Commencer une enquête

5 minutes de lecture

 Hijacker fit précautionneusement le tour de la maison afin de s'assurer que l'autre était seul. Cela fait, il prit sous sa veste son Smith & Wesson 9mm fétiche, y vissa le silencieux qu'il gardait toujours dans sa poche, l'arma et le remit à sa place. Il se rendit alors devant la porte de la maison de banlieue et frappa. Elle s'entrouvrit, laissant apparaître le visage mince d'un homme barbu.

 « Salut, lança froidement Hijacker.

 – Ah ... Salut, répliqua l'autre, visiblement surpris et inquiet.

 – Ouvre. »

 L'homme de main s'exécuta et Hijacker pénétra, repoussant le barbu sur le côté, dans un pavillon type de ces années-là. Depuis l'entrée, il désigna la salle à manger et ordonna :

 « On va s'asseoir et parler. »

 Une fois là-bas, il dit encore :

 « Prends un siège.

 – Je vous sers quelque chose ?

 – On a autre chose à faire, coupa-t-il d'un ton sans appel. J'ai dit un siège, putain, pas un fauteuil ! cria-t-il en voyant son acolyte dans un de ces nouveaux meubles d'un style vulgaire.

 – Qu'est-ce que vous faites-là ? demanda l'homme après s'être exécuté.

 – Alors tu sais pas ... Bon, je vais pas tourner autour du pot : les flics nous ont forcés à nous casser chacun de notre côté alors qu'il est clair que tout était parfaitement organisé. Il n'y a donc qu'une possibilité : il y avait une taupe, un enfoiré de traître qui nous a balancés !

 – Ah ? interrogea son interlocuteur, légèrement anxieux.

 – Mais merde, c'est évident ! s'énerva Hijacker. Mais il y a mieux ... »

 Il remarqua alors que le barbu lançait quelques regards nerveux vers un placard, dans le coin gauche de la pièce. Ce connard a quelque chose à cacher, pensa-t-il.

 « Il était clair, j'espère, que si nous devions utiliser le plan B, je devais prendre tout le pognon afin que JE fasse la répartition lors du ralliement demain.

 – Euh, oui, oui, je crois ... répondit le barbu en lançant un regard de plus vers le placard.

 – Bon. Eh bien, figure-toi que je me suis rendu compte hier après-midi que je n'avais pas le fric ! Il y a parmi nous un autre enculé de traître ! termina-t-il en frappant du plat de la main sur la table.

 – Et pourquoi venir chez moi ?

 – Parce que tu es le plus proche de chez moi. Je te fais donc l'honneur de commencer mon enquête avec toi. Je vais donc être particulièrement clair. Si je chope la taupe, je le bute. Si je chope l'autre, le voleur, je lui fais cracher centime après centime dans la douleur puis je le bute. Si tu m'informes, je te garde dans la bande. Par contre, si tu mens ou que tu couvres ces enfoirés, je te bute. Qu'est-ce t'as à dire ? termina-t-il d'un air menaçant. »

 L'autre déglutit, regarda encore le placard, puis la moquette. Il n'osait pas lever les yeux. Hijacker savait qu'il l'avait terrifié, avec le ton glacial et implacable dont il était coutumier. Il est temps qu'il crache le morceau, pensa-t-il.

 « Qu'est-ce qu'il y a dans ce placard ? demanda le malfrat en se levant subitement. »

 Le barbu suivit immédiatement le mouvement, tellement, que sa chaise bascula. Il commençait à suer, ne comprenant pas bien la situation. Hijacker savait que l'on n'obtient des informations que dans ces conditions. Il reprit donc :

 « Réponds ! Vite ! »

 L'acolyte regarda encore le placard et se retrouva en se retournant face à Hijacker avec le canon du Smith & Wesson devant l'estomac.

 « Je vous jure que je sais rien, moi ! Rien ! J'ai été surpris, comme nous tous ! supplia-t-il.

 – Avance, bordel, ouvre ce meuble et j'espère que tu me caches rien ! répliqua Hijacker en le frappant au visage avec la crosse.

 Le barbu accusa le coup. Il n'avait plus le choix. Il obéit en trébuchant, s'approcha du meuble puis se retourna :

 « Je vous …

 – Ta gueule ! Ouvre ! Vite ! »

 Hijacker était maintenant au abois, criant à demi. Il sentit une bouffée de rage l'envahir lorsqu'il découvrit dans le placard des sacs de billets de banque. Il frappa encore, violemment, le barbu dans la nuque.

 « Enfoiré, t'étais fauché ! D'où ça vient ?

 – Je l'ai reçu aujourd'hui, avec un mot, répondit l'autre, recroquevillé, bégayant, fusillé du regard et braqué par son patron. Y avait écrit : « Ta part ». J'ai cru que ça venait de vous et …

 – Imbécile ! L'interrompit Hijacker en le frappant encore. Y en a pour combien ?

 – Cent mille, mais je vous jure …

 – Ah, ta gueule, merde ! »

 Le coup partit.

 Ah, merde, merde, MERDE ! s'énerva silencieusement Hijacker en voyant à ses pieds le corps flasque orné d'un trou sanguinolent sur le crâne. Il savait bien qu'il était trop impulsif mais il s'agissait maintenant de nettoyer tout ça. Bon, d’abord le corps, se dit-il. Il sentait revenir son sang-froid et sa conscience professionnelle. Il le traîna aussi vite que possible sous le lit de la chambre principale en prenant garde de ne mettre du sang nulle part. Heureusement, la main de Hijacker ne tremblait jamais et le trou était net. Cela fait, il prit le temps de réfléchir :

 « OK, ce qui est fait, est fait. Ça fait chier d'avoir buté celui-là mais j'en trouverais d'autres. D'un autre côté… Si je faisais disparaître toute la bande, je serais sûr d'avoir les traîtres et pas de témoins. Ouais… À voir. En tout cas, faut pas oublier de prendre ce fric. C'est toujours ça de gagné. »

 Avant de sortir de la maison, en remettant les chaises à leur place, il se rendit compte que le voleur avait pris le temps et le risque de le narguer encore en faisant la répartition lui-même à distance. Se faisant cette réflexion, il se jura solennellement de lui faire la peau avec le protocole nécessaire, dusse-t-il y passer sa vie entière.

 Hijacker vérifia que personne n'était dehors, puis ouvrit la porte et fit semblant de dire au revoir depuis l'extérieur pour tromper d'éventuels voisins curieux. Il traversa calmement la pelouse et s'installa au volant de sa berline. Là, il jeta ses gants sur le siège passager, dévissa le silencieux de son revolver et rangea le tout. Il sortit alors de la boîte à gants une liste des quinze membres de la bande ainsi que leurs adresses, par ordre de distance par rapport à sa propre planque.   

 Hijacker repéra la deuxième adresse, rangea la liste, démarra et s'éloigna sans un regard ni un regret de la banlieue redevenue silencieuse.

Annotations

Vous aimez lire Valjad ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0