Véronique avec un petit h : déménagement vers le sud

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Discussion entre les deux responsables du projet Véronique à Suippes, début décembre 1951

  • Franchement j’ai le cafard là, tu as vu ce temps de merde ? Certes, c’est vert, mais putain, ça caille et il pleut tout le temps
  • Tu exagères... Tout le temps, regarde, la semaine dernière, il y a eu un jour sans pluie
  • Tu t’en souviens, toi ? Moi je ne m’en suis même pas aperçu
  • Remarque, c’est normal, tu étais à Paris en train de rendre des comptes au Ministère
  • Ah, tu vois, je n’ai donc pas vu ce fameux jour sans pluie à Suippes
  • Tu ne m’as pas dit comment ça s’est passé avec le Ministre ?
  • Avec Louvel ? Ma foi, pas pire qu’avec son prédécesseur et sans doute que ça ne sera pas mieux avec son successeur
  • On parle déjà de changer de gouvernement ?
  • Oui, ça se dit dans les couloirs du Ministère de l’Industrie et de l’Energie
  • Mais Pleven n’est président du conseil que depuis cet été ?
  • Oui, je sais, mais que veux-tu, ça m’étonnerai qu’il aille plus loin que les fêtes de fin d’année
  • Eh ben… quelle valse
  • Remarque, maintenant qu’on en parle…
  • Oui ?
  • Est-ce que ça ne serait pas l’occasion rêvée pour qu’on organise un déménagement vers le Sud ?
  • Décidément, c’est une obsession, Robert
  • C’est pas tant pour moi, dans notre labo, qu’il pleuve ou pas, je m’en fous un peu. Même si pour les lancements, quand il fait beau, c’est quand même autre chose, Non, c’est pour Maryse, ma femme, elle déprime vraiment ici. Et puis il me semble qu’elle a de la famille ou des amis vers Montpellier, dans l’Hérault.
  • On irait jusque là-bas ? Mais moi, je suis du coin, tu t’en souviens ? Je suis né à Amiens et tout ma famille est dans un rayon de 50 km autour de Suippes
  • Je sais, Jean-Paul, mais tu verras, tu te plairas dans le Sud, crois-moi

Jouant son va-tout, et avec comme argument la fin probable du gouvernement Pleven (un peu spécieux, mais bon, l’important c’est que le but soit atteint, non ?) Robert va voir son ministre :

  • Ah, Robert, quel bon vent vous amène ? Vous savez que nous allons sans doute bientôt sauter ?
  • Oh Monsieur le ministre, quelle tristesse…
  • Oui, nous faisions du bon travail ensemble. Alors, comment va Véronique ?
  • C’est ce dont je voulais vous parler, Monsieur le Ministre…
  • Je vous écoute
  • Voilà, j’ai le projet de faire déménager Véronique dans le sud. Il me semble qu’il y a un terrain militaire vers Montpellier, au Cardonnet exactement, qui serait parfait...
  • Et pourquoi donc déménager dans le Sud ? Vous n’êtes pas bien dans la Marne ?
  • Comment dire, avec le temps qu’il fait, nous pouvons faire un tir tous les 15 jours maximum, voire des fois moins.
  • Certes, mais avez-vous assez de fusées pour en faire plus ?
  • Presque Monsieur le Ministre, nous y travaillons…
  • Eh bien revenez me voir quand ce sera le cas… Autre chose, Robert ?
  • Oui, Monsieur le Ministre, en fait à Suippes…
  • Oui ?
  • À Suippes, nous n’avons pas les industriels nécessaires au développement de notre fusée, en particulier concernant le filoguidage
  • Mais qu’est-ce donc que ce filoguidage ?
  • C’est le fait de piloter la fusée en lui envoyant des commandes par des fils
  • Oh... et actuellement, vous la guidez comment ?
  • On ne la guide pas… elle part on ne sait où et elle atterrit pareil… on ne sait où.
  • Embêtant ça... Vous pensez que le filoguidage sera la solution ?
  • Oui Monsieur le Ministre
  • Alors banco, vous partez au … Carret, c’est bien ça ?
  • Au Cardonnet, Monsieur le Ministre.
  • Oui, c’est pareil.. Bon vous pouvez d’organiser le déménagement, je donne les ordres pour qu’on vous alloue le budget nécessaire. Je vais voir aussi avec mon collègue de la défense, mon ami Bidault, pour qu’il libère un bout de terrain pour que vous puissiez jouer avec vos fusées.
  • Merci Monsieur le Ministre
  • Vous avez bien fait de venir me voir maintenant, Dieu seul sait combien de temps nous allons rester ici. Et il fallait se décider maintenant, plus tard, ça aurait été beaucoup plus tard…

Et donc entre le Noël 51 et le nouvel an 52, tout le projet Véronique a fait ses valises et s’est retrouvé sur la route du Sud. Robert et son épouse ont pu fêter la nouvelle année dans une petite maison proche du terrain militaire du Cardonnet, au milieu de la garrigue.


Son collègue, un peu moins heureux d’avoir quitté la Marne ne tarda pas à s’y faire. Robert avait eu le nez fin, le 7 janvier 1952, le gouvernement Pleven tomba, remplacé fin janvier par le gouvernement Edgar Faure. Louvel avait été maintenu à sa place. Qu’importe, on avait maintenant Véronique dans l’Hérault, au soleil, au milieu des cigales !

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