Ma vie s'était arrêtée. Brisée, broyée, annihilée. Enfin pour le moment. Alors que je raclais le fond d'un Bolino tripes-échalotte en sanglotant, j'aperçus sous le pot un message scotché. "Tu ne me connais pas mais je t'aime, moi. Appelle le 08 222 79 79". Je ne puis m'empêcher de rougir. Ce petit mot, probablement collé à mon insu au supermarché, cette troublante passion secrète, était la plus belle chose qui m'était arrivée depuis la fois où j'avais acheté une veste de capitaine à moitié prix grâce à l'ordinateur dyslexique de Jaquettorama.

J'ai regardé une dernière fois ta photo de profil puis t'ai envoyé un "Good bye and good débarras" avant de débuter le délicieux nouveau chapitre de mon existence. Tu n'as rien répondu, probablement tiraillée par les regrets. J'aurais bien écrit davantage mais je ne voulais pas laisser ma mystérieuse admiratrice s'impatienter. Fébrilement, je composai le numéro. Après quelques tonalités j'entendis sa voix éthérée et sensuelle. "Cet appel vous sera facturé 3 euros soixante, pour toute question juri...". "D'accord!", la coupai-je euphoriquement, "D'accord pour toute la vie!".