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Odysseus Katsanvintset

Odysseus Katsanvintset


Ainsi soit-il, le tendu…
Ainsi va là-bas, en soi, l'herbe autour des genêts qui courent,
La larve des petits enfouis ; au sol ; en solitaire…

Ainsi soit-il, le rendu…
Ainsi l'arme et larmes sont dans les gens autour,
des silhouettes et des ordres en jachère…

Des espaces troués de plaques cinétiques
des regards sous nos pieds, qui cadencent l'enfin mort,
une salve déglutit, derrière, et gémit le sens commun…

des fêtards en deuil lézardent en chiques
du fond des strates, des écumes qui louchent encore,
sur lave et dessert, enduites, partiellement pour demain…

Les mouches sont laides dans la sphère qui se referme
quelle angoissante sensation ; quelle – oserais-je – odeur idiote…

les vers dansent dans l'acide, vaquent aux affaires de la ferme
la – disons-le – première des artères se terre et grelotte !

Darde ses rayures écossaises sur un autre bonheur
lorgne vers la mer d'huile qui lèche en vain les moisissures

tes astres amères ont des airs de doux vainqueurs
tes mères austères se marrent sous la dorure !
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Défi
Odysseus Katsanvintset
Dans l'humble demeure périgourdine de Madame Vérac, autour d'un café, le temps semble tourner au ralenti. Mais à l'extérieur, le petit Antoine s'amuse...
Le drame qui se joue n'est pas de ceux que l'on retiendra bien longtemps pourtant...
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Défi
Odysseus Katsanvintset
Parfois notre passé - fantasmé - écrit l'histoire de l'homme. Parfois, aussi, l'homme crie le futur avant de s'affranchir - mais il est trop tard !
Nos croyances organiques - déçues, bafouées - pourront-elles malgré tout, nous entraîner sur une route moins accidentée ?
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Défi
Odysseus Katsanvintset

Dans l'arbre se balancent encore des esprits isolés
Ils se souviennent des coups portés ;
des entailles qu'ils formaient sur leurs ombres pavides.

Derrière la route, se glissent enfin des bruits qui courent…
Ils se souviennent des fossés qui longeaient le vide ;
qui béaient lentement sur leurs envies communes.

Ils aimaient les orbes violentes qui fracturaient
les vitres bleues, celles des étoiles, des herbes sages,
qui se berçaient en avant de leurs têtes chaudes…

Ils entendaient se battre les astres dansants ;
pour la noirceur, la mélancolique exigence,
Ils entendaient l'amour, ne voyaient que l'enfer…

Les choses qui meurent sont dures à taire...
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Défi
Odysseus Katsanvintset

Je suis l'erreur du monde
je suis l'or des abeilles
je suis l'herbe qui gronde
Et l'amour qui veille…

Je suis l'erreur du vent
L'astre qui fuit la guerre
Je suis le fou pleurant
Les yeux dans la terre…

J'entame la descente !
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Défi
Odysseus Katsanvintset

Le soleil frappe fort la carlingue défoncée de la vieille Mercos 240D. Derrière le volant au skaï déchiré, le crâne de Zelko brille d'une sueur acre et épaisse. Les fenêtres sont fermées, répercutant à travers leurs vitres, l'insane chaleur. Des relents d'alcool lourd - instantanés incertains de la soirée d'hier - et des traces d'estomac en détresse, traînent ça et là, dans l'habitacle usé. Comment, seul, a-t-il pu rendre cet espace à sa légende putride ? Zelko ne s'en souvient pas. Tout juste se rappelle-t-il une brève bousculade. Un amas de viande saoule, quelque part entre ici - sur ce chemin de terre et de cailloux tranchants - et la folle grisaille urbaine voisine, ou lointaine… Combien de temps a-t-il roulé ?
Il faut qu'il sorte ; qu'il lève son corps sans soulever son cœur. Le flou devant ses yeux rougis est moins dû aux spasmes des orbites écaillés par les mauvaises vodkas qu'aux rejets secs et inaudibles des ultras-violets spécieux. L'évanescence spectrale - tropicale - de l'air vicié, fige, dans l'instant, un tableau grotesque. Zelko, en posant le pied dehors, sur la terre ocre et sans vie de ce chemin perdu, brisant net les gerçures millénaires crevassant le sol – copie lunaire – braisé par l'astre dominant, reçoit le vent d'un sud sub-saharien provocateur et hâbleur. Il se vide alors les entrailles sur la roue avant de la Mercedes. Ce n'est pas celle-là qui est crevée…
Accroupi, la tête appuyée douloureusement sur l'aile bordeaux de la caisse, Zelko tente d'ouvrir les yeux. Son front, écrasé sur le métal bouillant, est en feu. Il observe, assommé, les miasmes bruns qui coulent le long du pneu souillé, tel une armée de millions de petits Chinois qui lancerait son assaut final sur l'île honnie… « putain, mon bide... » Le long rugissement tellurique qui semble émaner des terres arides alentours, n'est que l'écho d'une violence interne et familière, un vrombissement cœlioscopique qu'il lui faut taire rapidement. Il se laisse alors tomber en arrière et dans un effort héroïque, se retourne sur le ventre. Tel un chien neurasthénique il se dirige, à quatre pattes, vers le champs adjacent. Péniblement, après avoir enjambé les quelques roches qui bordaient le chemin, Zelko abaisse son futal et se vide, cette fois par le bas, dans l'un des sillons terreux.
Le chemin emprunté par Zelko est un ruban sans fin. La poussière, soulevée par quelques bourrasques impénitentes et ardentes, ne paraît finir sa course qu'au travers d'un brouillard encore plus chaud. Aperçu au bout de cette abîme infernale : une gueule béante, recrachant des bouts de soleil à même la peau des plus impudents voyageurs… D'autant plus impudents qu'ils auront d'abord picolé comme des trous avant de tenter la traversée… Assis en tailleur, le dos encastré dans l'une des pierres de bordure, il s'allume une clope et tire dessus comme si sa vie en dépendait… Sa vie dépend de quoi en fait ? Tout en gardant la fumée et ses composés carbonés et chimiques au fond de la gorge, Zelko tente une reconnexion neurologique afin de se préparer à changer le pneu crevé - lorsqu'il aura réussi à localiser le caoutchouc abîmé…
Debout, tremblant, cahotant, les muscles fossilisés par la chaleur et les relents d'alcool ; plus proche d'un doryphore découvrant la marche que d'un bipède expérimenté, il fait le tour de la voiture allemande en s'appuyant sur chaque parcelle de métal en fusion - et souvent rouillé - pour garder un semblant d'équilibre, si tant est qu'il ait encore un système vestibulaire à relancer. En appui sur le capot moteur, il est pris, comme un poulet à frire, entre les radiations directes du soleil sur son dos et les rayonnements cancérigènes bondissants sur le pare-brise avant de la mule métallique. Il crépite Zelko. Une chair claquante de cloques, suintante et rougissante. Une mêlée de peau adipeuse et de pores pustuleux qui se forment sous le joug des atomes pyromanes.

Cette nuit - comme toutes les autres nuits - où les faunes urbains ont des envies de détresse et de colles fortes ; cette nuit - comme toutes les autres nuits - où les décalés de la vie font semblant d'être encore des êtres vivants, où les espaces se réduisent entre le monde des cloaques nébuleux et les Éden chimiques et vaporeux ; cette nuit - comme toutes les autres nuits - où les fantômes sablonneux sont vrillés à force de vins frelatés ou d'aiguilles surchauffées ; cette nuit - comme toutes les autres nuits - où les larmes acides communient dans la moiteur des caves, où le cri des scorpions résonne un peu et s'étouffe beaucoup - surtout - dans le vide de leur isolement ; cette nuit - comme toutes les autres nuits - où les habitants des cartons se soulèvent dans des soubresauts d'inconfort, où les femmes, hommes, pd, travellos, gouines, salopes et rebeus revanchards, où les aigris momifiés, les buveurs détruits ou les siliconées éclatées par l'inconnu du bordel voisin ; où tous, dans d'étranges mouvements sibyllins, dans une stratosphère parallèle, saisissent la mort par le cou et la secoue avant de reprendre la route pour défier le monde des ombres. Cette nuit fut l'oraison liquide et salée de Zelko.

La bile et la sueur odorante en sont le prolongement. Zelko le sait bien - ou le devine partiellement - quand il retient les larves grouillantes au fond de son estomac pendant qu'il cherche à atteindre la roue coupable. Plié en deux à côté de la portière passager, il attend que la crampe libère ses spasmes désoxygénés avant de reprendre le court mais cahoteux parcours autour de la voiture. Cette nuit, il a vu des lunes noires se planter sur sa tête. Il a senti les ongles se faufiler à travers la couche grasse de sa chevelure. Des squelettes dansent dans son cerveau - succédané vaporeux des réels cadavres dans son placard -, grelottant dans la froidure des ténèbres passés. Ils sont la trace, l'empreinte - la seule qui lui revient pour le moment - de la stupeur nocturne...
Le pneu - enfin découvert - écrase sa médiocrité d'état d'objet et bée un large sourire effilé, tirant une langue caoutchouteuse au pied d'une pierre ciselée. Zelko veut lui parler, lui dire tous les hurlements qui lui viennent. Aucun son ne sort. Seul, du fond du fond de son âme abîmée, un remugle d'acide éventé semble vouloir emprunter la voie orale. Il ravale son hoquet et se concentre sur la roue à changer. « À défaut d'un cri, trouver un cric ! » Sa blague le fait sourire, emportant, pour quelques secondes, ses démons vers d'autres rivages… Pour quelques secondes seulement…
Le coffre… sur lequel se profilent - certain ! - les strates des virulentes orchestrations urbaines nocturnes : noctambules enivrés et rageurs ou sépulcres mouvant, raclant son fond crânien à la recherche d'une vérité bien sentie. Et Zelko, il conchie sur la vérité de la nuit. S'il devait se rappeler chaque cuite, chaque dépolarisation synaptique, chaque vomissure au coin de la bouche, chaque changement de trajectoire, chaque… changement de trajectoire, changement de trajectoire, changement… de route, comme cette bifurcation ce matin… Cette route qu'il a quitté précipitamment, braquant ses roues et ses phares en direction de ce chemin, insondable et poussiéreux ; chaotique et abyssal… Pas pour dormir, pourtant il le fit. Pas pour pisser non plus…
Le coffre… qu'il ouvre. Le cadavre à l'intérieur qu'il soulève pour prendre le cric… Le cadavre à l'intérieur… Le cadavre à l'intérieur… Et l'odeur de merde, d'alcool, la décomposition des anges… Le cric dans les mains, prêt à s'abattre à nouveau sur l'homme en putréfaction lové au fond de la malle… Le cric et la trace de sang séché… Mais les vides ne se remplissent toujours pas. Les blancs restent blancs… Seul, quelque part, dans les fondements même de son être, coule une rivière de foutre irisé qui vient supplanter son âme. Zelko se retourne vers les lumières ressenties, vers les sirènes hurlantes qui dévissent les corps. Cette poussière, au fond, n'est que la conséquence de sa fuite. Les espaces sont encore grands mais le temps est compté.
...
Un côté : les lumières bleues trouent l'air asphyxiant avec leurs gesticulations sonores. L'autre côté : la gueule béante et son soleil qui darde ses rayons volcaniques sur la tôle de la Mercedes 240 diesel qui ne tentera rien… qui ne pourrait rien tenter ! Zelko s'assoit et plante son cric sous le bas de caisse. Il n'a pas de roue de secours...
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Défi
Odysseus Katsanvintset


Pedro M. s'allume une cigarette puis entame sa deuxième bière ; il est beau dans son costume sombre ; il pense à Enzo, à ce qu'il a dit avant de crever : « Barre-toi Pedro !… BARRE-TOI LOIN !… Avant qu'ils ne te trouvent !… Barre-toi putain ! »
Pedro écrase sa cigarette à peine entamée, vide son verre et commande un whisky double, sans glace. Il ne peut pas comprendre que l'on rajoute de l'eau dans un whisky.
Était-ce sa faute si le gardien du musée les avait surpris dans le bureau du directeur ? Il a dégainé en même temps qu'Enzo… Il a tiré en même temps qu'Enzo… Il est mort en même temps qu'Enzo… ET LE PUTAIN DE COFFRE ÉTAIT VIDE !
Saloperie de soirée ! Le coup était pourtant sûr… Minutieusement préparé ! Les documents devaient se trouver dans le coffre… Pedro avait le code ! Alors pourquoi était-il vide ? Et le gardien ? Cet imbécile ne devait pas bouger ! QUI L'AVAIT PRÉVENU ?
Pedro vide son verre de whisky d'un trait et en recommande un autre. Il s'allume une autre cigarette. Il sait qu'il devrait partir, le plus loin possible, avant que les autres ne le retrouvent et ne lui fassent la peau. Enzo l'a prévenu : « Barre-toi ! »
Il aperçoit une fille au fond du bar ; elle semble être seule. Grande, pas très belle mais Pedro a besoin de parler. De n'importe quoi… Mais parler. Après avoir jeté un coup d’œil autour de lui, il se décide : il prend son verre et va s'asseoir en face de la fille : « Bonsoir ».
La deuxième impression laissée par la jeune femme est meilleure. Bavarder avec elle plutôt qu'avec le patron derrière son comptoir lui semble soudain moins difficile. Pedro attend une réaction qui ne vient pas ; elle ne semble pas s'intéresser à lui ; elle regarde le plafond… Pedro se sent mal… Il pense à Enzo…
« - Vous ne trouvez pas que ça manque de lumière ici ? Le plafond est trop bas et les fenêtres trop petites », la fille l'avait pris au dépourvu.
« - Vous êtes architecte ? ». Il se rend compte de l'absurdité de la question, mais ce fut bien la première chose à laquelle il pensa en l'entendant.
« - Non… Je suis flic… Le dites pas trop fort ! »… Pedro ne peut s'empêcher de s'agiter sur son siège… La jeune femme rajoute en riant :
« - Quelque chose à vous reprocher ?
- Pourquoi ?… Enfin je veux dire… Votre humour… Bof…
- Je suis une municipale. Une flic de seconde zone quoi. Vous pouvez respirer !
- Une bière ? ». Pedro veut ramener cette discussion absurde et – potentiellement – dangereuse sur un terrain moins miné.
« - Une vodka plutôt »
Pedro commande une vodka, liquide son verre et redemande un whisky. Il sort son paquet de Lucky Strike, propose une cigarette à la fille, qui refuse ! Il s'en allume une.
Le visage de la jeune femme semble extrêmement tendu. Elle pourrait avoir des ennuis mais Pedro s'en fout ; la mort l'attend… Quelque-part…
Le patron amène les deux verres et retourne derrière son comptoir en baragouinant des mots que, ni Pedro, ni la fille, ne comprennent. Un homme entre dans le bar ; il porte un long manteau gris, élimé, dépassé, démodé ; une casquette - grise elle aussi - vissé sur son crâne. Le type prend place sur l'un des tabourets du bar, face au comptoir, et commande une bière. L'énorme ventilateur en bois qui tourne au-dessus de sa tête et l'odeur de tabac froid qui émane des cendriers pleins ; la musique – faiblement audible – qui semble hésiter entre blues et country et la fumée bleutée en suspension permanente, donne à l'endroit un air de vieux polar – qui pourrait se dérouler au Mexique où dans un état du sud des États-unis. Pedro se méfie, il a peur. Les gars pouvaient se pointer n'importe quand et n'importe où. Même ici ! Surtout ici ; l'endroit lui semblait idéal pour une exécution. Et le patron se tairait ; s'il le fallait, ils le tueraient lui aussi... Et on ne retrouverait jamais les corps. Pedro était un petit poisson sans intérêt, sans envergure ; personne ne le regretterait… Personne !
« - Vous attendez quelqu'un ? », lui dit la fille.
« - Non ! Pas spécialement quelqu'un.
- Vous êtes un drôle de type. D'habitude, les mecs qui viennent me brancher, c'est pour tirer un coup… Mais vous…
- Non !
- Qu'est-ce que vous voulez alors ?
- Parler !
- Parler ? Parler de quoi ?
- Je sais pas… De tout… De rien…
- Vous êtes un drôle de mec, vous alors ! »
Un silence se fait… Un long silence… Puis elle reprend :
« - Vous avez peur de la mort ?
- Pourquoi me poser cette question ?
- Vous voulez qu'on parle ? Et bien, la mort ou autre chose… Vous en avez peur ?
- Non !
- Je ne vous crois pas ! »
Pedro commence à se sentir mal. Il jette un œil au type à la casquette. Bien sur qu'il a peur de crever. Peur de mourir lentement surtout… Mais il tente de maîtriser sa peur : le gars à la casquette est tout seul ; ils ne viendraient qu'à plusieurs… La fille continue :
« - Vous le connaissez ? Vous tremblez…
- Putain, non ! Je tremble… J'ai froid merde…
- Non, vous avez peur… Mais vous avez peur de quoi ? On vous cherche ? Pour vous tuer ?
- MAIS BORDEL ! Vous me faites chier avec vos questions à la con ! QU'EST-CE QUE ÇA PEUT VOUS FOUTRE, À VOUS, SI ON CHERCHE À ME TUER ? »
Elle se tait maintenant. Elle plonge dans sa vodka et se tourne de l'autre côté. Pedro vide son verre d'un trait.
« - OK ! Moi, pour ce que je m'en fous… C'était pour causer. Tu veux pas me baiser… Je te plais pas ? »
Pedro ne répond pas, il commande un autre verre qu'il boit sitôt servi. Il en avait assez entendu. Il se dirige vers le comptoir et paye ses consommations et celles de la fille. Au moment de sortir, il aperçoit la jeune femme qui articule :
« - VA CREVER ! »
Pedro est dehors, il remonte le col de son costume et prend la première avenue à gauche. Il pense à Enzo : « Barre-toi loin ! ».
C'est une grande avenue avec beaucoup de monde. Pedro se tranquillise ; il y a trop de témoins pour se faire tirer comme un lapin. Il avait toujours pensé que la vie n'avait de valeur que dans la liberté. Maintenant qu'il devait se cacher, perdre sa liberté de mouvement… cette pensé lui glaça le sang : SA VIE N'AVAIT PLUS DE VALEUR !

Il prit une ruelle sur la droite et s’arrêta pour uriner contre un mur… Une voiture s'engagea dans l'impasse… Elle stoppa à sa hauteur… La vitre s'abaissa… Un canon pointa en direction de Pedro… Deux détonations retentirent… Il faisait un temps de chien.
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Défi
Odysseus Katsanvintset


Il pleut… Je suis confortablement assis entre un bidon d'huile et un pneu de caravane crevé. Je regarde la ville, floutée par l'eau, à travers l'interstice d'une fissure du mur de ma piaule ; ma cigarette consumée me brûle les lèvres. La radio joue du James Brown mais je ne distingue qu'à peine le son, grésillant, à cause de la pluie qui vient frapper lourdement sur le toit en fibrociment ; seule séparation entre le ciel et ma chambre… Connerie !
Ce putain de temps me renvoie aux soirée débilitantes, chez ma mère. Ma mère qui me racontait des histoires incohérentes, dévalant les phrases à grandes rasades de rouge étoilé ; et moi je l'écoutais en rêvant de devenir un ivrogne à mon tour. C'est une histoire de famille : il paraît que mon grand-père conduisait ses camion de livraison - il transportait des caisses d'alcool pour les bistrots du pays - en étant plus chargé que sa remorque.
Mais je m'en fous ! D'ailleurs je me fous de tout ! Des femmes, des vieux, des autres, des humains dans leur tentative d'amour ou de désamour, des chiens, des gosses… Et même des dragées à la menthe qui traîne encore sur le touret de câble qui me sert de table. La vie avance ses pions et j'aime me laisser guider dans la mélasse qui nous sert de monde. Je n'ai pas besoin – envie – de choisir moi-même une direction. Et puis après ? Après… je fouille mes poches de pantalon, elles sont trouées… De toute façon je n'ai jamais de fric.
La pluie a rendu l'âme ; s'installe alors, au dessus de la cité, des nuages noirs, gonflés d'une eau épaisse et lourde. L'instant semble vouloir figer sa niaiserie chouineuse !
Je me décide à sortir et arpenter une nouvelle fois les ruelles insalubres de cette ville débile… Toutes les villes sont débiles, toutes plus folles et plus sordides. Celle-là pourrira comme les autres au rythme des pollutions et de nos dégénérescences ; la mienne en tout cas !
Depuis que je n'ai plus de travail - je ne sais plus si j'en ai déjà eu un ? - mes journées sont toutes identiques : assis à même le sol, le dos appuyé sur le pneu de caravane, je scrute la vie des autres par la fissure du mur. Je passe ainsi de longues heures à fumer et à observer mon vide. Quand je n'ai plus rien à fumer, je sors et je vais voir Ahmed.
Ahmed, je ne sais pas trop d'où il sort ? Il deale un peu. De quoi survivre aux assedics, une fois jetés par ses fenêtres (qui sont ouvertes en grand sur les nuits de défonces et autres beuveries dansantes ou non). Pour moi c'est différent, il me fait crédit. Au moins, il fait semblant ; il sait que je ne pourrais jamais lui rembourser.
« - Salut Ahmed,
- Alors mec, toujours dans l'coltard ? Dis, tu me dois toujours du pez…
- Ouais, tu…
- Laisse béton… Tu veux quoi aujourd'hui ?
- J'sais pas… T'as pas…
- Une barrette ? Deux ?
- Une ?!… »
Ahmed se gratte le nez, s'allume une cigarette et reprend :
« - Écoute, je t'en donne la moitié. OK ? Je t'aime bien mais là… La crise, tout ça…
- Ça ira, ça ira. »
Il me tend la came, déjà emballé par moitié dans du papier d’aluminium. Par habitude, je défais l'emballage et je renifle le shit. Ça fait sourire Ahmed. C'est vrai pourtant, je lui fais confiance sur la qualité ; comme il dit : « Y'a pas mieux pour se faire sauter la cervelle, mieux qu'une grenade ! ».
Je laisse Ahmed à ses délires foireux. Je longe les immeubles blêmes et nauséabonds du quartier. Le temps a forgé des âmes vides et lugubres, délaissant les vieilles tours de béton, les affligeant des pires maux. Mon quartier est bien malade, nous en sommes à la fois les infirmiers et les mourants. Les infirmiers soignent à grands coups de couteaux, se débattant, perçant des passages de sang à travers la cavalerie flashball et les mourants… meurent !

Je suis à la terrasse de « Chez Lulu », je bois un demi… à crédit, comme d'habitude. Il fait froid dehors et l'humidité ambiante et persistante s'est attaquée aux tables en métal, en rouillant la surface déjà plombée par l'ancienne peinture blanche. J'écrase ma clope sur le rebord de la table et rentre me mettre à l'abri. Les fauteuils en skaï rouge sont accueillants dans toute leur poussière, bleutée par la fumée des cigarettes qui force le passage de l'extérieur vers l'intérieur maintenant interdit.
Lulu, c'est la patronne. Genre mama italienne. La choucroute roussie sur le crane, les seins qui rejoignent la source ombilicale dans un dernier effort pour exister. Lulu, c'est soixante-dix ans de lutte pour survivre, c'est cinquante ans d'ivresse refoulée, de coups portés aux cœurs des piliers de comptoirs amoureux, aujourd'hui disparus derrière leur cirrhose ou leur cancer de la gorge. Lulu c'est la reconnaissance du droit d'exister aux mal-nés !
Et puis il y a ce type. Affalé derrière le comptoir, avachit par quelques bières de trop. Les cheveux gras qui collent une mèche luisante sur son front perclus de tâches noires. Une chemise kaki, auréolée de sueur. Il tient - maintient plutôt - son verre de bière à hauteur d'épaule ; fait mine de prendre une gorgée, se rétracte, comme pris d'une idée saugrenue qu'il n'arriverait pas à exprimer. Il se dandine dangereusement sur son tabouret de bar, que son cul n'occupe que partiellement. Ce type semble engueuler la jeune serveuse qui tente de nettoyer l'une des tireuses à bière.
« - Merde ! Vous me faites tous chier avec vot' putain d'religion… Moi j'emmerde la mort… Pourquoi on décid'rait à not' place ?… Ouais, putain, pourquoi ?… Vivre… Survivre… Vieillir com' une guenille purulente… Et… Mourir… Ouais… Merde, je rêve... »
Le type prend une gorgée de sa bière, en renverse la moitié sur son futal et reprend sa diatribe sans queue ni tête :
« - J'idéalise, ouais… Je sais… J'idéalise… Je suis en train de rêver… De délirer, de rêver putain ! De rêver d'un monde… Ouais, d'un monde qui s'améliore… Putain ! Merde, laissez-moi rêver ! La peur de voir les hommes se tuer ? Quoi ? C'est pas grave puisque vous dites qu'on va tous au paradis… Ou baiser d'la vierge ! Et alors ? Alors quoi ?… »
Il s'affale un peu plus sur le comptoir en manquant de renverser son verre. Il accroche le bras de la jeune fille qui n'ose pas bouger et ajoute, après avoir engloutie une autre rasade de bière :
« - C'est pour ça qu'on doit souffrir ? C'est pour vivre… Après not' mort ? Merde alors ! Vous dites n'importe quoi, putain ! Ouais, n'importe quoi ! Et si moi, j'veux pas m'faire chier ? Si moi, j'veux pas de vot' souffrance ? Après ? Ben après, on verra bien ! On attend, là, connement, que ça passe. On espère que la mort va nous apporter un semblant… de vie… Je vous jure que j'ai envie de foutre toute cette putain de religion en l'air ! Dieu existe ? Je m'en fous ! C'est un con ! Ouais, putain ! »
Il s’arrête. La fille le fixe avec cet air creux et vide que peuvent prendre parfois les cadavres encore chauds… Elle doit valoir le coup au lit… Mais pendant que je suis envahi par des images pornographiques dans lesquelles je suis le héros, le gars s'extirpe de sa nonchalance alcoolique, paye ses bières puis sort non sans jeter un dernier regard croisé à la faible affluence désintéressée du bar. Il passe devant moi, manquant de trébucher sur ma table, me sourit en bavant puis disparaît.
« - Connard ! » Pensé-je.
« - Je mets ça sur ton compte, comme d'hab ? », c'était Lulu.
« - Merci Lulu, c'est chouette ! »
Je me lève et prends la direction de ma piaule. Ce soir, c'est sûr, avec ce que m'a refilé Ahmed, je vais pouvoir recevoir toutes les chaînes du monde sans satellite. Il me reste un pack de Kro dans le frigo ; c'est dégueulasse mais ça se boit et c'est pas cher.
J'arrive chez moi, je prend le shit et me roule un joint par terre, entre le pneu et le bidon d'huile… Puis je me lève, ouvre le frigo, en sors une bouteille de bière, la décapsule puis referme le frigo. Je m'étale à même le sol… J'allume le cône, tire une bouffée, attends… puis recrache. J'avale une grande gorgée de bière… Je repose ma tête trop lourde sur le parquet vermoulu… Je suis bien… Je n'ai que ça à foutre, moi, d'attendre la mort.
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Défi
Odysseus Katsanvintset
Le stupre, la décadence, la folie... l'amour est parfois une plaie des âmes.
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Odysseus Katsanvintset
Le prologue d'un - j'espère - roman qui se veut foutraque : Des histoires de chasseurs, de lapins tueurs, d'ermite qui n'existe peut-être pas et d'un narrateur qui ne se souvient finalement pas de grand-chose...

J'ai - presque - tout dans la tête, mais pas grand-chose sur papier. Je compte sur vos retours.
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Défi
Odysseus Katsanvintset
Mon p’tit Loup. Couvre toi bien mon p’tit Loup. Couvre toi bien il risque de faire froid les autres jours. Le reste de ta vie n’est pour personne d’autre que toi, ne prend pas froid. Il faut que tu te souviennes de sourire… Mon p’tit Loup, être parmi les grands, c’est parfois être parmi les fous… Mais n’oublie pas que là, dans le grand monde qui t’entoure, tous ne sont pas les monstres qui sanglotent… Les fous savent aimer et ils t’aiment. Mon p’tit Loup, laisse battre ton coeur dans le vent. Ne grimace pas devant la vie. Les autres coeurs battront à l’unisson, pas contre toi. Couvre toi bien mon p’tit Loup. Le froid qui engourdis tes membres deviendra la source de fraîcheur qu’il ne faudra jamais quitter. Mon p’tit Loup, aime encore les tiens. Aime les autres, partout. Les beaux et les laids ; aime les tous. Couvre toi bien mon p’tit Loup. Et dans le cas où l’air deviendrait trop glacé, nous irons chercher le soleil avec toi, qu’il puisse réchauffer ton chemin. Il est à tracer. Il est à batir. Mon p’tit Loup, nous sommes ici, en ce lieu, avec toi et ton âme fragile, afin de t’aimer sans autre raison que celle de t’aimer.
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