit.
" Je savais que tu n'avais pas un coeur de pierre. "
Il posa sa main sur la mienne, et je sursautai à ce contact inattendu. Il m'observait avec un air rempli de compassion, et je lui adressai un sourire timide pour tenter de le convaincre que tout irait bien maintenant. Il parut y croire, et sa main reprit sa place initiale.
" Peut-être devrions-nous repartir ? Je me sens de nouveau fort, même si j'ai le ventre vide !"
J'acquiesçai d'un signe de tête, et il m'aida à ma relever. J'observai les alentours, me rendant compte que nous avions encore beaucoup de chemin à parcourir. Mais à l'horizon, une tache noire se profilait . L'espoir se levait-il enfin ? L'ébauche d'un village, enfin...
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Questionnaire de l'Atelier des auteurs

Pourquoi écrivez-vous ?

Sûrement pour donner du sens à ce que je vis, mais avant tout pour créer une réalité qui m'appartient, des mondes qui me ressemblent.
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