Une molécule cruelle.

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Je suis allongée dans mon lit, il est actuellement 18h12 d'après mon téléphone. Je sais que je devrais faire mes devoirs pour demain, mais je me sens trop mal pour faire quoi que ce soit. Cette journée avait pourtant si bien commencé.

Je m'étais levée à 7h comme d'habitude, je m'étais bien préparée pour le lycée, et j'etais sortie de chez moi le sourire aux lèvres. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, je n'avais pas spécialement hâte de me rendre en cours pour suivre tous ces enseignements scientifiques très théoriques. J'étais heureuse car en allant au lycée j'avais la certitude de pouvoir voir Oscar.

Vers 7h25 je suis donc arrivée devant le grand bâtiment de ciment qui allait me prendre plusieurs heures de ma vie. J'etais assise sur l'un des bancs innocupés, il fesait si froid, je remontais un peu les manches de mon pull afin de cacher mes bleus. Alors que je me perdais dans mes pensées, je sentis un souffle près de mon oreille.

- Bouh !

Je ne me suis pas retournée, je ne voulais pas qu'Oscar voit le grand sourire qui illuminait mon visage.

- Aller s'il te plait fais genre que tu as eu peur.

Sans attendre ma réponse il s'est assis à côté de moi, il avait l'air content de sa blague pourrie.

Cela fesait maintenant 2 ans qu'on était amis, à l'origine j'ai commencé à trainer avec lui car personne ne voulait lui parler, ce qui de mon point de vue était degueulasse, l'amour est venu un peu plus tard. Le problème étant que j'en souffre beaucoup, car je dois toujours faire attention à ce que je dis ou ce que je fais quand il est avec moi, de peur qu'une parole ou qu'un geste ne me trahissent. C'etait la première fois que j'étais attirée par quelqu'un, et je ne penses pas être un jour amoureuse d'une autre personne.

J'aurais très bien pu lui cacher mon amour pour toujours, j'aurais pu rigoler avec lui de la tenue de Fiona, j'aurais même pu lui donner un petit coup dans le dos comme le ferait deux bons amis. Malhereusement je n'ai pas réussi à me taire.

- Dit moi Oscar tu te souviens de la molécule qu'on a étudié hier en chimie ?

Il était surpris que je lui parle de ça.

- L'ocytocine ?

Et oui l'ocytocine, cette fichue molécule qui parcourt mes neurones et qui me pousse à me comporter de façon irrationnelle. C'est elle qui m'a poussé à dire ça, c'est elle qui m'a poussé à le regarder droit dans les yeux pour lui dire ce que je ressens.

- Ouais, aussi appelée la molécule de l'amour. Elle permet aux humains de tomber amoureux et influe sur leurs comportements. C'est une drogue, comme toutes les molécules qui se terminent en "ine" d'ailleurs.

Oscar me regardait perplexe. Je voyais bien qu'il ne comprenait pas ce que je tentais de lui dire.

- Ecoute Oscar, quand je suis avec toi je suis completement sous l'influence de l'ocytocine. Je suis amoureuse de toi si tu préfères. Je n'arrive plus à faire semblant, je ne veux plus être juste ton amie. Je veux que tu saches que quel que soit ta réponse à ce que je viens de te dire, je l'accepterai.

J'étais rouge pivoine, mais j'étais surtout soulagée d'avoir avoué ce qui me torturait, mais Oscar lui en revanche était blanc comme un linge. Cela se voyait qu'il n'était pas bien du tout. Mais le plus terrible était qu'il ne disait rien. Ce silence était pesant, lourd, gênant. Visiblement Oscar ne savait pas quoi répondre.

- Manon... Je suis flatté qu'une fille comme toi s'intérresse à un idiot comme moi...mais...pour moi tu es mon amie, et je ne veux pas te mentir en te fesant croire des choses. Je suis désolé mais je ne suis pas amoureux de toi.

Mon soulagement passé laissa place à une vive douleur dans la poitrine. J'avais envie de vomir, de pleurer, et même de me gifler. Putain mais à quoi je pensais ? Je suis vraiment trop conne. Il me voyait comme son amie, il m'a toujours vu ainsi. Mes yeux ont commencés à s'humidifier, Oscar semblait paniqué.

- Manon non je t'en prie ne pleur pas. Je suis tellement désolé si tu savais.

Cette fois mes larmes coulaient pour de bon. Oscar me prit alors dans ses bras. Il devait se sentir coupable de ne pas m'aimer comme je l'aimais. Pourtant il n'avait pas à se sentir coupable, ce n'était pas de sa faute si j'étais bêtement tomber amoureuse.

- Je ne veux pas que tu sois triste. Je ne savais pas que tu souffrais. Même si je ne peux pas te donner ce que tu voudrais, je veux que tu saches que je ne veux pas perdre mon amitiée avec toi. Tu es une personne qui m'est chère, et je tiens énormement à toi.

Il me serrait plus fort à chaque phrase, Oscar voulait me réconforter en me prometant une amitiée indéfectible, pourtant chaqu'une de ses promèses d'amitiées étaient un coup de poignard dans le coeur. Malgré tout je séchais mes larmes et me détacha de lui. Je suppose que c'était trop présomptueux de penser qu'un garçon pouvait m'aimer, moi Manon, la fille ennuyante à en mourir.

- Ah ah merci Oscar. Viens allons en cours, les grilles vont s'ouvrir. Et merci d'avoir été honnête avec moi, ça montre que tu n'es pas un enfoiré.

Je me forçais à rire, mais mon masque d'euphorie ne trompait pas Oscar.

- Manon tu es sur que ça va aller aujourd'hui ?

J'ochais la tête en guise de réponse. Nous nous sommes donc levés du banc pour aller en cours. La matinée s'était déroulée comme d'habitude, bien sur je restais avec Oscar comme si de rien n'était. Lors de la cantine cependant, Lucie, une très bonne camarade de classe à nous décida de manger avec nous. C'était une fille adorable et assez drole. Je ne pouvais m'empêcher de voir les sourires d'Oscar, ainsi que son regard. C'était exactement les mêmes que les miens. C'est à ce moment que je compris. C'était Lucie. Ca avait toujours été Lucie.

Pour être sincère, je ne vouviens même plus du reste de la journée. Je sais juste que je suis rentrée dans mon appartement sombre et sale. Mon père dormait encore sur le canapé une bouteille à la main. Je me suis réfugiée dans ma chambre, puis me suis laissée tomber sur mon lit.

Je me deteste, je deteste ma vie, mais par-dessus tout je deteste cette putain d'ocytocine qui me fait tant mal. Je me demande quand cette drogue cessera de faire effet sur mon cerveau. Finalement aucun humain sur terre n'est libre, car nous sommes tous soumis à nos émotions, et donc aux différentes réactions chimiques qui se produisent en nous.

Mon seul souhait à présent, est de ne pas me réveiller pour aller au lycée demain, car se rendre en cours c'est la certitude de voir Oscar.

Fin.

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