Gerboise avec un petit h : départ pour l'Algérie

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Comme il n’était pas question de faire péter Gerboise en plein Paris, ni même en proche banlieue, le général avait décidé d’aller faire joujou avec sa bombinette en Algérie.

Comme vous ne l’ignorez pas, alors qu’on est en 1958 (dans cette histoire, hein, on est d’accord que nous on est en 2021), c’est un peu le merdier en Algérie depuis quelques années. Il va même y avoir bientôt un putsch de généraux à Alger. Vous vous souvenez « un quarteron de généraux en retraite », comme dira plus tard « mon général ».

Bref, ce qu’on ne sait pas (ou alors c’est dans des livres d’histoire que je n’ai pas lus), c’est qu’il y a eu un accord secret entre la France et le FLN pour que les essais de bombe française puissent se tenir dans le désert algérien. Et tenez-vous bien, ils se sont poursuivis jusqu’en 1967, bien après l’indépendance de l’Algérie (en 1962 bande d’ignares, les accords d’Evian, signés le 18 mars 1962... Un petit peu d’histoire avec un grand H de temps en temps). En fait, cette autorisation d’utiliser le désert de Reggane durant les cinq années suivant la signature de ces accords était incluse dedans (dans les accords).

Comme le disait Paul Valéry : La guerre, c'est le massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent et ne se massacrent pas. Tout ça pour vous parler de cet accord secret entre la France et le FLN. C’est J C-D (toujours cette fameuse protection de l’anonymat) lui-même qui a été négocier avec le FLN (là, anonymat total, je ne sais même pas qui c’était, cet interlocuteur du FLN) :

  • Oui, on va aller tester notre bombe dans le désert…
  • Chez nous ?
  • Enfin, pour le moment, c’est encore chez nous, ne l’oubliez pas.
  • Oui, mais ça va bientôt être chez nous
  • Je vous l’accorde (il semble que la base des accords d’Evian soit là… d’après…)
  • Bien, si nous sommes d’accord pour dire que ce sera bientôt chez nous, on veut bien que vous alliez faire péter votre bombe à Reggane.
  • Et ben voilà, entre gens intelligents on peut toujours s’entendre.
  • En plus, je ne devrais peut-être pas vous le dire, mais dans le Sahara, il n’y a que des bédouins.
  • Et ?
  • Eh bien, ce sont des nomades.
  • Et donc ?
  • Eh bien, ils n’auront qu’à aller « nomadiser » ailleurs, dit l'autre en riant fort.
  • Vous savez que vous avez le même humour que le Général ?
  • Quel général ?
  • LE Général, enfin, le seul, l’unique !
  • Ah vraiment ? Comme vous le disiez, entre gens intelligents….

Il a donc fallu tout transporter. Tout emballer d’abord. Tout mettre dans des caisses. Trouver des camions, des bateaux et puis encore des camions. Et puis un tel convoi, chargé de tout le plutonium que possédait la France, ne circule pas sur l’autoroute.

D’abord, le plutonium, c’est très lourd (quasiment 20 kg pour un litre). En plus, c’est radioactif. Le seul moyen de limiter les rayonnements autour du chargement, c’est de l’entourer de plomb. Et le plomb, c’est aussi très lourd (11,2 kg par litre).

C’est pour ça qu’on a vu, non pas un mais plusieurs camions (une véritable noria) faire la navette entre Marcoule, lieu de la séparation du plutonium du combustible nucléaire usé, et Reggane, lieu de l’explosion.

Au cours de l’année 1959, les français en charge de Gerboise bleue, se sont rendus aux Etats Unis pour discuter avec leurs homologues américains. Quand ils leur ont raconté ce qu'ils avaient prévu, les américains se sont écriés :

  • Crazy french, vous allez tout faire péter avec ce que vous avez preview !
  • Vraiment, mais on sera dans le désert…
  • Yes, in the desert (with a horse with no name… non, ça c’est beaucoup plus tard, je m’emporte, je m’emporte...) Mais une fois que tout sera contaminated, vous ferez comment ?
  • Bah, au pire on ira ailleurs
  • No, no, ça va être impossible à gérer. Believe me, guys, ce qu’on a fait à Almagagordo en juillet 45, on s’en rappelle encore. Et on n’avait mis même pas le dixième de ce que vous prevoyez. Un trou de 3 meters deepth et three hundred meters wide. On a vite rebouché le trou, mais tout était contaminated there. L’accès est forbidden pour des dizaines d’années

Les français se sont regardés, se sont gratté la tête, jusqu’à ce qu’il y en ait un qui trouve la solution :

  • Ok, on va diminuer la quantité de plutonium pour gerboise bleue !
  • Mais on fera quoi du reste ?
  • Et ben on fera une autre bombe ?
  • Une autre bombe ?
  • Oui, une Gerboise d’une autre couleur. On dira qu’on a besoin d’un autre essai pour vérifier des trucs…
  • Oh ouiiii, du coup on fera péter deux bombes !
  • Ça, c’est super !!
  • Chouette !
  • Thanks a lot guys for the informations, dirent-ils aux américains, très heureux de leur visite.

Les Français étaient ravis… Ils allaient aller au spectacle deux fois !

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