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Kyodomie

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Œuvres

Kyodomie


Un homme déambulait dans une rue. Il semblait perdu. Devant ses yeux, un nuage épais se dissipa par petite touche. Tout à coup, il se mit à galoper sans but précis. Qui donc le poursuivait pour être à ce point en panique ? Sans ménagement, il bouscula une passante qui cracha un juron. Très en colère, elle cria encore alors qu’il était déjà à plus de deux cents mètres d’elle. Le problème, c’est que sa folle course le fit tanguer jusqu’à chavirer dangereusement. Peu lui importait ! Il courrait, il courrait et courrait encore ! De temps en temps, il jetait des regards derrière lui. Qui surveillait-il ?
Reprenant un instant son souffle, il s’encastra dans le renfoncement d’une porte cochère. Sa tête dépassait à peine afin de vérifier quelque chose. Mais quoi ? Il ne le savait pas lui-même. Il ignorait où il était aussi. Toutes les personnes qu’il dévisageait ne lui rappelaient aucune connaissance. Normal, se disait-il, la ville avait l’air grande. Le problème, c’est que la rue où il avait trouvé refuge, il ne la reconnaissait pas plus. Les boutiques qui l’entouraient lui parurent également étrangères. Il commença sérieusement à s’inquiéter, mais il mit ça sous le coup de la fatigue, du stress ou du surmenage. En tout cas, il essayait de s’en convaincre.
Il fallait reprendre la route, il le savait. Il devait continuer… mais quoi ? Et surtout, pourquoi ? Tant pis pour la réponse, il n’avait plus le temps ! Il trottinait cette fois, comme s’il faisait son jogging quotidien, à la seule différence qu’il n’était pas en tenue de sport, mais qu’il portait une sorte d’habit militaire. Un pantalon marron clair bariolé de tâches, ainsi qu’un haut de couleur identique. Aucun scratch portant un nom ou un grade ne venait lui apporter le moindre renseignement utile, à son grand désarroi. Aux pieds, des basquets… non ! Aucune chaussure ne les protégeait et c’est seulement maintenant qu’il s’en apercevait. De toute façon, les inconnus qui l’entouraient n’avaient pas le temps de le voir car il fuyait en permanence.
La nuit était presque tombée. Ses yeux le trahissaient encore. Il distinguait à peine ce qui se trouvait devant lui. La tête lui tournait, et de violents vertiges le surprirent. Il allait devoir encore faire une pause, c’était vital. Il manquerait plus qu’il s’écroule en plein milieu du trottoir ! Alors, il chercha un endroit reculé, caché pour prendre quelques minutes. Ses mains tremblaient et l’empêchaient de se concentrer. Se prenant les tempes en les serrant comme dans un étau, il se força à réfléchir. Rien ne lui venait. Désespéré, il se jeta sous un porche désert. La petite cour était vide et les fenêtres qu’il voyait ne dévoilaient aucune âme. Là, il serait tranquille. Il s’assit sur ses talons et d’un geste machinal se nettoya les plantes de pieds des quelques débris ramassés dans sa course folle.
Il ne ressentait pas de douleur particulière. Il se trouvait même en forme, à part ses maux de tête qui lui martelaient la cervelle. Afin de se soulager, il ferma les paupières, suffisamment fort pour tenter de commuer sa céphalée en une souffrance plus acceptable. Une vague rouge l’envahit soudain. Une gigantesque vague écarlate le submergea. Il aurait pu avoir peur, il aurait dû avoir peur, mais elle amena avec elle, une sensation de douce chaleur qui l’enveloppa tout entier. Transporté par ce tourbillon vermillon, il se laissa flotter comme un bouchon de liège. Oh ! qu’il était bien, bercé par le rythme du ressac. Cette marée le cajola avec son flot cotonneux. Un instant, il se détendit, puis la vague grossit encore plus et le retourna comme une crêpe. Cette fois, il ne maîtrisait plus rien et l’eau si douce devint mordante et glacée.
Subitement, pour échapper à la sensation terrible qui le plongeait dans une folie supplémentaire, il ouvrit les yeux et se retrouva devant un homme debout. Le type le maltraitait en lui assénant des coups de pieds dans le tibia. Il vociférait des mots qu’il ne comprenait pas. Une poussée d’adrénaline le fit lever brusquement. En une fraction de seconde, le trouble-fête se retrouva collé au mur, les pieds à dix centimètres du sol ! Cette fois, il ne parla plus mais bava un liquide mousseux, la gorge serrée dans l’étau d’une main de fer. Comprenant son geste, notre inconnu le relâcha sèchement et l’homme dont la barbe de trois jours se retrouva maculée de sa salive, tomba comme un vulgaire fétu de paille, les membres désarticulés. Ignorant les évènements, il pensa reprendre son escapade. Il se ressaisit toutefois, et revint sur ses pas. Se courbant vers le mort dont il avait broyé les cervicales sans le vouloir, il le renifla tel un chien de police. L’odeur qu’il nota l’intrigua. Elle dégageait des senteurs âcres mêlées à des effluves de patchouli. Dans son crâne, des images de fleur, de bois s’entrechoquaient. Il visualisa les composants, analysa les origines. Ses narines se dilataient à chacune de ses inspirations. Dans son esprit se profilaient des formules chimiques.
Il semblait en savoir assez sur lui et le délaissa sans remords. Ses muscles se mirent en branle et il repartit vers l’inconnu. À petites foulées, il arpenta les rues à la recherche de quelque chose. Si seulement, il savait quoi ! Toujours cette sensation dans son ventre qui ne le lâchait pas. Peut-être avait-il faim ou soif ? Maintenant, il avait un but bien précis : manger et boire ! Depuis combien de temps était-il là, dans ces rues qu’il ne connaissait pas ? Une odeur l’interpella soudain, le sortant de son angoisse. C’était acidulé, légèrement piquant. Il sentit le feu aussi et une senteur incroyable qui lui prit tous les sens. En quelques pas, il arriva près d’un camion d’où sortait une fumée. Des gens se pressaient devant, les uns derrière les autres. De la nourriture leur était servie directement dans les mains.
Son estomac se mit soudain à gargouiller et il comprit qu’il devait manger et vite ! Seulement il n’avait pas d’argent. Doucement, se faufilant par l’arrière du Food truck, il attrapa quelques morceaux de viande déjà cuite ainsi que des fruits. Les vendeurs n’avaient même pas remarqué sa présence, trop occupés à commercer avec les clients. Tout heureux de pouvoir enfin se sustenter, il s’enfuit, emportant un peu de réconfort avec lui. À l’abri des regards, il entama son repas improvisé. Comme s’il n’avait jamais mangé, il dévora littéralement le fruit de sa rapine. Son ventre se tordit alors, et rendit brutalement les vestiges de son diner ! Il vomit tripes et boyaux sur l’asphalte de la rue, s’éclaboussant les pieds. La viande n’avait pas l’air nauséabonde puisque les clients l’achetaient. Alors pourquoi ne la supportait-il pas ?
Ses maux de tête reprirent de plus belle. Sa gorge le brulait. Maintenant, ses mains tremblaient. Une femme le surprit alors qu’il avait la tête entre ses jambes, regardant son vomi. Il ne tenterait même pas les fruits, pour sûr ! La femme lui parla, essayant de l’aider. Quand il leva les yeux vers elle, son ventre émit le même son que précédemment. Il ne saisissait pas ce que cela voulait dire et préféra ignorer et son ventre et cette personne à moitié nue qui lui parlait sans cesse.
— Hé ! Beau gosse ! Qu’est-ce que t’as ? T’as trop bu ou quoi ?
Trop bu ? Non plutôt le contraire ! Elle lui attrapa le bras pour l’aider à se relever, mais l’homme avait pris peur et d’un mouvement brusque, la repoussa. Il la fixa tout de même dans un réflexe inné. La femme resta dubitative, presque hypnotisée par ce qu’elle voyait.
— Putain ! Qu’est-ce qu’ils ont tes yeux ? On dirait qu’ils brillent ! dit-elle fascinée sans pouvoir les lâcher des yeux. Elle se sentait bizarre, comme attirée vers cet homme grand, plutôt costaud – elle l’avait vu quand elle avait touché son bras – qui avait un regard si … étrange !
— Mes yeux ? Quoi mes yeux ? J’ai rien, ils sont normaux !
Cette fois, c’est lui qui recula subjugué par cette femme en collant résille et jupe si courte, que, ma foi, on y voyait presque la culotte, enfin si elle en possédait une ! Elle n’avait pas bougé et le regardait fixement. La situation était si bizarre, qu’il préféra partir et la planter là. Mais la prostituée n’avait pas dit son dernier mot et elle se mit à lui courir derrière du mieux qu’elle pouvait avec ses talons qui l’entravaient.
— Hé ! Mignon ! Reviens ! Reviens me voir ! Ça sera gratuit pour toi ! Promis ! Viennns !
On entendit son cri comme un supplice au travers de la ville. Il l’écoutait mais ne se retourna pas. Il était déjà reparti. Elle s’étala de tout son long sur le pavé humide du brouillard qui s’amoncelait lentement. Ce qui était étonnant, c’est qu’elle avait tendu le bras dans un hypothétique désir de le toucher de nouveau ou mieux encore ! Des larmes ruisselaient sur ses joues bien trop maquillées. C’était désormais de la fureur qui se lisait dans son attitude ! Mais, lui était loin maintenant, affolé par les agissements complètement fous de cette femme.
Les cris avaient alerté des personnes qui arrivaient dangereusement sur lui. Une autre prostituée s’approcha et commença à le toucher. Elle l’accosta comme à son habitude, en l’alléchant par des paroles racoleuses :
— Salut mon chéri ! Qu’est-ce que tu fais tout seul, un si beau gars comme toi ? Viens avec moi, je vais te consoler ! Viens mon beau !
Elle aussi paraissait attirée étonnamment par lui. Elle fit quelques pas derrière, en accélérant même ! Soudain, attrapé par sa chemise un peu grande pour lui, elle le contraignit à se retourner. Là, un face-à-face, digne des plus grands films romantiques, débuta. Fascinée, la fille, plus jeune et plus élancée que sa consœur, l’observa sans pouvoir le quitter des yeux. Sa bouche articula un Oh ! de ravissement. C’est des deux mains qu’elle s’accrocha à lui, cherchant sa bouche comme une abeille, le nectar des fleurs. Cependant, notre gaillard déjà échaudé, ne l’entendit pas de cette oreille et se dégagea illico presto de la donzelle transie d’amour ! Faisant quelques pas en arrière, il lui coinça les poignées dans ses mains et parvint à la faire lâcher prise.
La demoiselle n’était pas plus perturbée et lui susurra des mots tendres. Son corps entier se dandina et exécuta une danse lascive censée lui plaire. Elle en devint presque ridicule mais s’en ficha. Seul comptait pour elle, ce que ce beau jeune homme brun au regard de braise, pourrait lui faire. De son côté, le beau ténébreux qui s’ignorait, la rejeta sèchement et entama sa reculade habituelle. Dans le corps à corps, la dame de joie avait entraperçu les bras musclés et luisants de son client involontaire. De la même manière que la précédente, elle fut hypnotisée par la vision curieuse qu’elle avait eue.
— Tes bras ont quoi ? Hé ! Reviens ! cria-t-elle subitement quand il se sauva en hurlant lui aussi.
Par contre, son cri ne ressemblait à rien de normal. La femme en fut saisie sur place de stupeur et d’angoisse. Sa peau s’était même revêtue d’une chair de poule à en faire pâlir tous les fantômes du coin ! Le son qui lui avait vrillé les oreilles était tout sauf naturel. Il fit frémir les passants qui monnayent leur soirée et les chats errants, pourtant habitués à pire dans les rues sombres et mal famées de ce quartier chaud de Paris. Les tympans encore imprégnés, elle s’écroula sur le sol, abandonnée par ses dernières forces. Le fait qu’il l’ait quittée si rapidement, lui fit perdre tous ses sens et comme vidée de sa substance, elle termina son jeu de séduction, évanouie.
Notre gentleman se retrouva d’un coup à trois cents mètres d’elle, sans décoder encore une fois ce qui lui arrivait. Son hurlement que l’on pourrait qualifier de primal, l’avait aussi affolé. Mais, c’en était trop maintenant ! Il n’en pouvait plus ! Pourquoi ces femmes l’abordaient de la sorte et le trouvaient étrange ? Après tout, qu’est-ce qui le rendait si différent ? Il regarda ses mains, ses poignets et ne trouva rien. Il aurait bien aimé voir ses yeux, mais n’en avait pas les moyens. Tant pis ! Ces femmes étaient folles, c’est tout ! Des putes décérébrées par leur boulot et la drogue qu’elles devaient s’ingurgiter pour tenir le choc ! Voilà pour le moment la réponse qu’il se donna pour tenir, lui aussi, le choc.
Son crâne menaça encore de l’explosion. Décidément, il n’arriverait pas à trouver le relâchement ce soir ! Que pouvait-il bien faire en attendant ? Se reposer ! Oui, évidemment, il devait dormir et se persuadait que cela irait mieux demain, après une « bonne » nuit de sommeil. La douleur de son ventre accompagna celle de ses méninges. Et si elles ne s’étaient pas ajoutées, ma foi, il aurait pu dire qu’il allait bien ! La nuit était complètement tombée désormais. Bizarrement, il sentit un léger mieux. S’arrêtant un instant, il se concentra sur les éléments l’entourant. De l’eau, le vent, un chien hurlant. Des bruits de pas, des talons plus précisément, les chaussures des putes qu’il avait rencontrées tout à l’heure ! Pourtant, elles se trouvaient maintenant à plus d’un kilomètre de lui ! Il entendait très bien le cliquetis des va-et-vient et non pas, une allure soutenue de quelqu’un qui marcherait. Il en était convaincu, il s’agissait bien de leurs pas.
Un peu plus loin, il s’approcha d’un pont et découvrit l’eau qui s’écoulait doucement dessous. Calmement, elle se déversait en s’écrasant sur les berges boueuses. La brume était tombée et avec elle, le froid. La buée qui s’échappait de sa bouche le démontrait. Cependant, ses aiguilles piquantes ne l’atteignaient pas. Sa veste plutôt fine ne le protégeait que peu pourtant. Son sprint hallucinant aurait pu le réchauffer, mais aucune transpiration ne venait le souiller. Un hibou le dérangea de ses pensées confuses. Au loin, il perçut des personnes proches du bord de la rivière. Elles s’agitaient et avaient l’air de fomenter des choses peu catholiques. Il s’en détourna, peu concerné par leur probable trafic.
En attendant, il se sentait las ; pas franchement fatigué, mais plutôt épuisé de n’avoir aucune réponse à sa situation. Sous le pont, à l’abri, il s’accroupit et aspira à ne plus y penser, quand son esprit restait aux aguets malgré tout. Et tout en se détendant un peu, il reconnut une voiture qui freina et repartit aussitôt. Le chien s’était éloigné, remplacé par un brouhaha indescriptible qui l’engluait dans des ténèbres épaisses. Lentement, il sombra dans un sommeil qui au lieu d’être réparateur comme il le souhaitait si ardemment, le tourmenta intensément.
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Listes

Avec Trois Petites Lettres, Le côté obscur, Le fourre Tout de Bibigne...
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