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Frédéric MONNIER

Frédéric MONNIER
Je déblaie la neige sur le cadran de ma montre:  - 45 C° / 6 P.M. On a bien avancé, on est dans les temps. Il a fallu un moment pour remettre Dirk sur pied après la mort de Lara. Il voulait plus bouger. Mais à cette altitude, on ne peut pas rester immobile comme ça sinon on crève. Steve lui a proposé de redescendre avec son sherpa, il a accepté, puis alors qu'il s'apprêtait à nous faire l'accolade d'au revoir, il s'est immobilisé, a regardé le sol une bonne minute, puis il a dit: On est à mille mètres du sommet. Je peux pas abandonner comme ça c'est trop con. Il a relevé la tête, a resserré les bretelles de son sac, a réajusté son bonnet, sa capuche. Il nous regardé, la lumière de la détermination était revenue dans ces yeux. Impresionnant le gars, trente minutes après avoir perdu sa femme. On ne savait pas si c'était vraiment une bonne idée, on a hésité, puis Steve lui a fait une tape dans le dos pour l’encourager et on s'est mis en marche. Nous remontons maintenant un étroit chemin de crête. Je m'arrête au milieu du chemin pour regarder la vue. Tout en bas, un immense fleuve de glace se fraye un chemin au milieu des montagnes. C’est une mer de glace grisâtre et translucide, le ve
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Le frigo fait des bruits étranges. Il suffoque péniblement comme une personne en phase terminale d’un cancer des poumons. Brave machine sans âme qui n’a pas évolué depuis sa création. Tout autour de lui néanmoins, dispersées en plusieurs endroits, de petites lumières bienfaisantes apportent à la pièce une certaine humanité. La lampe du bureau d’abord, encapsulée dans une sphère striée, jette sur le bois de la table une nappe lumineuse accueillante. On veut bien s'asseoir là pour travailler avec un thé. Le globe lumineux au-dessus du lit, boule blanche au verre opaque, invite à s’étendre. Par la fenêtre enfin, la clarté si puissante du jour gris et pluvieux revigore chaque atome que contient la pièce. La lumière est une bien belle chose. Du matin au soir, je tends instinctivement vers elle comme un tournesol. Le tournesol, lui, n'a pas le choix. On s'imagine difficilement mille superbes tournesols fièrement tournés vers le soleil alors qu'un seul, au milieu, ferait grève et aurait délibéremment choisi de regarder ses racines. Et si j'étais aussi peu libre que le tournesol ? La lumière est plus forte que moi et chacune de mes cellules fait effort vers elle. Je n’ai pas mon mot à dire
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Edgar et Georges penaient à émerger de leur soirée de la veille. Dans la cuisine de leur colocation bordelaise, ils buvaient un bol de café en silence, assis autour d’une table pliante que Danny avait fixé sous une fenêtre donnant sur rue. La rue était passante, surtout ce jour-là, le jour du marché, qui se tenait dans la rue perpendiculaire à la leur.
Les petites familles du quartier défilaient par la fenêtre et jetais naturellement quelques coup d'œil discrets. Ils tombaient alors sur ces deux guignols aux cheveux en pagaille, l’un en caleçon et t-shirt batman, l’autre emmitouflé dans une robe de chambre en matière synthétique premier prix. Deux filles de quinze passèrent, pouffèrent de rire, et leur mère leur dit d'avancer. Nos deux compères échangèrent un sourire amusé. J’ai une idée, dit Edgar Vas-y molo, Ed, je me réveille à peine. J’ai une faim de tous les diables, on va faire un grand festin. Original. Mais cette fois on va faire ça bien. Je crois qu’on est déjà pas mauvais dans ce jeu-là, dit Georges amusé. Cette semaine on a quand même fait le kilo de pâte à deux, le lapin de 10H pour 10 personnes et hier soir le saumon au champagne. Trois fois on a roulé sous la table mon vieux, trois fois. Et que tous les deux en plus, on invite jamais personne. A part nous deux personne n’est capable de suivre de toute façon. C’est pas faux. Quand je pense à Kevin. Tu te rappelles ? Ouai, il était pas bien le pauvre garçon. En même temps il a fait le malin sur la raclette, il allait beaucoup trop vite et ce n'était que l’entrée. Sans parler des verres de blanc qu’il descendait comme de l’eau. Bref, l’erreur des débutants, ça a mal fini. T’as des nouvelles d’ailleurs ? Non, depuis cette soirée impossible de l’avoir au téléphone. 3 semaines quand même, j’espère qu’il va mieux. On pratique un sport dangereux mon Georgy, c’est pas pour tout le monde. Faut mieux garder ça pour nous. Et puis c’est un budget. T’as peut-être raison. Bon et alors c’est quoi ton idée ? Le fameux homard à la cannelle qu’ils ont servi aux généreux en 45 après la signature de l’armistice ? On va créer un club. Tu viens pas justement de dire qu’il fallait qu’on fasse ça que tous les deux ? Si. Plus de copains qu’on invite comme ça pour essayer, ça c'est clair. Mais on peut faire un club qui propose d’apprendre, étape par étape jusqu’à pouvoir se faire les repas qu’on fait sans danger. On va recruter des membres et on va leur apprendre à manger beaucoup. Ca s’apprend pas ces choses-là, soit on est un ventre, soit on l’est pas. Si, j’ai vu une émission. Il y a des pros de classe mondiale. Aux US surtout. Des gens fins comme des brindilles qui s'engouffrent des veaux pour 10 personnes en 20 minutes. On va créer ça ici, à Bordeaux. Après tout c’est une ville de la bonne bouffe ici non ? Va t’habiller, on va voir le tenancier du marché pour essayer de trouver un petit emplacement.
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Alexandre sert bien fort sa massue des deux mains, réunit ses dernières forces et assène un grand coup sur le dernier des pieux qui serviront à délimiter son champ de la forêt. Ses mains se desserrent, l’outil tombe. A son tour, il tombe assis sur le tronc d’arbre mort qui gît là. Essoufflé, il s’essuie le front d’un revers de manche et retire son gilet. Il laisse courir fièrement son regard le long de la ligne formée par les 358 pieux, jusqu’au dernier qui touche l’horizon. Je lui apporte une bouteille d’eau.

Je mange mon bol de céréales en silence. Tandis que ma mère, debout, fait chauffer le lait pour mon petit frère, mon père, assis tout près de moi en bout de table, est déjà bien loin. De temps en temps, je lève la tête. Son regard fixe la fenêtre qui donne sur notre champ. Parfois j'essaie d'imaginer à quoi il pense, et c’est dur. Mais je n’ose pas lui demander.

Aujourd’hui, je suis heureuse. Il est venu me chercher à l’école ! Et il me laisse monter à l’avant du pick up en plus. Je saute sur le siège et comme si je venais d'accéder au poste de pilotage d’un avion de ligne, je touche tous les boutons, allume l'autoradio, fouille la boîte à gant, tripote le par-soleil. La fenêtre descend et monte. A l’arrière, Baguette, notre Golden Retriever, ne cesse d’aboyer. Dehors, tous les enfants regardent.

La porte grince quand je la pousse, je passe la tête pour voir. Papa est allongé sur le lit dans le noir. Je le vois mal car il n'y a qu’une bougie allumée pour toute la chambre. J’entre comme m’a dit Maman. Il tend une main vers moi pour me dire d’approcher. Quand je suis au dessus de lui, je me mets à pleurer. Il me prend la main, me tire à lui et m’entoure les épaules de son gros bras. Ma tête se pose sur son torse et je me crispe. J’écoute dedans, il a de la peine à respirer. Mes larmes coulent sur sa chemise. Il met ses doigts dans mes cheveux, alors je me détends et je laisse tout mon corps peser sur lui. Je suis bien là.

Depuis ce matin 6h, je marche le long de la route 66 avec Emmy. La maison est déjà loin. Le soleil est brûlant. Que des champs à perte de vue. Un camion passe. Le chauffeur klaxonne et ouvre sa fenêtre pour nous hurler des salaceries. Nous tenons bon. Je pense à Papa.
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