Rivière de larmes
Coule au fond du jardin, le cours à l'agonie,
La rivière que même un déluge de pleurs
Ne pourrait préserver d'une cérémonie
En hommage au passé des hyalines couleurs.
D'ordinaire, aux grands froids, des phalanges curieuses
Aiment à sinuer sous ses moindres volants,
Seulement révélés quand les fièvres furieuses
Drainent l'eau de nos corps moites, affriolants.
Mais voilà, depuis peu sa beauté s'évapore,
Ce charme qui jadis parlait d'éternité
Aux coques, aux pêcheurs, à la faune, à la flore,
Ne sera bientôt plus qu'un fond d'absurdité.
Alors moi, l'homme assis, impuissant devant elle,
La regarde mourir sous les doigts desséchés
Des amants sur la berge, imaginant leur stèle,
Dans nos orbites creux et nos fronts ébréchés.
Et cette condamnée entend tous les murmures,
Ces histoires d'un fleuve où blémissent les fonds,
Les ventrailles à l'air qu'écrasent les palmures
En exil sous les yeux de rois et de bouffons.
Et peut-être un beau jour, sous nos tombes de sable,
Nous nous rappellerons les messages des eaux,
Dans les verres néant, et carcasses à table,
Vengeresse poussière et sourire des os.
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